vendredi 2 avril 2010

A Genève


L'aller et retour Paris-Genève se fait facilement par le train dans la journée, et donne la possibilité, après avoir déposé le manuscrit de Histoire et civilisation du livre (6) et s'être entretenu d'un certain nombre de choses avec l'éditeur, de parcourir encore une fois les rues de la vieille ville, éventuellement de faire un saut à la Bibliothèque ou au Musée d'Art et d'Histoire, ou encore, si le temps s'y prête (ce qui était le cas hier), de rester un moment sur les bords du lac.
Il est intéressant d'observer la trajectoire de Genève du point de vue de l'histoire du livre : la vieille cité impériale et épiscopale reste longtemps menacée par ses voisins les ducs de Savoie, et elle n'a évidemment pas, au XVe siècle, la puissance de sa voisine lyonnaise. L'imprimerie y apparaît d'ailleurs plus tardivement, en 1478, et on connaît "seulement" une centaine de titres incunables imprimés à Genève (dont une proportion notable de "romans" en français, ce qui est un indicateur significatif de la conjoncture de la branche).

La fortune de Genève dans le domaine du livre lui est apportée par la conjoncture nouvelle qui est celle du XVIe siècle : non pas tant le passage lui-même de la ville à la Réforme, encore moins une liberté de pensée qui n'existait pas dans la "Rome protestante" de Calvin, que la fonction de ville refuge qu'elle acquiert auprès de nombre personnalités qui doivent quitter la France pour se mettre à l'abri.
Les "Placards" de 1534 marquent en effet dans le royaume un premier paroxysme de la crise politico-religieuse : certains intellectuels, libraires, imprimeurs et autres, soupçonnés de pencher vers la Réforme, se réfugient, pour un temps ou de façon définitive, à l'étranger, et ce mouvement se continuera en s'amplifiant pendant une génération.
Le regretté Albert Labarre nous rappelle, dans les "Mélanges Pierre Aquilon", que "le livre des habitants de Genève de 1549 à 1560 mentionne (...) quelque cent trente réfugiés venus de France et appartenant aux métiers du livre, les plus célèbres étant les imprimeurs parisiens Robert Estienne et Conrad Bade, reçus en 1550".
Cinq siècles plus tard, nous sommes toujours sur la route de Genève, non pas pour des raisons politiques ni religieuses, mais pour y rencontrer... un éditeur.
Clichés : 1) Vue de la vieille ville, avec la cathédrale Saint-Pierre, église protestante depuis 1536. En arrière-plan, les sommets du Jura encore enneigés. 2) La porte de la Librairie Droz,"livres d'érudition" (http://www.droz.org/siteDroz/index.php) (clichés FB).

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