vendredi 30 mars 2012

Conférences d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 2 avril 2012

14h-16h
La Méditerranée, «machine à faire des bibliothèques»?
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille,
chargée de conférences à l’EPHE

La Méditerranée est-elle une «machine à faire des bibliothèques» comme elle l’est, selon la formule de Paul Valéry, «à faire de la civilisation»? Dans quelle mesure son espace est-il une échelle pertinente pour écrire une histoire des bibliothèques qui soit, indissociablement, celles des pratiques du travail savant, des enjeux de pouvoir liés à la maîtrise de l’écrit et des savoirs, du statut du livre dans la construction des identités collectives?
 
16h-18h
Le décor des bibliothèques aux XVe et XVIe siècles. La Bibliothèque Vaticane
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

jeudi 29 mars 2012

Une exposition à Rome

À l’occasion du quatrième centenaire de leur fondation, les Archives Vaticanes présentent du 29 février au 9 septembre 2012 une exposition absolument exceptionnelle, et qui intéressera entre autres l’historien du livre et de l’écrit.
Les Archives ont en effet été fondées par Paul V en 1612, soit à une époque où, après le concile de Trente, la papauté est très activement engagée dans une politique de reconquête catholique face à la Réforme, politique qui doit s’accompagner de l’actualisation de la doctrine de l’Église par rapport à la modernité et au mouvement des idées. Parallèlement, l’administration romaine est restructurée, avec notamment la mise en place des Congrégations (qui peuvent être assimilées à des ministères) sous le règne de Sixte-Quint. La création des Archives s’inscrit dans cette perspective de rationalisation administrative.

Pour ceux qui n’auront pas la chance de pouvoir visiter l’exposition à Rome (au Musée du Capitole), un remarquable catalogue a été édité: Lux in arcana. L’Archivio Segreto Vaticano si rivela. IV Centenario dalla fondazione dell’Archivio Segreto Vaticano, Roma, Palombi & Partner, 2012. ISBN 978-88-6060-392-0
Il s’agit de la présentation commentée de plusieurs dizaines de documents, la plupart d’importance exceptionnelle, mais qui sont restés pratiquement inaccessibles des siècles durant.

Sommaire
Introduzione
Nel Palazzo dei Conservatori (Dans le Palais des conservateurs)
Il custode della memoria (Le gardien de la mémoire). On remarque dans cette section la bulle «Inter cetera», de 1493, par laquelle Alexandre VI donne les terres nouvellement découvertes ou à découvrir au roi d’Espagne, mais aussi les actes du procès de Galilée ou encore l’Édit de Worms contre Luther (1521).
Tiara e corona (Tiare et couronne). Les archivistes et les historiens du Moyen Âge seront particulièrement intéressés par la «Fausse donation de Constantin» (754), sur laquelle est censé se fonder le pouvoir temporel de la papauté, mais dont l’authenticité a été mise en cause dès le XVe siècle: Nicolas de Cuse pensait que le document était un faux, ce que Lorenzo Valla a démontré. D’autres pièces illustrent les rapports de la papauté et des puissances temporelles, parmi lesquelles, pour ce qui regarde la France, l’original du Concordat de 1801 (mais aussi la reddition des troupes pontificales en 1870, et les Accords du Latran de 1929).
Nel segreto del conclave (Dans le secret du conclave): différentes pièces remarquables sur le lieu du secret par excellence, les conclaves.
Sante, regine e cortigiane (Saintes, reines et courtisanes), dont une lettre de Lucrèce Borgia à son père, le pape Alexandre VI...
La riflessione e il dialogo (La réflexion et le dialogue), dont des pièces relatives au rapprochement des Églises, ou encore à l’organisation des conciles de Trente et de Vatican II.
Eretici, crociati e cavalieri (Hérétiques, croisés et chevaliers): parmi d'autres documents, la bulle «Decet Romanum Pontificem» par laquelle Léon X excommunie Luther (1521); des pièces relatives à Giordano Bruno; la lettre de Jean Sobieski annonçant à Innocent XI la levée du siège de Vienne par les Turcs (1683); ou encore le dossier du procès des Templiers en France.
L’oro e l’inchiostro (L’or et l’encre): Bartolomeo Platina, premier bibliothèque de la nouvelle Bibliothèque pontificale, achève en 1480 le Liber privilegiorum Romanae Ecclesiae, dans lequel sont copiés plus de 400 documents relatifs aux droits de l’Église (cliché ci-dessus).
Scienziati, filosofi e inventori (Scientifiques, philosophes et inventeurs). Cette section intéresse l’histoire des idées, avec des documents concernant Copernic, Érasme ou encore Voltaire.
Nel Palazzo Clementino Caffarelli (Au Palais Clementino Caffarelli).
I segni del potere (Les signes du pouvoir), ou une sigillographie spectaculaire.
Il «periodo chiuso» (La «période de fermeture»): pièces relatives aux événements de la Seconde Guerre mondiale.
Compléments : Profili biografici, Glossario, Bibliografia, Referenze iconografiche, etc.

