lundi 28 mars 2011

Le patrimoine des bibliothèques

Au-delà des catégories définies par l’administration (pour laquelle le patrimoine des bibliothèques se limite à leur « patrimoine livresque », lequel sera défini notamment en fonction de son ancienneté), le patrimoine des bibliothèques désignera pour le chercheur une typologie d’objets, de pratiques et de représentations qui ne se limite pas aux seuls livres, voire aux seuls «objets» relevant de l’écrit (pièces d’archives, manuscrits, livres, périodiques, plaquettes, pièces de toutes sortes comme affiches, tracts, estampes, etc.).
D’abord, la bibliothèque ne désigne pas toujours, historiquement, un ensemble de livres. La tradition du Musée d’Alexandrie combine la gloire du prince, qui se présente comme un « prince des muses », et le service rendu dans toutes sortes de domaines aux intellectuels, aux savants, etc., en ce qui concerne l’information et la documentation. Le Musée, qui comprend une bibliothèque, constitue un véritable centre de documentation faisant appel non seulement aux livres, mais aussi aux objets d’art, instruments scientifiques, collections d’histoire naturelle, etc. Dans une perspective encyclopédique, le Musée donne comme un catalogue du monde « naturel » et des créations de l’homme.
Le modèle sera est reproduit au fil des siècles, y compris dans le domaine privé, comme le montre l’exemple de Peiresc. Lorsqu’une partie du cabinet de Peiresc est reprise par les chanoines de Ste-Geneviève de Paris, elle constitue dans cet établissement le noyau du célèbre « Cabinet » de leur bibliothèque. Le chanoine du Molinet, auteur d’une Histoire du cabinet de la bibliothèque de Sainte-Geneviève, en est le premier grand gestionnaire : le Cabinet comprend une section réservée aux antiquités et aux pièces historiques (notamment numismatique), mais aussi une partie d’instruments scientifiques (horloges, lunettes d’approche, etc.) et d’objets relevant plus de l’ethnologie (costumes et armes) et de l’histoire naturelle (échantillons). La Réserve de la Bibliothèque Sainte-Geneviève conserve toujours une partie importante de ce Cabinet, mais on pourrait aussi penser au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France...
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La plupart des bibliothèques anciennes possèdent jusqu’à aujourd’hui des objets ou des ensembles plus ou moins précieux qui ne relèvent en rien du domaine du livre : on en aura une idée en consultant la série (publiée à partir de 1925) des Trésors des bibliothèques de France. Cette collection n’est pas remplacée par celle du Patrimoine des bibliothèques de France : un guide des régions (Paris, Payot, 1995, 10 vol., 1 vol.) d’index. Beaucoup de monographies existent par ailleurs, comme : Fernard Lebert, La Bibliothèque de la ville de Meaux et les bibliothécaires (Meaux, Sté litt. et hist. de la Brie, 1903).
Ce modèle du Musée perdure longtemps, y compris sur le plan administratif : le British Museum est fondé à Londres par le médecin sir Hans Sloane en 1753, et ouvert au public six ans plus tard. La British Library lui est intégrée jusqu’en 1973 (P. R. Harris, A History of the British Museum Library, 1753-1973, London, The British Library, 1998). L’exemple anglais essaime sur le continent, notamment avec les « Musées » d’Europe centrale, à Prague et à Budapest, dont les Bibliothèques nationales ne s’émanciperont que peu à peu.
Pourtant, un certain rééquilibrage est sensible, surtout à compter de la seconde moitié du XVIIIe siècle : il est possible qu’il reflète la montée en puissance d’une production imprimée de plus en plus riche et de plus en plus stratégique sur le plan de la marche des idées. Rappelons la polémique qui se développe entre Debure et Mercier (de Saint-Léger) à l’occasion de la sortie de la Bibliothèque instructive publiée par le premier, et l’opposition désormais plus sensible, entre le « cabinet rare » et la « bibliothèque choisie ». Dans les bibliothèques modernes, dont un grand nombre est reconstruit ou réaménagé au XVIIIe siècle, les objets d’art apparaissent non plus comme fondamentaux, mais plutôt comme relevant d’une certain esthétique de la distinction : ce sont les peintures et les fresques (par ex. à Valenciennes), ou encore les bustes décorant le haut des travées de livres. Dans la salle de lecture de la Bibliothèque Mazarine, il s’agit d’un ensemble de bustes antiques ayant notamment appartenu à la collection même du cardinal.

