Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises les travaux de notre collègue Alain Riffaud sur l'histoire du livre et de la littérature du XVIIe siècle et envisagés notamment sous l'angle de la bibliographie matérielle. Nous ne voulons pas attendre pour annoncer la publication toute récente d'une somme destinée à faire date:
Alain Riffaud, Une Archéologie du livre français moderne, préf. Isabelle Pantin, Genève, Librairie Droz, 2011.
L'ouvrage fait le point de manière précise et très claire sur les éléments relevant de la bibliographie matérielle s'agissant du livre français des XVIe-XVIIIe siècles. il est divisé en onze chapitres successifs (nous donnons entre parenthèses des éléments permettant de préciser le contenu de chaque chapitre):
1- La structure d'un livre (signes utilisés sur les imprimés, cahiers, pagination, etc.).
2- Composition et impression (détail des opérations de fabrication, jusqu'à la reliure).
3- Différentes formats, de l'imposition au pliage (de l'in-folio à l'in-douze).
4- Les corrections (... et les variantes).
5- L'organisation du travail (notamment la composition et l'illustration).
6- Identifier une édition (édition, exemplaire, émission, état).
7- La qualité typographique (en tant qu'indicateur d'identification, de datation, etc.).
8- Reconnaître un imprimeur (matériel, habitudes, modèles).
9- Reconnaître contrefaçons et supercheries (avec une présentation du régime du privilège).
10- Sur les traces de la vie du livre (l'auteur, le libraire, les traces manuscrites).
11- L'archéologie du livre, ou l'Art de pratiquer des autopsies pour résoudre des énigmes.
La Bibliographie sélective est très précieuse, de même que les index qui complètent l'ouvrage: l'index des livres cités, l'index des noms (nominum et locorum) et encore plus l'index des termes techniques (depuis Adresse typographique jusqu'à V: Vergeure, Visorium, Voleur).
Rédigé par un des meilleurs experts de la matière, le livre d'Alain Riffaud s'impose d'emblée comme un classique de référence pour les historiens du livre et les historiens de la littérature. Il fait enfin mentir l'assertion célèbre de Lucien Febvre dans les Annales de 1952: «L’histoire du livre, terra incognita. Non que fassent défaut les travaux d’érudition (...). Mais (...) l’histoire de l’imprimerie n’est que trop rarement intégrée à l’histoire générale. Des historiens «littéraires» peuvent encore disserter à longueur de journée sur leurs auteurs sans se poser les mille problèmes de l’impression, de la publication, de la rémunération, du tirage, de la clandestinité, etc., qui feraient descendre leurs travaux du ciel sur la terre...»
mardi 31 mai 2011
samedi 28 mai 2011
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 30 mai 2011
14h-16h
Bibliothèques décomposées / recomposées :
la bibliothèque du Collège des Irlandais en Révolution.
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 30 mai 2011
14h-16h
Bibliothèques décomposées / recomposées :
la bibliothèque du Collège des Irlandais en Révolution.
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
La conférence portera sur l'histoire du fonds du Collège des Irlandais, de l'Ancien Régime aux premières années du XIXe siècle, moment où une bibliothèque est refondée par Napoléon à partir des dépôts littéraires. Elle permettra d'aborder, plus généralement, l'histoire des bibliothèques des collèges sous la Révolution.
Sur les fonds anciens conservés aujourd'hui au Collège des Irlandais.
16h-18h
L'apprentissage dans les métiers du livre en France sous l'Ancien Régime
par Monsieur Jean Dominique Mellot,
conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France
L'apprentissage dans les métiers du livre en France sous l'Ancien Régime
par Monsieur Jean Dominique Mellot,
conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Annonce: la séance foraine de la conférence d’Histoire et civilisation du livre aura lieu, cette année, le vendredi 24 juin, et sera consacrée à la très riche Bibliothèque de Dole (Jura). La ville de Dole est facilement atteinte depuis Paris en 2 heures par TGV direct. Tout participant intéressé sera le bienvenu. Un programme détaillé sera publié prochainement, mais la séance se déroulera de 11h à 17h environ à la Bibliothèque de Dole.
Libellés :
bibliothèque,
Conférence EPHE,
librairie scolaire,
XVIIIe siècle
jeudi 26 mai 2011
La double démarche de l'histoire du livre
Deux démarches différentes sont généralement associées dans le travail de l'historien. C'est, d'abord, la recherche pour elle-même, notamment à partir des sources, dans la perspective que Lucien Febvre décrivait comme celle de l'«érudition» et qui par certains côtés évoque la passion du collectionneur: creuser un certain sujet, avec pour objectif de le cerner et d'accumuler autour de lui le plus de connaissances qu'il possible.
Il est toujours agréable, nous le savons, d'ajouter un élément au tableau d'ensemble, de détailler encore, d'éclaircir tel ou tel point, et ces travaux que l'on dit «d'érudition» se sont accumulés des siècles durant pour constituer une masse gigantesque d'informations, une bibliothèque mondiale très précieuse et fiable sur les sujets les plus divers. Ils trouvent leur prix en eux-mêmes et par la mise à disposition des connaissance ainsi rassemblées pour la collectivité.
Dans la note publiée en tête de l'article d'Henri-Jean Martin dans les Annales de 1952 (article à partir duquel on peut réellement dater la naissance en France de la «nouvelle histoire du livre»), Lucien Febvre écrit pourtant: «Le travail d’érudition continue à se faire – mais le travail d’histoire à s’étayer sur lui et à partir de lui: non pas». Il y aurait donc une seconde manière de travailler, celle qui consiste à faire de l'«histoire» au sens de Febvre?
Pour éclairer cette affirmation, il convient de se replacer dans le contexte de la grande époque des Annales: l'objectif était de promouvoir une forme d'«histoire problème» dont le classique de Febvre et Martin, L'Apparition du livre, illustre la mise en œuvre dans le domaine de l'histoire du livre.
La difficile genèse de ce texte est aujourd'hui bien connue. Nous savons que, dans la perspective initiale élaborée par Henri Berr à la veille de la Première Guerre mondiale, l'invention de l'imprimerie était censée marquer la fin du Moyen Âge et l'ouverture à la modernité -le titre même d'Apparition du livre est révélateur de cette conception de la causalité que l'on pourra juger quelque peu naïve (il a été cependant conservé par Febvre, puis par Martin, par fidélité à la mémoire de leurs maîtres respectifs). C'est cette conception de la causalité qui pousse Renaudet, sollicité pour écrire le volume, à s'y refuser en définitive. Dans une lettre à son camarade Febvre, il écrit en effet:
«Pour revenir une dernière fois sur les conceptions historiques d’Henri Berr, tu ne nieras pas que le titre L’Apparition du livre ne se lise sur les couvertures de la collection, et que, d’autre part, ladite Apparition n’arrive, en fin de série Moyen Âge, en bouquet de feu d’artifice. Ce qui, sauf corrections, m’a toujours semblé et continue de me sembler un peu puéril». On le voit, la critique ne porte pas sur le fait qu'il y a bien évidemment eu des «livres» avant le «livre», entendons le «livre imprimé», mais elle est plus subtile, et d'autant plus forte.
Febvre ne dit pas autre chose lorsque, dans les pages de tête du volume publié finalement en 1958 (rappelons qu'il est décédé deux ans auparavant), il écrit:
«Si [ce livre] n’avait pas reçu déjà du directeur de la Collection un titre excellent dans sa sobriété: L’APPARITION DU LIVRE, on pourrait l’appeler, avec un rien de préciosité, LE LIVRE AU SERVICE DE L’HISTOIRE».
