Fondées en 1796, les Archives départementales de l’Oise, à Beauvais, proposent, jusqu’au 27 avril prochain, une exposition réellement exceptionnelle consacrée à l’écriture, Scripturae. Mille ans d’écriture dans l’Oise.
Un
mot rapide, d’abord, du département lui-même de l’Oise, dont la constitution
explique la richesse historique. Nous sommes aux portes de Paris
(Beauvais est à 80km de la capitale), devant un ensemble composite, mais
dont les rapports à l’histoire sont particulièrement étroits: pas moins
de trois évêchés (Beauvais, Noyon et Senlis), des dizaines de maisons
religieuses, nombre de riches villes de marché et de négoce, sans
oublier les châteaux d’une noblesse elle-même très liée à la cour royale (à
commencer par le château de Chantilly). Un pays mordant à la fois sur
l’Île-de-France, sur la Picardie et sur la Normandie, ce qui explique
que, dans une très large mesure, les évolutions et les événements
relatifs à l’histoire de l’Oise comme département concernent
directement aussi l’histoire de France.
L’exposition présente de manière à la fois élégante et très didactique,
donc efficace, un certain nombre de documents exceptionnels appartenant
aux Archives départementales ou à d’autres institutions du département
(Musée Vivenel de Compiègne, Muée départemental de l’Oise, ville de
Noyon et médiathèque de Beauvais). L’acte exposé le plus ancien remonte à
la fin du Xe siècle, quand les documents les plus récents datent du
début du XVIe. La démonstration s’attache à la forme diplomatique des
pièces (chartes, bulles, etc.), à la technique et à la pratique de
l’écriture (des graffitis antiques à la typographie de la Renaissance), à
la langue (le latin, le français d’oïl et le picard), enfin à la
décoration et aux types d’utilisation de l’écrit (avec des aspects touchant notamment la sigillographie). Une démonstration qui
intéressera le spécialiste, mais qui reste parfaitement accessible à
chacun.
L’amateur
d’histoire du livre relève la présence de plusieurs pièces réellement
exceptionnelles, et souvent top peu connues: un ensemble de remarquables
tablettes de cire appartenant à la ville de Senlis (cliché 1), mais aussi le «livre enchaîné» de cette même ville (cliché 2. Il s'agit du cartulaire municipal), sans
oublier le somptueux Évangéliaire de Morienval, ses peintures et sa
reliure (conservé à Noyon: cliché 3). il faudrait citer pourtant encore la charte de la commune de Senlis (1173-1174), le cartulaire du chapitre cathédral de Noyon (qualifié de «Plus riche manuscrit des Archives de l'Oise»), et nombre d'autres pièces non seulement spectaculaires, mais aussi très bien mises en valeur par la scénographie de l'exposition. Ajoutons que plusieurs conférences publiques accompagnent la manifestation, par ex. «Écrire sur l'argile, XVIe-XIXe siècles» le 16 février prochain à 18h30.
C’est peu de dire que, en cette saison d’hiver, l’excursion de Beauvais
s’impose (tandis que d’autres excursions se profilent sans doute pour la belle saison). Les Archives sont localisées au 71 rue de Tilloy (tél. 03 44 10 42 00),
et l’exposition est ouverte du lundi au vendredi, de 9h à 18h. Un
ouvrage remarquable accompagne cette manifestation, dont il constitue
implicitement le catalogue en 135 pages: Scripturae.
Trésors médiévaux des Archives de l’Oise est dirigé par Monsieur Bruno Ricard, conservateur en chef des Archives départementales,et aborde successivement «Des clés pour comprendre» (donc, quelques courts chapitres sur les Archives elles-mêmes, les chartes, l'écriture, les langues de l'écrit, ses supports et ses techniques), puis une suite de présentations des principales pièces exposées, par ordre chronologique de 983 aux années 1500. L'ouvrage est très largement illustré,
mais vendu au prix très raisonnable de 15 euros. Nul doute qu’il ne
s’agisse d’un titre destiné à entrer comme usuel dans la plupart des
bibliothèques et collections spécialisées.
dimanche 29 janvier 2012
jeudi 26 janvier 2012
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 30 janvier 2012
14h-16h
Ursulines et Frères des écoles: des livres pour les écoles
par
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
Corporations du livre, vie des ateliers
et main-d'œuvre typographique sous l'Ancien Régime (1),
par
Monsieur Jean-Dominique Mellot,
conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Libellés :
Conférence EPHE,
professions du livre
mercredi 25 janvier 2012
Histoire du livre à Paris aux XVIIe-XVIIIe siècles
La dernière conférence de Madame Emmanuelle Chapron à l’École pratiques des Hautes Études a traité d’un cas bien particulier, celui des bibliothèques des collèges britanniques de Paris sous l’Ancien Régime (Collège des Écossais, Collège des Irlandais et Séminaire anglais). Après que la Réforme se soit imposée dans les trois royaumes, l’objectif de ces fondations est d’abord celui de permettre à des jeunes gens de venir se former au ministère ecclésiastique à l’université de Paris. Il s’agit donc de collèges «sans exercice», dans lesquels il n’y a ni communauté permanente, ni enseignement à demeure.
Par ailleurs, les établissements britanniques se sont déplacés dans la capitale aux XVIIe et XVIIIe siècles. Enfin, leurs bibliothèques sont importantes, plus de 10 000 volumes par ex. au Séminaire anglais, mais elles ne sont en principe pas destinées aux élèves. Ceux-ci, qui peuvent bénéficier de bourses, ont en revanche accès à la bibliothèque «classique», et surtout ils doivent se procurer eux-mêmes leurs propres livres.
Le Collège des Écossais est le plus ancien, puisqu’il date du XIVe siècle, mais il acquiert un rayonnement certain par le dépôt en 1603 de la bibliothèque de l’archevêque de Glasgow. Le Collège est réorganisé en 1639, tandis que les statuts de 1707 incluent un règlement de la bibliothèque, peut-être sur le modèle des Bénédictins en 1663 (cf A. Franklin, Les Anciennes bibliothèques de Paris, I, p. 418). La plus grande attention est donnée aux outils de contrôle des prêts, et les liens semblent ici plus étroits entre les étudiants et la bibliothèque.
Le Collège des Irlandais reçoit, en 1726, le legs de la bibliothèque de Michael Moore, soit quelque 1200 volumes. La bibliothèque est établie vers 1770 dans un nouveau local, aménagé par Bélanger au-dessus de la chapelle, local qu’elle occupe toujours aujourd’hui: ses utilisateurs sont les étudiants en théologie et les prêtres en résidence. Le fonds a cependant été confisqué à la Révolution, de sorte que les collections conservées viennent le plus souvent d’autres fonds.
Enfin, au séminaire anglais, la bibliothèque reçoit de nombreux legs. La gestion de Holden est relativement bien connue, grâce au livre de comptes que nous conservons pour les années 1743 à 1756 –le supérieur sera d’ailleurs attaqué sur le caractère somptuaire de certaines de ses dépenses. La collection est évaluée en 1756 à quelque 4500 volumes, avec un profil classique de bibliothèque ecclésiastique et un fonds important de polémique entre catholiques et anglicans, et à propos du jansénisme. Ces volumes doivent notamment permettre aux insulaires d’intervenir dans les controverses.
Après la destruction des jésuites, il est prévu de réunir les étudiants boursiers inscrits à Paris dans l’ancien collège Louis-le-Grand, mais cette opération ne concerne pas les bibliothèques et, par ailleurs, les boursiers irlandais en sont exclus, parce qu’ils doivent nécessairement suivre un cursus de formation en langue irlandaise.
Enfin, les établissements britanniques abritaient un certain nombre de «collections d’usage», qui sont les bibliothèques personnelles des prêtres logés sur place: en général, elles sont relativement modernes (70 à 80% de titres du XVIIIe siècle), et surtout elles ne sont pas léguées au Collège, mais bien à des personnes privées (contrairement à ce qui semble se passer dans un certain nombre d’autres collèges parisiens à la même époque).