Le décor de la bibliothèque nous a introduits à la tradition même de celle-ci : l’architecture du bâtiment peut en faire partie. Les exemples de bibliothèques anciennes antérieures à la Révolution sont rares en France (Valenciennes, Dijon, Reims, Troyes, etc.). À Versailles, la Bibliothèque est installée dans l’ancien hôtel des Affaires étrangères, élevé suc ordre du duc de Choiseul-Stainville et que ses conditions de sécurité ont fait un modèle en son temps : le bâtiment est « construit à l’épreuve du feu, l’emploi du bois y est proscrit. Les sols sont recouverts de tommettes et les plafonds voûtés sont constitués de briques liées par du plâtre ».
Un exemple très remarquable est donné par la ville de Besançon, qui décide en 1803 de construire un bâtiment spécifiquement destiné à abriter sa bibliothèque, lequel sera en définitive terminé en 1817. La Bibliothèque d’Amiens est à peu de choses près contemporaine. Mais les constructions les plus célèbres sont naturellement celles de Labrouste à Sainte-Geneviève et à la Bibliothèque de la rue de Richelieu (d’où les problèmes posés par leur reconversion éventuelle), mais on pourrait aussi songer à la nouvelle Bibliothèque universitaire de Strasbourg construite par les autorités allemandes après 1870. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la reconstruction de la bibliothèque Carnegie, à Reims, marque aussi une date dans l’introduction en France des nouveaux concepts bibliothéconomiques. Enfin, si la plupart des instituions construisant aujourd’hui des bibliothèques nouvelles ne manifestent en général guère de soucis d’esthétique architecturale, les exemples inverses se rencontrent pourtant, qu’il s’agisse de la BnF (site Tolbiac) ou de constructions plus récentes : la nouvelle Médiathèque du Piémont oloronais a reçu la distinction de l’Équerre d’argent en 2011.
Mais d’autres éléments sont souvent négligés, alors qu’ils se révèlent particulièrement riches sur le plan de l’histoire du travail intellectuel et des pratiques de lecture, comme sur ceux de l’archéologie administrative et de l’évolution des représentations intellectuelles. Pensons au mobilier professionnel (fichiers, échelles, fournitures diverses, etc.), aux archives de l’établissement (dont les registres de prêts) ou encore aux documents iconographiques relatifs à l’histoire du bâtiment, de l’institution et de ceux qui s’y sont rencontrés (par ex., la galerie des portraits des directeurs). Trop de bibliothèques négligent leurs propres fonds archivistiques, voire souvent une grande partie de ces objets qui paraissent à la fois quelconques et reflétant souvent une image que l’on ne souhaite pas conserver. Des exemples contraires sont pourtant donnés, entre autres par la Bibliothèque nationale Széchényi à Budapest.
C’est peu de dire, en définitive, que l’histoire des bibliothèques et de leur patrimoine reste, malgré des publications scientifiques de grande valeur, un champ ouvert pour les investigations historiennes.

Clichés:  1) Hall de la Bibliothèque de Reims; 2) Dans les magasins de la Bibliothèque du château de Chantilly.

dimanche 27 mars 2011

Histoire des bibliothèques en Europe à l'époque moderne

Istvan Monok
Les Bibliothèques et la lecture dans le Bassin des Carpates, 1526-1750,
276 p., index ("Bibliothèque d'études de l'Europe centrale", 4).

Plan du volume
Introduction
     -Les bibliophiles
Typologie des sources
     - Prolégomènes
     - Typologie
Les bibliothèques institutionnelles
     - Les collections des cours de Buda et de Gyulafehérvar
     - Bibliothèques municipales et bibliothèques à caractère laïc
     - Les bibliothèques scolaires
     - Bibliothèques ecclésiastiques
     - Les bibliothèques hongroises hors du Bassin des Carpates
Les bibliothèques privées de catégories supérieures
     - Les collections des cours seigneuriales
     - Les bibliothèques de la noblesse
     - Les bibliothèques des savants et érudits
     - Les bibliothèques de prélats
Les catégories moyennes de la société
     - Bibliothèques de prêtres catholiques et de pasteurs protestants
     - Collèges réformés et intellectuels
     - La bourgeoisie
Les langues de lecture
     - Une situation linguistique complexe
     - Le latin et les langues vernaculaires: analyse de la production
     - L'apport des sources d'archives
     - Les sensibilités religieuses
     - Une chronologie différenciée de la langue vernaculaire
Collectionneur ou lecteur? Les pratiques de la collection
Aperçu du XVIIIe siècle
     - Bibliothèques ecclésiastiques
     - Séculiers et réguliers
     - Bibliothèques scolaires
     - Bibliothèques laïques
     - Les seigneurs
Conclusion: l'histoire des lecteurs en Hongrie du XVIe au XVIIIe siècle
Bibliographie sélectionnée
Index des noms propres et des noms de lieu