Que Febvre fût parfois précieux, nous le savions (il n'est que de le lire), et là n'est pas la question. Mais pour lui, il ne s'agit pas de faire de l'«histoire du livre» en soi et pour soi, mais bien de mettre une histoire scientifique du livre au service d'une connaissance plus affinée de l'histoire générale -et, en l'occurrence, de l'invention d'une certaine modernité, incluant les développements de l'humanisme, les mutations du travail intellectuel et de la pensée, et l'émergence des mouvements de réforme religieuse. Il s'agit en définitive de mieux comprendre quelque chose de la vie de l'homme en société, voire de la nature humaine en général et du fonctionnement de la raison.
Ces choix sont-ils toujours d'actualité? Nous le pensons, car, si la perspective problématique et si la méthodologie changent bien évidemment (elles ont aussi leur histoire), l'objectif ultime, à savoir la quête d'intelligibilité, est de toutes les époques. Ils soulèvent d'autres problèmes, notamment à propos des logiques de changement (comment l'innovation fonctionne-t-elle?) ou encore, plus généralement, à propos de la causalité. Nous avons ici et là déjà évoqué certaines de ces questions dans ce blog, et nous y reviendrons encore. Mais, en définitive, à travers les expériences du passé, l'historien (qui est un praticien d'une science expérimentale) fait-il autre chose que se chercher lui-même, chercher à se comprendre et à comprendre le monde dans lequel il vit?
Sur la genèse de l'histoire du livre comme discipline, voir les Actes du colloque de Budapest: 1958-2008 : cinquante ans d'histoire du livre. De L'Apparition du livre (1958) à 2008 : bilan et projets, éd. par / hg. von Frédéric Barbier, István Monok, Budapest, Orzságos Széchényi Könyvtár, 2009, 270 p. («L'Europe en réseaux /Vernetztes Europa», 5).
NB: la "Révolution Gutenberg", en podcast sur Europe 1 (tout ce que l'on entend n'est pas à prendre au pied de la lettre!).
Il est toujours agréable, nous le savons, d'ajouter un élément au tableau d'ensemble, de détailler encore, d'éclaircir tel ou tel point, et ces travaux que l'on dit «d'érudition» se sont accumulés des siècles durant pour constituer une masse gigantesque d'informations, une bibliothèque mondiale très précieuse et fiable sur les sujets les plus divers. Ils trouvent leur prix en eux-mêmes et par la mise à disposition des connaissance ainsi rassemblées pour la collectivité.
Dans la note publiée en tête de l'article d'Henri-Jean Martin dans les Annales de 1952 (article à partir duquel on peut réellement dater la naissance en France de la «nouvelle histoire du livre»), Lucien Febvre écrit pourtant: «Le travail d’érudition continue à se faire – mais le travail d’histoire à s’étayer sur lui et à partir de lui: non pas». Il y aurait donc une seconde manière de travailler, celle qui consiste à faire de l'«histoire» au sens de Febvre?
Pour éclairer cette affirmation, il convient de se replacer dans le contexte de la grande époque des Annales: l'objectif était de promouvoir une forme d'«histoire problème» dont le classique de Febvre et Martin, L'Apparition du livre, illustre la mise en œuvre dans le domaine de l'histoire du livre.
La difficile genèse de ce texte est aujourd'hui bien connue. Nous savons que, dans la perspective initiale élaborée par Henri Berr à la veille de la Première Guerre mondiale, l'invention de l'imprimerie était censée marquer la fin du Moyen Âge et l'ouverture à la modernité -le titre même d'Apparition du livre est révélateur de cette conception de la causalité que l'on pourra juger quelque peu naïve (il a été cependant conservé par Febvre, puis par Martin, par fidélité à la mémoire de leurs maîtres respectifs). C'est cette conception de la causalité qui pousse Renaudet, sollicité pour écrire le volume, à s'y refuser en définitive. Dans une lettre à son camarade Febvre, il écrit en effet:
«Pour revenir une dernière fois sur les conceptions historiques d’Henri Berr, tu ne nieras pas que le titre L’Apparition du livre ne se lise sur les couvertures de la collection, et que, d’autre part, ladite Apparition n’arrive, en fin de série Moyen Âge, en bouquet de feu d’artifice. Ce qui, sauf corrections, m’a toujours semblé et continue de me sembler un peu puéril». On le voit, la critique ne porte pas sur le fait qu'il y a bien évidemment eu des «livres» avant le «livre», entendons le «livre imprimé», mais elle est plus subtile, et d'autant plus forte.
Febvre ne dit pas autre chose lorsque, dans les pages de tête du volume publié finalement en 1958 (rappelons qu'il est décédé deux ans auparavant), il écrit:
«Si [ce livre] n’avait pas reçu déjà du directeur de la Collection un titre excellent dans sa sobriété: L’APPARITION DU LIVRE, on pourrait l’appeler, avec un rien de préciosité, LE LIVRE AU SERVICE DE L’HISTOIRE».
Que Febvre fût parfois précieux, nous le savions (il n'est que de le lire), et là n'est pas la question. Mais pour lui, il ne s'agit pas de faire de l'«histoire du livre» en soi et pour soi, mais bien de mettre une histoire scientifique du livre au service d'une connaissance plus affinée de l'histoire générale -et, en l'occurrence, de l'invention d'une certaine modernité, incluant les développements de l'humanisme, les mutations du travail intellectuel et de la pensée, et l'émergence des mouvements de réforme religieuse. Il s'agit en définitive de mieux comprendre quelque chose de la vie de l'homme en société, voire de la nature humaine en général et du fonctionnement de la raison.
Ces choix sont-ils toujours d'actualité? Nous le pensons, car, si la perspective problématique et si la méthodologie changent bien évidemment (elles ont aussi leur histoire), l'objectif ultime, à savoir la quête d'intelligibilité, est de toutes les époques. Ils soulèvent d'autres problèmes, notamment à propos des logiques de changement (comment l'innovation fonctionne-t-elle?) ou encore, plus généralement, à propos de la causalité. Nous avons ici et là déjà évoqué certaines de ces questions dans ce blog, et nous y reviendrons encore. Mais, en définitive, à travers les expériences du passé, l'historien (qui est un praticien d'une science expérimentale) fait-il autre chose que se chercher lui-même, chercher à se comprendre et à comprendre le monde dans lequel il vit?
Sur la genèse de l'histoire du livre comme discipline, voir les Actes du colloque de Budapest: 1958-2008 : cinquante ans d'histoire du livre. De L'Apparition du livre (1958) à 2008 : bilan et projets, éd. par / hg. von Frédéric Barbier, István Monok, Budapest, Orzságos Széchényi Könyvtár, 2009, 270 p. («L'Europe en réseaux /Vernetztes Europa», 5).
NB: la "Révolution Gutenberg", en podcast sur Europe 1 (tout ce que l'on entend n'est pas à prendre au pied de la lettre!).
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Théorie de l'histoire du livre
lundi 23 mai 2011
Les révolutions du livre, ou plaidoyer pour l'histoire
L’émergence des nouveaux médias produit une forme de fascination qui se donne à percevoir dans les formes du discours.
Les uns, ceux des intellectuels formés aux médias gutenbergiens, s’élèvent contre un système censé saper les fondements de toute culture, comme ils se sont élevés en leur temps contre la télévision, voire, quelques décennies auparavant, contre la bande dessinée –sans parler, dans les premières décennies du XVIe siècle, des attaques de certains humanistes contre l’imprimerie et sa capacité de mettre en circulation des éditions éventuellement médiocres.
