samedi 2 mai 2020

Une source majeure sur la "librairie" des XIXe et XXe siècles

Notre collègue et amie Madame Christine Haug, professeur d’histoire du livre et directrice du «Centre pour la science du livre» de l’Université Ludwig-Maximilan de Munich (LMU) (voir ici), nous transmet une nouvelle importante concernant la mise en ligne de sources massives sur la période contemporaine (XIXe et XXe siècles): il s’agit de la Börsenblatt für den deutschen Buchhandel (littéralement: Feuille boursière pour la librairie allemande), qui est, depuis sa fondation en 1834, le principal périodique professionnel de la branche.
Le titre, publié en grand format, est quotidien, et son contenu se subdivise en trois parties: 1) Partie officielle: activités du Börsenverein, événements intéressant la branche, nouvelles publications. 2) Varia (Nicht-amtlicher Teil): articles (sur l’économie de la branche, etc.) et communications ponctuelles, y compris à caractère personnel. 3) Annonces (Anzeigeblatt): faillites, cessions de fonds, associations, publicités de nouveautés, etc. La richesse de cette collection est infinie et, si elle intéresse évidemment au premier chef l’histoire de la «librairie allemande», elle touche aussi aux autres géographies: en témoigne, à titre d'exemple, la notice nécrologique concernant Marie Pellechet, insérée dans la partie de Varia du n° 293, en date du mardi 18 décembre 1900, p. 10144 (!) (voir le cliché).
Nous publions ci-après la traduction légèrement adaptée du courriel de Madame Haug, en y ajoutant quelques notes pour le public moins familier des institutions de la recherche et de l’enseignement supérieur en Allemagne. Le fait que la numérisation de la Börsenblatt ait été faite en mode texte et la commodité des modes d’interrogation prévus par le site facilitent considérablement la recherche. 