Présentation de l'éditeur: "Le royaume de Hongrie, jadis l'une des grandes-puissances européennes, disposait, au début du XVIe siècle d'un cadre institutionnel de la culture comparable à ceux des États occidentaux. La Bibliotheca Corviniana, la collection du roi Mathias Corvin avait sans doute été l'une des bibliothèques plus importantes de l'époque. La conquête ottomane fit écrouler le pays : les établissements bibliothécaires soit s'anéantirent, soit se dotèrent, grâce au succès de la Réforme, de contenus tout nouveaux. Les Églises protestantes (luthérienne, calviniste et antitrinitarienne) réussirent à créer de nouvelles institutions dans ce pays qui devint, à la fin du XVIe siècle, majoritairement protestant. L'église catholique ne récupère ses positions perdues qu'au début du XVIIIe siècle. Notre livre se propose de fournir une synthèse de ces deux siècles du point de vue de l'histoire des bibliothèques et de l'histoire de la lecture."

vendredi 25 mars 2011

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 28 mars 2011
16h-18h
Traductions et transferts culturels au Siècle des Lumières.
Approches, circulations, appropriation (4 et fin)
par
Monsieur Hans-Jürgen Lüsebrink,
professeur à l'université de Sarrebrück,
directeur d'études invité étranger

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog).

mercredi 23 mars 2011

Émigration et transferts culturels

C'est peu de dire qu'aujourd'hui, la problématique de l'immigration est à l'ordre du jour dans la discussion politique. Pourtant, elle n'est évidemment pas récente, et elle joue un grand rôle, par exemple, dans le domaine de l'histoire du livre.
Les contemporains de Gutenberg ont très tôt été frappés par le rôle joué, dans le processus d’innovation, par les techniciens et autres praticiens des pays allemands, à commencer par Gutenberg lui-même: l’exemple des typographes d’origine allemande ayant travaillé en France au XVe et au début du XVIe siècle est à cet égard très révélateur. Même si Henri-Jean Martin intitule « L’heure de l’Allemagne » le chapitre de son classique
Histoire et pouvoirs de l’écrit (Paris, Perrin, 1988) dans lequel il présente les débuts de l’imprimerie, le sujet des « imprimeurs allemands », que l’on aurait pu croire largement traité étant donnée l’ampleur de la bibliographie sur l’histoire des origines et des premiers temps de l’imprimerie, de L’Apparition du livre (1958) à la récente étude sur L’Europe de Gutenberg (2006), a en réalité été négligé, sinon oublié, par la recherche. Nouvel épisode vérifiant l'adage paradoxal selon lequel ce qui est trop célèbre n'est pas connu.
La question de l'émigration allemande, qui s'intègre pleinement dans la recherche actuelle concernant les "transferts culturels" (ce dernier terme étant bien entendu à prendre au sens large), se déploie dans le cadre d’une problématique triple :
1) Il s’agit d’abord de l’histoire des techniques et de l’innovation, un secteur toujours marqué par un certain déficit dans l’historiographie française : malgré les recherches de Bertrand Gille et de François Caron (pour la période contemporaine), on ne peut que regretter l’absence de travaux récents sur l’histoire technique de la typographie, le titre récent le plus important étant probablement constitué par le catalogue de l’exposition du CNAM et par les Actes du colloque de Lyon (cf. infra bibliographie).
2) Le second thème concerne la typologie et le développement des transferts  entre les pôles initiateurs, en l’occurrence la vallée du Rhin moyen, et les pôles de diffusion, en Allemagne d’abord, puis en Italie, en France et progressivement dans la plus grande partie de l’Europe: nous assistons à la mise en place d'une structure complexe en réseau, avec des points initiaux et des nœuds secondaires de relais et de redistribution.
3) Enfin, c’est toute  la problématique des migrations qui doit être prise en compte : l’imprimerie est une invention allemande, les premiers typographes à travers toute l’Europe sont des Allemands, mais le phénomène de ces migrations spécialisées n’a à ce jour pas été envisagé en tant que tel par la recherche, notamment d'un point de vue anthropologique, sinon à l'aune de travaux relativement anciens. La typologie de l'émigration amène bien évidemment à distinguer les ouvriers typographes, les maîtres imprimeurs et, de plus en plus, les libraires et les investisseurs qui agissent en arrière-plan - et le glissement de l'un à l'autre recouvre pour partie l'évolution de la conjoncture.
Le mouvement d'ouverture qui caractérisait la première époque (en 1470, les premiers typographes parisiens sont des allemands) s'inverse pourtant avec la montée des luttes religieuses, la date de 1534 (avec l'affaire des Placards) marquant un moment fort d'infléchissement. Sébastien Gryphe, auquel un livre vient d'être récemment consacré, est peut-être l'un des derniers exemples de l'émigration "réussie" vers le royaume. Bientôt, ce ne sont plus les émigrés qui viennent s'établir et exercer à Paris, à Lyon et dans d'autres villes, mais les professionnels français les plus en vue qui cherchent un abri dans les nouveaux "refuges" de Bâle et, surtout, de Genève.
Tels sont les thématique principales qui seront envisagées dans la conférence de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres le 25 mars prochain.
Bibliogr.: Les 3 [trois] révolutions du livre [catalogue de l’exposition du CNAM], Paris, Imprimerie nationale, Musée des arts et métiers, 2002 (Comité scientif. présidé par Frédéric Barbier). Les Trois révolutions du livre : actes du colloque international de Lyon/Villeurbanne (1998), dir. Frédéric Barbier, Genève, Droz, 2001, 343 p. (RFHL, 106-109, 2000). 
Sur l'émigration allemande, voir notamment les travaux de J. Mathorez, « La pénétration des Allemands en France sous l’Ancien Régime », dans Revue des études historiques, 1916, référence, et, du même auteur, Les Étrangers en France sous l’Ancien Régime. Histoire de la formation de la population française, Paris, Champion, 1919-1921, 2 vol.