mercredi 28 mars 2012

Projet de colloque d'histoire du livre

COLLOQUE INTERNATIONAL
«LES SACRES DES ROIS DE FRANCE À REIMS & LA CULTURE DU LIVRE»
Reims, Bibliothèque Carnegie
15-16 novembre 2012

organisé par le CIRLEP et le CRIMEL
Université de Reims Champagne Ardenne

Le sacre des rois de France constitue un événement politique et symbolique majeur dans la société d’Ancien Régime. Il a fait jusqu’ici l’objet d’approches principalement historiques. L’objet de ce colloque n’est pas s’interroger sur le déroulement et le rituel de cet événement, mais de faire le point sur sa diffusion par les «médias» à l’époque de la monarchie. Sa perspective se veut interdisciplinaire, pour envisager, dans une chronologie large, l’évolution des formes et des enjeux de la place du sacre dans les représentations culturelles. Il vise à en étudier les mises en textes et en images, mais aussi les mises en livre, en prenant en compte les différents vecteurs de diffusion l’événement: livres imprimés, périodiques, manuscrits. Les communications pourront bien sûr porter sur les différents livres de sacres, qui font souvent une large place à l’image, mais aussi sur la production poétique suscitée par ces événements, comme sur les formes populaires de diffusion et sur la place que lui accordent les périodiques de l’époque. La place du sacre dans le discours politique ou polémique pourra aussi être étudiée. On s’interrogera enfin sur les réseaux de diffusion et les échos de l’événement dans les pays européens. Il s’agira donc d’étudier la constitution et la diffusion d’un large corpus textuel et iconographique, du Moyen-Âge au XIXe siècle, dans une perspective associant histoire des idées, histoire du livre et histoire des représentations.
Un fonds important de documents imprimés et manuscrits, concernant les sacres de rois à la cathédrale de Reims est conservé à la Bibliothèque Carnegie. Il est en cours numérisation. Ce colloque s’inscrit donc dans la politique scientifique d’étude et de valorisation des patrimoines textuels et iconographiques champenois.

Les propositions de communication (une page) sont à envoyer avant le 30 mai 2012 à Helga Meise (helga-maria.meise@univ-reims.fr) et à Jean-Louis Haquette (jean-louis.haquette@univ-reims.fr).
La durée des interventions est fixée à 30 minutes. Si elles sont proposées en langue étrangère, elles seront accompagnées d’un résumé en français.
Un catalogue des livres et des manuscrits liés aux sacres et conservés à la Bibliothèque Carnegie peut être obtenue auprès des organisateurs (cliché: Bibliothèque Carnegie: détail architectural. Cliché FB).
(Communiqué par les organisateurs).

dimanche 25 mars 2012

Conférence d'histoire du livre


École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 26 mars 2012
16h-18h
L'aménagement et le mobilier des bibliothèques

le "grand siècle" des bibliothèques (fin)

par

Monsieur Frédéric Barbier, 
directeur d'études
Salle de lecture de la bibliothèque Mazarine, Paris
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

vendredi 23 mars 2012

Innovation de produit et médiatisation

Au XVe siècle, l’innovation de produit se développe sous différentes formes dans le domaine de l'imprimé, dont nous retiendrons les trois principales:
1) D’une part, on commence à publier en langue vernaculaire, pour la première fois en Allemagne chez Albrecht Pfister à Bamberg à partir de 1461.
2) Second point: on publie des textes illustrés, et la corrélation édition illustrée / édition en langue vernaculaire semble positive (les imprimés en langue vernaculaire seraient plus souvent illustrés, et les premiers imprimés en langue vernaculaire sont précisément les premiers imprimés à être illustrés).
3) Enfin, l’innovation porte sur les contenus: des textes nouveaux (d’auteurs contemporains), des traductions (par exemple, le Voyage en Terre sainte, Peregrinatio in Terram Sanctam, de Breydenbach), des inédits (autrement dit, des textes existant en manuscrit et non encore édités). Les contenus textuels seront en outre enrichis par des éléments paratextuels, dont les pages de titre, les pièces liminaires, les tables, à terme aussi les index, etc. Rappelons d'ailleurs que l'illustration peut aussi être considérée comme un élément paratextuel.
Or, le Narrenschiff correspond exactement à ce modèle: l’ouvrage a été rédigé et publié pour la première fois, en langue vernaculaire (en allemand), à Bâle en 1494, bien que son auteur, Sebastian Brant, appartienne au monde des clercs.
Né à Strasbourg, Brant est en effet un ancien étudiant de Bâle, où il passe le doctorat utriusque juris avant de devenir professeur. Rien de plus étonnant pour les contemporains que de voir ce clerc, professeur d’université, publier un texte en langue vernaculaire, et non pas dans la langue des clercs, le latin. Le Narrenschiff est un texte de morale proposant, à travers la théorie des fous, un tableau de la condition humaine avec l’objectif d’amender celle-ci et de permettre à chacun de s’approcher autant que possible du salut. Rien de plus étonnant, et même de plus scandaleux, que de voir le clerc se mettre en scène lui-même en tête de la compagnie des fous, en la personne du célèbre bibliomane, le fou qui est entouré de livres mais qui se contente de les épousseter parce qu’il ne comprend rien à ce qu’ils contiennent (cliché 1).
Le fou bibliomane
Le deuxième argument est celui de l’illustration. Le texte du Narrrenschff est en vers et se subdivise en chapitres successifs, relativement courts, et dont chacun est introduit par le même dispositif: une analyse, puis un bois gravé, suivi du titre du chapitre (en plus gros corps) et, enfin, du texte lui-même. L’illustration est donc abondante, et de très bonne qualité: on sait d’ailleurs que le jeune Dürer y a collaboré alors qu’il séjournait à Bâle, mais aussi le «Maître de Haintz Nar», autre artiste de premier plan (cliché 2). La première édition (allemande) compte 114 gravures, dont 5 reprises (donc 109 différentes), ce qui correspond évidemment à un investissement très important.
Les chapitres commencent le plus souvent au verso d’une page. Chaque page est encadrée de deux bandeaux de bois gravés (cliché 1). Le texte est donné en typographie gothique (le Fraktur), et compte 30 lignes à la page. Les chapitres ont donc toujours à peu près le même nombre de vers, et le texte est conçu et rédigé en fonction de la forme du volume imprimé.
La répétitivité du dispositif démontre un point décisif, traité lors du colloque du Mans sur L’auteur et l’imprimeur: Brant a rédigé le Narrenschiff en fonction du dispositif du livre imprimé (la « mise en livre », pour reprendre la formule d’Henri-Jean Martin), et de la présence des éléments d’illustration et de décoration spécifiques. Il s’est représenté son texte de la manière la plus matérielle, comme devant être un texte illustré et disposé sur deux pages en vis-à-vis (c’est le dispositif que nous avons décrit comme celui de la pagina).
Le "Maître de Haintz Narr" met en scène le vieux "fou Haintz" qui, malgré son âge, ne se résigne pas à descendre dans la tombe (il descend à reculons). À droite, un thème proche est traité dans un autre chapitre: la mort rattrape le fou qui cherche à s'éloigner, en lui disant "du blibst" (toi, tu restes avec moi). Nous sommes dans l'inspiration des danses macabres fréquentes au XVe siècle, et dont on connaît des exemples de fresques à Strasbourg (chez les Dominicains) comme à Bâle. La légende est reprise d'une des traductions en français, par Jean Drouyn.
En relations constantes avec le libraire (Johann Bergmann, de Olpe), lequel est peut-être l’imprimeur, il apparaît ainsi comme un auteur très attentif à utiliser toutes les possibilités qui lui sont offertes par le média nouveau de la typographie. Quant au Narrenschiff, il ne s’agit pas d’un texte en soi, mais bien d’un texte qui est conçu a priori en fonction d’une mise en livre bien déterminée, et dans une forme matérielle très précise. Visant à toucher le plus grand nombre de lecteurs possible, il est un objet exceptionnel et profondément novateur, en ce qu’il manifeste la prise en compte en toute connaissance de cause par les professionnels –l’auteur et le libraire Johann Bergmann de Olpe– du processus de médiatisation désormais induit par la typographie en caractères mobiles.