La prochaine conférence de Madame Emmanuelle Chapron se tiendra le lundi 30 janvier à 14h, à l’École pratique des Hautes Études. Elle portera sur «Ursulines et frères des écoles: des livres pour les écoles».
NB. Téléchargement en PDF de l'étude de Christian Hottin sur la Géographie historique de l'université de Paris du XIIe au XVIIIe siècle.
Par ailleurs, les établissements britanniques se sont déplacés dans la capitale aux XVIIe et XVIIIe siècles. Enfin, leurs bibliothèques sont importantes, plus de 10 000 volumes par ex. au Séminaire anglais, mais elles ne sont en principe pas destinées aux élèves. Ceux-ci, qui peuvent bénéficier de bourses, ont en revanche accès à la bibliothèque «classique», et surtout ils doivent se procurer eux-mêmes leurs propres livres.
Le Collège des Écossais est le plus ancien, puisqu’il date du XIVe siècle, mais il acquiert un rayonnement certain par le dépôt en 1603 de la bibliothèque de l’archevêque de Glasgow. Le Collège est réorganisé en 1639, tandis que les statuts de 1707 incluent un règlement de la bibliothèque, peut-être sur le modèle des Bénédictins en 1663 (cf A. Franklin, Les Anciennes bibliothèques de Paris, I, p. 418). La plus grande attention est donnée aux outils de contrôle des prêts, et les liens semblent ici plus étroits entre les étudiants et la bibliothèque.
Le Collège des Irlandais reçoit, en 1726, le legs de la bibliothèque de Michael Moore, soit quelque 1200 volumes. La bibliothèque est établie vers 1770 dans un nouveau local, aménagé par Bélanger au-dessus de la chapelle, local qu’elle occupe toujours aujourd’hui: ses utilisateurs sont les étudiants en théologie et les prêtres en résidence. Le fonds a cependant été confisqué à la Révolution, de sorte que les collections conservées viennent le plus souvent d’autres fonds.
La bibliothèque des Irlandais aujourd'hui |
Après la destruction des jésuites, il est prévu de réunir les étudiants boursiers inscrits à Paris dans l’ancien collège Louis-le-Grand, mais cette opération ne concerne pas les bibliothèques et, par ailleurs, les boursiers irlandais en sont exclus, parce qu’ils doivent nécessairement suivre un cursus de formation en langue irlandaise.
Enfin, les établissements britanniques abritaient un certain nombre de «collections d’usage», qui sont les bibliothèques personnelles des prêtres logés sur place: en général, elles sont relativement modernes (70 à 80% de titres du XVIIIe siècle), et surtout elles ne sont pas léguées au Collège, mais bien à des personnes privées (contrairement à ce qui semble se passer dans un certain nombre d’autres collèges parisiens à la même époque).
La prochaine conférence de Madame Emmanuelle Chapron se tiendra le lundi 30 janvier à 14h, à l’École pratique des Hautes Études. Elle portera sur «Ursulines et frères des écoles: des livres pour les écoles».
NB. Téléchargement en PDF de l'étude de Christian Hottin sur la Géographie historique de l'université de Paris du XIIe au XVIIIe siècle.
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Paris,
XVIIe siècle,
XVIIIe siècle
lundi 23 janvier 2012
Histoire du livre: un séminaire lyonnais
Qui écrit ? Regards croisés sur le livre
En 2012, nous proposons un nouveau séminaire:
Qui écrit ? Regards croisés sur le livre,
organisé dans le cadre du CERPHI, UMR 5037.
Ce séminaire se tient désormais à
l'Ecole normale supérieure de Lyon,
site Descartes, salle F103 (salle F112 le 29 mars), à 17h.
15, Parvis René Descartes
69007 Lyon
(métro Debourg)
Première séance
25 janvier 2012
La translittération comme révélateur des responsabilités multiples:
l'exemple des manuels d'hébreu à la Renaissance,
par
Antoine Torrens
(Université de Lyon-Enssib, Lyon)
samedi 21 janvier 2012
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 23 janvier 2012
16h-18h
Projet de glossaire de l'histoire du livre
Projet de glossaire de l'histoire du livre
préparé en vue de la quatrième édition de
Frédéric Barbier, Histoire du livre,
Paris, Armand Colin (à paraître en 2012)
par
Frédéric Barbier, Histoire du livre,
Paris, Armand Colin (à paraître en 2012)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études
directeur d'études
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
mardi 17 janvier 2012
Histoire d'un livre: les Antiquités de la Grèce
Voici un petit volume d’apparence relativement banale, mais qui se révèle à l’examen avoir sensiblement plus d’intérêt qu’on ne croirait a priori.
Description
Il s’agit du manuel de
Lambert Bos,
Antiquités de la Grèce en général, et d’Athènes en particulier, par Lambert Bos, avec les notes de M. Frédéric Leisner. Ouvrage traduit du latin par M. La Grange, auteur de la nouvelle traduction de Lucrèce,
À Paris, chez Bleuet, libraire, pont Saint-Michel, M.DCC.LXIX [1769],
[2-]375-[7] p., [2] p. bl., 12°
(De l’imprimerie de J. Th. Hérissant, Imprimeur du Cabinet du Roi).
Le détail du contenu se présente de la manière suivante: avant titre; titre; préface [de Nicolas La Grange], puis le texte lui-même, divisé en quatre parties: 1) De la religion des Grecs; 2) Du gouvernement civil; 3) Du gouvernement militaire; 4) De la vie privée des Grecs. À la fin: Table des chapitres; Approbation (signée Deguignes, 23 décembre 1768); Privilège du 18 janvier 1769 (signé Le Bègue, enregistré par Briasson le 26 janvier); «Catalogue des livres de fonds qui se trouvent chez Cl. Bleuet, libraire, pont S. Michel» (4 pages). On notera que le texte présente des passages en typographie grecque.
Le texte
Les Antiquités de Bos sont l’édition en traduction française d’un classique de la pédagogie du premier XVIIIe siècle, la Antiquitatum graecarum praecipuè Atticarum descriptio brevis (Brève description des antiquités de la Grèce, et notamment de l’Attique) publiée à Franeker, aux Pays-Bas, par W. Bleck, en 1714. Nous sommes dans le monde de l’érudition protestante, puisque l’auteur, Lambert Bos (1670-1717), était né à Workum, où son père dirigeait l’école latine, et qu’il fit des études classiques poussées avant de devenir professeur de grec à l’université de Franeker. Rappelons que Franeker a été fondée en 1585 et qu’elle est à ce titre la deuxième plus ancienne université des Pays-Bas après Leyde: elle était destinée aux étudiants des provinces septentrionales du pays, mais fut supprimée à l’époque du Premier Empire français.
Le manuel de Bos connaît un certain succès dans les établissements d’enseignement au XVIIIe siècle, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, mais il est considérablement augmenté par Johann Friedrich Leisner, qui ajoute au texte initial un apparat de très riches notes bibliographiques:
Frideric Leisner , dans les notes qu’il y a jointes, a suppléé ce qui pouvoit manquer à la perfection de cet ouvrage. On y trouve toutes les sources d’où ont été puisées les assertions de l’auteur [Lambert Bos]. (…) L’on peut ajouter, à la gloire de l’auteur et du commentateur, qu’il n’y a pas deux endroits dont le dernier n’ait pas trouvé les autorités & où le premier se soit livré à ses conjectures (Préface de l’éd. fr., p. 8).
Leisner est lui-même un enseignant, il sera recteur de la prestigieuse Thomasschule (École Saint-Thomas) de Leipzig, et la première édition du texte annoté par lui est donnée dans cette ville en 1749. Plusieurs rééditions suivront jusqu’au XIXe siècle. Enfin, le texte est traduit en français en 1769, avant de l’être en anglais trois ans plus tard (à partir du latin: Antiquities of Greece, annot. Leisner, trad. Percival Stockdale, Londres, printed for T. Davies, 1772). Les notes de Leisner figurent dans l’édition française de 1769 imprimées sur deux colonnes en bas de page.