Illustr.:
Explicit du premier livre imprimé en France par les typographes allemands du Cloître Saint-Benoît: Gasparinus Barzizius. Epistolæ, Éd. Johannes Heynlin, de Lapide, Paris, Ulrich Gering, Martin Crantz et Michæl Friburger [été ou automne 1470].
Ut sol lumen sic doctrinam fundis in orbem / Musarum nutrix, regia Parisius/
Nunc prope divinam tu quam Germania novit /Artem scribendi suscipe pro merita./ Primos ecce libros quos haec industria finxit / Francorum in terris, aedibusque tuis !/ Michael, Udalricus Martinusque magistri /Hos impresserunt ac facient alios.
Traduction par Anatole Claudin : « De même que le soleil répand partout la lumière, ainsi Paris, capitale du royaume et nourricière des Muses, tu verses la science sur le monde. Reçois donc en récompense cet art d’écrire presque divin qu’inventa l’Allemagne. Voici les premiers livres produits par cette industrie sur la terre de France et dans tes propres murs. Les maîtres Michel, Ulrich et Martin les ont imprimés et ils en feront d’autres ».

dimanche 20 mars 2011

À Genève et à Paris, deux conférences d'histoire du livre

Université de Genève, Unité d'histoire moderne
lundi 21 mars 2011
Conférence de M. Frédéric BARBIER, 
directeur de recherche au CNRS
directeur d'études à l'École pratique des hautes études

La prochaine réunion du Groupe d'Études aura lieu le lundi 21 mars 2011 à 20h00 à la salle B112, Uni Bastions. À cette occasion, M. Frédéric BARBIER (Directeur de recherche CNRS (IHMC/ENS Ulm) donnera une conférence intitulée

Le voyage pittoresque de la Grèce du comte de Choiseul-Gouffier

La séance est ouverte à tous ceux que le sujet intéresse.



Institut de France
Séances publiques en Grande salle des séances

vendredi 25 mars 2011
au cours de la séance publique,
communication de M. Frédéric BARBIER,
sous le patronage de M. Yves-Marie BERCÉ,
sur 
Les typographes allemands et les débuts de l’imprimerie
en France au XVe siècle

Institut de France - 23, Quai de Conti - Paris 6e

jeudi 17 mars 2011

Conférences d'histoire du livre


École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 21 mars 2011
14h-16h
Lire plume à la main.
Étude de la pratique des annotations de lecture, à partir du fonds de la bibliothèque du Collège des irlandais (XVIe-XIXe siècles)
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE

16h-18h
Traductions et transferts culturels au Siècle des Lumières.
Approches, circulations, appropriation (3)
par
Monsieur Hans-Jürgen Lüsebrink,
professeur à l'université de Sarrebrück,
directeur d'études invité étranger

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog).

mercredi 16 mars 2011

Histoire de la Maison Mame


Cartonnage de Mame (coll. part.)
La maison Mame à Tours (1796-1975) :
deux siècles d'édition pour la jeunesse
Colloque, 17 et 18 mars 2011

Hôtel de Ville de Tours,
Salle des mariages



Colloque organisé par l'équipe de recherches INTRU
(« Interactions, Tranferts, Ruptures artistiques et culturels », JE 2527)
de l'Université François-Rabelais,
dans le cadre d'un appel à projets financé par l'Agence nationale de la recherche.
Responsable : Cécile Boulaire
9h30 Frédéric BARBIER (CNRS / EPHE), Ouverture
9h45 Cécile BOULAIRE, Le Projet Mame, une aventure de trois ans.