Les autres, sensiblement plus nombreux, développent un véritable discours hagiographique que le plus souvent rien ne vient étayer au-delà des pétitions de principe. Régis Debray n’avait pas tort lorsqu’il dénonçait les dangers de cette fascination et la multiplication des «vaticinations des pensées de survol» qu'elle engendre -et qu'elle engendre d'autant plus facilement que ces pensées sont, logiquement, les plus faciles à médiatiser.
Nous ne voulons pas, par cet exorde trop brutal, nous ranger dans le camp de plus en plus minoritaire d’une hostilité a priori face aux nouveaux médias et à leur enchantement: le présent blog en témoigne. Il est bien certain qu’une «révolution» est aujourd’hui en marche, et, à des rythmes et sous des formes variables selon les environnements, les besoins, les représentations et les pratiques, nous sortons de plus en plus nettement de l’hégémonisme du système gutenbergien.
Pour autant, quelques précautions intellectuelles peuvent être prises. Bornons-nous à évoquer une image fréquemment rencontrée: le disque dur fonctionne aujourd'hui une extension du cerveau humain, comme le livre et la bibliothèque l’ont été en leur temps (et comme ils le restent toujours).
La chose est évidente, le cerveau n’ayant pas la capacité de stocker les masses de données conservées dans les bibliothèques ou dans les mémoires informatiques. Et nous ne sommes pas les premiers à être fascinés: la masse même des volumes a pareillement fasciné ceux qui nous ont précédés et qui leur ont élevé de véritables cathédrales destinées aussi à faire impression sur le visiteur (cliché: la Palatina de Parme en cathédrale de livres).
La tendance à l'externalisation ne date pas non plus des médias actuels, puisque Leroi-Gourhan nous a montré comment l’homme, depuis des centaines de milliers d’années, se caractérisait précisément par la fabrication de «prothèses» de toutes sortes. Dans le domaine qui nous intéresse, «l'écriture « externalise » la parole (la matérialise et la visualise), comme l'imprimé externalise l'écriture, le journal, le livre, l'écran, le journal, etc.» (Régis Debray).
On le voit, la simple description des phénomènes que nous vivons ne répond pas au propos de l’historien. La comparaison d’une époque à l’autre permet en revanche de repérer les forces sous-jacentes et d’observer que, si externalisation il y a, celle-ci répond d’une certaine manière à un déséquilibre préexistant. Depuis l'époque moderne, le moteur du changement n’est pas d’ordre intellectuel, mais, le plus souvent, d'ordre économique. Ainsi, la typographie en caractères mobiles s’impose-t-elle parce que les tensions sur le marché du manuscrit sont suffisantes pour faire espérer des gains importants de la mise au point d’une technique nouvelle de reproduction des textes.
Par ailleurs, l’historien du livre et des médias est sensible au fait que, si les évolutions du système sont impulsées par ce qui les précède, elles engagent ce qui les suit, et dans des directions que leurs initiateurs ne pouvaient pas nécessairement soupçonner. Avec le passage d’un «système» à l’autre (par ex., de la librairie d'Ancien Régime à la librairie industrielle de masse), c’est un ensemble de logiques relatives non seulement à la fabrication des livres, mais aussi à l’écriture, au statut de l’auteur et à celui des textes, à la protection des droits des uns et des autres, aux pratiques d’appropriation, voire aux catégories plus profondes du travail intellectuel, qui se trouve de proche en proche plus ou moins profondément reconfiguré.
Cette complexité explique pourquoi poser les questions en termes de causalité stricte n’est pas opératoire: le système des médias n’obéit pas à une rationalité d’ensemble; il tend certes à l’équilibre, mais il fonctionne comme un système en continuel déséquilibre sur un point ou sur un autre. C’est cette tension qui est à l’origine du changement, donc de l’histoire.
Un dernier mot, sur le risque de la formule toute faite: sous l’emprise de plus en plus hégémonique des nouveaux médias, nous sortirions en effet de la célèbre «Galaxie Gutenberg» pour assister à la «mort du livre». Or, non seulement le «livre» a pris des formes très variées au cours de l’histoire, des tablettes mésopotamiennes à la... tablette informatique, mais, depuis plusieurs siècles en Occident, l’instauration d’un nouveau média dominant n’a presque jamais conduit à la disparition du précédent –c’est ainsi que l’on n’a jamais publié autant de livres imprimés qu’à l’heure du triomphe de la télévision. La mort du livre nous laisse sceptiques, et encore plus la mort de l’histoire telle qu’elle a été annoncée… en son temps, qui n’est déjà plus le nôtre.
Oui, des mutations fondamentales sont aujourd’hui engagées, mais elles doivent être contextualisées et replacées dans leur environnement, qui est un environnement à long terme. Et ce travail d’historicisation, généralement peu spectaculaire, est précisément le travail… de l’historien.
Les uns, ceux des intellectuels formés aux médias gutenbergiens, s’élèvent contre un système censé saper les fondements de toute culture, comme ils se sont élevés en leur temps contre la télévision, voire, quelques décennies auparavant, contre la bande dessinée –sans parler, dans les premières décennies du XVIe siècle, des attaques de certains humanistes contre l’imprimerie et sa capacité de mettre en circulation des éditions éventuellement médiocres.
Les autres, sensiblement plus nombreux, développent un véritable discours hagiographique que le plus souvent rien ne vient étayer au-delà des pétitions de principe. Régis Debray n’avait pas tort lorsqu’il dénonçait les dangers de cette fascination et la multiplication des «vaticinations des pensées de survol» qu'elle engendre -et qu'elle engendre d'autant plus facilement que ces pensées sont, logiquement, les plus faciles à médiatiser.
Nous ne voulons pas, par cet exorde trop brutal, nous ranger dans le camp de plus en plus minoritaire d’une hostilité a priori face aux nouveaux médias et à leur enchantement: le présent blog en témoigne. Il est bien certain qu’une «révolution» est aujourd’hui en marche, et, à des rythmes et sous des formes variables selon les environnements, les besoins, les représentations et les pratiques, nous sortons de plus en plus nettement de l’hégémonisme du système gutenbergien.
Pour autant, quelques précautions intellectuelles peuvent être prises. Bornons-nous à évoquer une image fréquemment rencontrée: le disque dur fonctionne aujourd'hui une extension du cerveau humain, comme le livre et la bibliothèque l’ont été en leur temps (et comme ils le restent toujours).
La chose est évidente, le cerveau n’ayant pas la capacité de stocker les masses de données conservées dans les bibliothèques ou dans les mémoires informatiques. Et nous ne sommes pas les premiers à être fascinés: la masse même des volumes a pareillement fasciné ceux qui nous ont précédés et qui leur ont élevé de véritables cathédrales destinées aussi à faire impression sur le visiteur (cliché: la Palatina de Parme en cathédrale de livres).
La tendance à l'externalisation ne date pas non plus des médias actuels, puisque Leroi-Gourhan nous a montré comment l’homme, depuis des centaines de milliers d’années, se caractérisait précisément par la fabrication de «prothèses» de toutes sortes. Dans le domaine qui nous intéresse, «l'écriture « externalise » la parole (la matérialise et la visualise), comme l'imprimé externalise l'écriture, le journal, le livre, l'écran, le journal, etc.» (Régis Debray).
On le voit, la simple description des phénomènes que nous vivons ne répond pas au propos de l’historien. La comparaison d’une époque à l’autre permet en revanche de repérer les forces sous-jacentes et d’observer que, si externalisation il y a, celle-ci répond d’une certaine manière à un déséquilibre préexistant. Depuis l'époque moderne, le moteur du changement n’est pas d’ordre intellectuel, mais, le plus souvent, d'ordre économique. Ainsi, la typographie en caractères mobiles s’impose-t-elle parce que les tensions sur le marché du manuscrit sont suffisantes pour faire espérer des gains importants de la mise au point d’une technique nouvelle de reproduction des textes.
