De l’attention donnée en regardant ceci… ou cela,
et de l'intérêt de cataloguer (avec soin!) les pièces et autres travaux de ville.
Voici une petite plaquette d’une trentaine de pages, qui correspond pleinement au modèle traditionnel des « exercices » de collège et d’université sous l’Ancien Régime -il s’agit en l’occurrence du domaine du droit et de la jurisprudence. La plaquette a été donnée à Strasbourg, par un imprimeur relativement secondaire, en 1626: Repp travaillait apparemment de manière régulière avec les milieux de l’université, et notamment avec les milieux de la Faculté de droit (voir le VD 17, et le répertoire de Christoph Reske).
Le feuillet initial est très élégamment mis en page, avec un bel encadrement en taille douce et pour partie à fonds noirs, composé par la juxtaposition de plusieurs compartiments.
Dans le bandeau supérieur, une vue du «Collegium Argentinense» [=Collège de Strasbourg], ancien couvent des Dominicains où est établie la Haute Ecole voulue par Jacques Sturm en 1531 et devenue plus tard Académie protestante (1566), puis Université (1621). La vue est prise du côté nord, de sorte que l’on distingue le bâtiment élevé en 1589-1609 sur le flanc nord du chœur et abritant, au rez-de-chaussée, le «Grand Auditoire», et, au premier étage la bibliothèque dite «publique». La représentation n’est pas absolument exacte, s’agissant du nombre des croisées -en principe cinq sur le grand côté, lequel donne sur la prairie (Grasboden) du collège.
Dans les quatre coins, les figures des quatre facultés (théologie, philosophie, jurisprudence, médecine). De part et d’autre, les figures du courage (virtus) et de l’honneur (honor). Enfin, dans le bandeau inférieur, nous voici devant une vue de la salle du «Grand Auditoire», avec les bancs pour les auditeurs et l’estrade, tournée vers l’est, pour les enseignants et les étudiants participant à l’exercice. La salle voûtée est soutenue par trois colonnes dont Jean Rott explique qu’elles se prolongent au premier étage. Il signale en outre que cette planche, signée «Iacob9 ab heyden sculptor excudebat», est utilisée pour la première fois en 1619 (d’où la légende, qui fait référence au «collège» et non pas à l’université), et qu’elle sera reproduite par Seyboth, Das Alte Strassburg, p. 44.
Il s’agirait, toujours d’après le regretté Jean Rott, de la première représentation graphique des bâtiments de l’ancien couvent des Dominicains: la bibliothèque, l’une des plus riches du monde, sera détruite, avec l’église et les autres bâtiments, au cours du siège de la ville par les Allemands en 1870... Une histoire de la bibliothèque de Strasbourg est aujourd'hui en préparation, pour paraître conjointement avec l'ouverture de la «BNU nouvelle».
Réf.
Anthologia Justiniana. Hoc est Sententiæ miscellæ, maximam parte politicæ, ex universo Justino, Trogi Pompeii Historiarum breviatore, collectæ: Quas, in Inclyta Vniversitate Argentoratensi, Cum bono Deo, Viro Clarissimo atque Excellentissimo, Præside Dn. Matthia Bernegero, Histor. Professore Publico, A. A. Christianus Ienisch, Eitel Sigismvndvs Lvpin, & Iosephvs Ienisch, Memingenses, Mense Septembri…, Argentorati [Strasbourg], Typis Iohannis Reppii, Anno 1626, 4°.
Bibliographie
Jean Rott, « Sources et grandes lignes de l’histoire des bibliothèques publiques de Strasbourg détruites en 1870 », dans Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 15, 1971, p. 145-180 ; rééd. dans Investigationes historicae, t. I, p. 633-668, dont l’annexe donnant l’état des « Sources iconographiques » aux p. 660-663.
lundi 30 décembre 2013
samedi 28 décembre 2013
L'écriture, c'est le pouvoir
Dans sa critique du «tableau», Jack Goody explique:
puisque celui-ci est essentiellement un procédé graphique (et fréquemment un procédé de culture écrite), il est possible que, par son caractère bidimensionnel et figé, il simplifie la réalité du discours oral au point de le rendre quasiment méconnaissable, et que donc il réduise notre compréhension au lieu de l’augmenter (La Raison graphique, trad. fr., Paris, 1979, p. 111).
Rappelons que l’auteur, dans son livre, cherche à déconstruire l’opposition ancienne entre le «primitif» et le «moderne», opposition traditionnellement fondée sur l’usage de l’écriture et des procédés d’écriture (notamment l’écriture alphabétique). C’est à partir des techniques d'écriture que se développe la «raison graphique», c’est-à-dire la pensée rationnelle de tradition occidentale. Jack Goody veut réhabiliter l’oralité et la «pensée sauvage» (pour reprendre la formule de Lévi-Strauss) aux deux niveaux, de l’en soi (la «pensée sauvage» n’est pas une forme de pensée moins évoluée), et du pour soi (son étude par les chercheurs occidentaux revient à la médiatiser par le biais des catégories de la pensée occidentale).
Nous ne discutons pas ici la problématique du tableau, mais voulons souligner le fait que, plus largement, la lecture d’un scientifique américain (par ex., un anthropologue) par un scientifique de tradition européenne réintroduit l’analyse du «pour soi». Jack Goody constate que son hypothèse de départ était erronée (nous étions trop préoccupés du «caractère unique de l’Occident», ouvr. cité, p. 31) et il s’efforce donc, dans son livre, de dépasser sa perspective a priori en prolongeant et en approfondissant son travail de recherche.
Cette problématique ne nous concerne que par ses prolongements. De fait, nous ne saurions plus de longue date, ni établir, ni justifier sur le plan scientifique une quelconque hiérarchie des cultures. L’historien du livre est aussi un historien de la lecture, il est par conséquent familier de l’articulation entre l’oralité et l’écriture, et il sait que cette articulation ne recouvre pas une hiérarchie a priori. S’il y a, de fait, hiérarchie, c’est que celle-ci est construite, et qu’elle correspond fondamentalement à une forme de pouvoir. Nous avons montré, dans L’Europe de Gutenberg (Paris, 2006), que
l’outil de la suprématie urbaine [était] constitué par la pratique et l’enregistrement de l’écrit. Le premier et décisif avantage de la ville lui est apporté par la maîtrise dans les domaines de la rationalité et des techniques de communication et de gestion, et par l’accumulation (y compris l’accumulation des richesses) que cette maîtrise autorise (p. 25).
Le pouvoir et la richesse sont liés à la maîtrise de l’écriture, et à la rationalité, donc à l'efficacité, que celle-ci permet (nous ne sommes pas si loin de la rationalité bureaucratique de Max Weber). Paradoxalement, l’écriture, et l’imprimerie, ne sont pas en soi synonymes de libération ni de liberté, comme l’ont théorisé de manière quelque peu idéaliste les philosophes de la fin du XVIIIe siècle: l’écriture, c’est aussi l'enregistrement, et l’élargissement de la lecture grâce à l’imprimerie s’accompagne bientôt de la mise en place d’institutions et de procédures de surveillance et de contrôle.
Les pouvoirs de l’écrit, pour reprendre un titre de Henri-Jean Martin, se déploient, certes, immédiatement, mais ils se déploient aussi a posteriori: c’est celui qui maîtrise l’écriture et sa pratique, qui se trouve en situation, et de facto en droit, de communiquer. L’histoire, en tant que récit du passé et en tant que discipline scientifique, se construit par la médiation de l’écrit, et ceux qui sont d’abord privilégiés par le récit sont logiquement ceux qui ont laissé des traces écrites. Or, la très grande majorité de la population échappe aux sources traditionnelles, et reste donc silencieuse. Même si, depuis plusieurs générations, l’historien s’efforce d’inventer (en s'inspirant souvent de l'anthropologie) de nouvelles sources pour mieux connaître et mieux questionner cet «homme du commun» et son environnement, dans le temps aussi, l’écriture, c’est le pouvoir. Au-delà des pétitions de principe (il faut réhabiliter les cultures orales!), une œuvre comme celle de Rudolph Schenda reste fondatrice à cet égard, s’agissant de l’articulation de l’oral et de l’écrit, tout comme de l'articulation de l’image et du texte.