mardi 20 mars 2012

Colloque d'histoire du livre à Strasbourg

COLLOQUE INTERNATIONAL

STRASBOURG, VILLE DE L’IMPRIMERIE
L’ÉDITION PRINCEPS AUX XVe ET XVIe SIÈCLES
TEXTES ET IMAGES: TRADITION ET INNOVATIONS

Strasbourg, 23 et 24 mars 2012
Bibliothèque nationale universitaire – Salle du Conseil
5 rue Joffre, 67000 Strasbourg
(tramway: lignes C-D-E, arrêt: République)

À Strasbourg et dans ses environs, marqués par Gutenberg, l’humanisme et la tradition rhénane, l’imprimerie est florissante à la fin du XVe et au XVIe siècle. Les éditions de textes, d’images et de cartes se multiplient, dans la ville-même ainsi qu’à Sélestat, Haguenau, Saint-Dié, avec lesquelles les échanges sont multiples.
Pourquoi et comment entreprend-on de publier une édition princeps aux XVe et XVIe siècles? Quelle est la nature de celles produites à Strasbourg et dans ses environs, ou actuellement conservées dans ses fonds patrimoniaux? Quel rapport entretiennent-elles avec la tradition et à quelles innovations épistémologiques et techniques recourent-elles, à la Renaissance comme au XXIe siècle qui les diffuse?
Ce Colloque international a pour ambition de faire dialoguer des chercheurs de différentes disciplines et des professionnels représentant les grandes bibliothèques d’Alsace ainsi que le monde de l’édition humaniste en France et en Europe, pour approfondir ces questions qui éclairent notre histoire, participent de notre patrimoine intellectuel et artistique en même temps qu’elles touchent à la technologie de pointe.
Le Colloque s’articulera autour de cinq grands axes : le premier inscrit l’édition princeps dans une perspective historique, celle du passage du manuscrit à l’imprimé, à Strasbourg en particulier, et ébauche un état des lieux des incunables et des éditions princeps du XVIe siècle qui y sont actuellement conservés. Le second axe se penche sur les éditions innovantes du début du XVIe siècle, qui rendent compte de la modernité dans tous les domaines. Le troisième, « éditer les anciens et les contemporains », questionne les choix éditoriaux et leurs modalités à la fin du XVe siècle et au XVIe, les relations auteur-éditeur-imprimeur-public. Le quatrième axe, « éditer en conscience », interroge les difficultés d’ordre politique ou religieux auxquelles a pu se trouver confrontée l’édition humaniste. Le cinquième présente les politiques éditoriales et les moyens de diffusion des textes de la Renaissance au XXIe siècle, de l’édition papier à l’édition numérique.

Organisation : Edith Karagiannis-Mazeaud – edithkar@free.fr
Colloque organisé dans le cadre de l’EA 1337 - Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, avec le concours de la BNU


VENDREDI 23 MARS
MATIN
9h00: Accueil des Participants
9h15: Ouverture du colloque/Allocutions

1. STRASBOURG, DES INCUNABLES AUX ÉDITIONS PRINCEPS DU DÉBUT DU XVIe SIÈCLE
Présidence: Albert POIROT (Administrateur de la BNU)
9h30 Georges BISCHOFF (Université de Strasbourg:
«Strasbourg, Gutenberg et Jeanne d’Arc»
9h50 Laurent NAAS (Bibliothèque humaniste de Sélestat):
«L’œuvre imprimé de Jean Mentel»
10h10 Frédéric BARBIER (CNRS-EPHE/ENS Ulm):
«Mise en livre du Narrenschiff, entre la fin du XVe et les premières décennies du XVIe siècle»
10h30 Discussion et Pause