Par ailleurs, l’historien du livre et des médias est sensible au fait que, si les évolutions du système sont impulsées par ce qui les précède, elles engagent ce qui les suit, et dans des directions que leurs initiateurs ne pouvaient pas nécessairement soupçonner. Avec le passage d’un «système» à l’autre (par ex., de la librairie d'Ancien Régime à la librairie industrielle de masse), c’est un ensemble de logiques relatives non seulement à la fabrication des livres, mais aussi à l’écriture, au statut de l’auteur et à celui des textes, à la protection des droits des uns et des autres, aux pratiques d’appropriation, voire aux catégories plus profondes du travail intellectuel, qui se trouve de proche en proche plus ou moins profondément reconfiguré.
Cette complexité explique pourquoi poser les questions en termes de causalité stricte n’est pas opératoire: le système des médias n’obéit pas à une rationalité d’ensemble; il tend certes à l’équilibre, mais il fonctionne comme un système en continuel déséquilibre sur un point ou sur un autre. C’est cette tension qui est à l’origine du changement, donc de l’histoire.
Un dernier mot, sur le risque de la formule toute faite: sous l’emprise de plus en plus hégémonique des nouveaux médias, nous sortirions en effet de la célèbre «Galaxie Gutenberg» pour assister à la «mort du livre». Or, non seulement le «livre» a pris des formes très variées au cours de l’histoire, des tablettes mésopotamiennes à la... tablette informatique, mais, depuis plusieurs siècles en Occident, l’instauration d’un nouveau média dominant n’a presque jamais conduit à la disparition du précédent –c’est ainsi que l’on n’a jamais publié autant de livres imprimés qu’à l’heure du triomphe de la télévision. La mort du livre nous laisse sceptiques, et encore plus la mort de l’histoire telle qu’elle a été annoncée… en son temps, qui n’est déjà plus le nôtre.
Oui, des mutations fondamentales sont aujourd’hui engagées, mais elles doivent être contextualisées et replacées dans leur environnement, qui est un environnement à long terme. Et ce travail d’historicisation, généralement peu spectaculaire, est précisément le travail… de l’historien.
samedi 21 mai 2011
Livres de cour: les bibliothèques de la dynastie de Bourbon-Parme
Il y a quelques semaines, nous évoquions sur ce blog la problématique des livres de cour, en parlant de Bodoni à Parme et des ses éditions.
Ancienne cité épiscopale, puis communale, Parme est soumise à différents pouvoirs extérieurs (notamment Milan), et occupée un temps par les Français au début du XVIe siècle. Le pape Paul III Farnèse investit du duché son... fils, Pier Luigi Farnese, en 1545. Sous les Farnèse, la capitale de la petite principauté connaît une phase de développement, mais elle devient une véritable capitale européenne après que le titre de duc de Parme passe, en 1748, à une branche de la famille de Bourbon, dès lors Bourbon-Parme.
Philippe de Bourbon (don Filipo, 1710-1765), marié à Élisabeth Louise de France (fille de Louis XV), avait fait de son secrétaire, Léon Guillaume du Tillot (Bayonne, 1711-Paris, 1774), son principal ministre à partir de 1759. Même si la situation politique évolue progressivement après la montée sur le trône de Ferdinand de Bourbon (don Ferdinando), et surtout avec son mariage autrichien (1769), le duché s’impose l’un des modèles du despotisme éclairé.
C’est dans ce cadre, et par rapport au modèle parisien et versaillais, qu’il faut analyser l’attention donnée à la politique culturelle : la Gazzetta di Parma commence à paraître en 1760, on crée au Palais de la Pilotta une Académie des Beaux Arts, l’Université est réorganisée à la suite du départ des Jésuites (1768). Son intérêt pour les arts, pour les bibliothèques et pour la diffusion des connaissances, donc aussi pour les livres, caractérise le prince comme un prince éclairé et fonctionne comme argument de légitimation et d'illustration politiques (ci-contre, portrait de Ferdinand de Bourbon-Parme).
Le 1er août 1761 a été fondée «per pubblica utilità» la Bibliotheca Palatina, confiée au Père théatin Paolo Maria Paciaudi (1710-1785), proche de Choiseul-Stainville et correspondant de Caylus. Les travaux d’aménagement sont conduits par l’architecte français Ennemond Alexandre Petitot (1727-1801), ancien élève de Soufflot et Grand Prix de Rome (1745), lequel est installé à Parme depuis 1753.
L’étiquette utilisée pour la bibliothèque (d'après un dessin de Gravelot) suit la disposition d’une médaille: la statue d’Apollon Palatin se détache sur un arrière-plan de rayonnages. Le dieu est entouré par les symboles du savoir, tandis que le socle supportant la statue porte trois fleurs de lys. La légende est double: «Apollini Palatino Sacrum.», et «Bibliotheca Regia Parmensis.» La Bibliothèque sera inaugurée par le duc, en présence de l'empereur Joseph II, en mai 1769. Parme reçoit alors le qualificatif d’«Athènes de l’Italie», et la Palatina s'impose comme une des plus riches bibliothèques européennes des Lumières.
L'exposition en cours sous le titre de Libri a corte propose un ensemble de pièces provenant des bibliothèques ducales successives et aujourd'hui conservées à la Palatina. Le très élégant catalogue qui l'accompagne est magnifiquement illustré. Il s'ouvre par une présentation très précise des différents ensembles bibliographiques successivement entrés dans la Bibliothèque, et se poursuit par des notices détaillées des vingt-six pièces principales.
Citons la Bibbia atlantica, monumental codex copié en écriture caroline et enluminé au XIe siècle; le somptueux Tetraevangelo, manuscrit grec du XIIe siècle; ou encore les Lunettes de foi et de prudence céleste de Jean Henry, manuscrit français réalisé dans les années 1500 et ayant d'abord appartenu au comte Philippe de Béthune. La scène de dédicace figurant dans ce volume est absolument admirable. Les Psaumes sont représentés par un volume à la reliure exceptionnelle, puisqu'il porte la figure de Luther au plat supérieur et celle de Mélanchton au plat inférieur. La richesse de la collection musicale s'explique par la présence de la cour et de son théâtre.
Ajoutons que, d'une manière générale, la collection des reliures est en tous points admirable, qu'il s'agisse de reliures anciennes ou de reliures ducales réalisées pour les différents membres de la famille de Bourbon-Parme. Et convenons que, comme au XVIIIe siècle, la visite de l'austère Palazzo della Pilotta, qui abrite toujours aujourd'hui la Palatina et où l'exposition est ouverte au public, s'impose de plus en plus aux chercheurs et aux amateurs d'histoire du livre depuis que son patrimoine réellement exceptionnel se trouve progressivement mieux mis en valeur.
Libri a corte. Le biblioteche dei duchi di Parma conservate nella Biblioteca Palatina, sous la dir. de Andrea De Pasquale, préf. Carlo Saverio di Borbone-Parme, Parma, Biblioteca Palatina, Monte Università Parma, 2011, 137 p., ill.
Ancienne cité épiscopale, puis communale, Parme est soumise à différents pouvoirs extérieurs (notamment Milan), et occupée un temps par les Français au début du XVIe siècle. Le pape Paul III Farnèse investit du duché son... fils, Pier Luigi Farnese, en 1545. Sous les Farnèse, la capitale de la petite principauté connaît une phase de développement, mais elle devient une véritable capitale européenne après que le titre de duc de Parme passe, en 1748, à une branche de la famille de Bourbon, dès lors Bourbon-Parme.