Heurs et malheurs d'une dynastie
10h Michel MANSON (Université Paris 13) : Les frères Mame à Paris (1807-1837) : l'échec d'une stratégie familiale de diversification
10h40 Tangi VILLERBU (Université de La Rochelle) : Charles Mame libraire new-yorkais, 1815-1817
11h20 Chantal DAUCHEZ (Université de Tours) : Alfred Mame et la papeterie de La Haye-Descartes
12h Françoise TAUTY (Université de Tours) : La politique philanthropique des Mame
12h40 pause déjeuner

Mame et la littérature pour la jeunesse – stratégies éditoriales
14h30 Annette BAUDRON (Docteur de l'université de Tours) : De l'Ami des enfants à la Bibliothèque des petits enfants: rupture ou continuité?
15h10 Cécile BOULAIRE (Université de Tours) : Qu'est-ce que la littérature pour enfants selon Mame ?
15h50 Matthieu LETOURNEUX (Université Paris Ouest) : Mame, entre esthétique et éthique
16h30 Francis MARCOIN (Centre Robinson, U.A. "Textes & Cultures", Université d'Artois) : La Revue Mame, une publication académique

Vendredi 18 mars
Mame et la littérature pour la jeunesse – marques idéologiques
9h Christian AMALVI (Université Montpellier III) : Les ouvrages d'histoire de Mame, support privilégié d'un catholicisme social en action (1830-1880) ?
9h40 Marie-Françoise BOYER-VIDAL (Musée national de l'éducation, Rouen) : Mame et l'école publique (1870-1890). L'annonce d'une fracture éditoriale
10h20 Mathilde LEVEQUE (Université Paris 13) : Un siècle de littérature coloniale chez Mame (1830-1940)
11h pause
L'écrit et l'image
11h10 François FIEVRE (Université de Tours) : Mame, typographie et bibliophilie.
11h50 Stéphane TASSI (Association des amis des livres, Tours) : Convergences des styles écrits et visuels chez Mame
12h30 pause déjeuner

14h Marie-Pierre LITAUDON (Docteur de l'université Rennes 2) : Les albums Mame de l'entre-deux guerres
L'entreprise Mame au XXe siècle
14h40 Michèle PIQUARD (CNRS) : La société Mame
15h20 Caroline GAUME (Tours) : D'une usine l'autre. 1940-1953, destruction et reconstruction de l'usine Mame
16h Christine DESMOULINS (Critique d'architecture, auteur d'une thèse sur Bernard Zehrfuss), : L'imprimerie Mame, une architecture industrielle moderne en bord de Loire
16h40 Matthieu LETOURNEUX, Tangi VILLERBU : Fin de projet, ouverture de chantiers
17h Clôture du colloque par Jean-Michel FOURNIER, doyen de l'UFR Lettres & Langue
18h30 à l'invitation de la Bibliothèque municipale de Tours, inauguration de l'exposition La maison Mame, deux siècles d'édition à Tours, au Château de Tours.

Url de référence : http://mameetfils.hypotheses.org/
Université François-Rabelais 3, rue des Tanneurs, 37041 Tours Cedex 01

lundi 14 mars 2011

Conférence d'histoire du livre

Séminaire "Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur... 
Qui écrit?
 