Pour autant, les rapports de forces évoluent aussi avec le temps, et tout particulièrement avec les «révolutions» des formes de médiatisation -des médias. Nous avons signalé que l’imprimerie, qui correspond à un élargissement massif du public des lecteurs, était aussi le temps de mise en place de nouvelles structures et de nouvelles procédures de contrôle. L’équilibre bouge à nouveau en profondeur à partir du dernier tiers du XVIIIe siècle, quand la question de la médiatisation s’impose comme une question politique centrale. Il bouge encore plus aujourd’hui, avec les «nouveaux médias», dont l’un des avantages les plus sensibles est précisément de permettre, en principe, au plus grand nombre de prendre publiquement la parole… par exemple par le biais d’un blog.
puisque celui-ci est essentiellement un procédé graphique (et fréquemment un procédé de culture écrite), il est possible que, par son caractère bidimensionnel et figé, il simplifie la réalité du discours oral au point de le rendre quasiment méconnaissable, et que donc il réduise notre compréhension au lieu de l’augmenter (La Raison graphique, trad. fr., Paris, 1979, p. 111).
Rappelons que l’auteur, dans son livre, cherche à déconstruire l’opposition ancienne entre le «primitif» et le «moderne», opposition traditionnellement fondée sur l’usage de l’écriture et des procédés d’écriture (notamment l’écriture alphabétique). C’est à partir des techniques d'écriture que se développe la «raison graphique», c’est-à-dire la pensée rationnelle de tradition occidentale. Jack Goody veut réhabiliter l’oralité et la «pensée sauvage» (pour reprendre la formule de Lévi-Strauss) aux deux niveaux, de l’en soi (la «pensée sauvage» n’est pas une forme de pensée moins évoluée), et du pour soi (son étude par les chercheurs occidentaux revient à la médiatiser par le biais des catégories de la pensée occidentale).
Nous ne discutons pas ici la problématique du tableau, mais voulons souligner le fait que, plus largement, la lecture d’un scientifique américain (par ex., un anthropologue) par un scientifique de tradition européenne réintroduit l’analyse du «pour soi». Jack Goody constate que son hypothèse de départ était erronée (nous étions trop préoccupés du «caractère unique de l’Occident», ouvr. cité, p. 31) et il s’efforce donc, dans son livre, de dépasser sa perspective a priori en prolongeant et en approfondissant son travail de recherche.
Cette problématique ne nous concerne que par ses prolongements. De fait, nous ne saurions plus de longue date, ni établir, ni justifier sur le plan scientifique une quelconque hiérarchie des cultures. L’historien du livre est aussi un historien de la lecture, il est par conséquent familier de l’articulation entre l’oralité et l’écriture, et il sait que cette articulation ne recouvre pas une hiérarchie a priori. S’il y a, de fait, hiérarchie, c’est que celle-ci est construite, et qu’elle correspond fondamentalement à une forme de pouvoir. Nous avons montré, dans L’Europe de Gutenberg (Paris, 2006), que
l’outil de la suprématie urbaine [était] constitué par la pratique et l’enregistrement de l’écrit. Le premier et décisif avantage de la ville lui est apporté par la maîtrise dans les domaines de la rationalité et des techniques de communication et de gestion, et par l’accumulation (y compris l’accumulation des richesses) que cette maîtrise autorise (p. 25).
Le pouvoir et la richesse sont liés à la maîtrise de l’écriture, et à la rationalité, donc à l'efficacité, que celle-ci permet (nous ne sommes pas si loin de la rationalité bureaucratique de Max Weber). Paradoxalement, l’écriture, et l’imprimerie, ne sont pas en soi synonymes de libération ni de liberté, comme l’ont théorisé de manière quelque peu idéaliste les philosophes de la fin du XVIIIe siècle: l’écriture, c’est aussi l'enregistrement, et l’élargissement de la lecture grâce à l’imprimerie s’accompagne bientôt de la mise en place d’institutions et de procédures de surveillance et de contrôle.
Les pouvoirs de l’écrit, pour reprendre un titre de Henri-Jean Martin, se déploient, certes, immédiatement, mais ils se déploient aussi a posteriori: c’est celui qui maîtrise l’écriture et sa pratique, qui se trouve en situation, et de facto en droit, de communiquer. L’histoire, en tant que récit du passé et en tant que discipline scientifique, se construit par la médiation de l’écrit, et ceux qui sont d’abord privilégiés par le récit sont logiquement ceux qui ont laissé des traces écrites. Or, la très grande majorité de la population échappe aux sources traditionnelles, et reste donc silencieuse. Même si, depuis plusieurs générations, l’historien s’efforce d’inventer (en s'inspirant souvent de l'anthropologie) de nouvelles sources pour mieux connaître et mieux questionner cet «homme du commun» et son environnement, dans le temps aussi, l’écriture, c’est le pouvoir. Au-delà des pétitions de principe (il faut réhabiliter les cultures orales!), une œuvre comme celle de Rudolph Schenda reste fondatrice à cet égard, s’agissant de l’articulation de l’oral et de l’écrit, tout comme de l'articulation de l’image et du texte.
Pour autant, les rapports de forces évoluent aussi avec le temps, et tout particulièrement avec les «révolutions» des formes de médiatisation -des médias. Nous avons signalé que l’imprimerie, qui correspond à un élargissement massif du public des lecteurs, était aussi le temps de mise en place de nouvelles structures et de nouvelles procédures de contrôle. L’équilibre bouge à nouveau en profondeur à partir du dernier tiers du XVIIIe siècle, quand la question de la médiatisation s’impose comme une question politique centrale. Il bouge encore plus aujourd’hui, avec les «nouveaux médias», dont l’un des avantages les plus sensibles est précisément de permettre, en principe, au plus grand nombre de prendre publiquement la parole… par exemple par le biais d’un blog.
Libellés :
bibliologie,
oralité,
Peignot,
Théorie de l'histoire du livre
mercredi 25 décembre 2013
Bibliologie et sciences de l'information
Peignot, Gabriel,
Dictionnaire raisonné de bibliologie, contenant, 1) l’explication des principaux termes relatifs à la Bibliographie, à l’Art typographique, à la Diplomatique, aux Langues et aux Archives, aux Manuscrits, aux Médailles, aux Antiquités, etc.; 2) des notices historiques détaillées sur les principales Bibliothèques anciennes et modernes ; sur les différentes Sectes philosophiques; sur les plus célèbres imprimeurs, avec une indication des meilleures éditions sorties de leurs presses, et sur les Bibliographes, avec la liste de leurs ouvrages; 3) enfin, l’exposition des différens Systèmes bibliographiques, etc. Ouvrage utile aux Bibliothécaires, Archivistes, Imprimeurs, Libraires, etc. Par G. Peignot, Bibliothécaire de la Haute-Saône, Membre correspondant de la Société libre d’émulation du Haut-Rhin. Tome premier [second],
A Paris, chez Villier, libraire, rue des Mathurins, n° 396, an X-1802.
2 vol. et 1 vol. de suppl. [A Paris, chez A. A. Renouard, an XII-1804], 8°.
Gabriel Peignot (1767-1849) illustre de manière idéaltypique la conjoncture des années 1800 sur deux points essentiels.
Sa carrière, d’abord. Ce fils d’un lieutenant au bailliage d’Arc-en-Barrois, s’oriente en effet vers la filière classique pour les élites du Tiers, en faisant des études de droit et en s’établissant comme avocat à Vesoul en 1786. Mais les bouleversements de la Révolution réorientent complètement son cursus. Jusqu’en 1789, les professions «intellectuelles» étaient pratiquement réservées à des clercs, membres de l’Eglise, ou à des juristes. Avec la sécularisation des institutions publiques, de nouvelles possibilités s’ouvrent progressivement, dont Gabriel Peignot nous donne un très bon exemple.
En 1792, la municipalité de Vesoul lui confie la charge nouvelle de bibliothécaire, à laquelle il ajoutera celle de principal du collège en 1803. Il sera nommé inspecteur de la librairie à Dijon en 1813, puis inspecteur académique de Saône-et-Loire. Vice-président (1818), puis président (1832) de l’Académie de Dijon, il terminera sa carrière, en 1838, comme inspecteur honoraire de l’académie de Dijon. L'avenir des intellectuels, décidément, c'est la fonction publique.
Voilà donc un homme qui aura vécu un des bouleversements les plus profonds de la civilisation contemporaine, puisqu’il s’agit non seulement de la période révolutionnaire et du passage de l’Ancien Régime à la modernité, mais aussi des prodromes de la «seconde révolution du livre», celle de la mécanisation et, à terme, de la «massification» (combinaison du grand tirage, de la baisse du prix de vente, et de l’élargissement du public concerné). En somme, Gabriel Peignot illustre pleinement ces stratégies nouvelles, qui permettent à un intellectuel de vivre sans sacrifier ce qui fait sa passion, la connaissance et le support de celle-ci, le livre et l’imprimé.