Philippe de Bourbon (don Filipo, 1710-1765), marié à Élisabeth Louise de France (fille de Louis XV), avait fait de son secrétaire, Léon Guillaume du Tillot (Bayonne, 1711-Paris, 1774), son principal ministre à partir de 1759. Même si la situation politique évolue progressivement après la montée sur le trône de Ferdinand de Bourbon (don Ferdinando), et surtout avec son mariage autrichien (1769), le duché s’impose l’un des modèles du despotisme éclairé.
C’est dans ce cadre, et par rapport au modèle parisien et versaillais, qu’il faut analyser l’attention donnée à la politique culturelle : la Gazzetta di Parma commence à paraître en 1760, on crée au Palais de la Pilotta une Académie des Beaux Arts, l’Université est réorganisée à la suite du départ des Jésuites (1768). Son intérêt pour les arts, pour les bibliothèques et pour la diffusion des connaissances, donc aussi pour les livres, caractérise le prince comme un prince éclairé et fonctionne comme argument de légitimation et d'illustration politiques (ci-contre, portrait de Ferdinand de Bourbon-Parme).
Le 1er août 1761 a été fondée «per pubblica utilità» la Bibliotheca Palatina, confiée au Père théatin Paolo Maria Paciaudi (1710-1785), proche de Choiseul-Stainville et correspondant de Caylus. Les travaux d’aménagement sont conduits par l’architecte français Ennemond Alexandre Petitot (1727-1801), ancien élève de Soufflot et Grand Prix de Rome (1745), lequel est installé à Parme depuis 1753.
L’étiquette utilisée pour la bibliothèque (d'après un dessin de Gravelot) suit la disposition d’une médaille: la statue d’Apollon Palatin se détache sur un arrière-plan de rayonnages. Le dieu est entouré par les symboles du savoir, tandis que le socle supportant la statue porte trois fleurs de lys. La légende est double: «Apollini Palatino Sacrum.», et «Bibliotheca Regia Parmensis.» La Bibliothèque sera inaugurée par le duc, en présence de l'empereur Joseph II, en mai 1769. Parme reçoit alors le qualificatif d’«Athènes de l’Italie», et la Palatina s'impose comme une des plus riches bibliothèques européennes des Lumières.
L'exposition en cours sous le titre de Libri a corte propose un ensemble de pièces provenant des bibliothèques ducales successives et aujourd'hui conservées à la Palatina. Le très élégant catalogue qui l'accompagne est magnifiquement illustré. Il s'ouvre par une présentation très précise des différents ensembles bibliographiques successivement entrés dans la Bibliothèque, et se poursuit par des notices détaillées des vingt-six pièces principales.
Citons la Bibbia atlantica, monumental codex copié en écriture caroline et enluminé au XIe siècle; le somptueux Tetraevangelo, manuscrit grec du XIIe siècle; ou encore les Lunettes de foi et de prudence céleste de Jean Henry, manuscrit français réalisé dans les années 1500 et ayant d'abord appartenu au comte Philippe de Béthune. La scène de dédicace figurant dans ce volume est absolument admirable. Les Psaumes sont représentés par un volume à la reliure exceptionnelle, puisqu'il porte la figure de Luther au plat supérieur et celle de Mélanchton au plat inférieur. La richesse de la collection musicale s'explique par la présence de la cour et de son théâtre.
Ajoutons que, d'une manière générale, la collection des reliures est en tous points admirable, qu'il s'agisse de reliures anciennes ou de reliures ducales réalisées pour les différents membres de la famille de Bourbon-Parme. Et convenons que, comme au XVIIIe siècle, la visite de l'austère Palazzo della Pilotta, qui abrite toujours aujourd'hui la Palatina et où l'exposition est ouverte au public, s'impose de plus en plus aux chercheurs et aux amateurs d'histoire du livre depuis que son patrimoine réellement exceptionnel se trouve progressivement mieux mis en valeur.
Libri a corte. Le biblioteche dei duchi di Parma conservate nella Biblioteca Palatina, sous la dir. de Andrea De Pasquale, préf. Carlo Saverio di Borbone-Parme, Parma, Biblioteca Palatina, Monte Università Parma, 2011, 137 p., ill.
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mercredi 18 mai 2011
Histoire du livre en Europe: le séminaire de Bologne
In Italia vi sono insegnamenti di Storia del libro e varie ricerche sono frutto di studiosi provenienti da molte aree disciplinari. Anzitutto gli storici e gli italianisti che hanno con quella Storia un’antica liaison. Hanno offerto contributi gli storici sociali, quelli delle idee e quelli del diritto (con specifico riferimento alla normativa sulla tutela della proprietà letteraria), nonché i paleografi e gli storici della scrittura, specie per il mondo antico e bizantino; non mancano approcci di genere e altre forme di interpretazione della millenaria vicenda che va dal rotolo al codice, dal libro tipografico all’e-book.
La disciplina è affrontata nelle università e nei centri di ricerca, ma pure da bibliotecari che assolvono nei confronti del libro il compito della sua conservazione e, quindi, del suo studio storico, calato all’interno delle collezioni librarie. Considerata la molteplicità di metodi, l’impianto disciplinare è anch’esso in continuo movimento. Esso si propone come ricerca
La disciplina è affrontata nelle università e nei centri di ricerca, ma pure da bibliotecari che assolvono nei confronti del libro il compito della sua conservazione e, quindi, del suo studio storico, calato all’interno delle collezioni librarie. Considerata la molteplicità di metodi, l’impianto disciplinare è anch’esso in continuo movimento. Esso si propone come ricerca
euristica a base filologica e come studio che muove dalle traiettorie bibliografiche, nel cui arco si colloca la maggior parte degli insegnamenti italiani.
La consapevolezza dei passi compiuti dalla Storia del libro in questi ultimi decenni non porta più a chiedersi da dove essa muova ma dove essa sia diretta. La Storia della scrittura e quella della lettura poi, scaturite dalla polla inesauribile delle ricerche sul libro, hanno
guadagnato all’estero molti consensi e si impongono ormai quali collaudati ambiti specialistici di indagine.
Ma che ne è della disciplina in Europa, da dove provengono studi illuminanti e dalle molte
sfaccettature, siano essi storico-critici siano ispirati ad un fondamento più specificamente bibliografico?
La disciplina è incardinata nelle università o si persegue come studio che trova spazi all’interno di diversi contesti? Si confronta con il mondo bibliotecario? Quando e da chi il libro, sia di antico regime tipografico sia frutto della più moderna e sofisticata strumentazione, è studiato e sotto quali forme? Quali conseguenze negli impianti storici e, dunque, nelle conquiste critiche raggiunte nei vari paesi europei? C’è una linea di demarcazione evidente che invita a separare la Storia del libro dalla Storia della stampa e dell’editoria, ad esempio? E ancora: tale Storia ha solo un valore cognitivo o invece ha guadagnato un
nuovo, proprio e determinato statuto disciplinare?
Ai nostri interrogativi risponderanno i maggiori specialisti europei, per la prima volta chiamati in Italia a un simile confronto. Sarà un modo per capire di più e meglio e per alimentare le nostre riflessioni sul libro, preparati a proseguire gli studi verso mete
sempre più ambiziose.
giovedì 12 Maggio 2011
Saluti di apertura
Fabio Roversi-Monaco, Presidente, Fondazione Carisbo
Gian Mario Anselmi, Direttore, Dip. di Filologia Classica e Italianistica, Sezione Emilia-Romagna
Presentazione di «Teca», la nuova rivista di Storia del libro nata dal CERB e sostenuta
dalla casa editrice Pàtron di Bologna. Ne parleranno Paola Vecchi, Maria Gioia Tavoni, Paolo Tinti che la dirigono e aprono le sue pagine a tutto il pubblico presente.