La traduction française
La traduction française est préparée par Joseph La Grange (1738-1775), lui-même une personnalité remarquable: le jeune garçon, quoique d’un milieu défavorisé, bénéficie d'une bourse au collège de Beauvais, puis il commence à se faire connaître comme philologue et antiquisant dans les milieux savants de la capitale, avant d’être engagé par d’Holbach comme le précepteur de ses enfants. C’est dans l’hôtel du baron, rue Royale-Saint-Roch, que La Grange aurait rencontré Diderot, et que celui-ci l’aurait engagé à donner une nouvelle traduction de Lucrèce (l’édition bilingue sort en effet en deux volumes à Paris chez Bleuet en 1768: c'est elle qui est mentionnée au titre de notre volume). Sa traduction des Antiquités de Bos suit de peu (1769), et La Grange ajoute au texte une préface dans laquelle il souligne l’intérêt du texte original, regrette la multiplication des «ouvrages superficiels» qui paraissent en nombre, et appelle à un renouveau des études sur l’Antiquité:
Puisse cet ouvrage être accueilli parmi nous comme il l’a été par les Allemands, qui en ont multiplié les éditions! Puisse le goût de l’Antiquité, qui commence à s’éteindre, devenir, comme autrefois, la base de nos études!
Malheureusement, le jeune savant décède prématurément en 1775, alors qu’il n’a pas quarante ans, de sorte que la grande traduction de Sénèque qu’il préparait paraîtra de manière posthume.
Mais le libraire imprimeur est lui aussi une personnalité qui retiendra l'historien. Il s’agit en effet de Claude Bleuet, dit Bleut père, fils d’un laboureur des environs de Noyon. Le jeune homme sans fortune monte à Paris pour faire carrière. Il semble débuter comme colporteur avant de chercher à s’établir comme libraire. Il est refusé par la communauté en 1762 à cause de son ignorance du latin, mais sera en définitive reçu en 1765. Bleuet publie dans différents domaines, mais surtout dans celui des auteurs classiques (!), avec le Lucrèce de La Grange, les Antiquités de Bos, le Virgile de l’abbé Delille, etc. Il mourra à Paris en 1809. Le fait que ce jeune homme sans aucune formation ni moyen financier ait pu en définitive s’établir et faire une carrière plus qu'honorable dans la librairie classique (voir son catalogue de fonds inséré à la fin du volume) témoigne pleinement du caractère favorable de la conjoncture de la branche à Paris dans le dernier tiers du XVIIIe siècle.
L’exemplaire
Voici donc un livre de petit format, destiné à servir surtout de manuel d’enseignement, mais qui éclaire un certain nombre de phénomènes caractéristiques de l’histoire intellectuelle européenne des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est, d’abord, la tradition de l’érudition réformée et de la philologie aux Provinces-Unies. Mais une translation géographique se fait peu à peu sentir, avec la montée de la pédagogie et de la science allemandes après la Guerre de Trente ans: la Saxe prend dès lors une position en pointe, tandis que se renforce l’influence des traités spécialisés et des manuels pédagogiques allemands. Bientôt les universités allemandes, avec Göttingen, mais aussi Leipzig, Heidelberg, etc., seront un modèle pour toute l’Europe.
Le latin conserve un rôle important en tant que langue savante, malgré les progrès de l’édition en allemand depuis les années 1680. La traduction du texte de Bos en français s’inscrit dans une conjoncture un petit peu différente, puisque le statut de la langue vernaculaire en tant que langue savante est bien plus anciennement acquis en France qu'en Allemagne. Par ailleurs, la publication de 1769 témoigne de l’intérêt croissant pour l’histoire antique, et notamment pour l’histoire grecque. Bientôt un jeune noble, le comte de Choiseul, lui-même élève au collège d’Harcourt dans les années 1770 et familier de l’abbé Delille, se passionnera lui aussi pour la Grèce au point d’y organiser l’un des premiers un voyage de découverte (1776).
Rien de surprenant, enfin, à ce que l’exemplaire ici étudié des Antiquités de Lambert Bos provienne d’une des grandes bibliothèques des Lumières. La reliure de veau blond est simple, mais très soignée, avec son dos grecqué à six caissons et pièce de titre, et une roulette sur les coupes. En queue du dos, nous remarquons un petit fer aux armoiries des ducs de La Rochefoucauld: il ne s’agit pas d’Alexandre de La Rochefoucauld, l’organisateur principal de la bibliothèque de La Roche-Guyon (voir aussi le cachet à la page de titre), puisqu’il est décédé en 1762, ni sans doute de sa fille, la princesse d’Enville, puisque l’écu n’est pas un écu féminin, mais plus probablement du petit-fils, Louis Alexandre (1743-1792), ou du cousin de celui-ci, François Alexandre Frédéric, plus connu sous son titre de duc de Liancourt (1747-1827). Deux figures célèbres de la très haute noblesse libérale et deux personnalités caractéristiques des Lumières, à la tête de bibliothèques exceptionnelles et qui sont bien évidemment, elles aussi, intéressées par l’Antiquité grecque.
Description
Il s’agit du manuel de
Lambert Bos,
Antiquités de la Grèce en général, et d’Athènes en particulier, par Lambert Bos, avec les notes de M. Frédéric Leisner. Ouvrage traduit du latin par M. La Grange, auteur de la nouvelle traduction de Lucrèce,
À Paris, chez Bleuet, libraire, pont Saint-Michel, M.DCC.LXIX [1769],
[2-]375-[7] p., [2] p. bl., 12°
(De l’imprimerie de J. Th. Hérissant, Imprimeur du Cabinet du Roi).
Le détail du contenu se présente de la manière suivante: avant titre; titre; préface [de Nicolas La Grange], puis le texte lui-même, divisé en quatre parties: 1) De la religion des Grecs; 2) Du gouvernement civil; 3) Du gouvernement militaire; 4) De la vie privée des Grecs. À la fin: Table des chapitres; Approbation (signée Deguignes, 23 décembre 1768); Privilège du 18 janvier 1769 (signé Le Bègue, enregistré par Briasson le 26 janvier); «Catalogue des livres de fonds qui se trouvent chez Cl. Bleuet, libraire, pont S. Michel» (4 pages). On notera que le texte présente des passages en typographie grecque.
Le texte
Les Antiquités de Bos sont l’édition en traduction française d’un classique de la pédagogie du premier XVIIIe siècle, la Antiquitatum graecarum praecipuè Atticarum descriptio brevis (Brève description des antiquités de la Grèce, et notamment de l’Attique) publiée à Franeker, aux Pays-Bas, par W. Bleck, en 1714. Nous sommes dans le monde de l’érudition protestante, puisque l’auteur, Lambert Bos (1670-1717), était né à Workum, où son père dirigeait l’école latine, et qu’il fit des études classiques poussées avant de devenir professeur de grec à l’université de Franeker. Rappelons que Franeker a été fondée en 1585 et qu’elle est à ce titre la deuxième plus ancienne université des Pays-Bas après Leyde: elle était destinée aux étudiants des provinces septentrionales du pays, mais fut supprimée à l’époque du Premier Empire français.
Le manuel de Bos connaît un certain succès dans les établissements d’enseignement au XVIIIe siècle, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, mais il est considérablement augmenté par Johann Friedrich Leisner, qui ajoute au texte initial un apparat de très riches notes bibliographiques:
Frideric Leisner , dans les notes qu’il y a jointes, a suppléé ce qui pouvoit manquer à la perfection de cet ouvrage. On y trouve toutes les sources d’où ont été puisées les assertions de l’auteur [Lambert Bos]. (…) L’on peut ajouter, à la gloire de l’auteur et du commentateur, qu’il n’y a pas deux endroits dont le dernier n’ait pas trouvé les autorités & où le premier se soit livré à ses conjectures (Préface de l’éd. fr., p. 8).
