Au milieu du XVe siècle, le royaume de Hongrie s’est imposé comme l’une des puissances politique majeures en Europe. La dynastie des Hunyadi a pris la tête de l’État, l’apogée étant marquée par le règne de Matthias Hunyadi (1458-1490), mieux connu sous son surnom de Mathias Corvin. La cour royale est devenue un pôle de la Renaissance européenne, avec la célèbre Bibliotheca Corviniana: il s’agit d’une bibliothèque importante (peut-être deux mille volumes), et d’une bibliothèque humaniste, particulièrement riche dans les deux domaines de la littérature antique et de la philosophie. En même temps, la Corviniana est une bibliothèque princière, pratiquement toute constituée de somptueux manuscrits.
Pourtant, en dehors de la cour, la ville même de Buda connaît elle aussi une période de grande prospérité: les marchands allemands et italiens y sont en nombre et, en 1473, un premier imprimeur s'y installe, en la personne d’Andreas Hess. Hess est un émigré allemand, un de ces typographes itinérants appelés dans telle ou telle ville par l’espoir du gain.
Nous en sommes réduits aux suppositions quant à son cursus avant son arrivée à Buda, mais la décision a pu être prise à Rome. Lázló Karai, vice-chancelier du royaume est en effet envoyé comme ambassadeur à Rome (1470), où il entre en relations avec les humanistes gravitant autour de l’imprimerie de Georg Lauer, de Ratisbonne. C’est là qu’Andreas Hess aurait travaillé, et c’est là que Karai l’aurait persuadé de faire l’essai du nouvel atelier typographique sur les bords du Danube.
Hess donne en effet en 1473 à l’adresse de Buda une célèbre Chronique des Hongrois, en latin et dans un caractère typographique que l’on rencontre chez Lauer (Chronica Hungarorum: GW 6686). L’ouvrage est dédié au vice-chancelier, protonotaire apostolique et prévôt de l’église de Buda. Cette publication sera suivie d’un volume comprenant le De Legendis libris gentilium de Basile le Grand et l’Apologie de Socrate de Xénophon dans la traduction latine de Leonardus Brunus Aretinus –une production par conséquent destinée a priori à des milieux humanistes.
Hess aurait été installé en arrière de Saint-Mathias, au n°4 de la place qui porte aujourd'hui son nom (clichés 2 et 3. Hongr. Ter = Place).
Malheureusement, nous perdons très vite la trace du prototypographe, qui s’est sans doute heurté à des difficultés matérielles trop grandes (ne serait-ce que pour se fournir en papier à un coût raisonnable), et qui n’a pas trouvé dans la capitale du royaume le marché qui lui aurait permis de poursuivre son activité. Pourtant, il est vraisemblable qu’un second atelier a existé à Buda de 1477 à 1480, atelier désigné sous le nom d’«Imprimeur du Confessionale» (Antoninus Florentinus, 1477: GW 2108) et dont le matériel typographique se rapproche de celui de Mathias Moravus (Mathias d’Olmütz), alors à Naples. Cet atelier disparaît apparemment après trois ans.
Buda marque donc dans l’absolu une avance certaine en matière de géographie typographique sur les autres villes à l’est de Prague. La technique nouvelle de la typographie en caractères mobiles apparaît à Cracovie en 1474, et à Vienne en 1482, avec l’atelier de Stefan Koblinger. Koblinger, qui semble originaire de Vienne même, travaille à Vicence en 1479-1480, avant de revenir dans sa ville natale. Un second imprimeur s’y établira seulement en 1510, en la personne de Hieronymus Vietor, qui vient quant à lui de Cracovie.
Mais la géographie de l’Europe centrale en cours de construction à la fin du XVe siècle est brisée par l'invasion ottomane: à la suite de la bataille de Mohács (1526), le royaume de Hongrie disparaît, la Hongrie royale ne correspondant plus qu’aux territoires regroupés autour de Presbourg, tandis que la Transylvanie devient une principauté vassale de Constantinople. Pour quelque cent cinquante ans, Vienne prend désormais presque la figure d’une ville frontière, constamment soumise à la menace ottomane.
Chronica Hungarorum, préf. E. Soltész, Budapest, 1972 [fac–sim. de l’éd. Buda, Andreas Hess, 1473]. György Kokay, Geschichte des Buchhandels in Ungarn, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1990 (donne la bibliographie complémentaire).
Sur l’histoire de l’imprimerie en Hongrie sous l’Ancien Régime: Judit V. Ecsedy, A Könyvnyomtatás Magyarországon a kézisajtó korában, 1473-1800, Budapest, Balassi Kiadó, 1999.
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