Mais la Pentecôte intéresse aussi l’historien du livre.
Cette très ancienne fête du calendrier juif évolue peu à peu jusqu’à marquer le renouvellement de l’alliance du peuple élu avec Dieu. Sa date est mobile, et son étymologie indique qu’elle vient sept semaines après Pâques. Son importance est évidente par exemple lorsque l’apôtre Paul écourte son périple en Asie mineure pour être présent à Jérusalem à cette occasion (Actes XX, 16).
Dans le Nouveau Testament, la Pentecôte est investie d’une signification nouvelle : il s’agit du jour où se réalise la promesse du Christ d’envoyer après sa mort l’Esprit Saint à ses disciples. Les manifestations de l’événement sont spectaculaires (Actes II, 1-13), que les artistes illustrant le thème rendent le plus souvent en représentant les langues de feu qui descendent sur la tête des apôtres. Parfois aussi, la venue du Saint Esprit est symbolisée par une colombe, comme dans ce Missel à l’usage de Saint-Amand copié et enluminé au tout début du XVe siècle (cf cliché : Bibl. municipale de Valenciennes, ms 118). Après avoir été visités du Saint Esprit, les disciples parlent chacun des langues différentes, ce qui leur permet de s’adresser à tous les peuples.
La fête chrétienne referme ainsi de manière symbolique l’épisode de l’Ancien Testament concluant la Genèse : les descendants de Noé ont entrepris la construction d’une ville et d’une tour, quand Dieu confond leur langage « afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres » (Gen. XI, 7) (cf cliché : la Tour de Babel dans la Bible allemande de Koberger, Nuremberg, 1483). La descente de l’Esprit Saint rétablit l’unité pour tous ceux qui ont la foi : les conséquences de la Pentecôte intéressent de fait l’histoire universelle, puisque le rapport à Dieu n’est désormais plus réservé au seul peuple élu, mais qu’il s’ouvre à toutes les nations. Rien de surprenant si la Pentecôte marque une date majeure du calendrier chrétien : chez les Protestants par exemple, la Cène n’était à l’origine célébrée qu’à quatre reprises dans l’année, dont une fois à la Pentecôte.
Le peuple de Dieu sera universel: de la Pentecôte naissent l’épopée des missions et une partie de la problématique moderne des langues. Ainsi, l’invention de l’imprimerie par Gutenberg sera-t-elle analysée comme un prolongement de la Pentecôte : grâce à la nouvelle technique, il sera encore plus facile d’annoncer la Bonne Nouvelle à chacun dans sa propre langue, et la diffusion des livres est comparée à la dispersion des apôtres partis accomplir leur œuvre d’évangélisation. Lefèvre d’Étaples publie à Paris en 1509 un Psautier en cinq langues, et la première Bible polyglotte est entreprise sous l’égide du cardinal Cisneros à Alcalà à partir de 1514.
Mais c’est la Réforme qui encourage le plus vivement le travail philologique sur le texte et sur la traduction des Écritures. Un siècle plus tard, la Contre-Réforme entreprend de répondre à cette vague d’érudition. À Rome, la Congrégation De Propaganda fide dispose d’une Tipografia poliglotta à partir de 1626, dont l'appellation dit assez le programme. La Tipografia est célèbre pour sa richesse en fontes typographiques (latin, grec et hébreu, mais aussi arménien, éthiopien, arabe, copte, japonais, etc., et jusqu’au tibétain), qui témoigne éloquemment de la volonté de l’Église catholique de développer désormais partout son activité missionnaire.
Bien sûr, on pourra s’amuser de ce qu’une république laïque commémore la Pentecôte, dont la majorité de nos concitoyens ont probablement oublié la signification. Il est vrai qu’elle la commémore surtout… le lendemain de la Pentecôte.