La prochaine séance du séminaire
"Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur... Qui écrit ?"
aura lieu le mercredi 16 mars 2011
à 17h00

Mettre en vers français une poétesse latine:
Proba Falconia à Lyon en 1557
 par
Michèle Clément
(Université de Lyon II)


Organisation du séminaire:
Martine Furno, Raphaële Mouren

Entrée libre sans inscription
Les séances ont lieu de 17h à 19h à l'enssib, salle N.1.29
17-21 bd du 11 novembre 1918 - 69623 Villeurbanne cedex - 04 72 44 43 43
Tramway T1 "Université Lyon 1" - Bus 59, 59E, 70 "Stalingrad Parc"

Communiqué par Raphaële Mouren
maître de conférences à l'Enssib,
Présidente, IFLA Rare Books and Manuscripts Section

vendredi 11 mars 2011

Conférence d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 14 mars 2011 
16h-18h 

Traductions et transferts culturels au Siècle des Lumières:
approches, circulations, appropriations (2)
 professeur à l'université de Sarrebruck,
directeur d'études invité étranger

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Consultez aussi l'index matières du blog.
Rappelons aussi la soutenance de thèse de Madame Florence Alibert à la Sorbonne, le 11 mars à 14h.

mercredi 9 mars 2011

L'intellectuel et l'histoire du livre

Nous évoquions le 8 février dernier la problématique de l'intellectuel, et souhaitons y revenir aujourd'hui. En effet, que la définition moderne de l’intellectuel «à la française» ne soit pas réellement satisfaisante est une chose évidente pour l’historien du livre...
Bien entendu, les intellectuels existent de tout temps, au sens de «ceux qui travaillent avec leur esprit», et le classique de Georges Duby, Les Intellectuels au Moyen-Âge illustre excellemment le fait. Mais, dans notre historiographie, le terme d’intellectuel prend un sens plus particulier au XIXe siècle : l'intellectuel constitue une figure qui s’impose avec l’Affaire Dreyfus, celle de l’écrivain ou du savant n’hésitant pas à intervenir, au nom de ses compétences spécifiques, dans l’espace public au nom d’un certain nombre de valeurs qui, à ses yeux, définissent le bien. L’intellectuel par excellence, c’est bien évidemment Zola, auteur à succès, mais aussi personnalité qui s'engage en publiant dans L’Aurore son célèbre article « J’accuse » (13 janvier 1898).
Pour Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, auteurs des Intellectuels en France, de l’Affaire Dreyfus à nos jours (2e éd., Paris, Armand Colin, 1992), cette date de 1898 marque le moment fondateur déjà désigné comme tel dans le titre de l'ouvrage. Dans ses Intellectuels en Europe au XIXe siècle (Paris, Seuil, 1996), Christophe Charle élargit l’espace géographique et chronologique de la problématique de l’intellectuel à l’Europe et à la période postérieure à 1815, tout en développant une perspective comparatiste fondée sur l’analyse d’histoire sociale. Pourtant, les formules proposées par lui ne remettent pas réellement en cause le dessin de la courbe, et elles ont même une curieuse charge que l’on pourrait dire biblique: si 1898 marque le moment de «cristallisation» (p. 262), ce qui précède depuis les années 1860 est de l’ordre de la « genèse », tandis que la période 1815-1860 est qualifié de «temps des prophètes»…
Même constatation, enfin, à propos du Dictionnaire des intellectuels français de Jacques Julliard et Michel Winock (2e éd., Paris, Seuil, 2002). Les auteurs proposent une définition large de l’intellectuel: l’écrivain, le scientifique, l’artiste ou l’universitaire qui, à un moment ou à un autre de sa vie, «s’est mêlé de ce qui ne le regarde pas» (selon le mot de Jean-Paul Sartre) et qui est intervenu sur la scène publique pour faire connaître telle ou telle position à caractère politique. Un intellectuel exerce une activité de l’esprit, à travers laquelle «il entend proposer à la société tout entière une analyse, une direction, une morale que ses travaux antérieurs le qualifient pour élaborer». Pour autant, le Dictionnaire des intellectuels français commencera bien, en définitive, lui aussi... avec l'«Affaire».
Reprenons les deux points essentiels: l’intellectuel est un travailleur de l’abstrait, mais qui intervient dans l’espace public en s’efforçant de gagner ses contemporains à la cause qu’il pense juste. Il prend directement en considération la question de l’efficacité de son message (il doit convaincre le plus grand nombre possible), et il se trouve donc logiquement amené à se pencher sur une stratégie de la médiation: chez Zola, le choix de L’Aurore n’est pas innocent, et surtout la mise en page de la lettre ouverte (six colonnes à la une!) à Félix Faure donne au texte une charge supplémentaire qui ne relève pas strictement de son contenu.
Mais rien ne dit que la figure de l’intellectuel serait nécessairement liée à l’économie des médias de masse (la presse périodique industrielle de la fin du XIXe siècle), ni même à la mise en place de la démocratie, pour l’essentiel après le «temps des révolutions» qu’ouvre la Révolution américaine de 1776 (déclaration d’indépendance des anciennes «Treize colonies») et qu’amplifie la Révolution française de 1789. Dans un prochain billet, nous verrons que, d’une part, l’histoire du livre nous propose des figures d’intellectuels au sens moderne du terme depuis le XVe siècle; et que, d’autre part, le déplacement de la catégorie de l’intellectuel se donne aussi à comprendre en articulation avec la succession des «trois révolutions du livre». Rien que de logique à cela, dans la mesure où l'imprimé constitue le principal média de l'Ancien Régime et, sous une forme spécifique (celle de la presse périodique), le principal média du XIXe et d'une grande partie du XXe siècle.