Le second point sur lequel nous insisterons se rapporte à la théorie de l’information et de la communication: Gabriel Peignot est en effet considéré comme l’inventeur du terme -et du concept- de «bibliologie», même si cette paternité serait plus ou moins discutable. Ce qui nous intéresse ici, c’est le fait que la période au cours de laquelle il a vécu a été marquée par une idéologie très caractéristique, celle de la croyance dans le progrès, et dans l’idée que ce progrès est rendu possible par la circulation des connaissances -la diffusion stricto sensu du savoir s’articulant avec l’élaboration de connaissances nouvelles.
Dans cette perspective, dont Condorcet sera l’un des théoriciens les plus célèbres (mais on pourrait aussi penser à Daunou), la théorie des médias, alias la bibliologie, devient, en place de la théologie, le domaine fondamental sur lequel s’appuient les autres champs du savoir: la définition de l’Encyclopédie comme le «livre des livres» va dans ce sens, de même que celle de la bibliologie comme la «science des sciences», ou encore le choix, à l’époque de la Révolution, de «nationaliser» les bibliothèques pour les mettre à la disposition du plus grand nombre, puis de créer, dans les différents départements, un enseignement de «bibliographie» censé donner à chacun les outils de sa propre émancipation. Dans les bibliothèques de l’avenir, la classe «Bibliographie, science du livre» se substituera parfois à l’ancienne classe de la Théologie comme constituant le socle du savoir. La définition de la «bibliologie» par Peignot explicite pleinement sa pensée:
Il est une science qui n'a pas marché de front avec les autres, quoiqu'elle tienne à toutes, et qui a été négligée, quoi que très intéressante: je veux parler de la Bibliologie. Pour en faire sentir l'importance, il suffit de la définir et de présenter un aperçu rapide des principaux objets qui lui appartiennent et qui font l'objet de cet ouvrage.
La Bibliologie, embrassant l'universalité des connaissances humaines, s'occupe particulièrement de leurs principes élémentaires, de leur origine, de leur histoire, de leur division, de leur classification et de tout ce qui a rapport à l'art de les peindre aux yeux et d'en conserver le souvenir par le moyen de signes, soit hiéroglyphiques ou épistoliques, soit manuscrits ou imprimés. On voit, par cette définition, que la Bibliologie peut être considérée comme une espèce d'encyclopédie littéraire-méthodique, qui, traitant sommairement et descriptivement de toutes les productions du génie, assigne à chacune d'elle la place qu'elle doit occuper dans une bibliothèque universelle. Elle diffère de la Bibliographie, en ce que cette dernière science ne comprend, à proprement parler, que la description technique et la classification des livres, au lieu que la Bibliologie (qui est la théorie de la Bibliographie) présente l'analyse des connaissances humaines raisonnées, leurs rapports, leur enchaînement et leur division; approfondit tous les détails relatifs à l'art de la parole, de l'écriture et de l'imprimerie, et déroule les annales du monde littéraire pour y suivre pas à pas les progrès de l'esprit humain.
D’une certaine manière, nous sommes ici devant un phénomène qui rappelle le statut privilégié aujourd’hui donné aux «sciences de l’information et de la communication». Il y aurait encore à dire sur une multitude de points soulevés, explicitement ou non, par Gabriel Peignot, tels que le statut de l’auteur (face aux plagiaires…), ou encore le rôle de la raison, et le sens de la formule de «Dictionnaire raisonné».
Réf. : Quérard, France littéraire, VII, p. 10 et suiv. (article PEIGNOT, et sur le Dictionnaire raisonné, p. 17 et 18). La notice développe surtout les emprunts et plagiats dont le travail de Peignot a fait l’objet.
Dictionnaire raisonné de bibliologie, contenant, 1) l’explication des principaux termes relatifs à la Bibliographie, à l’Art typographique, à la Diplomatique, aux Langues et aux Archives, aux Manuscrits, aux Médailles, aux Antiquités, etc.; 2) des notices historiques détaillées sur les principales Bibliothèques anciennes et modernes ; sur les différentes Sectes philosophiques; sur les plus célèbres imprimeurs, avec une indication des meilleures éditions sorties de leurs presses, et sur les Bibliographes, avec la liste de leurs ouvrages; 3) enfin, l’exposition des différens Systèmes bibliographiques, etc. Ouvrage utile aux Bibliothécaires, Archivistes, Imprimeurs, Libraires, etc. Par G. Peignot, Bibliothécaire de la Haute-Saône, Membre correspondant de la Société libre d’émulation du Haut-Rhin. Tome premier [second],
A Paris, chez Villier, libraire, rue des Mathurins, n° 396, an X-1802.
2 vol. et 1 vol. de suppl. [A Paris, chez A. A. Renouard, an XII-1804], 8°.
Gabriel Peignot (1767-1849) illustre de manière idéaltypique la conjoncture des années 1800 sur deux points essentiels.
Sa carrière, d’abord. Ce fils d’un lieutenant au bailliage d’Arc-en-Barrois, s’oriente en effet vers la filière classique pour les élites du Tiers, en faisant des études de droit et en s’établissant comme avocat à Vesoul en 1786. Mais les bouleversements de la Révolution réorientent complètement son cursus. Jusqu’en 1789, les professions «intellectuelles» étaient pratiquement réservées à des clercs, membres de l’Eglise, ou à des juristes. Avec la sécularisation des institutions publiques, de nouvelles possibilités s’ouvrent progressivement, dont Gabriel Peignot nous donne un très bon exemple.
En 1792, la municipalité de Vesoul lui confie la charge nouvelle de bibliothécaire, à laquelle il ajoutera celle de principal du collège en 1803. Il sera nommé inspecteur de la librairie à Dijon en 1813, puis inspecteur académique de Saône-et-Loire. Vice-président (1818), puis président (1832) de l’Académie de Dijon, il terminera sa carrière, en 1838, comme inspecteur honoraire de l’académie de Dijon. L'avenir des intellectuels, décidément, c'est la fonction publique.
Voilà donc un homme qui aura vécu un des bouleversements les plus profonds de la civilisation contemporaine, puisqu’il s’agit non seulement de la période révolutionnaire et du passage de l’Ancien Régime à la modernité, mais aussi des prodromes de la «seconde révolution du livre», celle de la mécanisation et, à terme, de la «massification» (combinaison du grand tirage, de la baisse du prix de vente, et de l’élargissement du public concerné). En somme, Gabriel Peignot illustre pleinement ces stratégies nouvelles, qui permettent à un intellectuel de vivre sans sacrifier ce qui fait sa passion, la connaissance et le support de celle-ci, le livre et l’imprimé.
Le second point sur lequel nous insisterons se rapporte à la théorie de l’information et de la communication: Gabriel Peignot est en effet considéré comme l’inventeur du terme -et du concept- de «bibliologie», même si cette paternité serait plus ou moins discutable. Ce qui nous intéresse ici, c’est le fait que la période au cours de laquelle il a vécu a été marquée par une idéologie très caractéristique, celle de la croyance dans le progrès, et dans l’idée que ce progrès est rendu possible par la circulation des connaissances -la diffusion stricto sensu du savoir s’articulant avec l’élaboration de connaissances nouvelles.
Dans cette perspective, dont Condorcet sera l’un des théoriciens les plus célèbres (mais on pourrait aussi penser à Daunou), la théorie des médias, alias la bibliologie, devient, en place de la théologie, le domaine fondamental sur lequel s’appuient les autres champs du savoir: la définition de l’Encyclopédie comme le «livre des livres» va dans ce sens, de même que celle de la bibliologie comme la «science des sciences», ou encore le choix, à l’époque de la Révolution, de «nationaliser» les bibliothèques pour les mettre à la disposition du plus grand nombre, puis de créer, dans les différents départements, un enseignement de «bibliographie» censé donner à chacun les outils de sa propre émancipation. Dans les bibliothèques de l’avenir, la classe «Bibliographie, science du livre» se substituera parfois à l’ancienne classe de la Théologie comme constituant le socle du savoir. La définition de la «bibliologie» par Peignot explicite pleinement sa pensée:
Il est une science qui n'a pas marché de front avec les autres, quoiqu'elle tienne à toutes, et qui a été négligée, quoi que très intéressante: je veux parler de la Bibliologie. Pour en faire sentir l'importance, il suffit de la définir et de présenter un aperçu rapide des principaux objets qui lui appartiennent et qui font l'objet de cet ouvrage.