Lezioni magistrali
giovedì 12 Maggio 2011, ore 17
David McKitterick, Trinity College, Cambridge
lunedì 23 Maggio 2011, ore 17
Frédéric Barbier, École pratique des hautes études, Paris
giovedì 26 Maggio 2011, ore 17
Pedro M. Cátedra García, Universidad de Salamanca
Pedro M. Cátedra García, Universidad de Salamanca
lunedì 30 Maggio 2011, ore 17
Antonio Castillo Gómez, Universidad de Alcalá
Antonio Castillo Gómez, Universidad de Alcalá
martedì 7 Giugno 2011, ore 10
Hans-Jürgen Lüsebrink, Universität des Saarlandes
Hans-Jürgen Lüsebrink, Universität des Saarlandes
Biblioteca d’Arte e di Storia
di San Giorgio in Poggiale
via Nazario Sauro 22, Bologna
tel. 051 2750202
(Cliché: les célèbres "tours" de Bologne, dans une saison plus avancée...)
(Cliché: les célèbres "tours" de Bologne, dans une saison plus avancée...)
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 23 mai 2011
16h-18h
L'achèvement d'un grand chantier:
le Dictionnaire encyclopédique du livre
le Dictionnaire encyclopédique du livre
par Monsieur Jean Dominique Mellot,
conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Annonce: la séance foraine de la conférence d’Histoire et civilisation du livre aura lieu, cette année, le vendredi 24 juin, et sera consacrée à la très riche Bibliothèque de Dole (Jura). La ville de Dole est facilement atteinte depuis Paris en 2 heures par TGV direct. Tout participant intéressé sera le bienvenu. Un programme détaillé sera publié prochainement, mais la séance se déroulera de 11h à 17h environ à la Bibliothèque de Dole.
Rappel: conférences de Mme Nuria Martinez de Castilla Munoz, sur le livre musulman en Espagne pendant le Siècle d’or, le lundi de 10 h. à 12h., dans le cadre de la conférence de Monsieur François Déroche, directeur d’études.
mardi 17 mai 2011
Dictionnaire encyclopédique du livre
Bien entendu, une place importante est réservée au livre en France et dans les pays francophones (plusieurs articles sur le Québec, sur la Suisse, etc.), mais les autres pays ne sont pas oubliés (avec par ex. les différents articles «Portugal», «Scandinavie», etc.). On trouve aussi la présentation d’un certain nombre de villes (long article «Rouen», article plus court sur «Paris, …mais rien sur «Rome»), de professionnels («Plantin»), d’entreprises («Société typographique de Neuchâtel»), d’histoire littéraire («Roman», «Roman de chevalerie») et de théorie de l’histoire du livre («Réception»). La partie concernant les techniques et l'histoire des techniques» est très riche, qu’il s’agisse de l’offset, du papier, des différentes techniques liées à la photographie ou encore de la rotative, sans oublier «Richard-de-Bas» et ses moulins.
Chacun sait que le domaine des dictionnaires et des encyclopédies a été dans ces dernières années l’un de ceux où l’édition électronique a occupé le plus rapidement une position importante. Les avantages de la consultation en ligne n’ont pas à être démontrés, mais l’achèvement du Dictionnaire encyclopédique du livre marque une pierre de touche pour tous les chercheurs intéressés par ce domaine, et au premier chef pour les historiens du livre et pour les chercheurs francophones.
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lundi 16 mai 2011
Colloque d'histoire du livre
Convegno internazionale
Pratiche biblioteconomiche nell’Europa dei Lumi
Parma
Biblioteca Palatina, Sala Maria Luigia
20 e 21 Maggio, 2011
Pratiche biblioteconomiche nell’Europa dei Lumi
Parma
Biblioteca Palatina, Sala Maria Luigia
20 e 21 Maggio, 2011
L'obiettivo centrale dell'Illuminismo è di lavorare allo sviluppo del progresso, perché questo comporta la garanzia del miglioramento della situazione della maggioranza.
Il primo motore del progresso consiste quindi nella crescita e nella diffusione delle conoscenze, le quali si basano in modo privilegiato sullo scritto e sul libro a stampa. Quindi il "libro" (termine impiegato in senso lato) e la raccolta di libri ossia la biblioteca, sono sia l'uno che l'altra al centro dell'ideologia dei Lumi. La storia scientifica delle biblioteche è stata più spesso sviluppata come monografia, e puntando l'attenzione soprattutto sui contenuti (i titoli presenti nelle biblioteche). Paradossalmente, la storia biblioteconomica delle biblioteche dei Lumi resta ampiamente da scrivere. Essa mette in gioco un'istituzione chiave di un movimento che tocca praticamente tutta l'Europa del tempo. In questa prospettiva, sono quattro i gruppi principali di questioni che possono essere individuati in previsione di un convegno che mira soprattutto a definire uno status quaestionis e a proporre nuovi spunti di ricerca:
1) L'ideologia della biblioteca: perché fondare una nuova biblioteca, come mantenere, sviluppare e valorizzare una biblioteca antica nel XVIII secolo? L'immagine della biblioteca come indicatore del grado di "civiltà", per esempio nei racconti di viaggio. Il paradigma del pubblico e la sua evoluzione nel corso del secolo.
2) Lo spazio della biblioteca: i locali (riutilizzati, risistemati o espressamente costruiti), la distribuzione e le funzione delle sale; gli allestimenti e il mobilio; la decorazione e il suo significato; eventualmente, la comparsa dei primi magazzini per libri.
3) Le tecniche della biblio- teconomia moderna, e precisa- mente:
1- Le classifi- cazioni, i cataloghi (compresi i supporti: registri e schede), i fondi speciali (i rara, le opere di consultazione, ecc.).
2- I regolamenti, il budget, la gestione finanziaria ed amministrativa (gli archivi delle biblioteche sembrano essere spesso conservati, ma troppo raramente studiati dagli storici).
3- Incrementi : per esempio gli acquisti in occasione di vendite pubbliche, la costituzione di reti di librai corrispondenti, la pratica del dono e dell'evergetismo bibliografico (l'avvio di certi servizi da parte dell'amministrazione centrale può essere preso a questo punto in considerazione, come per esempio la politica delle sottoscrizioni e della redistribuzione delle opere in Francia all'inizio del XIX° secolo: La Description de l'Égypte ne costituisce il caso più noto).
4- Il personale : il proprietario e i suoi agenti, il bibliotecario, il personale non specializzato; l'informazione bibliografica e il ruolo dei librai e le altre professionalità del settore. 4- le pratiche: l'accessibilità della biblioteca, la sua apertura, l'aggiornamento delle sue raccolte, i modelli di biblioteche (specializzate e generali).
4) Come oggi, la dotazione di libri o di biblioteche di una città costituiva nel XVIII secolo un elemento di valutazione della sua condizione: le grandi biblioteche rappresentano dei contenitori di conoscenze e di informazioni e, contemporaneamente, dei laboratori del sapere, la cui disponibilità potrà certamente variare, ma che costituiscono per il periodo un elemento fondamentale di riflessione. Oltre che sotto il punto di vista della costruzione e della diffusione della conoscenza, ma anche della rappresentazione e dell'ideologia politica, la biblioteca, che appare come istituzione centrale nell'Europa dei Lumi, deve essere interrogata dallo storico in relazione alle sue specifiche peculiarità, in primis il campo della biblioteconomia.