mardi 8 mars 2011

Avis de soutenance de thèse

Le 11 mars 2011 à 14h.,
Madame Florence Alibert
soutiendra sa thèse de doctorat en philosophie sur

La question du livre en Europe autour de 1900.
William Morris et son cercle : une esthétique hétérodoxe

La thèse a été préparée sous la direction de Madame Anne Moeglin,
professeur à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne).

Lieu :
En Sorbonne, salle Jean-Baptiste Duroselle
(galerie J.-B Dumas), 1 rue Victor Cousin,
75231 Paris Cedex 05
La soutenance est publique

Cliché: la question du lien entre le fond (le texte) et la forme (l'objet livre), entre l'usage et l'esthétique, relève autour de 1900 d'une problématique européenne, particulièrement évidente en Grande-Bretagne, mais aussi en France, et surtout en Belgique et en Allemagne. Les périodiques sont privilégiés  en tant que média permettant à la fois l'expérimentation et la diffusion des modèles. Parmi les titres nouveaux, la Jugend (jeunesse) de Georg Hirth est à l'origine du terme de Jugendstil. À une époque où l'on discute de la théorie de la décadence, Hirth déclare: «Notre temps n'est ni vieux, ni fatigué! Nous ne vivons pas les derniers soupirs d'une époque moribonde, nous sommes à la porte d'une époque pleine de santé, c'est une joie que de la vivre!»

dimanche 6 mars 2011

Conférences d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 7 mars 2011
14h-16h
Des bibliothèques parlantes:
circulation et usages des catalogues de bibliothèque
à l'époque moderne (XVIIe-XVIIIe siècle)
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h 
Traductions et transferts culturels au Siècle des Lumières:
approches, circulations, appropriations
 professeur à l'université de Sarrebruck,
directeur d'études invité étranger

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Consultez aussi l'index matières du blog.

jeudi 3 mars 2011

L'Histoire de l'imprimerie de Prosper Marchand (fin)

Très vite après l’invention de l’imprimerie, les contemporains voient dans la technique nouvelle une des ruptures principales de l’histoire de la civilisation, et ils entreprennent d’en reconstituer la généalogie, en identifiant notamment le nom de l’inventeur avec celui de Johann Gutenberg, bourgeois de Mayence. Surtout, le temps est à l’optimisme: grâce à l'imprimerie, le savoir va pouvoir se répandre bien plus facilement, comme le souligne bientôt Rabelais dans la célébrissime Lettre de Gargantua à Pantagruel.
En 1740, pour le troisième jubilé de l’invention, l’Histoire de l’imprimerie de Prosper Marchand conserve cette même perspective universaliste. L’ouvrage s’ouvre par un superbe frontispice dessiné et gravé en taille-douce par Jacob von Schley (1715-1779) en 1739. Le thème en reprend la généalogie de l’invention: «L’imprimerie descendant des cieux est accordée par Minerve et Mercure à l’Allemagne, qui la présente à la Hollande, l’Angleterre, l’Italie, & la France, les quatre premières nations chés lesquelles ce bel art fut adopté». L’imprimerie trône dans les nuées (elle tient un composteur et une balle à encrer, et est drapée d’une sorte de toge portant les lettres de l’alphabet), entourée des figures de Minerve (qui personnifie la connaissance, accompagnée de la chouette) et de Mercure, dieu du commerce et des échanges. L’artiste se place d’emblée dans la double logique qui est celle des activités liées au livre, à la fois «marchandise» et « ferment », pour reprendre la célèbre formule de Febvre et Martin.
Les cinq figures féminines du registre inférieur personnifient les premières « nations » européennes à avoir accueilli l’art nouveau: portant la couronne impériale et le sceptre, l’Allemagne est la plus élevée, parce que c’est à elle que l’invention est remise. Elle est appuyée à trois cartouches aux effigies de «Jean Guttemberg», de «Jean Fust» et de «Pierre Schoiffer»  (le nom de ce dernier est le seul à n’être pas accompagné d’un portrait).
Au centre de la composition, c’est l’Angleterre, avec le cartouche de «Guill. Caxton» (William Caxton); puis vient l’Italie (qui porte la tiare et les clés pontificales et qui tient le cartouche à l’effigie d’«Alde Manuce»), tandis que la France, dans un drapé fleurdelysé vient à droite de la composition, où elle soutient de la main gauche le cartouche au nom de «Robert Estienne». Enfin, la Hollande est allongée au premier plan de la scène, et elle présente le cartouche à l’effigie de «Laurent Koster», le célèbre prototypographe de Haarlem.
Après le temps de l’humanisme, nous sommes devant un motif symbolisant l’idéologie des Lumières européennes diffusées par l’imprimé. Mais ce temps de l’universalité est alors près de se refermer, au profit du paradigme nouveau qui est celui des identités nationales. Un siècle plus tard, le quatrième jubilé s’ouvre par ce qu’Henri-Jean Martin a décrit comme la «guerre des statues» commémorant l’imprimerie, entre Haarlem, Mayence et Strasbourg: la paternité de l'invention s’est progressivement muée en enjeu politique, pour lequel la concurrence franco-allemande est pour un temps devenue centrale.