Leisner est lui-même un enseignant, il sera recteur de la prestigieuse Thomasschule (École Saint-Thomas) de Leipzig, et la première édition du texte annoté par lui est donnée dans cette ville en 1749. Plusieurs rééditions suivront jusqu’au XIXe siècle. Enfin, le texte est traduit en français en 1769, avant de l’être en anglais trois ans plus tard (à partir du latin: Antiquities of Greece, annot. Leisner, trad. Percival Stockdale, Londres, printed for T. Davies, 1772). Les notes de Leisner figurent dans l’édition française de 1769 imprimées sur deux colonnes en bas de page.
La traduction française
La traduction française est préparée par Joseph La Grange (1738-1775), lui-même une personnalité remarquable: le jeune garçon, quoique d’un milieu défavorisé, bénéficie d'une bourse au collège de Beauvais, puis il commence à se faire connaître comme philologue et antiquisant dans les milieux savants de la capitale, avant d’être engagé par d’Holbach comme le précepteur de ses enfants. C’est dans l’hôtel du baron, rue Royale-Saint-Roch, que La Grange aurait rencontré Diderot, et que celui-ci l’aurait engagé à donner une nouvelle traduction de Lucrèce (l’édition bilingue sort en effet en deux volumes à Paris chez Bleuet en 1768: c'est elle qui est mentionnée au titre de notre volume). Sa traduction des Antiquités de Bos suit de peu (1769), et La Grange ajoute au texte une préface dans laquelle il souligne l’intérêt du texte original, regrette la multiplication des «ouvrages superficiels» qui paraissent en nombre, et appelle à un renouveau des études sur l’Antiquité:
Puisse cet ouvrage être accueilli parmi nous comme il l’a été par les Allemands, qui en ont multiplié les éditions! Puisse le goût de l’Antiquité, qui commence à s’éteindre, devenir, comme autrefois, la base de nos études!
Malheureusement, le jeune savant décède prématurément en 1775, alors qu’il n’a pas quarante ans, de sorte que la grande traduction de Sénèque qu’il préparait paraîtra de manière posthume.
Mais le libraire imprimeur est lui aussi une personnalité qui retiendra l'historien. Il s’agit en effet de Claude Bleuet, dit Bleut père, fils d’un laboureur des environs de Noyon. Le jeune homme sans fortune monte à Paris pour faire carrière. Il semble débuter comme colporteur avant de chercher à s’établir comme libraire. Il est refusé par la communauté en 1762 à cause de son ignorance du latin, mais sera en définitive reçu en 1765. Bleuet publie dans différents domaines, mais surtout dans celui des auteurs classiques (!), avec le Lucrèce de La Grange, les Antiquités de Bos, le Virgile de l’abbé Delille, etc. Il mourra à Paris en 1809. Le fait que ce jeune homme sans aucune formation ni moyen financier ait pu en définitive s’établir et faire une carrière plus qu'honorable dans la librairie classique (voir son catalogue de fonds inséré à la fin du volume) témoigne pleinement du caractère favorable de la conjoncture de la branche à Paris dans le dernier tiers du XVIIIe siècle.
L’exemplaire
Voici donc un livre de petit format, destiné à servir surtout de manuel d’enseignement, mais qui éclaire un certain nombre de phénomènes caractéristiques de l’histoire intellectuelle européenne des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est, d’abord, la tradition de l’érudition réformée et de la philologie aux Provinces-Unies. Mais une translation géographique se fait peu à peu sentir, avec la montée de la pédagogie et de la science allemandes après la Guerre de Trente ans: la Saxe prend dès lors une position en pointe, tandis que se renforce l’influence des traités spécialisés et des manuels pédagogiques allemands. Bientôt les universités allemandes, avec Göttingen, mais aussi Leipzig, Heidelberg, etc., seront un modèle pour toute l’Europe.
Le latin conserve un rôle important en tant que langue savante, malgré les progrès de l’édition en allemand depuis les années 1680. La traduction du texte de Bos en français s’inscrit dans une conjoncture un petit peu différente, puisque le statut de la langue vernaculaire en tant que langue savante est bien plus anciennement acquis en France qu'en Allemagne. Par ailleurs, la publication de 1769 témoigne de l’intérêt croissant pour l’histoire antique, et notamment pour l’histoire grecque. Bientôt un jeune noble, le comte de Choiseul, lui-même élève au collège d’Harcourt dans les années 1770 et familier de l’abbé Delille, se passionnera lui aussi pour la Grèce au point d’y organiser l’un des premiers un voyage de découverte (1776).
Rien de surprenant, enfin, à ce que l’exemplaire ici étudié des Antiquités de Lambert Bos provienne d’une des grandes bibliothèques des Lumières. La reliure de veau blond est simple, mais très soignée, avec son dos grecqué à six caissons et pièce de titre, et une roulette sur les coupes. En queue du dos, nous remarquons un petit fer aux armoiries des ducs de La Rochefoucauld: il ne s’agit pas d’Alexandre de La Rochefoucauld, l’organisateur principal de la bibliothèque de La Roche-Guyon (voir aussi le cachet à la page de titre), puisqu’il est décédé en 1762, ni sans doute de sa fille, la princesse d’Enville, puisque l’écu n’est pas un écu féminin, mais plus probablement du petit-fils, Louis Alexandre (1743-1792), ou du cousin de celui-ci, François Alexandre Frédéric, plus connu sous son titre de duc de Liancourt (1747-1827). Deux figures célèbres de la très haute noblesse libérale et deux personnalités caractéristiques des Lumières, à la tête de bibliothèques exceptionnelles et qui sont bien évidemment, elles aussi, intéressées par l’Antiquité grecque.
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samedi 14 janvier 2012
Conférences d'histoire du livre
École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
Les livres de la famille de La Rochefoucauld
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études
(ci-dessus: reliure en maroquin aux armes de La Rochefoucauld)
(ci-dessus: reliure en maroquin aux armes de La Rochefoucauld)
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
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jeudi 12 janvier 2012
Conférence d'histoire du livre: le livre scolaire en France sous l'Ancien Régime
Madame Emmanuelle Chapron a traité, les 21 et 28 novembre 2011, de l’histoire du livre scolaire en France dans les deux derniers siècles d’Ancien Régime.
Depuis les dernières décennies du XVIe siècle, les évêques s’inquiètent de l’orthodoxie des livres d’école. Les statuts synodaux, par ex. en Champagne, se préoccupent des livres qui sont dans les mains des maîtres, avec une opposition sensible sur le genre: l’objectif, pour les filles, se limite à ce qu’elles puissent suivre la messe. D’autre part, depuis la fin du XVIIe siècle, beaucoup de catéchismes d’enfants deviennent de facto des livres scolaires, parfois avec quelques variantes de forme (on intercale en tête un alphabet). D’autres titres sont contrefaits, comme le Magasin des enfants de Jeanne Marie Leprince de Beaumont, ouvrage dont le succès se prolonge au XIXe siècle.
Les écoles fonctionnent sur le principe de l’exploitation de ce qui existe, et n’ont pas de matériel pédagogique spécifique, tandis que le souci de fournir des livres aux enfants n’est pas toujours adopté par les communautés d’habitants. D’une manière générale, au XVIIIe siècle, le livre «scolaire» ne coûte pas cher, mais il génère des marges limitées, qu’il convient donc d’accroître par la quantité des exemplaires mis en vente. Les impressions sont notamment réalisées sous le régime de l’arrêt de 1730, qui libéralise la production d’almanachs, heures, ABC, etc., de deux feuillets d’impression au maximum, avec une permission de trois ans reconduite sans examen. Pour autant, certains professionnels essaient d’obtenir un privilège local qui leur assure un monopole dans un cadre géographique limité.
