dimanche 16 juin 2013

Un article sur les formulaires et autres travaux de ville


Un article récent nous permet de revenir sur une problématique étonnamment oubliée à l’âge de la supposée bonne gouvernance et de la rationalisation administrative. Il s’agit de la contribution de
Dimitri Brunetti, « L’introduzione della stampa nel documenti d’archivio: moduli, attestati, lasciapassere»,
dans Crisopoli. Bolletino del Museo Bodoniano di Parma, 14 (2011), p. 107-116, ill. (ISSN 2281-4590).
La première dimension envisagée par l'auteur concerne un aspect spécifique de l’économie de la «librairie» d’Ancien Régime: les travaux de ville, ces activités peu nobles, ont pourtant assuré de longue date l’équilibre économique de la majorité des ateliers d’imprimerie. Une seconde dimension est d’ailleurs aussi présente dès l’origine, qui relève davantage de la problématique de la gestion: nous savons que, déjà, Gutenberg s’est financé en produisant des travaux de ville, et notamment (très probablement) des lettres d’indulgences (l'Église catholique semble avoir une propension certaine pour la fabrication et l'utilisation du formulaire pré-imprimé).
Cette dimension de l’économie du livre a fait l’objet de plusieurs études en français, des «non-livres» de Nicolas Petit aux publications lyonnaises d’Alan Marshall. Les papiers à en-tête, factures commerciales, ou encore tracts et affiches de toutes sortes, relèvent bien entendu de ce modèle, sans oublier les ex-libris gravés ou imprimé, et surtout la publicité imprimée.
Le thème présente pourtant une dimension plus novatrice, en ce sens qu’il introduit à la problématique (si fort en vogue aujourd'hui) de la rationalité administrative –et qu’il touche à la normalisation, et à l’invention du formulaire. L’article donne un certain nombre d’exemples significatifs, indiqués en sous-titres, qu’il s’agisse d’attestations, de laissez-passer ou d’autres documents du même type, sans oublier la lettre de change et les pièces à caractère financier. On pense par exemple aux borderaux pré-imprimés que les banquiers joignaient à chacune de leurs correspondances, et où ils donnaient les cours des places avec lesquelles ils étaient en relation. Il est bien évident que, dans le long terme («de Gutenberg à l’ère du numérique», comme le proposait Anne-Marie Bruleaux) l’étude de cette histoire du «formulaire» pré-imprimé serait particulièrement enrichissante, non seulement pour l’histoire du livre et de l’imprimerie, mais aussi pour l’histoire politique ou encore pour l’histoire administrative –donc, en dernière analyse, pour l’histoire des mentalités et des pratiques culturelles.
Nous voudrions profiter de cette note pour attirer l’attention sur cette revue relativement méconnue des historiens du livre, Crisopoli, publiée par le Musée Bodoni de Parme. Chaque livraison propose plusieurs grandes sections: Ad libros, sur les livres et l’histoire du livre en général; Palatina, sur les collections spécifiquement conservées à Parme; Parmensia, sur l’histoire de la ville et du duché, surtout dans le domaine de l’écrit et du livre; Res et monumenta, pour les études d’archéologie, de codicologie, et les éditions de document; la dernière partie, enfin, traite des activités du Musée Bodoni lui-même (Attività del Museo Bodoniano). Nous ne pouvons que souligner combien la qualité formelle de la revue se combine avec l’intérêt des contributions publiées (dont plusieurs, dans la livraison ici présentée, concernent notamment la bibliographie matérielle et l’analyse chimique des pigments des miniatures).

1 commentaire:

  1. Un plaidoyer pour le bilboquet, qui est aussi une source incontournable de l’histoire locale.

    Lauverjat

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