mardi 1 mars 2011

L'Histoire de l'imprimerie de Prosper Marchand

Il y a quelques semaines, Jean-Dominique Mellot revenait, dans une séance de la conférence d'Histoire et civilisation du livre à l'École pratique des Hautes Études, sur la question de la formation professionnelle dans l'imprimerie d'Ancien Régime, sur les pratiques de travail et sur les grandes grèves des typographes à Lyon et à Paris au XVIe siècle. Nous retrouvons ces même thèmes (en même temps que celui de l'articulation entre le travail de l'auteur et celui du libraire) lorsque nous feuilletons  la très belle Histoire de l’imprimerie publiée par Prosper Marchand à La Haye en 1740:
Prosper Marchand, Histoire // de // l’origine // et des //  premiers progrès // de // l’imprimerie.,
À La Haye, chés la veuve Le Vier et Pierre Paupie, M.DCC.XL., XIV-118-152 p., 4°.
L'étude est très érudite, et le volume d'une exécution typographique particulièrement soignée: parfaitement équilibré, le titre en rouge et noir est agrémenté d'une en taille douce représentant la déesse de l'imprimerie, dans un encadrement rocaille et surmontée des cinq voyelles A.E.I.O.U., avec la légende Rerum tutissima custos et la signature de Jakob von Schley, 1739. On remarquera en revanche l'absence du nom de l'auteur.
Pourtant, la publication est aussi présentée, et précisément par l'auteur lui-même, comme une opération de librairie: il s'agit en effet  de profiter de la «curiosité du public» à l'occasion du traditionnel jubilé de l'invention de l'imprimerie. La Préface est datée du 28 décembre 1738 et le frontispice est gravé en 1739, de sorte que le manuscrit était prêt suffisamment à l'avance pour permettre de présenter le volume aux foires de Francfort et de Leipzig de 1739:
«Cette Dissertation Historique & Critique touchant l'Origine & les premiers Progrès de l'Imprimerie faisoit Partie d'un Recueil d'environ soixante autres de pareil Caractère, composées & retouchées à diverses fois depuis 1715 jusqu'en 1735.: & je ne l'en ai détachée qu'à la Sollicitation de quelques Amis qui ont crû, que le troisième Jubilé, ou la troisième Année séculaire, de l'Imprimerie, réveilleroit infailliblement la Curiosité du Public touchant l'origine de ce bel Art; & que je ne devois nullement négliger une Occasion si naturelle & si favorable de publier ce que j'avois recueilli à cet Egard.»
Mais le retard et la «dissipation»(le terme est significatif) des ouvriers imprimeurs n'ont pas permis de réaliser ce programme. Marchand explique en effet, dans un Avertissement daté du 31 mars 1740 et où il en appelle au jugement du public:
«Enfin, quelque Soin que j'eusse pris, pour qu'il parût, comme il le devoit, aux Foires de Francfort et de Leipzic de 1739, la Lenteur & la Dissipation des Ouvriers l'a fait trainer jusqu'à la Fin de ce Mois de Mars de la présente Année 1740: retardement fâcheux, dont je suis obligé de me plaindre publiquement ici, afin de ne me point trouver en Contradiction avec moi-même; & mauvais Procédé tout-à-fait propre à confirmer les Plaintes continuelles des Gens de Lettres concernant les Abus de l'Imprimerie...»

Cliché: page de titre de l'Histoire de l'imprimerie, coll. Quelleriana.