La Bibliologie, embrassant l'universalité des connaissances humaines, s'occupe particulièrement de leurs principes élémentaires, de leur origine, de leur histoire, de leur division, de leur classification et de tout ce qui a rapport à l'art de les peindre aux yeux et d'en conserver le souvenir par le moyen de signes, soit hiéroglyphiques ou épistoliques, soit manuscrits ou imprimés. On voit, par cette définition, que la Bibliologie peut être considérée comme une espèce d'encyclopédie littéraire-méthodique, qui, traitant sommairement et descriptivement de toutes les productions du génie, assigne à chacune d'elle la place qu'elle doit occuper dans une bibliothèque universelle. Elle diffère de la Bibliographie, en ce que cette dernière science ne comprend, à proprement parler, que la description technique et la classification des livres, au lieu que la Bibliologie (qui est la théorie de la Bibliographie) présente l'analyse des connaissances humaines raisonnées, leurs rapports, leur enchaînement et leur division; approfondit tous les détails relatifs à l'art de la parole, de l'écriture et de l'imprimerie, et déroule les annales du monde littéraire pour y suivre pas à pas les progrès de l'esprit humain.
D’une certaine manière, nous sommes ici devant un phénomène qui rappelle le statut privilégié aujourd’hui donné aux «sciences de l’information et de la communication». Il y aurait encore à dire sur une multitude de points soulevés, explicitement ou non, par Gabriel Peignot, tels que le statut de l’auteur (face aux plagiaires…), ou encore le rôle de la raison, et le sens de la formule de «Dictionnaire raisonné».
Réf. : Quérard, France littéraire, VII, p. 10 et suiv. (article PEIGNOT, et sur le Dictionnaire raisonné, p. 17 et 18). La notice développe surtout les emprunts et plagiats dont le travail de Peignot a fait l’objet.
Libellés :
bibliologie,
Condorcet,
Idéologues,
Peignot,
Théorie de l'histoire du livre
lundi 23 décembre 2013
Vœux de Noël
dimanche 15 décembre 2013
Conférences d'histoire du livre
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 16 décembre 2013
14h-16h
Trajectoires éditoriales (2) : le Gradus ad Parnassum,
par Madame Emmanuelle Chapron
16h-18h
Illustrer, persuader, servir:
le décor des bibliothèques, 1627-1851
par Monsieur Frédéric Barbier
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Libellés :
Conférence EPHE,
décor de bibliothèque
vendredi 13 décembre 2013
Histoire et civilisation du livre. Revue internationale (9e livraison)
Vient de paraître:
Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, IX (2013),
Genève, Librairie Droz, 2014 [sic pour 2013], 354 p., ill.
Completing the record, par Nicolas Barker
Livre et langue latine à la Renaissance: quelques questions de pédagogie et d'histoire, par Martine Furno
La censura ecclesiastica romana e la cultura dei «semplici», par Gigliola Fragnito
Le traité de Sebastiano Serlio: œuvre d’une vie et chantier éditorial magistral du XVIe siècle, par Sabine Frommel
Un nouveau regard sur le patrimoine culturel: les contacts entre réseaux humanistes et l’analyse du corpus de livres au XVIe siècle, par István Monok
Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, IX (2013),
Genève, Librairie Droz, 2014 [sic pour 2013], 354 p., ill.
SOMMAIRE
L’histoire du livre en Italie: entre histoire de la bibliographie, histoire sociale et histoire de la culture écrite, par Lodovica Braida Completing the record, par Nicolas Barker
DOSSIER
L’histoire du livre au XVIe siècle, au regard des autres disciplines, dossier publié sous la direction de Raphaële Mouren
Cadavres exquis bibliographiques. Ce qu’enseignent deux singuliers montages de libraire sur le marché du livre poétique au XVIe siècle, par Guillaume Berthon Livre et langue latine à la Renaissance: quelques questions de pédagogie et d'histoire, par Martine Furno
La censura ecclesiastica romana e la cultura dei «semplici», par Gigliola Fragnito
Le traité de Sebastiano Serlio: œuvre d’une vie et chantier éditorial magistral du XVIe siècle, par Sabine Frommel
Un nouveau regard sur le patrimoine culturel: les contacts entre réseaux humanistes et l’analyse du corpus de livres au XVIe siècle, par István Monok
Les informations sur la culture du XVIe siècle européen que porte le livre mathématique, par Jean Dhombres
Royal Book Censorship on the Eve of Revolution: (May-December 1788), par Raymond Birn
Les États de Languedoc, éditeurs des Lumières?, par Henri Michel
Choses banales, imprimés ordinaires, «travaux de ville»: l'économie et le monde de l'imprimerie que nous avons perdus, par James Raven
Théodore Bailleul (1797-1875), ou le prote devenu directeur de l’Imprimerie Mathématique de (Mallet)-Bachelier (1812-1864), par Nobert Verdier
De la France, de l'Allemagne: les relations transnationales de librairie à Strasbourg dans la première moitié du XIXe siècle, par Frédéric Barbier
Comptes rendus: Maria Gioia Tavoni, Circumnavigare il testo. Gli indici in età moderna (Paolo Tinti); Primus Truber 1508-1586 (István Monok); Lyse Schwarzfuchs, L’Hébreu dans le livre à Genève au XVIe siècle (István Monok); «Je lègue ma bibliothèque à …» (István Monok); Anna Sigridur Arnar, The Book as Instrument. Stéphane Mallarmé (Michel Melot); Les Bibliothèques d’artistes (XX-XXIe siècles) (Florence Alibert); Marie-Françoise Cachin, Une Nation de lecteurs ? La lecture en Angleterre, 1815-1945 (Lucile Trunel); Cécile Cottenet, Une histoire éditoriale: The Conjure Woman, de Charles Chesnutt (Claire Parfait); Virgil Cândea, Mărturii româneşti peste hotare (Mihaela Bucin)
La revue Histoire et civilisation du livre est publiée depuis 2005 (voir les sommaires des tomes I à IX, 2005-2013). Le rédacteur en chef en est Frédéric Barbier (EPHE et CNRS). Le Comité de rédaction est composé de Mmes et MM
Catherine Bertho Lavenir (Paris III), Emmanuelle Chapron (Aix- Marseille), Jean-Marc Chatelain (Bibliothèque nationale de France), Roger Chartier (Collège de France), François Déroche (Institut de France), Jean-Pierre Drège (EPHE), Sabine Juratic (CNRS), Claire Lesage (Bibliothèque nationale de France), Michel Melot (Inventaire général), Jean-Dominique Mellot (Bibliothèque nationale de France), Jean-Yves Mollier (Versailles / St-Quentin-en Yvelines), Raphaële Mouren (ENSSIB), Daniel Roche (Collège de France), Yann Sordet (Bibliothèque Mazarine), Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque nationale de France), Dominique Varry (ENSSIB).
ÉTUDES D’HISTOIRE DU LIVRE
L’âme des royaumes: l’opinion à l’époque moderne et la polémique autour de la bataille de Montijo (1644-1645), par Daniel Saraiva Royal Book Censorship on the Eve of Revolution: (May-December 1788), par Raymond Birn
Les États de Languedoc, éditeurs des Lumières?, par Henri Michel
Choses banales, imprimés ordinaires, «travaux de ville»: l'économie et le monde de l'imprimerie que nous avons perdus, par James Raven
Théodore Bailleul (1797-1875), ou le prote devenu directeur de l’Imprimerie Mathématique de (Mallet)-Bachelier (1812-1864), par Nobert Verdier
De la France, de l'Allemagne: les relations transnationales de librairie à Strasbourg dans la première moitié du XIXe siècle, par Frédéric Barbier
LIVRES, TRAVAUX ET RENCONTRES
L’édition vénitienne et l’Europe centrale, XVe-XVIe siècles, par István Monok Comptes rendus: Maria Gioia Tavoni, Circumnavigare il testo. Gli indici in età moderna (Paolo Tinti); Primus Truber 1508-1586 (István Monok); Lyse Schwarzfuchs, L’Hébreu dans le livre à Genève au XVIe siècle (István Monok); «Je lègue ma bibliothèque à …» (István Monok); Anna Sigridur Arnar, The Book as Instrument. Stéphane Mallarmé (Michel Melot); Les Bibliothèques d’artistes (XX-XXIe siècles) (Florence Alibert); Marie-Françoise Cachin, Une Nation de lecteurs ? La lecture en Angleterre, 1815-1945 (Lucile Trunel); Cécile Cottenet, Une histoire éditoriale: The Conjure Woman, de Charles Chesnutt (Claire Parfait); Virgil Cândea, Mărturii româneşti peste hotare (Mihaela Bucin)
La revue Histoire et civilisation du livre est publiée depuis 2005 (voir les sommaires des tomes I à IX, 2005-2013). Le rédacteur en chef en est Frédéric Barbier (EPHE et CNRS). Le Comité de rédaction est composé de Mmes et MM
Catherine Bertho Lavenir (Paris III), Emmanuelle Chapron (Aix- Marseille), Jean-Marc Chatelain (Bibliothèque nationale de France), Roger Chartier (Collège de France), François Déroche (Institut de France), Jean-Pierre Drège (EPHE), Sabine Juratic (CNRS), Claire Lesage (Bibliothèque nationale de France), Michel Melot (Inventaire général), Jean-Dominique Mellot (Bibliothèque nationale de France), Jean-Yves Mollier (Versailles / St-Quentin-en Yvelines), Raphaële Mouren (ENSSIB), Daniel Roche (Collège de France), Yann Sordet (Bibliothèque Mazarine), Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque nationale de France), Dominique Varry (ENSSIB).
