Andrea del Sarto, La dame lisant Pétrarque (© Uffizi, Florence) |
Nous venons d’écrire: «en principe», parce que, de fait, les identifications des formats réels ne répondent pas toujours à la théorie. On pense aux formats composites (l’in-douze est le plus courant, mais non pas le seul), on pense aussi à toutes les manipulations qui, dans l’atelier typographique, peuvent aboutir à modifier le résultat.
La grande majorité des incunables est ainsi constituée de folios (par ex. la Bible de Gutenberg) ou d’in-quarto, mais les cahiers sont souvent encartés, donc insérés les uns dans les autres de manière à renforcer la tenue de l’ensemble. Le nombre de feuillets dans le cahier tel qu’il se présente ne correspond donc pas au chiffre théorique qui est celui du cahier tel qu’il a été imprimé. En fait, toutes sortes de combinaisons sont toujours possibles (par ex. avec l’impression par demi-feuilles), qui viennent compliquer l’identification du format bibliographique. La consultation en ligne de notices catalographiques décrivant une seule et même édition en est la preuve, avec leurs indications de formats qui ne sont pas toujours les mêmes d’une notice à l’autre…
Le format, que l’on désignera plus précisément comme le format bibliographique, est logiquement corrélé avec la taille apparente du volume, puisque plus on pliera et repliera la feuille sur elle-même, plus la taille du feuillet s’en trouvera réduite. Mais l’étalon de base reste toujours celui du support, la feuille, et l’on sait que la taille des feuilles produites par les papeteries est d’abord limitée. Les in-folio incunables pourraient souvent paraître des in-quarto, parce que la taille de la feuille telle que fournie au XVe siècle est plus petite. Inversement, lorsque les papetiers deviennent en mesure de produire des feuilles plus grandes, les formats apparents tendent à se diversifier: à compter du XVIIe siècle, on ne saurait plus confondre, à première vue, un in-folio et un in-quarto. Dans le même temps, les petits formats se diffusent toujours plus: dès lors que la feuille est plus grande, il est possible de la plier et de la replier davantage, ce qui permet de jouer à la baisse sur les coûts de production, donc sur les prix. C’est le temps des in-douze, voire des in-dix-huit et des in-vingt-quatre.
Détail du recueil de sonnets (un très élégant manuscrit en format oblong) |
Il resterait encore à s’arrêter sur les formats spécifiques. La première conférence du Deuxième congrès international sur l’histoire du livre médiéval et moderne, congrès qui vient de s’ouvrir à Saragosse, a été consacrée par notre collègue Caterina Tristano, de l’université de Sienne, au cas du «Manuscrit oblong: réalités et représentations». Ce format oblong, que nous désignons aussi en français comme «format à l’italienne», se trouve en charge d’un complexe de représentations qui sont souvent de l’ordre de la distinction –les beaux-arts, à commencer par la musique, mais aussi la poésie, etc., sans oublier les exemplaires plus personnels, comme les libri amicorum. On le voit, l’étude sérielle et systématique des formats forme un champ encore trop largement négligé aujourd’hui: l’étude du format ne relève pas du seul domaine de la bibliographie matérielle et de l’histoire technique du livre, mais il soulève aussi des problématique d’anthropologie et de sociologie historique.
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