La grande salle de bibliothèque, sous les fresques représentant le concile de Trente |
Dans les pays reconquis sur les Turcs, le premier souci porte sur le repeuplement, puis sur la reconquête spirituelle. Un certain nombre de grands seigneurs se reconvertissent au catholicisme. D’autre part, les jésuites ouvrent des collèges dans le royaume, mais le rôle principal est tenu par les Piaristes : fondés par saint Joseph de Calasanz (†1648), ils ont pour vocation l’éducation et la formation des jeunes. L’ordre se développe en Italie et en Europe centrale, où il se fait le promoteur d’une éducation ouverte aux idées modernes et tout particulièrement soucieuse des pauvres.
Eger, sur les contreforts méridionaux du massif de Bükk, était un évêché dès le XIe siècle, mais la Réforme s’y propage au XVIe siècle, avant que la ville ne tombe aux mains des Turcs en 1596. Reprise par les Autrichiens en 1687, Eger retrouve son évêché (archevêché en 1802), et devient un centre de la Réforme catholique. C’est le comte-évêque Károly Esterházy qui entreprend en 1763 d’y élever un ambitieux établissement d’enseignement supérieur, pour lequel il brigue le statut d’université catholique.
Les livres condamnés sont précipités dans l'abîme |
Pour autant, Joseph II, empereur à partir de 1780, engage une politique éclairée dont la disposition peut-être la plus moderne est l’édit de Tolérance de 1781 (liberté religieuse, abolition de la censure, etc.) : la Bibliotheca Esterhaziana de Eger se caractérise par sa modernité dans les domaines scientifiques, et même par la présence dans les collections d’un certain nombre de titres théoriquement interdits, par exemple la Bible dans la traduction allemande de Luther (éd. Ratisbonne, 1756).
Si la crainte déclenchée par les événements de la Révolution française conduit bientôt à revenir sur les dispositions libérales de l’édit de Tolérance, l’intégration dans un empire habsbourgeois et catholique fait aussi problème : lorsque la bibliothèque du collège calviniste de Sárospatak est reconstruite par Mihály Pollack (1753-1835), le choix sera fait du style néo-classique, par opposition au rococo impérial (voir billet du 25 avril). Pollack a d’ailleurs aussi travaillé au château de Széchényi à Nagycenk, ainsi qu’au Musée national à Pest.
De sorte que, de la bibliothèque de Mathias Corvin à celles des magnats protestants, puis à la reconquête catholique, à la lutte pour le contrôle de l’empire et à la problématique de l’identité, les bibliothèques ont non seulement constitué de véritables arsenaux pour l’action, mais ont aussi toujours été très directement liées, sur le plan symbolique comme sur le plan pratique, à la représentation et à la lutte politiques en Hongrie à l’époque moderne.
À Budapest, le wagon-lits hongrois pour Munich, où nous attend le TGV pour Paris, où nous serons demain à midi. |
Sur la bibliothèque du collège réformé de Sárospatak : Histoire du livre: Sarospatak (en allemand).
Clichés : 1) Vue générale de la Bibliotheca Esterhaziana (Eger), fresques illustrant le concile de Trente; 2) Détail: le rayon divin détruit les livres censurés; 3) Après la Hongrie..., le départ de Budapest vers Munich et Paris (clichés © Frédéric Barbier).
C´est bien remarquable votre voyage sur les contrées hongroises, où l´histoire des institutions du livre se mêle avec celles de l´identité nationale. Marisa
RépondreSupprimerOui, toute cette région de l'Europe médiane est très riche dans le domaine de l'histoire du livre, et on y trouve notamment un grand nombre de bibliothèques anciennes conservées dans leurs bâtiments datant souvent XVIIIe siècle. en Hongrie, le collège calviniste de Sarospatak fonctionne toujours aujourd'hui, de même que, par ex., le collège bénédictin d'Admont, en Autriche, avec une bibliothèque baroque extraordinaire. Voyez le site: http://www.stiftadmont.at/deutsch/ (aussi en anglais). Amicalement à vous. FB
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