PROGRAMMA
Venerdì 20 maggio 2011
10.00 Indirizzi di saluto degli organizzatori Fréderic Barbier e Andrea De Pasquale
Le biblioteche dei Lumi tra modello teorico e gestione tecnica
Presiede: Mario Infelise (Università Ca' Foscari - Venezia)10.30 Fréderic Barbier (EPHE, CNRS, Paris): Le privé et le public.
11.00 Emanuelle Chapron (Université de Provence, Aix-en-Provence) : La circulation des catalogues de bibliothèques institutionnelles en Europe au XVIIIe siècle.
11.30 Intervallo
12.00 Alfredo Serrai (già Università di Roma "La Sapienza"): Modifiche strutturali delle classificazioni bibliografiche nel XVIII secolo.
12.30 Buffet
Un panorama geografico: l'Italia settentrionale, la Francia e la Svizzera
Presiede: Frédéric Barbier (EPHE)14.00 Andrea De Pasquale (Biblioteca Palatina, Parma): La nascita delle biblioteche pubbliche nell'Italia nord-occidentale: Torino, Parma, Milano.
14.30 Maria Gioia Tavoni (Università di Bologna): Andrés e Fernández de Moratín due viaggiatori a confronto in visita alle biblioteche italiane.
15.00 Dorit Raines (Università Ca' Foscari, Venezia): La cultura libraria della Repubblica di Venezia nel Settecento.
15.30 Intervallo
16.00 Antonella Barzazi (Università di Padova): La rete delle biblioteche ecclesiastiche a Venezia e nello Stato veneto.
16.30 Jan-Andrea Bernhard (Biblioteca cantonale, Cuera, e Università di Zurigo): La situation exceptionelle des bibliothèques des Grisons.
17.00 Didier Travier (Pôle Études et prospective Carré d'art bibliothèque, Nimes), La bibliothèque de l'abbaye Saint-Vincent du Mans.
17.30 Visita alla Biblioteca Palatina e al Museo Bodoniano
______________________________________________
Sabato 21 maggio
La logistica dei libri
Presiede: Alfredo Serrai (già Università di Roma "La Sapienza")9.30 Sabine Juratic (CNRS, Paris) : Les libraires parisiens correspondants et fournisseurs des bibliothèques européennes.
10.00 Dominique Varry (Université de Lyon-Enssib): Des bibliothécaires, entre Ancien Régime et Révolution(titolo provvisorio).
10.30 Intervallo
11.00 Raphaële Mouren (Université de Lyon-Enssib/Centre Guillaume Budé, EA 4081): Les bibliothécaires du prince électeur de Bavière à Mannheim et l'arrivée de la collection Vettori (1778-1780).
11.30 Elmar Mittler (State and University Libra, Göttingen): Domus sapientiae - La decoration des bibliothèques en âge des Lumières.
12.00 Buffet
Un percorso europeo: la Spagna e l'Ungheria
Presiede: Andrea De Pasquale (Biblioteca Palatina)14.00 Istvan Monok (Universita Szeged, Budapest): Identité culturelle, identité nationale et les bibliotheques institutionelles en Hongrie au 18. siecle.
14.30 Maria Luisa Lopez-Vidriero (Real Biblioteca, Madrid): Como regir el esplendor: la Real Biblioteca en la madurez de Las Luces.
15.00 Attila Verók (Universita Szeged, Budapest): La coscienza culturale dei sassoni di Transilvania e la fondazione della Biblioteca Bruckenthal (titolo provvisorio.
15.30 Dibattito
La partecipazione al convegno è gratuita.
Per l'iscrizione rivolgersi a:
daniela.moschini@beniculturali.it
giovanna.barca@beniculturali.it
(Cliché: la Galeria Petitot, Biblioteca Palatina, Parme).
mardi 10 mai 2011
Histoire du livre en Espagne
Des livres entre l’Espagne et la France au siècle des Lumières
Journée d’études IHMC et Colegio de EspañaDate: Jeudi 12 mai 2011
Lieu: Colegio de España, Cité internationale universitaire de Paris
7E bd Jourdan. 75014 Paris, Sala Ramón y Cajal
Organisateurs: Sabine Juratic (IHMC) et Nicolas Bas Martin (Univ. de Valencia)
L’avènement des Bourbons de France sur le trône d’Espagne au début du XVIIIe siècle renforce les relations entre les deux États, tandis que l’affirmation du pouvoir central et le développement de la cour contribuent à l’extension des usages de la langue française et à l’intensification des échanges culturels.
Réunissant des historiens, des littéraires et des spécialistes du livre, la journée d’étude Des livres entre l’Espagne et la France au siècle des Lumières se propose d’analyser ces mutations sous l’angle particulier de l’histoire du livre, à partir de l’étude de la circulation des imprimés, des textes et des idées entre les deux pays, depuis le règne de Philippe V jusqu’à l’occupation napoléonienne.
Trois aspects seront plus spécifiquement abordés au cours de cette journée : les conditions institutionnelles et économiques de la circulation des livres ; le rôle de médiation des écrivains, libraires et imprimeurs, savants, voyageurs et traducteurs ; et finalement, les formes de résistance qui s’expriment en Espagne face à l’hégémonie française.
Entre interdiction et permission, les livres de France sont devenus un objet très convoité par les savants et par quelques aristocrates de l’Espagne des Lumières. Ce faisant, les nouveautés publiées et distribuées au delà des Pyrénées ont contribué, non sans susciter une certaine méfiance, à l’évolution culturelle de l’Espagne et à sa relative modernisation.
9.30 h. Ouverture
JAVIER DE LUCAS. Director del Colegio de España.
FRÉDÉRIC BARBIER. Directeur de recherche au CNRS, directeur d’étude à l’EPHE (IHMC/ENS Ulm).
NICOLÁS BAS MARTÍN. Universidad de Valencia.
Matinée : Confrontations
Présidence : Daniel ROCHE
10.00 h. Mª LUISA LÓPEZ VIDRIERO, Directora de la Biblioteca Real de Madrid.
Face à face : séduction et identité
10.30 h. FRÉDÉRIC BARBIER, Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS) et École Pratique des Hautes Études.
Le Voyage pittoresque et historique de l’Espagne d’Alexandre de Laborde.
11.00 h. Pause
11.30 h. FERMÍN DE LOS REYES GÓMEZ, Universidad Complutense de Madrid.
De la «tranquillité publique» à la liberté de la presse : la censure des idées révolutionnaires en Espagne
12.00 h. JEAN-MARC BUIGUÈS, Université de Bordeaux III.
Le livre scientifique en Espagne au XVIIIe siècle.
13.00 h. Déjeuner
Après-midi : Circulations
Présidence : Maria Luisa LÓPEZ VIDRIERO.
14.30 h. JESÚS ASTIGÁRRAGA GOENAGA, Universidad de Zaragoza.
Livres économiques et circulation des idées entre l’Espagne et la France au XVIIIe siècle : le cas de Jacques Accarias de Serionne.
15.00 h. DOMINIQUE VARRY, ENSSIB (Lyon-Villeurbanne).
Les Deville, libraires lyonnais exportateurs de livres vers l’Espagne et les Amériques.
16.00 h. Pause
16.30 h. NICOLÁS BAS MARTÍN, Universidad de Valencia.
De la circulation de livres et des idées entre l’Espagne et la France au XVIIIe siècle : Cavanilles et le libraire Fournier.
17.00 h. SABINE JURATIC, Institut d’Histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS).
La librairie parisienne et le commerce des livres avec l’Espagne au XVIIIe siècle.
Clôture : Sabine Juratic
Entrée libre dans la limite des places disponi- bles.
