École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation
du livre
Lundi 11 décembre 2017
16h-18h
L'invention de la bibliographie et les voyages littéraires
en France, XVe-XVIIIe siècle (2)
par
Monsieur Frédéric Barbier
directeur d'études
L’émergence de la «science des livres» s’articule avec le processus de reconfiguration épistémologique engagé depuis le premier tiers du XVIIe siècle, et qui concerne non seulement la bibliothéconomie moderne (celle de Gabriel Naudé), mais aussi la critique des textes, la diplomatique et les sciences auxiiaires de l'histoire, sans oublier l'histoire du livre: à l’époque de la Contre-Réforme, il s’agit de répondre à l’érudition et à la pédagogie moderne développées dans le monde protestant. On pense aux jésuites ou à leurs élèves, à Antonius Sanderus (1586-1664) ou encore à Jean Bolland (1596-1665). On pense aux Vannistes en Lorraine (du nom de l’abbaye de Saint-Vanne à Verdun) et à leur fondateur, dom Didier de La Cour (1550-1623) en 1604. Mais on pense surtout, dans le royaume de France, à la nouvelle Congrégation fondée par les Bénédictins à Paris, approuvée par le roi en 1618 et autorisée par le pape en 1621: celle des Mauristes, dont l’objet est, comme à chaque fois, de réanimer la règle initiale de saint Benoît. Ce souci de revenir aux origines se traduit implicitement par le souci de développer la recherche historique. Les Mauristes vont très vite s’orienter vers ce troisième point, notamment sous l’impulsion de leur général dom Grégoire Tarrisse (de 1630 à 1648). Ils compteront plus de 190 maisons à la fin du XVIIe siècle, en particulier dans le nord, l’ouest et le centre du royaume.
La Congrégation est organisée en six «provinces»: France (Île-de-France), Normandie, Bretagne, Chezal-Benoît, Bourgogne et Toulouse. À compter de 1631, la tête est à Saint-Germain-des-Prés. Comme un certain nombre des plus anciennes abbayes du royaume adhère à la Congrégation, celle-ci dispose souvent de très riches bibliothèques: ainsi de Saint-Germain des Prés (dirigée d’abord par dom Luc d’Achery), mais aussi de Saint-Denis, de Corbie (dont les fonds sont en partie déplacés à Paris), de Saint-Rémy de Reims, de Saint-Benoît s/Loire, de Chezal-Benoît, de Saint-Vincent (au Mans) ou encore du Mont-Saint-Michel.
Les devoirs des Mauristes concernent d’abord la formation des jeunes gens, avec une attention spécifique donnée à la philosophie, à la théologie, aux sciences humaines et au chant. S’agissant de ce que nous appellerions la recherche proprement dite, leurs thèmes privilégiés sont l’histoire de l’Église, l’histoire de l’ordre des Bénédictins, les textes sacrés et les vies de saints. Ce travail est organisé dans les différentes maisons, mais il s’opère en réseau à partir de Saint-Germain-des-Prés: les Mauristes se fondent d’abord sur leurs propres collections, puis ils entreprennent d’explorer celles des autres maisons, ils entretiennent une très vaste correspondance savante (souvent en latin), et ils finissent par organiser de véritables missions de recherche sur place, mission dont un certain nombre fait l’objet de publications. La plus connue est celle de
dom Edmond Martène, dom Ursin Durand,
Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur. Où l’on trouvera: I. Quantité de pièces, d’inscriptions et d’épitaphes servantes à éclaircir l’histoire & les généalogies des anciennes familles. II. Plusieurs usages des églises cathédrales et des monastères touchant la discipline & l’histoire des églises des Gaules. III. Les fondations des monastères, & une infinité de recherches curieuses et intéressantes qu’ils ont faites dans près de cent évêchez & huit cent abbayes qu’ils ont parcouru. Ouvrages enrichi de figures. Première [seconde] partie,
À Paris, chez Florentin Delaulne, Hilaire Foucault, Michel Clouzier, Jean Geofroy Nyon, Estienne Ganeau, Nicolas Gosselin, MDCCXII [1717]-MDCCXXIV [1724], Avec approbation et privilège du roi, 3 vol., 4°.
La conférence interrogera ces sources à nouveaux frais pour en tirer une approche des bibliothèques des maisons religieuses, des grandes églises et de certains particuliers en France, dans les «anciens Pays-Bas» et dans une partie des pays germanophones au tournant des années 1700.
Lieu: École pratique des Hautes Études, IVe section, 54 boulevard Raspail, 75005 Paris (premier sous-sol, salle 26). Métro Sèvres-Babylone, ou Saint-Sulpice.
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