Présidence: Georges BISCHOFF (Université de Strasbourg)
11h15 Agathe BISCHOFF-MORALES (Médiathèque Malraux), Katarzyna BLAZEJEWSKA Université de Strasbourg):
« Beautés cachées sur la Route des Incunables. Le Fonds d’éditions princeps de la Ville de Strasbourg»
11h45 Thierry REVOL (Université de Strasbourg):
«Le Mystère des Actes des Apôtres. Du manuscrit aux premières éditions»
12h05 Discussion et Pause

APRÈS-MIDI
2. GRANDES DÉCOUVERTES, INNOVATIONS ET VIRTUOSITÉ TECHNIQUE
Présidence: Frédéric BARBIER (CNRS-EPHE/IHMC/ENS Ulm)
14h30 Benoît LARGER (Saint-Dié des Vosges, Société Philomatique Vosgienne):
«La carte planisphère 1507 de Martin Waldseemüller»
14h50 Olivier DELOIGNON (ESADS/EA ARCHE/ Université de Strasbourg):
«Un modèle de virtuosité typographique humaniste. Raban Maur, Louanges de la sainte croix, Pforzheim, Thomas Anshelm, 1503»
15h10 Alice KLEIN (Paris IV/Université de Strasbourg):
«Les représentations du corps dans l’ouvrage du chirurgien Hans von Gersdorff, Feldtbuch der Wundtartzney, 1517»
15h30 Discussion et pause

3. XVIe SIÈCLE: ÉDITER LES ANCIENS ET LES CONTEMPORAINS
Présidence: Frédéric BARBIER (CNRS-EPHE/ENS Ulm)
16h10 Gilles POLIZZI (Université de Haute-Alsace):
«Un exemple d'œuvre close: la princeps du Poliphile, Venise, Alde, 1499»
16h30 Daniel MÉNAGER (Université Paris-Ouest):
«L’édition princeps des Odes de Ronsard, chez Cavellat, en 1550»
16h50 Agnès REES (Université de Strasbourg):
Présentation: « L’édition princeps du premier recueil poétique de Du Bellay, en 1549»
17h00 Discussion et pause

Présidence: Max ENGAMMARE (FNRS- Editions Droz, Genève)
17h30 Raphaële MOUREN (ENSSIB-Université de Lyon):
«Éditer les classiques grecs et latins au XVIe siècle : un auteur, des auteurs»
17h50 Istvan MONOK (École des Hautes Études Eszterházy, Eger (EKF); Université de Szeged (SZTE):
«La seule édition princeps d'un texte classique en Transylvanie au XVIe siècle»
18h10 Discussion

SAMEDI 24 MARS
4. XVIe SIÈCLE: ÉDITER EN CONSCIENCE
Présidence: Béatrice GUION (Université de Strasbourg)
9h30 Élodie CUISSARD (Université de Strasbourg):
«L’édition de 1515 des Annales de Tacite»
9h50 James HIRSTEIN (Université de Strasbourg, Responsable du Projet Patrimoine humaniste du Rhin Supérieur):
«La publication d’une «édition princeps» controversée à l’époque de la Réforme: Beatus Rhenanus, Ulrich von Hutten et la « donation de Constantin» de Lorenzo Valla»
10h10 Max ENGAMMARE (FNRS, Éditions Droz, Genève):
«Les Estienne, Robert et Henri II, et leurs éditions princeps de la Bible»
10h30 Discussion et Pause

5. ÉDITER LE XVIe SIÈCLE AU XXIe SIÈCLE
Présidence: Édith KARAGIANNIS-MAZEAUD (Université de Strasbourg)
11h00 Franco CESATI (Éditions Franco Cesati – Florence):
«Éditions princeps: les éditions critiques en Italie entre le deuxième et le troisième millénaire»
11h20 Frédéric BLIN (BNU):
«Les éditions du XVIe siècle à la lumière des humanités numériques: panorama et perspectives»
11h40 Discussion
12h10 Gilbert SCHRENCK (Université de Strasbourg):
Conclusions
12h30 Clôture du colloque. Cocktail