Libellés :
Nouvelle publication,
Transferts,
XVIe siècle
mercredi 11 décembre 2013
Soutenance de thèse en histoire du livre
Soutenance de thèse en histoire du livre
Marie-Claire Boscq soutiendra sa thèse de doctorat,
préparée sous la direction de Jean-Yves Mollier,
sur
sur
La librairie parisienne sous surveillance (1814-1848).
Imprimeurs en lettres et libraires sous les monarchies constitutionnelles
Imprimeurs en lettres et libraires sous les monarchies constitutionnelles
le jeudi 12 décembre 2013 à 14h30
Frédéric Barbier, directeur d’études à l’EPHE, directeur de recherche au CNRS (Ens/ Ulm), membre de l’Institut d’études avancées de l’université de Strasbourg,
Christine Haynes, professeur à l’université de Charlotte (Etats-Unis), pré-rapporteur,
Jean-Dominique Mellot, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France,
Jean-Yves Mollier, professeur à l’université de Versailles- St-Quentin, directeur de la thèse,
Elisabeth Parinet, directeur d’études à l’Ecole nationale des chartes, pré-rapporteur,
Jean-Claude Yon, professeur à l’université de Versailles- St-Quentin, directeur de la thèse
La soutenance est publique. Elle aura lieu à l’université de Versailles- Saint-Quentin, bâtiment d’Alembert, salle des thèses, 57 bd d’Alembert, 78280 Guyancourt.
Le quartier des libraires, à Paris, avant Haussmann |
L’étude se divise en trois parties.
La première s’attache aux conditions d’obtention du brevet, véritable sésame d’«entrée en librairie», que suit une analyse quantitative et qualitative des 1800 brevetés parisiens de la période (analyse conduite sur la base des dossiers de brevets conservés aux Archives nationales). La deuxième partie s’intéresse aux «armes de la surveillance»: d’une part, son cadre légal et réglementaire et, de l’autre, les hommes chargés du contrôle, inspecteurs de la librairie et commissaires de police. La surveillance en action est l’objet de la troisième partie: contrôle des professionnels et contrôle des ouvrages. Les écrits contraires à l’ordre politique, religieux ou moral du moment sont dénoncés et les professionnels poursuivis. Les condamnations prononcées à leur encontre sont nombreuses et peuvent être lourdes (amendes et prison). La presse périodique et le théâtre ne sont pas pris en compte dans cette étude.
En conclusion, entre liberté de publier annoncée par les Chartes et censure inavouée, cette étude souligne les hésitations du pouvoir monarchique que trahissent les inflexions politiques des différents gouvernements (communiqué par M.-C. Boscq).
Libellés :
censure,
Paris,
Programme de recherche ou de manifestation,
XIXe siècle
dimanche 8 décembre 2013
Conférences d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 9 décembre 2013
16h-18h
Illustrer, persuader, servir:
le décor des bibliothèques, 1627-1851
par Monsieur Frédéric Barbier
La Bibliothèque à l'ère industrielle: Ste-Geneviève, à Paris |
1) Il s’agit, d’abord, des éléments de tous ordres qui décorent, alias qui embellissent, un certain lieu, et dont l’objectif est le plaisir (delectatio) du visiteur. Ces éléments ont cependant aussi d’autres fonctions, souvent d’ordre démonstratif: mettre en évidence un certain nombre de concepts et de catégories, et qui touchent à la religion, à une construction abstraite (par ex. une branche de la connaissance), à la gloire d’une maison princière, etc.
2) Mais le décor désigne aussi un dispositif représentant un certain lieu, dans une acception qui est tout particulièrement celle du décor de théâtre: la représentation reproduit l’image de quelque chose qui lui est extérieur. Par métaphore, un paysage, une disposition d’urbanisme, ou autre pourra être décrit comme un décor, ou comme la représentation d’un décor (on connaît l’exemple de Rome). L’art baroque est tout particulièrement imprégné par l’idée de la représentation comme décor. Si cette acception semble a priori plus éloignée de notre problématique, elle s’y rencontre pourtant souvent, par la pratique des trompe l’œil (comme à Eger, mais aussi à la coupole du Clementinum de Prague), ou encore par la représentation des frondaisons (par ex. dans le hall d’entrée de la nouvelle Bibliothèque Sainte-Geneviève). Plus largement, le baroque étant souvent défini comme une forme d’expression théâtralisée, le dispositif du théâtre se donne logiquement à voir dans le décor des bibliothèques : le décor suggère la présence de quelque chose d’autre que ce que l’on sait être présent...
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Libellés :
Conférence EPHE,
décor de bibliothèque
vendredi 6 décembre 2013
Le baroque et l'histoire du livre
Le chercheur doit être d’autant plus attentif, dans le domaine des sciences humaines, aux problèmes du lexique, que celui-ci fonctionne pour chacun comme une évidence. Or, un terme reçu dans une acception donnée par une certaine communauté scientifique ne le sera pas dans les mêmes conditions par une autre: au sein même d’une certaine collectivité linguistique, les historiens de l’art prendront tel ou tel terme dans une autre acception que ne le feront, par ex., les historiens de la littérature.
Parmi ces termes dont l’acception change, celui de baroque occupe une place spécifique. Son utilisation se limite pratiquement, en français, au domaine de l’histoire de l’art: le baroque se distingue aussi bien de l’art «Renaissance» que de l’art «classique» (dont Louis XIV représente l’idéaltype), du «rocaille» ou du néo-classique (s’agissant aussi d’esthétique typographique, d’architecture et de décor des bibliothèques). La tradition allemande, qui inspire aussi Victor L. Tapié (Baroque et classicisme, 1ère éd., Paris, 1958), dépasse ce schéma: d’ordre d’abord politique, l’«âge baroque» (das barocke Zeitalter) couvre peu ou prou la période de la seconde moitié du XVIe, puis des XVIIe et XVIIIe siècles. Le renversement de l’esthétique au politique permet une analyse globale de processus a priori disjoints, sans pour autant négliger, bien au contraire, le domaine artistique.
L’ouverture du règne personnel de Louis XIV est ainsi marquée par un carrousel d’inspiration baroque, dans lequel, autour du roi-soleil, les princes du sang conduisent les représentants imaginaires des différents peuples exotiques (1662). Deux ans plus tard, la fête des Plaisirs de l’île enchantée, à Versailles, dure trois jours et reprend les épisodes de l’Orlando furioso. L’inversion du rapport art /politique, déjà suggéré par Tapié, permet de comprendre comment le château de Versailles, parangon du classicisme, peut être reçu comme une manifestation du système baroque. Plus d’un siècle plus tard, le rôle d’un personnage comme Bodoni, théoricien du néo-classique, peut s’analyser dans cette perspective, mais son action se déploie alors même que la conjoncture générale change très profondément, et que le temps du baroque s’efface derrière une configuration radicalement nouvelle.
Comment caractériser ce «temps du baroque», qui se superpose en grande partie à la modernité? Dans le long terme, l’histoire de l’Europe est scandée par un certain nombre d'événements majeurs, eux-mêmes générateurs de nouveautés et de tensions qui ne sont que progressivement découvertes et réduites. La seconde moitié du XVe siècle a de longue date été reconnue comme l’un de ces moments, avec la disparition définitive de l’Empire romain d’Orient (1453) et avec la découverte du Nouveau monde (1492) –sans oublier l’invention de l’imprimerie (1452).
