La tradition française est celle d’associer étroitement, dans l’enseignement, l’histoire et la géographie, et nous pensons que c’est là une tradition heureuse. Heureuse, du moins, à supposer que les deux domaines aient pu conserver un certain contenu, et échapper (mais par quel miracle auraient-ils pu y échapper?) aux vagues successives de réformes et de remises à niveau, ou de modernisation, des programmes. Il est en effet très difficile, voire impossible, de s’opposer à la marée bureaucratique et aux effets de mode, comme en témoigne éloquemment une lettre de Georges Pompidou, alors pourtant président de la République, à son ami Robert Pujol, en 1971 (déjà!):
Ce que tu me dis de l’enseignement du français ne m’étonne pas. (…) J’ai essayé d’obtenir [du ministre] qu’on soit raisonnable, et il m’a promis que sa circulaire (prochaine) le serait. C’est bien beau d’être moderne, mais encore faut-il apprendre les bases… (cf. réf. infra).
Les meilleures intentions du monde ne font apparemment pas les meilleurs programmes...
Mais là n’est pas notre propos d'aujourd'hui (même si nous aurions beaucoup à dire). Si la combinaison de l’histoire et de la géographie nous semble effectivement heureuse, c’est parce que la chronologie –le déroulement du temps– se donne aussi à lire dans la géographie, à quelque échelle que ce soit, de la nation à la province, au canton, à la ville, au quartier, au bourg (avec son château!), etc. L’un de ses grands plaisirs reste pour l’historien, qui est en même temps un amateur (au sens étymologique du terme: qui aime), celui d’aller à la découverte d’un espace dans lequel il apprend à reconnaître les traces du passé, toujours apparentes dans un présent auxquelles elles sembleraient parfois pourtant bien étrangères.
Le petit guide Sur les pas des imprimeurs lyonnais, récemment publié par Sheza Moledina, docteur de l’EPHE, dans les collections du Musée de l’imprimerie de Lyon, ne nous propose pas autre chose qu’une promenade sans prétention, mais réellement savante, dans la capitale des Gaules, à la recherche des imprimeurs et des libraires de ces six derniers siècles.
L’ouvrage s’ouvre par un plan de la presqu’île, qui a regroupé l’essentiel des activités du livre lyonnais depuis le XVe siècle. Puis il développe un plan chronologique organisé en chapitres très courts : «Lyon à la Renaissance», «Le quartier des imprimeurs», «Barthélemy Buyer et les débuts de l’imprimerie à Lyon», «Constitution d’un corps de métier», «Les premiers ateliers d’imprimerie à Lyon» présentent en deux douzaines de pages environ les débuts lyonnais de la nouvelle activité. L’auteur nous conduit ensuite de l’humanisme lyonnais aux premières (et célèbres) grèves des années 1539-1541, à la topographie urbaine, aux grandes figures de Rabelais, de Gryphe et de Dolet, à la crise religieuse, à l’activité des jésuites, aux contrefacteurs lyonnais de l’âge des Lumières, etc. Le livre se termine sur l’invention de la lumitype («La lumitype: une invention lyonnaise», p. 89-93), avant de se refermer sur une brève mais précieuse bibliographie.
Voici donc un volume dont nous ne pouvons qu’espérer qu’il inspire d’autres publications analogues. L’illustration est non seulement élégante, mais souvent très pertinente (la marque du graveur et éditeur d’estampes Jacques Fornazéris, toujours visible sur le linteau d’une porte de la rue Mercière, p. 15!). Si l’ampleur réduite du volume (moins de cent pages) interdit évidemment d’aborder tous les sujets, on n’en apprécie pas moins la réussite de l’entreprise. Le petit format invite à la promenade (c'est vraiment «un livre de poche»), le prix reste tout à fait raisonnable, et la réalisation matérielle est de très bonne facture. Enfin, rien n’interdit de prolonger l’excursion en visitant, bien sûr… le Musée de l’imprimerie de Lyon.
Georges Pompidou, Lettres, notes et portraits, 1928-1974, Paris, Robert Laffont, 2012, p. 445.
Sheza Moledina, Sur les pas des imprimeurs lyonnais, collab. Christiane Partensky, Pierre Janin, Nicole Dejean, Marie-Odile de Curraize, Guy Parguez, Régis Neyret, Lyon, Éd. LivresEMCC, 2012, 96 p., ill. ISBN 978-2-35740-251-5.
La photo de la partie inférieure de la couverture du livre est floue et il est difficile de lire, mais s'il s'agit d'un composteur posé sur la casse, soit il est à l'envers soit la photo est à l'envers. dommage!
RépondreSupprimerLauverjat
et le texte est en anglais... image d'illustration issue d'une banque d'images américaine ?
RépondreSupprimerVoici le bloc en version claire (et inversée). http://en.wikipedia.org/wiki/File:MetalTypeZoomIn.JPG
RépondreSupprimerPeu de chance qu'il provienne d'un imprimeur lyonnais !
Je ne fais jamais de commentaire sur ce site passionnant et bien documenté et je profite donc de ce message pour remercier son auteur de la qualité de ses sujets.
Textor
L'administrateur vous remercie!
SupprimerFB
et voici l'image d'origine, de Willi Heidelbach : http://www.flickr.com/photos/wilhei/8227449623/in/set-72157632127261652/lightbox/
RépondreSupprimersous licence Creative Commons (utilisation gratuite si indication d'origine).
Calamar, saviez vous que la phrase reproduite sur ce bloc (The quick brown fox jumps over the lazy dog) est l’équivalent anglais du « Voix ambiguë d'un cœur qui au zéphyr préfère les jattes de kiwis. », pangramme bien connu des typographes.
RépondreSupprimerah non, je n'avais pas fait attention ! et pourtant elle est connue aussi... Merci Textor !
RépondreSupprimerBelle photo d'origine et dans le sens de lecture typographique, merci les amis!
RépondreSupprimerLauverjat
Ah, ça oui, c'est un blog qu'il est difficile et inutile de critiquer. D'autant que la photo n'est pas l'oeuvre de M. Barbier.
RépondreSupprimerEt quand bien même, la qualité et l'humour des vos articles font dépasser cela. Comme il sied aux grands savants passeurs de savoirs, vous me rendez intelligente à la lecture de vos articles.
J'y puise abondamment des enseignements pour compléter d'autres enseignements et alimenter un blog autour de mon métier. Vous avez fait changer mes choix pour faire une reliure plus proche, plus fine de l'histoire de celle-ci. C'est une recherche permanente pour bannir ce fléau: L'anachronisme!
En restant accessible à tous, puisque je ne fais partie d'aucune université, ni école mais que je suis simple artisan, vous nous donnez la possibilité de réflêchir et d'apprendre sur ce monde qui peut être très fermé parfois.
Merci pour tout cela, M. Barbier.
Mes meilleurs voeux pour cette année 2013.
Bien à vous,
Sandrine.
Je ne sais trop que vous répondre, sinon qu'évidemment cela fait bien plaisir. À vous aussi (même si avec retard), une excellente année 2013!
RépondreSupprimer