dimanche 18 mars 2012

Histoire du livre et histoire des bibliothèques cardinalices

Après le concile de Trente (1543-1563), la papauté s’efforce de mettre en place les conditions de la reconquête intellectuelle face à la Réforme. Pour ce qui intéresse l'écrit et le livre, cette reconquête se fera en s’appuyant sur des structures d’enseignement (avec l’édification du Palais de la Sapienza à Rome, mais aussi avec l’essor des jésuites, autour du Collegium Romanum), sur un travail très important d’édition de textes (à commencer par celui de la Vulgate) et de réflexion scientifique, sur la fondation d’une imprimerie spécialisée (la Typographie Vaticane, en 1587) et sur la constitution de fonds de livres qui seront mis à la disposition des clercs et des savants. Une génération plus tard, ce sera la bulle Inscrutabili divinae de Grégoire XV (1622), et la création de la Congrégation De Propaganda Fide, établie dans le palais de la place d’Espagne, et où «gémissent» bientôt les presses de la célèbre Typographie polyglotte (cf. cliché).
Le Palazzo "De Propaganda Fide", place d'Espagne
D’autres axes seraient aussi à prendre en considération, par ex. le travail de rationalisation de la gouvernance dans l’État pontifical (surtout sous Sixte Quint, 1585-1590, créateur du système des Congrégations), ou encore la mise en œuvre d’une nouvelle esthétique et d’un nouveau vocabulaire stylistique dans le domaine notamment de l’architecture et de la peinture. Nous ne nous y arrêterons pas, même si l’art de la Contre Réforme trouve bien évidemment un riche champ d’application dans la décoration des bibliothèques.
Une caractéristique significative s’agissant des bibliothèques réside dans le fait que nombre de réalisations novatrices sont prises en charge certes par le pape, mais surtout par des représentants des grandes familles cardinalices. La capitale de la chrétienté occupe, bien évidemment, une position privilégiée, et les bibliothèques créées dans les palais romains sont célèbres, à commencer par celle des Barberini: Maffeo Barberini, ancien élève des jésuites, est élu pape (Urbain VIII) en 1623, et deux ans plus tard, le nouveau palais proche des Quatre fontaines (d’où son nom) commence à être construit. Il accueillera la bibliothèque de son neveu le cardinal Francesco Barberini. Passionné d’arts et de culture, celui-ci constituait des collections très riches, réunissait autour de lui un cercle d’artistes et de savants, et fondait la première académie romaine. Le P. Jacob explique, en 1644:
Après les bibliothèques papales, je n’en treuve point à Rome de plus célèbre que celle du cardinal François Barberin, neveu de nostre S.P. le pape Urbain VIII. Car si l’on considère la multitude des manuscrits grecs, latins & autres idiomes, elle ne cédera à aucune [bibliothèque] particulière de l’Europe. Le curieux lecteur pourra voir la description plus ample de cette bibliothèque dans celle du palais dudit cardinal faiye nouvellement en latin par le comte Hiérôme Teti. Je me contenteray seulement de dire que les sieurs Luc Holstein d’Hambourg en Allemagne, qui a en son particulier une assez bonne bibliothèque des autheurs classiques, et Charles Moroni, ont la charge de cette bibliothèque.
Le cardinal Anthoine Barberini, frère du cardinal François (…) en a aussi une très belle en son particulier, de laquelle le sieur Gabriel Naudé a été autrefois bibliothécaire… (p. 93-94).
Et le bibliographe de dévider sa théorie des cardinaux bibliophiles, de Jules Mazarin avec la bibliothèque du palais romain du Quirinal, aux Carpi, aux Colonna ou encore aux Farnèse, pour nous limiter toujours à Rome.
Entrée principale du Palazzo Barberini.
Notre courte citation met au passage en évidence un élément significatif qui intervient dans le statut d’une bibliothèque remarquable: la richesse de la collection, certes (les manuscrits grecs et latins!), la somptuosité du décor, oui, mais désormais aussi la qualité du bibliothécaire, lequel sera reconnu comme un savant, et dont le travail valorise, pour reprendre le terme si apprécié de nos actuels décideurs, le fonds qu’il a à administrer.
Mais l’historiographie actuelle des bibliothèques met volontiers l’accent sur le fait que ces collections sont considérées comme ouvertes, et qu’elles préfigureraient par conséquent la «bibliothèque publique moderne» (Denis Pallier). Il s’agit, à notre sens, d’un anachronisme: la volonté des cardinaux est bien plutôt celle d’illustrer une famille (gens) dont un ou plusieurs membres a souvent déjà accédé au trône de saint Pierre, et le mécénat, la collection d’art, la constitution d’une bibliothèque jouent un rôle essentiel. Il s’y ajoute, surtout à Rome, la gloire de l'Église, et la référence classique à l’évergétisme des grandes familles de la Rome antique ayant elles-mêmes fondé des bibliothèques présentées comme «publiques». Le P. Jacob précise d’ailleurs à propos de
Dominique Capranica, cardinal et grand pœnitencier de l’Église romaine, [qu’il] prit un soin nompareil pour perfectionner sa bibliothèque: laquelle est conservée dans le collège que ce cardinal a fondé, pour une éternelle mémoire de l’affection qu’il avoit pour les bonnes lettres (p. 96).
L'exemple de l'Ambrosienne, effectivement ouverte au public à Milan en 1609 par le cardinal Borromée, apparaît comme un cas particulier. D'une manière générale, la référence au «public» n’est pas à entendre strictement dans l’acception actuelle du terme: la bibliothèque «publique» s’oppose bien plutôt à la bibliothèque «privée», c’est-à-dire à la bibliothèque plus ou moins inaccessible, et comme telle déjà critiquée par les Anciens.
Le public véritable de ces collections est en réalité un public «distingué» (au sens bourdieusien du terme) sur le plan social et, de plus en plus, sur le plan culturel: c’est le public des familiers du prince, qui sont peu ou prou ses obligés (et le Père Jacob cite encore, parmi les «domestique[s] du cardinal Barberin», le nom du «docte Léo Allatius, Grec de Nation, et [qui] possède une bibliothèque très-insigne pour les autheurs de sa nation» (p. 110). À ce petit groupe se joignent ceux que leur qualité même autorise à y être introduits, notamment parmi les voyageurs étrangers de passage dans la Ville.
De sorte que, s’agissant des bibliothèques cardinalices dont le modèle sera transporté en France par Gabriel Naudé et par Mazarin, la dénomination de «bibliothèque publique» s’analyse d’abord, de manière en apparence paradoxale, comme un élément de la distinction, donc d’une forme de renfermement, avant de devenir, par un jeu de glissement, un élément majeur de la gloire du souverain et de sa capitale.

vendredi 16 mars 2012

Conférences d'histoire du livre


École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 19 mars 2012
 
14h-16h
Bibliothèques supprimées au XVIIIe siècle
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille,
chargée de conférences à l’EPHE

Le grand-duché de Toscane est un bon observatoire de ce qui se joue, en matière de bibliothèques, dans les suppressions ecclésiastiques. Comme d’autres Etats italiens, trois vagues de suppressions s’y déroulent en moins d’un demi-siècle (suppressions jésuites en 1773, léopoldiennes dans les années 1780, napoléoniennes en 1808 et 1810), permettant d’aborder de manière comparée les modalités de leur mise en œuvre et l’évolution des réflexions sur le sort à donner aux livres. Avec les Etats pontificaux, le grand-duché est par ailleurs le seul Etat de la péninsule à mettre en place au XVIIIe siècle une législation destinée à protéger, non seulement les œuvres d’art et les antiquités, mais également les manuscrits et les ouvrages rares, voire des bibliothèques entières.