Une conséquence de ces phénomènes semble paradoxale: le Habsbourg, seul empereur d’Europe depuis la chute de Constantinople, a une position privilégiée; mais, à moyen terme, le déclenchement de la Réforme entraîne l’abandon du rêve de societas christiana unifiée, et met en cause le statut de chef séculier de la chrétienté. De plus, si l’Europe s’est dilatée vers l’est et si la civilisation européenne va bientôt se propager à travers le monde, c’est aussi, à la fin du XVe et au XVIe siècle, le temps de l’apogée de l’empire ottoman (1526!): pour plus d’un siècle, l’Europe est une Europe assiégée.
Les changements sont particulièrement sensibles dans le cadre géo-politique du Saint-Empire. Si le statut de l’empereur sera conservé jusqu’au début du XIXe siècle, la dislocation de la hiérarchie féodale fait que son rôle correspond à une forme de plus en plus creuse et vidée de sa signification. Partout, les liens féodaux de personne à personne s’affaissent, au profit d’un pouvoir désormais assis sur la domination d’un certain territoire et conduit par une recherche de l’efficacité raisonnable. Autant de phénomènes qui intéressent au premier chef l’histoire –et l’historien– du livre.
L’écrit et l’imprimé tiennent en effet un rôle stratégique, et d’abord s’agissant de publicistique: le prince, qui est aussi le prince des lettres et des arts, est le dépositaire légitime de la parole publique. En France, l’Affaire des Placards (1534), l’institution du dépôt légal par l’ordonnance de Montpellier (1537), ou encore la réglementation de la branche d’activité de la «librairie» (ordonnance de Moulins, 1566) s’inscrivent dans cette problématique. Mais il s’agira aussi de surveillance et de censure, ou encore de la gestion et du traitement de l’information en tant que prélude à la prise de décision (ce que théorisera et pratiquera Gabriel Naudé, au milieu du XVIIe siècle, dans la bibliothèques de Mazarin).
Les transformations induites par la dislocation des anciens modèles et solidarités ne vont pas sans crises très graves, qui touchent l’ensemble de l’Europe et s’étendent sur plusieurs générations –sur le plan de la politique intérieure, on pense aux guerres de religion, à la guerre de Trente ans ou encore, dans un registre plus politique, aux crises qui se produisent en France à chaque minorité royale jusqu’à la Fronde, voire plus tard. La réduction des tensions se fait progressivement, par l’élaboration d’un autre paradigme politique, celui de l’absolutisme, et sous des formes très différentes d’une géographie ou d’un Etat à l’autre: ce modèle politique moderne, qui émerge et qui est progressivement théorisé, est défini comme celui du «baroque», et il s’appuie en grande partie sur l’écrit et sur l’imprimé.
Courses de testes et de bagues faittes par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l’année 1662, Paris, Imprimerie royale, 1670. Cf , Paris, capitale des livresdir. Frédéric Barbier, Paris, Paris-Bibliothèques, PUF, 2007, n° 76. Frédéric Barbier, « 1452 : une date pour l’Europe », dans 500 de ani de la prima carte tiparita pe teritoriul României. Lucrarile simpozionului international Cartea, România, Europa. Editia I, 20-23 Septembrie 2008, Bucuresti, Editura Biblioteca Bucurestilor, 2009, p. 57-75.
Parmi ces termes dont l’acception change, celui de baroque occupe une place spécifique. Son utilisation se limite pratiquement, en français, au domaine de l’histoire de l’art: le baroque se distingue aussi bien de l’art «Renaissance» que de l’art «classique» (dont Louis XIV représente l’idéaltype), du «rocaille» ou du néo-classique (s’agissant aussi d’esthétique typographique, d’architecture et de décor des bibliothèques). La tradition allemande, qui inspire aussi Victor L. Tapié (Baroque et classicisme, 1ère éd., Paris, 1958), dépasse ce schéma: d’ordre d’abord politique, l’«âge baroque» (das barocke Zeitalter) couvre peu ou prou la période de la seconde moitié du XVIe, puis des XVIIe et XVIIIe siècles. Le renversement de l’esthétique au politique permet une analyse globale de processus a priori disjoints, sans pour autant négliger, bien au contraire, le domaine artistique.
Coupole de la bibliothèque du monastère des Servites, Prague |
Comment caractériser ce «temps du baroque», qui se superpose en grande partie à la modernité? Dans le long terme, l’histoire de l’Europe est scandée par un certain nombre d'événements majeurs, eux-mêmes générateurs de nouveautés et de tensions qui ne sont que progressivement découvertes et réduites. La seconde moitié du XVe siècle a de longue date été reconnue comme l’un de ces moments, avec la disparition définitive de l’Empire romain d’Orient (1453) et avec la découverte du Nouveau monde (1492) –sans oublier l’invention de l’imprimerie (1452).
Une conséquence de ces phénomènes semble paradoxale: le Habsbourg, seul empereur d’Europe depuis la chute de Constantinople, a une position privilégiée; mais, à moyen terme, le déclenchement de la Réforme entraîne l’abandon du rêve de societas christiana unifiée, et met en cause le statut de chef séculier de la chrétienté. De plus, si l’Europe s’est dilatée vers l’est et si la civilisation européenne va bientôt se propager à travers le monde, c’est aussi, à la fin du XVe et au XVIe siècle, le temps de l’apogée de l’empire ottoman (1526!): pour plus d’un siècle, l’Europe est une Europe assiégée.
Les changements sont particulièrement sensibles dans le cadre géo-politique du Saint-Empire. Si le statut de l’empereur sera conservé jusqu’au début du XIXe siècle, la dislocation de la hiérarchie féodale fait que son rôle correspond à une forme de plus en plus creuse et vidée de sa signification. Partout, les liens féodaux de personne à personne s’affaissent, au profit d’un pouvoir désormais assis sur la domination d’un certain territoire et conduit par une recherche de l’efficacité raisonnable. Autant de phénomènes qui intéressent au premier chef l’histoire –et l’historien– du livre.
Le prince de Condé en "empereurs des Turcs" (Bibliothèque de Versailles) |
Les transformations induites par la dislocation des anciens modèles et solidarités ne vont pas sans crises très graves, qui touchent l’ensemble de l’Europe et s’étendent sur plusieurs générations –sur le plan de la politique intérieure, on pense aux guerres de religion, à la guerre de Trente ans ou encore, dans un registre plus politique, aux crises qui se produisent en France à chaque minorité royale jusqu’à la Fronde, voire plus tard. La réduction des tensions se fait progressivement, par l’élaboration d’un autre paradigme politique, celui de l’absolutisme, et sous des formes très différentes d’une géographie ou d’un Etat à l’autre: ce modèle politique moderne, qui émerge et qui est progressivement théorisé, est défini comme celui du «baroque», et il s’appuie en grande partie sur l’écrit et sur l’imprimé.
Courses de testes et de bagues faittes par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l’année 1662, Paris, Imprimerie royale, 1670. Cf , Paris, capitale des livresdir. Frédéric Barbier, Paris, Paris-Bibliothèques, PUF, 2007, n° 76. Frédéric Barbier, « 1452 : une date pour l’Europe », dans 500 de ani de la prima carte tiparita pe teritoriul României. Lucrarile simpozionului international Cartea, România, Europa. Editia I, 20-23 Septembrie 2008, Bucuresti, Editura Biblioteca Bucurestilor, 2009, p. 57-75.
Libellés :
baroque,
bibliothèque,
Théorie de l'histoire du livre,
XVIIe siècle
dimanche 1 décembre 2013
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 2 décembre 2013
16h-18h
Introduction à l’histoire des bibliothèques (2)
Le livre et la civilisation baroque
par
Monsieur Frédéric Barbier
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).Le livre et la civilisation baroque
par
Monsieur Frédéric Barbier
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Libellés :
baroque,
bibliothèque,
Conférence EPHE
mercredi 27 novembre 2013
Conférence IFLA
Le métier de bibliothécaire
25-26 août, 2014
Université de Lyon -
École nationale supérieure des sciences de l'informations et des bibliothèques
Lyon - Villeurbanne, France
Organisateurs: IFLA, Section des livres rares et des manuscrits, Centre Gabriel Naudé (EA 7286 - Enssib)
APPEL A COMMUNICATIONS
La profession de bibliothécaire a existé depuis les temps anciens et a subi de nombreux changements. Ceux-ci ont été déterminés par l'histoire politique, religieuse, culturelle et intellectuelle des pays et des peuples concernés. Tout au long de son évolution, elle s'est trouvée à la fois en parallèle et en contradiction avec les forces culturelles et politiques dominantes.