Les choses commencent cependant à évoluer. À l’école d’Ay (dossier également évoqué par Emmanuelle Chapron dans un article de Histoire de l’éducation, 2010), on signale en 1792 une petite armoire pour ranger les livres à l’usage des enfants. Par ailleurs, même si les bibliothèques scolaires restent généralement de l’ordre des agrégats de hasard, le XVIIIe siècle est marqué par une réflexion sur la problématique des livres pour les enfants, y compris ceux des familles démunies, tandis que l’idée commence à s’imposer, selon laquelle les livres pédagogiques doivent plus ou moins être organisés en une série cohérente et progressive. Dans un second temps, on passera au principe selon lequel tous les enfants d’un même niveau doivent autant que possible avoir le même livre, ce qui est notamment le cas chez les congrégations charitables comme les Frères des École chrétiennes.
Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la modernisation de l’enseignement s’impose comme un thème plus fréquent, tant pour les collèges que pour les petites écoles. En Champagne en 1770, il est prévu que le maître ait à sa disposition quelques titres de pédagogie, tandis que l’on prévoit que les enfants apprennent d’abord à lire en français (puis en latin), que les livres soient uniformes dans la classe et que les classes soient organisées par niveaux –la mise en œuvre de ces mesures reste évidemment problématique. Le besoin de livres nouveaux se fait plus sensible, en l’occurrence un manuel unique (pour limiter les coûts) proposant conjointement des notions morales, religieuses et plus proprement intellectuelles.
Jean-Baptiste Louis Crévier, régent de collège à Beauvais, publie en 1762 son De l’éducation publique, dans lequel il défend l’idée d’un «code rustique», autrement dit d’un compendium général et accessible à tous. La citation figurant au titre est explicite: Populus sapiens, gens magna. L’Académie de Chalons a des préoccupations analogues, et organise un concours sur le thème de l’éducation publique en 1779. Le prix est décerné à un parlementaire de Bordeaux, Goyon d’Arzac, qui développe un programme très structuré en vue de la mise en place généralisée d’un service d’éducation nationale (en fonction de la taille des ville, de la spécificité des populations concernées, de la hiérarchie des structures scolaires, etc.). L’auteur établit en outre une liste des livres à utiliser, tant pour les enseignants que pour les enfants. Il explique que toutes les opportunités sont bonnes à saisir, et que, par exemple, la pagination du livre de lecture peut aussi servir à l’apprentissage de l’arithmétique. L’impression des volumes se fera aux frais de l’État dans les nouvelles circonscriptions scolaires, et ils seront achetés par les parents.
Ces réflexions s’inscrivent pleinement dans la double optique, de l’attention désormais portée aux données relevant de l’économie politique, et de la mathématisation des savoirs dans les dernières décennies de l’Ancien Régime.
La prochaine conférence de Madame Emmanuelle Chapron se tiendra le 16 janvier 2012, de 14h. à 16h., et traitera des «Bibliothèques des collèges britanniques à Paris».
Depuis les dernières décennies du XVIe siècle, les évêques s’inquiètent de l’orthodoxie des livres d’école. Les statuts synodaux, par ex. en Champagne, se préoccupent des livres qui sont dans les mains des maîtres, avec une opposition sensible sur le genre: l’objectif, pour les filles, se limite à ce qu’elles puissent suivre la messe. D’autre part, depuis la fin du XVIIe siècle, beaucoup de catéchismes d’enfants deviennent de facto des livres scolaires, parfois avec quelques variantes de forme (on intercale en tête un alphabet). D’autres titres sont contrefaits, comme le Magasin des enfants de Jeanne Marie Leprince de Beaumont, ouvrage dont le succès se prolonge au XIXe siècle.
Les écoles fonctionnent sur le principe de l’exploitation de ce qui existe, et n’ont pas de matériel pédagogique spécifique, tandis que le souci de fournir des livres aux enfants n’est pas toujours adopté par les communautés d’habitants. D’une manière générale, au XVIIIe siècle, le livre «scolaire» ne coûte pas cher, mais il génère des marges limitées, qu’il convient donc d’accroître par la quantité des exemplaires mis en vente. Les impressions sont notamment réalisées sous le régime de l’arrêt de 1730, qui libéralise la production d’almanachs, heures, ABC, etc., de deux feuillets d’impression au maximum, avec une permission de trois ans reconduite sans examen. Pour autant, certains professionnels essaient d’obtenir un privilège local qui leur assure un monopole dans un cadre géographique limité.
Les choses commencent cependant à évoluer. À l’école d’Ay (dossier également évoqué par Emmanuelle Chapron dans un article de Histoire de l’éducation, 2010), on signale en 1792 une petite armoire pour ranger les livres à l’usage des enfants. Par ailleurs, même si les bibliothèques scolaires restent généralement de l’ordre des agrégats de hasard, le XVIIIe siècle est marqué par une réflexion sur la problématique des livres pour les enfants, y compris ceux des familles démunies, tandis que l’idée commence à s’imposer, selon laquelle les livres pédagogiques doivent plus ou moins être organisés en une série cohérente et progressive. Dans un second temps, on passera au principe selon lequel tous les enfants d’un même niveau doivent autant que possible avoir le même livre, ce qui est notamment le cas chez les congrégations charitables comme les Frères des École chrétiennes.
Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la modernisation de l’enseignement s’impose comme un thème plus fréquent, tant pour les collèges que pour les petites écoles. En Champagne en 1770, il est prévu que le maître ait à sa disposition quelques titres de pédagogie, tandis que l’on prévoit que les enfants apprennent d’abord à lire en français (puis en latin), que les livres soient uniformes dans la classe et que les classes soient organisées par niveaux –la mise en œuvre de ces mesures reste évidemment problématique. Le besoin de livres nouveaux se fait plus sensible, en l’occurrence un manuel unique (pour limiter les coûts) proposant conjointement des notions morales, religieuses et plus proprement intellectuelles.
Jean-Baptiste Louis Crévier, régent de collège à Beauvais, publie en 1762 son De l’éducation publique, dans lequel il défend l’idée d’un «code rustique», autrement dit d’un compendium général et accessible à tous. La citation figurant au titre est explicite: Populus sapiens, gens magna. L’Académie de Chalons a des préoccupations analogues, et organise un concours sur le thème de l’éducation publique en 1779. Le prix est décerné à un parlementaire de Bordeaux, Goyon d’Arzac, qui développe un programme très structuré en vue de la mise en place généralisée d’un service d’éducation nationale (en fonction de la taille des ville, de la spécificité des populations concernées, de la hiérarchie des structures scolaires, etc.). L’auteur établit en outre une liste des livres à utiliser, tant pour les enseignants que pour les enfants. Il explique que toutes les opportunités sont bonnes à saisir, et que, par exemple, la pagination du livre de lecture peut aussi servir à l’apprentissage de l’arithmétique. L’impression des volumes se fera aux frais de l’État dans les nouvelles circonscriptions scolaires, et ils seront achetés par les parents.
Ces réflexions s’inscrivent pleinement dans la double optique, de l’attention désormais portée aux données relevant de l’économie politique, et de la mathématisation des savoirs dans les dernières décennies de l’Ancien Régime.
La prochaine conférence de Madame Emmanuelle Chapron se tiendra le 16 janvier 2012, de 14h. à 16h., et traitera des «Bibliothèques des collèges britanniques à Paris».