16h-18h
L'aménagement et le mobilier des bibliothèques
du Moyen Âge à l'époque moderne:
le "Grand siècle" des bibliothèques 
 par 
Monsieur Frédéric Barbier, 
directeur d'études
Rome, Bibliotheca Angelica (cliché FB)
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

mercredi 14 mars 2012

Colloque d'histoire du livre à Rome

Le colloque international «Mobilità dei mestieri del libro tra Quattrocento e Seicento», qui se tient en ce moment même à l’université La Sapienza de Rome, s’insère dans un programme en cours depuis 2008 (PRIN 2008), et qui trouve là un de ses points d’orgue. Portant sur la première modernité, soit les XVe-XVIIe siècles, la problématique adoptée est à la fois innovante et transdisciplinaire, puisqu’elle associe au premier chef histoire, sociologie et ethnologie.
À notre point de vue, la mobilité peut s’entendre selon deux approches complémentaires, selon que l’on privilégie le cadre externe ou le cadre interne.
1) La mobilité externe concerne les phénomènes migratoires. Elle est la première à prendre en considération, pour des raisons chronologiques: l’innovation représentée par la typographie en caractères mobiles apparaît en effet dans la région du Rhin moyen au milieu du XVe siècle, et l’essor de la technique nouvelle constitue aussi un chapitre d’une histoire plus large des migrations et des transferts de toutes sortes.
Cosimo Palagiano a ouvert le colloque par une synthèse des phénomènes migratoires en Italie au cours de la période considérée, en insistant sur les catégories démographiques générales. La typologie opposera les migrations liées à la médiocrité des conditions de vie (on est contraint au départ), à celles qui concernent les milieux favorisés (dont les négociants) et à celles effectuées pour des raisons religieuses ou politiques. Certaines villes italiennes se caractérisent en outre par la présence de colonies étrangères importantes, notamment Venise et les Grecs, ou encore Livourne, fondée par les Médicis à la fin du XVIe siècle.
L’approche peut aussi privilégier la catégorie des savoirs et des compétences: plusieurs conférences ont présenté les migrations des médecins (Maria Conforti), des juristes (Aurelio Cernigliaro) et des lettrés (Concetta Bianca). Dans nombre de cas, le voyage reste obligatoire pour la formation, notamment pour les universitaires et les clercs, plus tard aussi pour les compagnons typographes et les apprentis libraires. Le «lettré» (homines litterati) doit s’assurer les moyens de vivre, et cette recherche entraîne fréquemment une forme de mobilité: il faut passer, selon les circonstances, d’une cour à l’autre, et on sera employé comme secrétaire, le cas échéant comme bibliothécaire ou précepteur. Les échanges sont constants, par exemple entre Naples et la cour de Mathias Corvin à Buda dans les années 1470.
L'ambassadeur... et le scribe (Carpaccio)
Le rôle des ambassadeurs a aussi été mis en évidence, comme le montrera encore le cursus d’Étienne Dolet, un temps secrétaire de l’évêque Jean de Langeac lorsque celui-ci est nommé ambassadeur de François Ier à Venise. Enfin, il est inutile de rappeler le poids que prend le statut de familiaris de tel ou tel cardinal, surtout si celui-ci appartient à une grande famille patricienne comme celles des Barberini ou des Borghese à Rome au XVIIe siècle.
À côté de la cour, la géographie des savoirs joue aussi un rôle: dans une conjoncture où les échanges sont malgré tout difficiles, la présence en ville d’une bibliothèque particulièrement riche (comme celle des chartreux de Bâle à la fin du XVe siècle), et d’un groupe de clercs susceptibles d’aider à la préparation et à la correction des textes, sont des éléments stratégiques pour la localisation des ateliers typographiques, qui à leur tour attireront le cas échéant les savants et philologues.
Mais le colloque se consacre bien entendu d’abord aux migrations des professionnels du livre, à commencer par celles des Allemands, premiers propagateurs de la technique gutenbergienne à travers l’Europe.
Le Pr. Santoro ouvre le colloque
2) Liée à la première approche, l’étude de la mobilité interne déploiera des logiques en grande partie spécifiques, mais qui relèvent toutes, peu ou prou, d’une problématique de la mobilité sociale –passer d’un secteur ou d’une activité à l’autre, ou encore s’engager dans une branche qui semble offrir des perspectives plus favorable d’ascension sociale. Nous touchons aussi à l’ethnographie et aux stratégies des uns et des autres, avec par exemple toute la question de la pérennité des activités, donc des mariages, du statut et du rôle des femmes, etc.
Globalement, les professions liées au livre sont d’abord ouvertes, et elles ne s’organisent que très progressivement en «métiers» soumis aux contraintes du système des corporations, et par conséquent plus fermés (cf. les travaux de Jean-Dominique Mellot). D’une manière générale, les effets inattendus (aux yeux des contemporains) du triomphe de la technique gutenbergienne apparaissent bientôt comme des «désordres». Ils sont dès lors à l’origine d’un effort constant d’encadrement et de surveillance qui tendra à fermer les «métiers». Et il n’est pas anodin, pour conclure, d’observer que la méfiance des autorités concerne toujours de manière privilégiée ceux que l’on ne peut pas fixer, les pérégrins et au premier chef, s’agissant de la librairie, les colporteurs et autres revendeurs itinérants.
Le colloque se poursuit jeudi et vendredi.