Cette très ancienne fête du calendrier juif évolue peu à peu jusqu’à marquer le renouvellement de l’alliance du peuple élu avec Dieu. Sa date est mobile, et son étymologie indique qu’elle vient sept semaines après Pâques. Son importance est évidente par exemple lorsque l’apôtre Paul écourte son périple en Asie mineure pour être présent à Jérusalem à cette occasion (Actes XX, 16).
Dans le Nouveau Testament, la Pentecôte est investie d’une signification nouvelle : il s’agit du jour où se réalise la promesse du Christ d’envoyer après sa mort l’Esprit Saint à ses disciples. Les manifestations de l’événement sont spectaculaires (Actes II, 1-13), que les artistes illustrant le thème rendent le plus souvent en représentant les langues de feu qui descendent sur la tête des apôtres. Parfois aussi, la venue du Saint Esprit est symbolisée par une colombe, comme dans ce Missel à l’usage de Saint-Amand copié et enluminé au tout début du XVe siècle (cf cliché : Bibl. municipale de Valenciennes, ms 118). Après avoir été visités du Saint Esprit, les disciples parlent chacun des langues différentes, ce qui leur permet de s’adresser à tous les peuples.
La fête chrétienne referme ainsi de manière symbolique l’épisode de l’Ancien Testament concluant la Genèse : les descendants de Noé ont entrepris la construction d’une ville et d’une tour, quand Dieu confond leur langage « afin qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres » (Gen. XI, 7) (cf cliché : la Tour de Babel dans la Bible allemande de Koberger, Nuremberg, 1483). La descente de l’Esprit Saint rétablit l’unité pour tous ceux qui ont la foi : les conséquences de la Pentecôte intéressent de fait l’histoire universelle, puisque le rapport à Dieu n’est désormais plus réservé au seul peuple élu, mais qu’il s’ouvre à toutes les nations. Rien de surprenant si la Pentecôte marque une date majeure du calendrier chrétien : chez les Protestants par exemple, la Cène n’était à l’origine célébrée qu’à quatre reprises dans l’année, dont une fois à la Pentecôte.
Le peuple de Dieu sera universel: de la Pentecôte naissent l’épopée des missions et une partie de la problématique moderne des langues. Ainsi, l’invention de l’imprimerie par Gutenberg sera-t-elle analysée comme un prolongement de la Pentecôte : grâce à la nouvelle technique, il sera encore plus facile d’annoncer la Bonne Nouvelle à chacun dans sa propre langue, et la diffusion des livres est comparée à la dispersion des apôtres partis accomplir leur œuvre d’évangélisation. Lefèvre d’Étaples publie à Paris en 1509 un Psautier en cinq langues, et la première Bible polyglotte est entreprise sous l’égide du cardinal Cisneros à Alcalà à partir de 1514.
Mais c’est la Réforme qui encourage le plus vivement le travail philologique sur le texte et sur la traduction des Écritures. Un siècle plus tard, la Contre-Réforme entreprend de répondre à cette vague d’érudition. À Rome, la Congrégation De Propaganda fide dispose d’une Tipografia poliglotta à partir de 1626, dont l'appellation dit assez le programme. La Tipografia est célèbre pour sa richesse en fontes typographiques (latin, grec et hébreu, mais aussi arménien, éthiopien, arabe, copte, japonais, etc., et jusqu’au tibétain), qui témoigne éloquemment de la volonté de l’Église catholique de développer désormais partout son activité missionnaire.
Bien sûr, on pourra s’amuser de ce qu’une république laïque commémore la Pentecôte, dont la majorité de nos concitoyens ont probablement oublié la signification. Il est vrai qu’elle la commémore surtout… le lendemain de la Pentecôte.
Note bibliogr. : Jean Céard, « De Babel à la Pentecôte : la transformation du mythe de la confusion des langues au XVIe siècle », dans Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, 1981, t. XLII. Giuseppe Della Torre, « La tipografia poliglotta De propaganda fide », dans Studi e ricerche sull’oriente cristiano, 14, 1991, p. 173-211. « La tipografia poliglotta De propaganda fide. Il declino dell istituzione », ibid., 17, 1994, p. 3-28.
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