Il y a quelques semaines, Jean-Dominique Mellot revenait, dans une séance de la conférence d'Histoire et civilisation du livre à l'École pratique des Hautes Études, sur la question de la formation professionnelle dans l'imprimerie d'Ancien Régime, sur les pratiques de travail et sur les grandes grèves des typographes à Lyon et à Paris au XVIe siècle. Nous retrouvons ces même thèmes (en même temps que celui de l'articulation entre le travail de l'auteur et celui du libraire) lorsque nous feuilletons la très belle Histoire de l’imprimerie publiée par Prosper Marchand à La Haye en 1740:
Prosper Marchand, Histoire // de // l’origine // et des // premiers progrès // de // l’imprimerie.,
À La Haye, chés la veuve Le Vier et Pierre Paupie, M.DCC.XL., XIV-118-152 p., 4°.
Cliché: page de titre de l'Histoire de l'imprimerie, coll. Quelleriana.
L'étude est très érudite, et le volume d'une exécution typographique particulièrement soignée: parfaitement équilibré, le titre en rouge et noir est agrémenté d'une en taille douce représentant la déesse de l'imprimerie, dans un encadrement rocaille et surmontée des cinq voyelles A.E.I.O.U., avec la légende Rerum tutissima custos et la signature de Jakob von Schley, 1739. On remarquera en revanche l'absence du nom de l'auteur.
Pourtant, la publication est aussi présentée, et précisément par l'auteur lui-même, comme une opération de librairie: il s'agit en effet de profiter de la «curiosité du public» à l'occasion du traditionnel jubilé de l'invention de l'imprimerie. La Préface est datée du 28 décembre 1738 et le frontispice est gravé en 1739, de sorte que le manuscrit était prêt suffisamment à l'avance pour permettre de présenter le volume aux foires de Francfort et de Leipzig de 1739:
«Cette Dissertation Historique & Critique touchant l'Origine & les premiers Progrès de l'Imprimerie faisoit Partie d'un Recueil d'environ soixante autres de pareil Caractère, composées & retouchées à diverses fois depuis 1715 jusqu'en 1735.: & je ne l'en ai détachée qu'à la Sollicitation de quelques Amis qui ont crû, que le troisième Jubilé, ou la troisième Année séculaire, de l'Imprimerie, réveilleroit infailliblement la Curiosité du Public touchant l'origine de ce bel Art; & que je ne devois nullement négliger une Occasion si naturelle & si favorable de publier ce que j'avois recueilli à cet Egard.»
Mais le retard et la «dissipation»(le terme est significatif) des ouvriers imprimeurs n'ont pas permis de réaliser ce programme. Marchand explique en effet, dans un Avertissement daté du 31 mars 1740 et où il en appelle au jugement du public:
«Enfin, quelque Soin que j'eusse pris, pour qu'il parût, comme il le devoit, aux Foires de Francfort et de Leipzic de 1739, la Lenteur & la Dissipation des Ouvriers l'a fait trainer jusqu'à la Fin de ce Mois de Mars de la présente Année 1740: retardement fâcheux, dont je suis obligé de me plaindre publiquement ici, afin de ne me point trouver en Contradiction avec moi-même; & mauvais Procédé tout-à-fait propre à confirmer les Plaintes continuelles des Gens de Lettres concernant les Abus de l'Imprimerie...»
Cliché: page de titre de l'Histoire de l'imprimerie, coll. Quelleriana.
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