dimanche 11 mars 2012

Histoire du livre et histoire de l'aménagement des bibliothèques

En matière d'aménagement des bibliothèques, l’innovation majeure est, au XVIe siècle, espagnole: il s'agit de la nouvelle bibliothèque du palais et du monastère Saint-Laurent de l’Escorial, commandée par Philippe II à l’architecte Juan de Herrera, en 1563, et achevée en 1584. Herrera est aussi chargé de ce qui regarde le mobilier. Philippe II
n’espargna auscunes despences pour la remplir des meilleurs livres imprimez & manuscrits qui se pouvoient treuver de son temps; non plus que pour la somptuosité du bâtiment, puisque Joseph Siguença son bibliothécaire nous asseure que la despence en est parvenuë jusques à six millions or (Louis Jacob, p. 310-311).
La salle est impressionnante: 54 x 9m., et 10m. de haut, avec un plafond en berceau, peint à fresques (de même que le haut des murs et les lunettes des petits côtés) (cf. cliché 1). L’éclairage est assuré par les grandes fenêtres des côtés longitudinaux, et par des fenêtres plus petites sous la voûte. Le sol est en marbre blanc et noir.
Mais surtout, à l’Escorial, le principe adopté pour le rangement est celui de la généralisation de l’étagère, et de sa mise en œuvre pour un fonds de livre devenu beaucoup plus important qu'à l'époque des manuscrits. Les pupitres laissent donc place à cinquante-quatre étagères murales en bois précieux (acajou, palissandre, cèdre, etc.) disposées entre les fenêtres. Les meubles ont été fabriquées sous la direction d'un Italien, Giuseppe Freccia, à partir de 1575. Leurs travées sont séparées par des colonnes doriques cannelées soutenant un entablement en corniche, au-dessus duquel se trouve encore une sorte de second entablement. La base des colonnes s’appuie sur un socle élevé, recoupé aux trois quarts de sa hauteur par une étagère [plus large] avec un pupitre incliné (cf. cliché 2).
Clark (The Care of book) poursuit sa description:
Ces bibliothèques ont une hauteur totale d'un peu plus de 12 pieds [3,60m] (…). Les bureaux sont à 2 pieds 7 pouces [78 cm], soit une hauteur qui correspond à celle d'une table ordinaire et qui suggère qu'ils ont été destinés à des lecteurs assis, bien que les sièges aient disparu de la bibliothèque aujourd’hui. La présence de l’entablement des colonnes permet d’y appuyer [éventuellement] les livres. La plus haute des quatre tablettes est à une hauteur de 9 pieds [2,70m.], de sorte qu’une échelle est nécessaire pour atteindre les livres.
À partir des années 1550, les volumes sont donc alignés verticalement sur les rayonnages, ici le dos vers l’intérieur, ce qui accentue l’uniformité de l’ensemble. Les rayonnages de l'Escorial ont été grillagés sous le règne de Ferdinand VI (1746-1759). Le classement est systématique.
L’Escorial dispose de deux autres locaux affectés à la bibliothèque: la «salle haute» se situe au deuxième étage, et abritait les collections de doubles, mais aussi les livres interdits. Le «salon d’été» faisait 15 x 6m (il a été divisé ensuite en deux), et servait de magasin pour les manuscrits. La bibliothèque a d’abord été confiée à Benito Arias Montano et à Fray Juan de San Jerónimo.
Les origines du dispositif de l’Escorial restent discutées. Il paraît évident que le problème posé par la masse croissante de volumes à traiter a joué un rôle décisif, comme le souligne encore une fois André Masson à propos de Noyon, où la bibliothèque du chapitre était d’abord équipé de pupitres (BBF, 1957. Voir le cliché): l'enquête de M. Doucet portant sur 194 inventaires de bibliothèques, de 1493 à 1560, établit que 
c'est seulement à partir de 1520 que la «concurrence des imprimés» se fait sentir dans les bibliothèques privées et que le nombre des imprimés dépasse celui des manuscrits. Les livres imprimés coûtaient d'ailleurs fort cher au XVe siècle et leur entrée dans une bibliothèque était enregistrée comme un événement important…
Claude Jolly confirme le fait. Pour lui, les imprimés ne supplantent définitivement les manuscrits dans les collections de bibliothèques institutionnelles que dans les années 1530, de sorte que l’économie globale reste d’abord la même qu’à l’époque antérieure :
On devine que le développement de l’imprimerie qui portait en lui une croissance considérable de la production d’ouvrages, une diminution de la valeur marchande des exemplaires et, sur la longue durée, une réduction des formats, sans parler bien entendu d’un accroissement du nombre des lecteurs, ne pouvait que ruiner le vieux modèle médiéval [de la bibliothèque équipée de pupitres] (Hist. bib. franç., II, 361).
Pourtant, Christine Berkens propose de privilégier une forme de causalité abstraite. Dans la bibliothèque de Leyde, en 1593, les livres sont enchaînés, et les classes systématiques les plus importantes sont encore rangées au cœur de l’ensemble de rayonnages (la Bible et ses commentaires, mais aussi les classiques) (cf. cliché).
Mais avec le nouveau dispositif de 1653, et ses rayonnages muraux, le changement structurel est rapporté à la mutation intellectuelle qui marque les années 1600 (le «miracle» de Pierre Chaunu), notamment dans les domaines de la représentation du monde (Copernic et Galilée). C. Berkvens écrit :
La bibliothèque murale place la connaissance sur le pourtour des murs extérieurs (…). Le savoir ne se pénètre plus de l’extérieur vers l’intérieur, mais [il] s’ouvre maintenant vers les nouveaux horizons (Bibliothek als Archiv, p. 48).
Théorie très séduisante, et sans doute pour partie fondée. Pourtant, on ne peut pas ne pas souligner l’ampleur de la mutation quantitative rappelée par Christine Berkvens elle-même : la bibliothèque de Leyde possède 442 titres en 1595, mais six fois plus en 1640, et l’enrichissement va s’accélérant.
Enfin, il faut tenir compte du caractère spectaculaire (et programmatique, aussi par son iconographie) des bibliothèques modernes: la salle de la bibliothèque de l’Escorial est qualifiée de «grande salle» (salón principal), et elle fonctionne comme une salle de travail scientifique toutes sortes de domaines différents, avec des livres, mais aussi des instruments (sphères armillaires (en 1582-1593), globes, etc.), des monnaies et médailles, des cartes et estampes, etc. Le principe, une nouvelle fois, est celui du Musée, et la référence directe reste celle de la tradition universelle du Musée d’Alexandrie, sous-tendue par la gloire du roi catholique -c'est-à-dire, ne l'oublions pas, lui aussi universel.