Le but de la conférence est de fournir une histoire comparée de la profession. Nous chercherons non seulement à mettre en évidence non seulement l'histoire des pratiques et de leurs motivations, mais aussi à réfléchir sur le plan théorique aux conceptions divergentes que peuvent avoir les bibliothécaires quant à leur double rôle, comme gardiens de la connaissance, et comme intermédiaires facilitant l’accès de celle-ci à un certain nombre de publics spécifiques.
Les propositions peuvent mettre l’accent sur les sujets suivants:
- le développement de la formation bibliothéconomique
- les publications professionnelles
- les réflexions théoriques
- les actions et activités des groupes et des organisations
- le développement organisationnel et institutionnel
- les ruptures et les continuités, qui reflètent la tension entre les attentes des bibliothécaires et celles de leur public
- le rôle de l'IFLA et des associations nationales et internationales
- l’internationalisation de la profession.
Les organisateurs réunissent actuellement des crédits permettant de soutenir financièrement certain participants qui en auraient besoin pour assister à la conférence. Soyez assez aimable pour préciser dans votre demande si vous êtes dans ce cas.
Raphaële Mouren, Steven W. Witt
Les résumés de 1000 caractères maximum, accompagnés d’un bref curriculum vitae des auteurs, doivent être déposés sur le site http://histlibr2014.sciencesconf.org
Pour soumettre une proposition, il suffit de créer un compte (gratuit) sur la gauche de la page d'accueil . La date limite de dépôt est le 30 novembre 2013.
L'inscription à la conférence est gratuite, mais obligatoire.
(Communiqué par Raphaële Mouren, trad. F. Barbier)
Cliché: Le Bibliothécaire. "Lire des poètes... Pour cela on n'a besoin que de temps... Mais les cataloguer... Là, il faut du génie".
samedi 23 novembre 2013
Conférences d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 25 novembre 2013
14h-16h
Histoire de la librairie pédagogique au XVIIIe siècle (1).
Trajectoires éditoriales (1) : Robinson Crusoé,
par Madame Emmanuelle Chapron
16h-18h
Histoire de la librairie pédagogique au XVIIIe siècle (1).
Trajectoires éditoriales (1) : Robinson Crusoé,
par Madame Emmanuelle Chapron
16h-18h
Introduction à l’histoire des bibliothèques,
par Monsieur Frédéric Barbier
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).par Monsieur Frédéric Barbier
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
dimanche 17 novembre 2013
Une bibliothèque archiépiscopale des Lumières
Le colloque de Eger nous donne l’occasion de découvrir la très intéressante bibliothèque archiépiscopale de Kalocsa.
Nous sommes, à Kalocsa, dans la vallée du Danube, un petit peu en amont de Mohacs, qui a vu en 1526 la disparition de la Hongrie indépendante face à l’assaut des Turcs. Kalocsa accueille un évêché depuis Etienne Ier en 1001 (archevêché en 1135). La bibliothèque est d’abord celle de l’école épiscopale, mais plusieurs archevêques possèdent aussi des livres: c’est le cas de Georg Hando, ou encore de Peter Varadi, également chancelier de Mathias Corvin.
On estime la collection de manuscrits et d’imprimés à quelque 300 à 400 volumes au tournant du XVe siècle, que les membres du chapitre essaient de mettre à l’abri alors que les Turcs approchent, mais qui ont pratiquement tous disparu –quelques épaves subsistent pourtant, comme cet exemplaire de Sébastien Brant imprimé à Strasbourg. Le dernier évêque de cette période, Paul III Tomony, est tué à Mohacs, et la ville est détruite par les Turcs en 1529.
Ceux-ci se retirent à la fin du XVIIe siècle, et la reconstruction peut commencer. Deux personnalités exceptionnelles sont à l’origine de la bibliothèque que nous pouvons découvrir aujourd’hui. L’archevêque Adám Patachich (1776-1784) est pleinement un homme des Lumières. Dans son siège précédent de Großwardein (Nagyvárad / Oradea), il avait donné toute son attention au développement des écoles, mais il avait aussi fait de sa résidence un pôle artistique et intellectuel actif (Michael Haydn y séjourne un temps). Il quitte Großwardein en 1776, pour le siège de Kalocsa.
Le prélat est aussi un bibliophile, qui entretien un réseau de correspondants chargés de faire des acquisitions de livres à Graz, à Rome et surtout à Vienne, pour constituer une bibliothèque absolument remarquable. Celle-ci, qui compte quelque 17000 volumes, est incorporée à sa mort dans la bibliothèque de l’archevêché. Il achève en outre le palais archiépiscopal, avec la salle de bibliothèque du 1er étage –une seconde bibliothèque a été aménagée au deuxième niveau. Son successeur, Laszlo Kollonitz, est lui aussi un amateur de livres, qui donne toute son attention à la bibliothèque, devenue, avec ses 40000 volumes, une des plus importantes de Hongrie au début du XIXe siècle. Le bibliothécaire István Katona est un historien et intellectuel de renom.
Aujourd’hui, la bibliothèque possède quelque 130 000 volumes (dont 508 incunables…). Elle est particulièrement significative à la fois par le contenu des volumes, mais aussi par les provenances (avec des exemplaires d’Erasme, de Luther, etc.), par les reliures et autres particularités, par la présence des archives de l’institution, et par les très impressionnantes salles anciennes dans lesquelles l’ensemble se est abrité. Dans la salle couverte d’une voûte double appuyée au centre sur une suite de colonnes trapues, le mobilier est d’origine: il date pour l’essentiel de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle, avec ses impressionnantes suites de bibliothèques couvrant toutes les parois disponibles.
La salle est aujourd’hui ouverte à la visite, et présente une intéressante exposition d’histoire du livre à travers un certain nombre d’exemplaires remarquables: manuscrits et incunables, cartes géographiques et atlas (qui représentent une proportion importante du fonds), livres de voyage, americana, etc. Un cabinet accueille une petite chambre, qui servait à l’archevêque pour passer la nuit lorsqu’il voulait travailler dans la bibliothèque. Plusieurs autres pièces sont également occupées par les livres, et l’une d’elle fait découvrir une étonnante collection de tonnelets pour la palinka (eau de vie), la tradition étant que chaque prélat dispose du sien propre pendant son règne…
Nous sommes, à Kalocsa, dans la vallée du Danube, un petit peu en amont de Mohacs, qui a vu en 1526 la disparition de la Hongrie indépendante face à l’assaut des Turcs. Kalocsa accueille un évêché depuis Etienne Ier en 1001 (archevêché en 1135). La bibliothèque est d’abord celle de l’école épiscopale, mais plusieurs archevêques possèdent aussi des livres: c’est le cas de Georg Hando, ou encore de Peter Varadi, également chancelier de Mathias Corvin.
On estime la collection de manuscrits et d’imprimés à quelque 300 à 400 volumes au tournant du XVe siècle, que les membres du chapitre essaient de mettre à l’abri alors que les Turcs approchent, mais qui ont pratiquement tous disparu –quelques épaves subsistent pourtant, comme cet exemplaire de Sébastien Brant imprimé à Strasbourg. Le dernier évêque de cette période, Paul III Tomony, est tué à Mohacs, et la ville est détruite par les Turcs en 1529.
Ceux-ci se retirent à la fin du XVIIe siècle, et la reconstruction peut commencer. Deux personnalités exceptionnelles sont à l’origine de la bibliothèque que nous pouvons découvrir aujourd’hui. L’archevêque Adám Patachich (1776-1784) est pleinement un homme des Lumières. Dans son siège précédent de Großwardein (Nagyvárad / Oradea), il avait donné toute son attention au développement des écoles, mais il avait aussi fait de sa résidence un pôle artistique et intellectuel actif (Michael Haydn y séjourne un temps). Il quitte Großwardein en 1776, pour le siège de Kalocsa.
Le prélat est aussi un bibliophile, qui entretien un réseau de correspondants chargés de faire des acquisitions de livres à Graz, à Rome et surtout à Vienne, pour constituer une bibliothèque absolument remarquable. Celle-ci, qui compte quelque 17000 volumes, est incorporée à sa mort dans la bibliothèque de l’archevêché. Il achève en outre le palais archiépiscopal, avec la salle de bibliothèque du 1er étage –une seconde bibliothèque a été aménagée au deuxième niveau. Son successeur, Laszlo Kollonitz, est lui aussi un amateur de livres, qui donne toute son attention à la bibliothèque, devenue, avec ses 40000 volumes, une des plus importantes de Hongrie au début du XIXe siècle. Le bibliothécaire István Katona est un historien et intellectuel de renom.