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mercredi 11 janvier 2012
Exposition et conférence d'histoire du livre
La lettre de civilité, entre le manuscrit et l’imprimé
(XVIe-XVIIIe siècle)
Exposition organisée
par la Bibliothèque Mazarine,
en partenariat avec le
Centre d’études supérieures de la Renaissance
et la
Bibliothèque de l’Institut de France
17 janvier-16 mars 2012
Entrée libre du lundi au vendredi de 10h00 à 18h00
L’exposition est inaugurée par une conférence de son commissaire
Monsieur Rémi Jimenes
Le caractère de civilité:
typographie et calligraphie sous l'Ancien Régime
le mardi 17 janvier 2012 à 17h00,
à la Bibliothèque Mazarine,
23 quai de Conti, Paris 6e
Malgré la réussite initiale, ces caractères cursifs disparaissent rapidement des presses françaises. L’évolution des pratiques calligraphiques, l’adoption des écritures italiennes dans l’imprimé comme dans le manuscrit, font désormais passer la cursive gothique pour une lettre archaïque.
Absente de la production imprimée pendant près d’un demi-siècle, elle réapparaît pourtant au début du XVIIIe siècle. On l’utilise jusqu’au milieu du XIXe siècle pour la publication des Règles de la bienséance et pour des manuels de civilité destinés aux élèves des petites écoles.
Depuis lors, on désigne cette typographie comme un caractère de civilité. Souvent embellie par des passes et des entrelacs, la lettre de civilité frappe l’œil. Objet curieux, séduisant pour les uns, illisible pour les autres, la cursive gothique constitue un intéressant objet d’étude, à la rencontre des cultures de l’imprimé et du manuscrit.
L’exposition rassemble une quarantaine de livres imprimés en caractères de civilité conservés à la Bibliothèque Mazarine, complétés par des exemplaires généreusement prêtés par la bibliothèque de l’Institut de France et par un collectionneur privé.
(Communiqué par M. Yann Sordet). Le blog a également annoncé la sortie du livre consacré par Monsieur Jimenes aux caractères de civilité, et évoqué très brièvement ceux-ci dans un billet publié l'été dernier).
dimanche 8 janvier 2012
Histoire du livre: Gabriel Naudé
Les recherches sur le XVIIe siècle et l’histoire du livre ont été un temps négligées en France, peut-être par suite de l’hésitation à l'idée de s'inscrire après le classique de Henri-Jean Martin, Livre, pouvoir et société à Paris au XVIIe siècle. Depuis une vingtaine d’années, les choses ont pourtant commencé à bouger en profondeur, notamment avec la thèse exemplaire de Jean-Dominique Mellot sur la «librairie rouennaise», mais aussi avec les travaux nombreux engagés autour du thème des «non-livres» (Nicolas Petit) et des périodiques, qu’il s’agisse des Mazarinades ou encore de la Gazette, ou, plus tard du Journal des sçavans.
Les bibliothèques, les amateurs, collectionneurs et bibliothécaires retiennent eux aussi l’attention des chercheurs. Parmi les figures que l’on pourrait dire emblématiques de la modernité de la bibliothèque, Gabriel Naudé (1600-1653) occupe très certainement l’une des premières places: rien que de logique à ce que, en tant qu’auteur de l’Advis pour dresser une bibliothèque (1627), il ait fait l’objet de nombre de travaux plus ou moins approfondis. Notons au passage le fait que le terme même de «bibliothèque» vienne sous la plume de Naudé en place de l’ancienne «librairie» pour désigner une collection structurée de livres, qu’elle soit à usage privé ou qu'elle soit plus largement accessible.
Gabriel Naudé est très généralement présenté, dans les différentes histoires des bibliothèques, comme l’initiateur de la nouvelle «bibliothèque publique», mais la confusion des mots amène à nuancer l’analyse. Son rôle principal est d’un ordre tout autre, qui touche à la construction de la politique et, plus largement, de la pensée moderne. Revenons sur ces deux points.
1- Pour Naudé, qui tire les conséquences de l’expérience difficile à laquelle il est confronté quotidiennement au cours de la première moitié du XVIIe siècle, la politique nouvelle est désormais étroitement liée au média: c’est «le temps des libelles» (Christian Jouhaud) et de l’affermissement d’un espace public considérablement élargi, et que nous croirions volontiers inventé par la Réforme luthérienne. Nous n’insistons pas sur la justesse de cette observation, ni sur son caractère remarquable: c’est Naudé qui s’emploiera à persuader Mazarin lui-même de l’importance des imprimés «éphémères».
2- Le deuxième axe de réflexion porte plus généralement sur la modernité de la pensée –c’est le sens de la formule de «libertins érudits» popularisée par René Pintard. Dans ces premières décennies du XVIIe siècle, la rationalité est au cœur de la pensée, qui s’appuie sur un travail systématique de critique ou, pour reprendre le mot de Naudé, de «déniaiserie»: ne pas être niais, c’est ne pas croire à ce qui est de l’ordre de l’absurde, de la fable, ou, plus simplement, du déraisonnable. Il faut acquérir des connaissances assurées, lesquelles sont construites sur le travail de la raison et de la critique. Ce sont là les conditions de ce que l'on appellera plus tard la connaissance scientifique.
Par suite, le statut et surtout le rôle de la bibliothèque sont très profondément modifiés: la bibliothèque constitue un enjeu stratégique pour la pensée moderne, parce qu’elle est le conservatoire des expériences et des connaissances humaines sur lesquelles pourra prendre assise le travail de recherche et de réflexion critique lui-même à la base de la connaissance «déniaisée».
Naudé tire de ces idées un certain nombre de conséquences, en particulier sur le fait que la bibliothèque sera aussi riche que possible: tout livre, même le plus médiocre, trouve un jour son lecteur, ce lecteur auquel la critique permet toujours de trier le bon grain de l’ivraie et d’éviter les pièges de l'évidence ou de la facilité. Même les pamphlets les plus médiocres, un certain nombre de Mazarinades, etc., peuvent être lus avec profit, et éventuellement instrumentalisés en vue de l’action politique rationnelle –qui plus est, il s’agit de documents à partir desquels se construira la connaissance historique, et qui à ce titre aussi doivent être conservés.
Le caractère encyclopédique de la bibliothèque pose évidemment un problème de gestion: il faut éviter que des livres interdits ne se trouvent entre les mains de tout un chacun, et Naudé mentionne quelques précautions à prendre à cet égard.
Concluons ce rapide billet sur trois remarques (bien d'autres points seraient à envisager, par exemple sur l'innovation plus ou moins radicale que représente Naudé).
1- D’abord, la bibliothèque «ouverte» théorisée par Naudé s’adresse-t-elle effectivement, comme le sous-entendrait aujourd’hui le terme même de «bibliothèque publique», à tout un chacun? Dans le principe, oui, sans doute: Naudé n’avait aucune naissance ni aucune fortune, ce qui ne l’a pas empêché d’entrer dans le «secret» des princes et d’acquérir les outils intellectuels lui permettant de prendre rang parmi les personnalités célèbres de son temps. Or, ce qui lui a été possible l’est à chacun (même si sous certaines conditions), en application d’une sorte de droit de la nature: la raison est universelle, chacun dispose des outils pour la mettre en œuvre, et l’accès aux livres ne saurait, dans cette perspective, être limité.
2- Pourtant, la bibliothèque naudéenne n’est pas publique, parce que Naudé n’est pas un démocrate au sens actuel du terme. À ses yeux, le peuple est ignare, et il sera d’autant plus dangereux qu’on le manipulera plus habilement par le biais de la propagande. Comme toujours en histoire, il convient de se défier de l’anachronisme, et l’usage des mêmes termes français («public», «démocratie», etc.) entre le XVIIe siècle et aujourd’hui ne doit en rien amener à conclure à l’équivalence de leurs acceptions.
3- Enfin, Naudé marque bien une étape-clé dans l’histoire des bibliothèques: avec lui, la bibliothèque cessera d’être cet espace clos, réservé, abrité des remous du monde, où Montaigne se réfugiait encore pour converser gratuitement avec les grands esprits du passé. Elle s'impose désormais (en France au moins jusqu’au XIXe siècle) comme le laboratoire privilégié de la pensée et comme un enjeu important des choix et des engagements politiques.