Histoire de l'aménagement et du mobilier des bibliothèques

samedi 10 mars 2012

Congrès d'histoire du livre à Rome

SAPIENZA UNIVERSITA' DI ROMA
Convegno internazionale

Mobilità dei mestieri del libro tra Quattrocento e Seicento

Roma, 14-15-16 marzo 2012

Mercoledì 14 marzo - Aula Magna, SSAB – Viale Regina Elena, 295

ore 9,00
Saluti delle Autorità
Presiede: Paolo Di Giovine
Cosimo Palagiano (Sapienza Università di Roma), «Il flusso migratorio in Italia fra ‘400 e ‘600»
Valentina Gazzaniga (Sapienza Università di Roma) - Maria Conforti (Sapienza Università di Roma), «La mobilità dei medici: un caso italiano»
Break
Aurelio Cernigliaro (Università di Napoli “Federico II”), «La mobilità dei giuristi»
Concetta Bianca (Università di Firenze) «La mobilità dei letterati»

ore 15,00
Presiede: Marco Santoro
Frédéric Barbier (École pratique des Hautes Études, Paris), «La mobilità dei mestieri del libro in Francia (I stampatori tedeschi in Francia nel Quattrocento)»
Stephan Füssel (Institut für Buchwissenschaft - Mainz) «La mobilità dei mestieri del libro in Germania»
Ursula Rautenberg (Universität Erlangen-Nürnberg), «Lo sviluppo del commercio librario in Germania fra '400 e '500»
Break
Lotte Hellinga (British Academy), «La mobilità dei mestieri del libro in Gran Bretagna»
Manuel Pedraza (Universidad de Zaragoza), «La mobilità degli stampatori in Aragona»
Fermin de Los Reyes (Universidad Complutense de Madrid) «La mobilità degli stampatori in Castiglia»
Plan de Paris, Truschet et Hoyau, 1553 (détail du quartier de l'université au début du XVIe siècle )
Giovedì 15 marzo - Aula Magna, SSAB – Viale Regina Elena 295

ore 9,30
Presiede: Concetta Bianca
Malcolm Walsby (University of St Andrews) « I tipografi itineranti in Francia durante le guerre di religione » Lodovica Braida (Università di Milano), «Dalla Francia all'Italia: i librai briançonesi e la loro attività » commerciale ed éditoriale»
Saverio Franchi (Sapienza Università di Roma), «Per un approfondimento della mobilità dei mestieri del libro: le fonti archivistiche»
Break
Giuseppina Zappella (Polo Museale Soprintendenza di Napoli), «Flussi di mobilità degli artisti del libro napoletano del Seicento»
Maria Gioia Tavoni (Università di Bologna), «Si stampa in itinere: il torchio al seguito»
Angela Nuovo (Università di Udine), «Mobilità periodica. I librai alle fiere (sec. XV-XVI)»

ore 15,30
Presiede: Marta Fattori
Lorenzo Baldacchini (Università di Bologna), «Tipografi itineranti e cantastorie»
Edoardo Barbieri (Università Cattolica di Milano), «Note sulla committenza editoriale ecclesiastica nell'Italia del Quattro e Cinquecento»
Break
Giorgio Montecchi (Università di Milano), «Circolazione libraria e mobilità dei primi tipografi in area medio padana»
Arnaldo Ganda (Università di Parma), «Librai e stampatori del Quattrocento, attivi da Venezia a Milano e da questa città a Venezia»
Anna Giulia Cavagna (Università di Genova), «Tipologia e fortuna delle migrazioni di tipografi-editori in età moderna: il caso pavese e ligure»

Venerdì 16 marzo – Biblioteca Alessandrina – P.le A. Moro, 5
ore 9,30
Presiede: Aurelio Cernigliaro
Marco Santoro (Sapienza Università di Roma), «La mobilità dei mestieri del libro: caratteristiche e valenze»
Rosa Marisa Borraccini (Università di Macerata) « La mobilità dei mestieri del libro nello Stato pontificio»
Giuseppe Lipari (Università di Messina), «La mobilità dei mestieri del libro in Sicilia » Break
Carmela Reale (Università della Calabria), «La mobilità dei mestieri del libro nell’Italia méridionale»
Giancarlo Volpato (Università di Verona), «La mobilità dei mestieri del libro nell’area veneta»
Chiusura dei lavori

Per info:
Segreteria del Convegno:
Sapienza Università di Roma
Dipartimento di Scienze documentarie, linguistico-filologiche e geografiche
Alessandra Turco
Nico Ciampelli