La salle est aujourd’hui ouverte à la visite, et présente une intéressante exposition d’histoire du livre à travers un certain nombre d’exemplaires remarquables: manuscrits et incunables, cartes géographiques et atlas (qui représentent une proportion importante du fonds), livres de voyage, americana, etc. Un cabinet accueille une petite chambre, qui servait à l’archevêque pour passer la nuit lorsqu’il voulait travailler dans la bibliothèque. Plusieurs autres pièces sont également occupées par les livres, et l’une d’elle fait découvrir une étonnante collection de tonnelets pour la palinka (eau de vie), la tradition étant que chaque prélat dispose du sien propre pendant son règne…
Libellés :
bibliothèque,
Hongrie,
Kalocsa,
Topographie et voyages,
XVIIIe siècle
La Renaissance: la politique, les arts et les lettres
Nous avons déjà à plusieurs reprises traité de l’articulation entre le champ du politique, et celui de l’écriture et des arts. Le colloque «Bodoni», qui vient de se dérouler à Bologne, offre l’opportunité d’illustrer une problématique à laquelle la conjoncture italienne du bas Moyen Âge et des débuts de l’époque moderne fournit un terreau bien évidemment très favorable.
Lorsque, à partir du XIIIe siècle, les catégories socio-politiques traditionnelles tendent à perdre de leur prégnance (notamment la féodalité), différentes expériences se déroulent, qui visent à construire un paradigme historico-politique nouveau. Ce paradigme sera en définitive celui de l’absolutisme princier, lequel entretient des liens très particuliers avec le domaine de l’écrit et du livre. Le prince doit en effet se distinguer du commun pour justifier le statut dérogatoire dont il bénéficie, et l’un des éléments majeurs de cette distinction concerne, certes, le cadre de vie (le château et la vie de cour), mais aussi les arts et les lettres.
L’évidence de la grandeur du prince justifie son pouvoir: c’est parce qu’il est la figure centrale d’un monde distingué qu’il jouit de son statut privilégié; parce qu’une communauté réunie à son entour, une cour de «grands» et d’administrateurs, d’intellectuels, d’artistes, d’artisans et de serviteurs, le proclame comme tel; parce qu’il déploie et fait déployer une véritable «rhétorique de la gloire». La théorie politique lui permet de déroger au droit naturel et «l’empêche de se réduire à n’être que [ce] qu’il est», à savoir un homme: la célèbre caricature de Louis XIV par ses adversaires protestants ne dit pas autre chose («Ludovicus rex»), tout en renvoyant à un usage très moderne de la publication polémique.
A côté de celui de l’art, le domaine de l’écrit et du livre se trouve désormais en charge d’une fonction politique stratégique: celle-ci se traduit par le rôle du prince en tant que mécène, mais aussi en tant qu’amateur de livres précieux, dont il constituera éventuellement une collection. Dès la première moitié du XIVe siècle, la dynastie des Polenta, seigneurs de Ravenne, accueille aussi bien Dante que Boccace: ce dernier, dans son petit Traité à la gloire de Dante (en même temps la première biographie du poète), fait la louange de la ville et de ses princes, par opposition à Florence, qui avait exilé Dante. La protection accordée aux artistes et écrivains est un élément de la gloire de la cité (ou de la principauté) et de ceux qui la dirigent.
Plus tard, Vasari retracera la théorie des grands mécènes, parmi lesquels il fait figurer le roi de Hongrie Matthias Corvin. Or, une exposition présentée en ce moment même à San Marco de Florence (dans le cadre de l'année de la culture hongroise en Italie) illustre de façon spectaculaire les liens très étroits alors entretenus entre la péninsule italienne en général (et la cité des lys en particulier), et la capitale de Buda. Matthias attire à sa cour artistes, écrivains et intellectuels, mais il est aussi le commanditaire de séries de manuscrits somptueux préparés sur les bords de l'Arno: la nouvelle Bibliotheca Corviniana s'impose comme un véritable symbole de l’humanisme, et on sait que sa disparition à la suite des désordres survenus après la mort du roi (1490) et de l’invasion ottomane, aurait poussé Conrad Gesner à entreprendre ses monumentaux travaux de bibliographie rétrospective...
Ainsi, c’est à la Renaissance que se fonde d’abord le paradigme politique qui va en grande partie dominer toute l’Europe moderne, et que nous avons désigné comme celui du baroque. Victor L. Tapié s'interrogeait:
«Au-delà des évidentes différences [entre les formes d'art du XVIIe siècle], n'existerait-il pas des sources communes et des affinités cachées? N'y aurait-il pas là deux expressions d'une même civilisation ou, pour être encore plus précis, deux styles qui répondent peut-être à des sensibilités différentes, mais [qui] traduiraient l'un comme l'autre l'esprit d'une même société (1)»?
Le retour à l'antique se trouvera réanimé à l’époque de la «seconde Renaissance», la Renaissance du néo-classique et de Bodoni, mais alors même que la conjoncture politique et économique change de plus en plus profondément. C’est, bientôt, le temps d'une nouvelle révolution du livre et des médias, par rapport à laquelle l’économie du livre de cour qui était celle d’un Bodoni paraît de plus en plus en décalage –de fait, elle va disparaître à court terme, avec la dislocation de l'Europe napoléonienne, et la mort du maître imprimeur lui-même.
(1) Victor L. Tapié, Baroque et clacissime, 1ère éd., Paris, Plon, 1957, p. 12.
Lorsque, à partir du XIIIe siècle, les catégories socio-politiques traditionnelles tendent à perdre de leur prégnance (notamment la féodalité), différentes expériences se déroulent, qui visent à construire un paradigme historico-politique nouveau. Ce paradigme sera en définitive celui de l’absolutisme princier, lequel entretient des liens très particuliers avec le domaine de l’écrit et du livre. Le prince doit en effet se distinguer du commun pour justifier le statut dérogatoire dont il bénéficie, et l’un des éléments majeurs de cette distinction concerne, certes, le cadre de vie (le château et la vie de cour), mais aussi les arts et les lettres.
Ludovicus Rex |
A côté de celui de l’art, le domaine de l’écrit et du livre se trouve désormais en charge d’une fonction politique stratégique: celle-ci se traduit par le rôle du prince en tant que mécène, mais aussi en tant qu’amateur de livres précieux, dont il constituera éventuellement une collection. Dès la première moitié du XIVe siècle, la dynastie des Polenta, seigneurs de Ravenne, accueille aussi bien Dante que Boccace: ce dernier, dans son petit Traité à la gloire de Dante (en même temps la première biographie du poète), fait la louange de la ville et de ses princes, par opposition à Florence, qui avait exilé Dante. La protection accordée aux artistes et écrivains est un élément de la gloire de la cité (ou de la principauté) et de ceux qui la dirigent.
Matthias Corvin |
Ainsi, c’est à la Renaissance que se fonde d’abord le paradigme politique qui va en grande partie dominer toute l’Europe moderne, et que nous avons désigné comme celui du baroque. Victor L. Tapié s'interrogeait:
«Au-delà des évidentes différences [entre les formes d'art du XVIIe siècle], n'existerait-il pas des sources communes et des affinités cachées? N'y aurait-il pas là deux expressions d'une même civilisation ou, pour être encore plus précis, deux styles qui répondent peut-être à des sensibilités différentes, mais [qui] traduiraient l'un comme l'autre l'esprit d'une même société (1)»?
Le retour à l'antique se trouvera réanimé à l’époque de la «seconde Renaissance», la Renaissance du néo-classique et de Bodoni, mais alors même que la conjoncture politique et économique change de plus en plus profondément. C’est, bientôt, le temps d'une nouvelle révolution du livre et des médias, par rapport à laquelle l’économie du livre de cour qui était celle d’un Bodoni paraît de plus en plus en décalage –de fait, elle va disparaître à court terme, avec la dislocation de l'Europe napoléonienne, et la mort du maître imprimeur lui-même.
(1) Victor L. Tapié, Baroque et clacissime, 1ère éd., Paris, Plon, 1957, p. 12.
Libellés :
Bodoni,
distinction,
Hongrie,
monarchie
Inscription à :
Articles (Atom)