À sa mort, Nicolas V expliquera le rôle de l’urbanisme aux cardinaux qui l’entourent: Écoutez, vénérables frères, et pesez les raisons qui nous ont incité à donner tant d’importance aux constructions. (…) Nous savons bien que seuls ceux qui sont profondément versés dans les études peuvent comprendre quelle grande chose est l’Église romaine. Le vulgaire au contraire, privé de culture et sevré de toute étude, a beau avoir l’air de prêter attention aux enseignements autorisés des savants, en réalité, s’il n’est frappé par la grandeur de quelque œuvre matérielle qui s’impose à lui par sa magnificence, à mesure que le temps passe, il en vient peu à peu à perdre sa confiance (cité par Grimal, p. 156).
Melozzo da Forli, Fondation de la BIbliothèque Vaticane, 1475 |
Nicolas V est en effet un clerc de petite origine formé à Florence, où il a nombre d'amis intellectuels et artistes. Il a accom- pagné l’humaniste Giovanni Aurispa (1376-1459) dans son exploration des bibliothèques allemandes à la suite du concile de Bâle.
Élu pape en 1447, il donnera toute son attention à la Bibliothèque, établie dans une salle de l'ancien palais de Nicolas III où lui-même tient des discussions avec ses amis: il la réorganise et l’enrichit. Il est en outre l’auteur d’un nouveau cadre de classification des livres, appliqué par Cosme de Médicis dans la Libreria di S. Marco avant de se diffuser dans les principales bibliothèques du XVe siècle. Le bibliothécaire Giovanni Tortelli († 1466), médecin, helléniste et auteur d’un De Orthographia, l’applique déjà aux volumes de la bibliothèque pontificale, dont il est en charge à partir de 1449.
La collection de Nicolas V est constituée de trois ensembles: d’abord, les livres des prédécesseurs du pape, notamment Eugène IV à l'époque du concile de Florence (340 volumes). Puis la bibliothèque humaniste rassemblée par Nicolas V (Enoch d’Ascoli recherche pour lui des manuscrits en Grèce, en Allemagne et jusqu'au Danemark). Le troisième groupe comprend les copies faites pour le pape, souvent aussi des traductions du grec (par Lorenzo Valla, George de Trébizonde, etc.).
Copistes et miniaturistes sont appelés de Bologne et de Florence pour poursuivre leur travail à Rome, où un petit groupe d’humanistes, traducteurs et éditeurs se rassemble autour de Théodore Gaza, l’un des hellénistes les plus actifs des décennies 1450-1470. Une partie de ces opérations a été financée par les revenus provenant de l’année jubilaire 1450. À la mort du pape, la bibliothèque compte déjà quelque 1200 manuscrits (dont 350 manuscrits grecs) dans douze armoires.
La Ville va s'imposer dès lors comme l’une des capitales de l’humanisme européen, où l’imprimerie est introduite dès 1466, et où la bibliothèque des papes se développe progressivement. Les successeurs de Nicolas V, Calixte III (Alphonse Borgia, 1455-1458), mais surtout Pie II (Æneas Silvius Piccolomini, 1458-1464) et Paul II (Pietro Barbo, 1464-1471), poursuivent la même politique d’enrichissement. Le rôle principal sera pourtant pris par un frère mineur de Savone, Francesco della Rovere (Sixte IV, pape de 1471 à 1484).
C’est Sixte IV en effet qui élève la bibliothèque pontificale au rang d’institution permanente, par la bulle Ad decorem militantis ecclesiae (15 juin 1475), et qui l’établit dans un local spécifique (la Bibliothèque Vaticane a donc pu commémorer son cinquième centenaire en 1975). La bulle ordonne de réunir les volumes appartenant à Sixte IV avec ceux qui viennent de ses prédécesseurs. Un premier inventaire des fonds ainsi réunis est réalisé de mars à mai 1475, et donne le détail des manuscrits. Comme on le sait, nous conservons aujourd'hui non seulement la grande fresque de Melozzo da Forli représentant la fondation de la bibliothèque et la nomination du premier bibliothécaire (cf. cliché), mais aussi une partie des fresque des frères Ghirlandaio et qui décoraient les deux premières salles de la «bibliothèque publique» à la fin du XVe siècle.
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