Börsenblatt Digital (1834-1945)
Coopération avec la SLUB (Sächsische Landes, Staats und Universitätsbibliothek) de Dresde, la Bibliothèque nationale allemande de Leipzig et le Centre pour la science du livre» (LMU Munich)
Les premières réflexions sur la numérisation, l'indexation et éventuellement la fusion virtuelle des revues professionnelles des libraires de l'espace germanophone depuis leurs origines jusqu'en 1945 ont débuté dans les années 2005. À la suite de sa nomination à la chaire de «Sciences du livre» à la LMU de Munich en 2006, Christine Haug a déposé une demande auprès de la DFG (1) pour la numérisation de ces revues. Pourtant, il est vite apparu que la numérisation et l'identification OCR, en particulier pour le caractère Fraktur (le gothique allemand), étaient loin d'être pleinement développées, tandis que beaucoup de volumes de ces revues se trouvaient être déjà numérisés par leurs bibliothèques de conservation.
Des volumes de la Börsenblatt se trouvaient être déjà disponibles dans le cadre du projet de numérisation de Google, en coopération avec la Bibliothèque d'État de Bavière à Munich (BSB). À Vienne, la Bibliothèque nationale d'Autriche (ÖNB) mettait déjà à la disposition de ses utilisateurs les revues professionnelles autrichiennes, par le biais du site de la Bibliothèque.
Étape par étape et après de nombreuses discussions, il est apparu qu'il serait plus judicieux de se concentrer sur la revue professionnelle la plus importante pour la «librairie allemande», et donc de numériser la Börsenblatt für den Deutschen Buchhandel depuis sa fondation (1834) jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945) pour en mettre librement les fichiers à la disposition des utilisateurs.
Le succès de ce grand projet a été rendu possible grâce à la participation de nombreux acteurs et grâce à des soutiens décisif. L'ancienne directrice générale de la Bibliothèque nationale allemande, le Dr Elisabeth Niggemann, a déposé une édition imprimée complète (double) du périodique, dans un exemplaire qui a pu être démonté en vue de faciliter le travail. Les premières discussions avec les entreprises concernées, dont Valentin Krämer (Gauting), ont rapidement montré qu'il s'agissait d'un projet de numérisation très exigeant, à cause du format de la revue, de la combinaison de gothique et de romain (Antiqua) sur une même page, ou encore de l’insertion de publicités, parfois avec, parfois sans encadrement.
Des informations précieuses ont été fournies par la Bibliothèque de l'État de Bavière (BSB, Munich) et par la Bibliothèque universitaire de Francfort-sur-le-Main (notamment grâce au Dr Heiner Schnelling). La Commission historique du Börsenverein für den Deutschen Buchhandel (2) a financé un petit projet pilote, dont les résultats ont été évalués par le Deutsches Buch- und Schriftmuseum de Leipzig (3). Il s'en est suivi plusieurs entretiens exploratoires avec différentes bibliothèques universitaires et publiques éventuellement intéressées à participer au projet. Klaus Gerhard Saur (alors président de la Commission historique de l'Association allemande des éditeurs et des libraires) a soutenu tous ces efforts et a puissamment aidé à la recherche de partenaires.
Johannes Ulrich Schneider, directeur de la Bibliothèque universitaire de Leipzig (dont le bâtiment central est celui de la Bibliotheca Albertina) (4), a proposé d'investir dans ce projet les fonds dégagés par l'État de Saxe (Freiland Sachsen) dans le cadre de son programme de numérisation pour la science et la culture: une idée parfaitement fondée, puisque, historiquement, la Börsenblatt für den Deutschen Buchhandel a été créée et publiée à Leipzig...
Il a été décidé que la SLUB de Dresde constituait l’institution la mieux à même d’assurer la numérisation de la revue, soit environ un million de pages. Le travail a été rendu aussi possible grâce à l’aide du Musée allemand du livre et de l’écrit, dont le personnel a notamment aidé à combler les lacunes de la revue dans l’exemplaire de Dresde, et il a bénéficié de la participation active d’étudiants de l’Université de Dresde (TU Dresden). En définitive, c'est grâce au Dr Achim Bonte, actuel directeur général de la SLUB et membre de la Commission historique de l'Association allemande des éditeurs et libraires, et à son équipe très engagée, que le Börsenblatt Digital est disponible depuis la mi-avril 2020, après un travail qui a duré un peu plus de trois ans: https://www.boersenblatt-digital.de
Le Centre pour la science du livre (histoire du livre, industrie de l'édition, médias numériques), en étroite collaboration avec le Musée allemand de l’écrit et du livre, continuera à travailler sur cette mine presque inépuisable d’informations, à l'explorer en profondeur et à proposer de nouveaux projets. Mais tous ceux qui étaient habitués à travailler avec l'édition sur microfiches de la Börsenblatt (à l'époque déjà une révolution «médiatique» disponible grâce aux éditions K. G. Saur !) apprécieront d'entrée les fonctions de recherche de la Börsenblatt numérisée.
C'est un grand plaisir pour nous tous que de pouvoir vous inviter à consulter dès aujourd’hui le site Börsenblatt Digital! Et encore une fois, merci à tous les sponsors, à ceux qui nous ont soutenus, et à ceux qui nous aidées de leurs conseils!
Et merci à Madame Haug pour son initiative et pour sa très importante communication ! À bientôt, à se revoir à Munich!

Notes
(1) DFG = Deutsche Forschungsgemeinschaft, organisme principal pour le financement de la recherche en Allemagne.
(2) Association des libraires allemands, correspondant peu ou prou au Cercle de la librairie en France.
(3) Musée allemand du livre et de l’écrit, intégré à la Bibliothèque nationale allemande de Leipzig (son site ici: https://www.dnb.de/DE/Ueber-uns/DBSM/dbsm_node.html).
(4) Il est possible de télécharger une brochure, brève mais très révélatrice, sur les collections de l'Albertina de Leipzig. À titre personnel, nous sommes allés à Leipzig pour la première fois en nov-déc. 1985, et nous n'aurions jamais imaginé que la sorte de cour, abandonnée et en partie effondrée qui semblait se nicher à l'intérieur de la Bibliothèque était en réalité l'ancien hall de l'escalier principal... (voir les deux clichés de la brochure, p. 12).

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