Conférence sur Gabriel Naudé à la Bibliothèque Mazarine le 9 janvier 2012.
Voir aussi: Bibliothèque et médiathèque.
(Cliché: l'histoire au quotidien. Vue de l'Institut, ancien Collège des Quatre Nations et siège de la Bibliothèque Mazarine, 9 I 2011, cliché FB).
Les bibliothèques, les amateurs, collectionneurs et bibliothécaires retiennent eux aussi l’attention des chercheurs. Parmi les figures que l’on pourrait dire emblématiques de la modernité de la bibliothèque, Gabriel Naudé (1600-1653) occupe très certainement l’une des premières places: rien que de logique à ce que, en tant qu’auteur de l’Advis pour dresser une bibliothèque (1627), il ait fait l’objet de nombre de travaux plus ou moins approfondis. Notons au passage le fait que le terme même de «bibliothèque» vienne sous la plume de Naudé en place de l’ancienne «librairie» pour désigner une collection structurée de livres, qu’elle soit à usage privé ou qu'elle soit plus largement accessible.
Gabriel Naudé est très généralement présenté, dans les différentes histoires des bibliothèques, comme l’initiateur de la nouvelle «bibliothèque publique», mais la confusion des mots amène à nuancer l’analyse. Son rôle principal est d’un ordre tout autre, qui touche à la construction de la politique et, plus largement, de la pensée moderne. Revenons sur ces deux points.
1- Pour Naudé, qui tire les conséquences de l’expérience difficile à laquelle il est confronté quotidiennement au cours de la première moitié du XVIIe siècle, la politique nouvelle est désormais étroitement liée au média: c’est «le temps des libelles» (Christian Jouhaud) et de l’affermissement d’un espace public considérablement élargi, et que nous croirions volontiers inventé par la Réforme luthérienne. Nous n’insistons pas sur la justesse de cette observation, ni sur son caractère remarquable: c’est Naudé qui s’emploiera à persuader Mazarin lui-même de l’importance des imprimés «éphémères».
2- Le deuxième axe de réflexion porte plus généralement sur la modernité de la pensée –c’est le sens de la formule de «libertins érudits» popularisée par René Pintard. Dans ces premières décennies du XVIIe siècle, la rationalité est au cœur de la pensée, qui s’appuie sur un travail systématique de critique ou, pour reprendre le mot de Naudé, de «déniaiserie»: ne pas être niais, c’est ne pas croire à ce qui est de l’ordre de l’absurde, de la fable, ou, plus simplement, du déraisonnable. Il faut acquérir des connaissances assurées, lesquelles sont construites sur le travail de la raison et de la critique. Ce sont là les conditions de ce que l'on appellera plus tard la connaissance scientifique.
Par suite, le statut et surtout le rôle de la bibliothèque sont très profondément modifiés: la bibliothèque constitue un enjeu stratégique pour la pensée moderne, parce qu’elle est le conservatoire des expériences et des connaissances humaines sur lesquelles pourra prendre assise le travail de recherche et de réflexion critique lui-même à la base de la connaissance «déniaisée».
Naudé tire de ces idées un certain nombre de conséquences, en particulier sur le fait que la bibliothèque sera aussi riche que possible: tout livre, même le plus médiocre, trouve un jour son lecteur, ce lecteur auquel la critique permet toujours de trier le bon grain de l’ivraie et d’éviter les pièges de l'évidence ou de la facilité. Même les pamphlets les plus médiocres, un certain nombre de Mazarinades, etc., peuvent être lus avec profit, et éventuellement instrumentalisés en vue de l’action politique rationnelle –qui plus est, il s’agit de documents à partir desquels se construira la connaissance historique, et qui à ce titre aussi doivent être conservés.
Le caractère encyclopédique de la bibliothèque pose évidemment un problème de gestion: il faut éviter que des livres interdits ne se trouvent entre les mains de tout un chacun, et Naudé mentionne quelques précautions à prendre à cet égard.
Concluons ce rapide billet sur trois remarques (bien d'autres points seraient à envisager, par exemple sur l'innovation plus ou moins radicale que représente Naudé).
1- D’abord, la bibliothèque «ouverte» théorisée par Naudé s’adresse-t-elle effectivement, comme le sous-entendrait aujourd’hui le terme même de «bibliothèque publique», à tout un chacun? Dans le principe, oui, sans doute: Naudé n’avait aucune naissance ni aucune fortune, ce qui ne l’a pas empêché d’entrer dans le «secret» des princes et d’acquérir les outils intellectuels lui permettant de prendre rang parmi les personnalités célèbres de son temps. Or, ce qui lui a été possible l’est à chacun (même si sous certaines conditions), en application d’une sorte de droit de la nature: la raison est universelle, chacun dispose des outils pour la mettre en œuvre, et l’accès aux livres ne saurait, dans cette perspective, être limité.
2- Pourtant, la bibliothèque naudéenne n’est pas publique, parce que Naudé n’est pas un démocrate au sens actuel du terme. À ses yeux, le peuple est ignare, et il sera d’autant plus dangereux qu’on le manipulera plus habilement par le biais de la propagande. Comme toujours en histoire, il convient de se défier de l’anachronisme, et l’usage des mêmes termes français («public», «démocratie», etc.) entre le XVIIe siècle et aujourd’hui ne doit en rien amener à conclure à l’équivalence de leurs acceptions.
3- Enfin, Naudé marque bien une étape-clé dans l’histoire des bibliothèques: avec lui, la bibliothèque cessera d’être cet espace clos, réservé, abrité des remous du monde, où Montaigne se réfugiait encore pour converser gratuitement avec les grands esprits du passé. Elle s'impose désormais (en France au moins jusqu’au XIXe siècle) comme le laboratoire privilégié de la pensée et comme un enjeu important des choix et des engagements politiques.
Conférence sur Gabriel Naudé à la Bibliothèque Mazarine le 9 janvier 2012.
Voir aussi: Bibliothèque et médiathèque.
(Cliché: l'histoire au quotidien. Vue de l'Institut, ancien Collège des Quatre Nations et siège de la Bibliothèque Mazarine, 9 I 2011, cliché FB).
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bibliothèque,
historiographie,
public,
Sociabilité savante,
XVIIe siècle
jeudi 5 janvier 2012
Conférences d'histoire du livre
École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 9 janvier 2012
16h-17h30
Gabriel Naudé
par
M. Frédéric Barbier,
directeur d’études
17h45-19h (environ)
Gabriel Naudé et la bibliothèque de Mazarin:
visite de la Bibliothèque Mazarine
visite de la Bibliothèque Mazarine
et présentation d’ouvrages
par
M. Yann Sordet,
directeur de la Bibliothèque Mazarine
Avis important
Cette conférence se tiendra dans les locaux de la Bibliothèque Mazarine, 23 quai de Conti, 75006 Paris.
De 16h à 17h30, salle de conférences de la Bibliothèque, dite «salle Alfred Franklin» (entrée au 23 quai Conti, puis au fond de la deuxième cour, dernière porte à droite, 1er étage).
À partir de 17h45, à la Bibliothèque Mazarine elle-même.
Le nombre de participants est limité à 24. Pour éviter les déplacements inutiles, on est prié de s’inscrire par téléphone au 01 44 32 31 52 (du lundi au vendredi à midi).
Nota:
La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h.
Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 115 à 14h et salle 123 à 16h).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2011-2012.
Transports en commun: Métro, ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare ((250 m. à pied). Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Un petit peu plus éloignés: Métro, ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Calendrier complet des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Libellés :
Conférence EPHE,
Mazarine,
Naudé (G.)
mercredi 4 janvier 2012
Histoire du livre à Rome au Moyen Âge
Maria Alessandra Bilotta, I Libri dei Papi. La Curia, il Laterano e la produzione manoscritta ad uso del Papato nel Medioevo (secoli VI-XIII), Città del Vaticano, Biblioteca Vaticana, 2011 («Studi e testi», 465).
Voir le Site de l'éditeur
L’ouvrage porte essentiellement sur l’analyse historique et historico-artistique des manuscrits réalisés à l’usage de la cour pontificale et du Latran entre le VIe et le XIe siècle. La recherche développe trois axes principaux:
1) La description des modalités selon lesquelles, dans les siècles centraux du Moyen-Âge, s’est développée et institutionnalisée une activité de copie et de conservation des livres dans l’environnement de la papauté.
2) L’identification systématique des manuscrits conservés, qui sont les témoignages de cette activité.
3) Enfin, l’analyse des exemplaires, selon les diverses approches méthodologiques (histoire et histoire de l’art, paléographie, codicologie, philologie, histoire de la liturgie, etc.).
On restitue ainsi une composante très significative mais jusqu’à présent peu étudiée dans son ensemble, de l’histoire de la miniature médiévale, grâce aussi à la réunion, conduite dans ce travail pour la première fois, de tout ce qui subsiste de la production manuscrite, et en particulier enluminée, liée au Latran et à la cour pontificale (résumé de l’éditeur, trad. FB).
Table générale
Prefazione di S. Em. Card. Raffaele Farina (pp. XI-XII)
Presentazione di Agostino Paravicini Bagliani (pp. XIII-XVII)
Introduzione di Mario D’Onforio (pp. XIX-XXI) Ringraziamenti (pp. XXIII-XXV)
Premessa (pp. XXVII-XXXII)
Capitolo 1: La Biblioteca nell’antica residenza pontificia del Laterano dal primo insediamento dei pontefici a Bonifacio VIII (1294-1303): ipotesi di localizzazione e vicende storiche del patrimonio librario pontificio (pp. 1-42)
1.1 La Biblioteca del Laterano dalla fondazione della Basilica Salvatoris all’affermazione del Laterano come residenza del papa.
1.2 La Biblioteca papale in Laterano tra X e XII secolo.
1.3 La raccolta libraria papale e la mobilità della Curia nel secolo XIII e all’inizio del XIV.
Capitolo 2: I primi manoscritti, dalla fondazione della basilica Salvatoris all’affermazione del Laterano come residenza del papa (pp. 43-69)
2.1 Troyes, Médiathèque de l’Agglomération Troyenne, ms 504.
2.2 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 10696, Vat. lat. 14586.
2.3 Monaco di Baviera, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 14008.
2.4 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4965.
Capitolo 3: Codici, riforma canonicale e canonici di San Frediano in Laterano tra XI e XII secolo (pp. 71-117)
3.1 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 38.
3.2 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 5319.
3.3 Firenze, Biblioteca Riccardiana, Ricc. 299.
3.4 Firenze, Biblioteca Riccardiana, Ricc. 300.
3.5 Roma, Archivio Capitolare Lateranense, A. 80.
3.6 Firenze Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 356.
3.7 Roma, Archivio di Stato, ex-Santissimo Salvatore 997.
3.8 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 1192.
3.9 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4406.
Capitolo 4: I libri liturgici secundum consuetudinem et usum romanae Curiae: il Duecento (pp. 119-175)
4.1 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 12989.
4.2 Madrid, Biblioteca Nacional de España, lat. 730.
4.3 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 356.
4.4 Avignone, Bibliothèque municipale, ms 100.
4.5 New York, Pierpont Morgan Library, M. 976 / Philadelphia, Morgan Free Library Lewis EM 008.12.
4.6 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 1155.
4.7 Parigi, Bibliothèque nationale de France, ms lat. 960.
4.8 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4747.
4.9 Avignone, Bibliothèque municipale, ms 203.
4.10 Lione, Bibliothèque municipale, lat. 5132.
4.11 Roma, Biblioteca dell’Accademia Nazionale dei Lincei e Corsiniana, 55. K.3.
Conclusioni (pp. 177-188)
Bibliografia (pp. 189-270) Fonti (pp. 189-191) Lavori critici (pp. 191-270) Indice dei manoscritti citati (pp. 271-274) Indice dei nomi e dei luoghi (pp. 275-284)
(Communiqué par l'auteur)
Voir le Site de l'éditeur
1) La description des modalités selon lesquelles, dans les siècles centraux du Moyen-Âge, s’est développée et institutionnalisée une activité de copie et de conservation des livres dans l’environnement de la papauté.
2) L’identification systématique des manuscrits conservés, qui sont les témoignages de cette activité.
3) Enfin, l’analyse des exemplaires, selon les diverses approches méthodologiques (histoire et histoire de l’art, paléographie, codicologie, philologie, histoire de la liturgie, etc.).
On restitue ainsi une composante très significative mais jusqu’à présent peu étudiée dans son ensemble, de l’histoire de la miniature médiévale, grâce aussi à la réunion, conduite dans ce travail pour la première fois, de tout ce qui subsiste de la production manuscrite, et en particulier enluminée, liée au Latran et à la cour pontificale (résumé de l’éditeur, trad. FB).
Table générale
Prefazione di S. Em. Card. Raffaele Farina (pp. XI-XII)
Presentazione di Agostino Paravicini Bagliani (pp. XIII-XVII)
Introduzione di Mario D’Onforio (pp. XIX-XXI) Ringraziamenti (pp. XXIII-XXV)
Premessa (pp. XXVII-XXXII)
Capitolo 1: La Biblioteca nell’antica residenza pontificia del Laterano dal primo insediamento dei pontefici a Bonifacio VIII (1294-1303): ipotesi di localizzazione e vicende storiche del patrimonio librario pontificio (pp. 1-42)
1.1 La Biblioteca del Laterano dalla fondazione della Basilica Salvatoris all’affermazione del Laterano come residenza del papa.
1.2 La Biblioteca papale in Laterano tra X e XII secolo.
1.3 La raccolta libraria papale e la mobilità della Curia nel secolo XIII e all’inizio del XIV.
Capitolo 2: I primi manoscritti, dalla fondazione della basilica Salvatoris all’affermazione del Laterano come residenza del papa (pp. 43-69)
2.1 Troyes, Médiathèque de l’Agglomération Troyenne, ms 504.
2.2 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 10696, Vat. lat. 14586.
2.3 Monaco di Baviera, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 14008.
2.4 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4965.
Capitolo 3: Codici, riforma canonicale e canonici di San Frediano in Laterano tra XI e XII secolo (pp. 71-117)
3.1 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 38.
3.2 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 5319.
3.3 Firenze, Biblioteca Riccardiana, Ricc. 299.
3.4 Firenze, Biblioteca Riccardiana, Ricc. 300.
3.5 Roma, Archivio Capitolare Lateranense, A. 80.
3.6 Firenze Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 356.
3.7 Roma, Archivio di Stato, ex-Santissimo Salvatore 997.
3.8 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 1192.
3.9 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4406.
Capitolo 4: I libri liturgici secundum consuetudinem et usum romanae Curiae: il Duecento (pp. 119-175)
4.1 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 12989.
4.2 Madrid, Biblioteca Nacional de España, lat. 730.
4.3 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 356.
4.4 Avignone, Bibliothèque municipale, ms 100.
4.5 New York, Pierpont Morgan Library, M. 976 / Philadelphia, Morgan Free Library Lewis EM 008.12.
4.6 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 1155.
4.7 Parigi, Bibliothèque nationale de France, ms lat. 960.
4.8 Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 4747.
4.9 Avignone, Bibliothèque municipale, ms 203.
4.10 Lione, Bibliothèque municipale, lat. 5132.
4.11 Roma, Biblioteca dell’Accademia Nazionale dei Lincei e Corsiniana, 55. K.3.
Conclusioni (pp. 177-188)
Bibliografia (pp. 189-270) Fonti (pp. 189-191) Lavori critici (pp. 191-270) Indice dei manoscritti citati (pp. 271-274) Indice dei nomi e dei luoghi (pp. 275-284)
(Communiqué par l'auteur)
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