(Cliché: deux illustra- tions du Voyage pitto- resque et historique de l'Espagne).
samedi 7 mai 2011
Verba volant, scripta manent
La tradition est celle fondée par l’apôtre Paul, «le verbe tue, mais l’esprit donne la vie» (II Cor., 3-6), formule qui explicite l’idée selon laquelle la signification n’est pas dans le signifiant, mais dans le message que l’on veut s’approprier (le signifié). Les signifiants (les mots) fonctionneraient de manière en quelque sorte transparente. Par suite, jusqu’au XIe siècle, les textes écrits et lus sont considérés comme la partie immergée du complexe plus vaste constitué par le discours et par ses significations possibles. Le discours n’est pas perçu comme relevant d’un champ d’analyse distinct, et l’«esprit» est privilégié par rapport à la littéralité des «mots».
De plus, nous sommes dans des sociétés de l’oralité, dans lesquelles les textes sont lus le plus souvent plus ou moins oralement, soit que la lecture se fasse à haute voix à un ou des auditeurs, soit qu’on lise pour soi-même en murmurant: l’oreille prime sur l’œil. Dans cette citation des Actes des apôtres, l’«Éthiopien» lit pour lui-même à voix haute, mais il ne «comprend» pas «ce qu’il lit» et dont l’«esprit» lui reste obscur:
Un eunuque (…) venu à Jérusalem (…) s’en retournait, assis sur son char et lisait le prophète Isaïe. (…) Philippe accourut et entendit l’Éthiopien qui lisait le prophète Isaïe. Il lui dit:
- Comprends-tu ce que tu lis?
Il répondit:
-Comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me guide? Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui (…).
L’eunuque dit à Philippe: -Je te prie, de qui le prophète parle-t-il? Alors, Philippe, ouvrant la bouche… (Actes, VIII, 27-35)
Laissons de côté le problème de l’intermédiaire qui sera en mesure de dévoiler et d’expliciter un «esprit» du texte par ailleurs inaccessible au plus grand nombre. Claudius de Turin comparera même la lettre à un «voile» qui masque la signification du discours: «Bénis soient les yeux qui voient l’Esprit au travers du voile de la lettre». La métaphore usuelle du corps (le texte) et de l’âme (sa signification) donne naturellement le privilège à cette dernière: lorsque Jérôme traduit la Vulgate, il s’attache lui aussi à l’esprit du texte plutôt qu’au mot à mot et à la littéralité.
Dans cette configuration, la hiérarchie du mot écrit et du mot oralisé est inversée. Alberto Manguel a donc raison de souligner le contresens fait sur la citation latine: les mots écrits «demeurent» parce qu’ils sont silencieux, prisonniers de leur page, et comme endormis, voire morts. C’est la lecture (et l'explication) qui les libèrera et qui les transmuera en ces mots parlés, vivants et qui sont l’esprit même. La bonne interprétation de la formule Verba volant, scripta manent illustre en définitive la justesse de la théorie: il faut l’expliciter.
(Alberto Manguel, Une Histoire de la lecture, trad. fr., Arles, Actes Sud, 1998).
(Alberto Manguel, Une Histoire de la lecture, trad. fr., Arles, Actes Sud, 1998).
Cliché: Évangiles de Liessies, détail de la miniature ouvrant l'Évangile de Jean: l'Esprit inspire l'apôtre (Avesnes, Cercle archéologique et historique). Voir aussi un autre billet sur le même sujet, appuyé sur le Christ et les docteurs de l'Église, tableau attribué à Dürer.
Libellés :
Iconologie,
lecture,
oralité,
Théorie de l'histoire du livre
jeudi 5 mai 2011
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
Lundi 9 mai 2011
16h-18h
--> «Cazin»parConférence d'histoire et civilisation du livre
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
Lundi 9 mai 2011
16h-18h
Monsieur Jean-Paul Fontaine (Reims)
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Annonce: la séance foraine de la conférence d’Histoire et civilisation du livre aura lieu, cette année, le vendredi 24 juin, et sera consacrée à la très riche Bibliothèque de Dole (Jura). La ville de Dole est facilement atteinte depuis Paris en 2 heures par TGV direct. Tout participant intéressé sera le bienvenu. Un programme détaillé sera publié prochainement, mais la séance se déroulera de 11h à 17h environ à la Bibliothèque de Dole.
Rappel: conférences de Mme Nuria Martinez de Castilla Munoz, sur le livre musulman en Espagne pendant le Siècle d’or, le lundi de 10 h. à 12h., dans le cadre de la conférence de Monsieur François Déroche, directeur d’études.
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Rappel: conférences de Mme Nuria Martinez de Castilla Munoz, sur le livre musulman en Espagne pendant le Siècle d’or, le lundi de 10 h. à 12h., dans le cadre de la conférence de Monsieur François Déroche, directeur d’études.
Libellés :
bibliophilie,
Cazin (H. M.),
Conférence EPHE,
XVIIIe siècle
lundi 2 mai 2011
Promenade à Strahov
À Strahov, nous sommes dans un ancien faubourg de la ville, sur la rive gauche de la Vltava (la célèbre Moldau), où les moines de l’ordre de Prémontré s’installent en 1142, mais où une bibliothèque ne s’établit de manière durable qu’après la crise hussite. Encore à l’époque de la Guerre de Trente ans, une partie importante des collections est envoyée à Turku, en Finlande… C’est l’abbé Jan Lohelius, plus tard archevêque de Prague, qui fonde réellement la collection moderne.
Une première salle de bibliothèque, dite Salle de Théologie (Theologischer Bibliothekssaal), est élevée par l’architecte Giovanni Domenico Orsi de Orsini de 1671 à 1679, mais les locaux doivent être progressivement agrandis, avant qu’une seconde salle, destinée aux sciences profanes (la Philosophie, donc la Philosophischer Bibliothekssaal), ne soit construite en 1783-1786. Le bâtiment de la bibliothèque forme ainsi un ensemble autonome, organisé autour d'une cour, en arrière du couvent et de l’église. Les deux salles sont conçues sur le nouveau modèle de la bibliothèque des Lumières, combinant stockage (sur les rayonnages) et, au milieu, consultation des volumes: 16000 volumes environ dans la première salle, 50000 dans la seconde. La collection ancienne de Strahov (jusqu’au XIXe siècle inclus) comprend quelque 200000 volumes, dont 3286 manuscrits (l’Évangéliaire de Strahov a été copié à Tours vers 860) et environ 1500 incunables (tout particulièrement les rarissimes éditions produites en Bohême).
Strahov est justement célèbre pour la décoration de la bibliothèque. La salle de la Théologie est un modèle de bibliothèque baroque, alors que la salle de Philosophie est déjà aménagée de manière beaucoup plus sobre, et dans un style faisant penser au néo-classique. Les espaces de stockage y sont bien supérieurs (avec la galerie courant autour de la salle). En 1794, la salle est décorée de fresques par Franz Anton Maulpertsch (1724-1796), fresques qui retracent l’histoire de la pensée humaine dans l’optique moderne du joséphisme –l'histoire, de la Création de l’homme aux Lumières.
La représentation du Nouveau Testament est particulièrement intéressante, avec son autel «Au Dieu inconnu» (Ignoto Deo) faisant référence à un épisode de la vie de l’apôtre Paul lorsqu’il est à Athènes. Sur l’un des grands côtés de la fresque, les deux figures de Diderot et de Voltaire sont précipitées dans l’abîme (cf. cliché).
Le site Internet que nous signalons aujour- d’hui est réellement remarquable par les possibilités qu’il offre. La salle de Philosophie est présentée dans son ensemble, mais le logiciel permet de se déplacer à sa guise dans toutes les directions, et surtout de grossir tous les détails que l’on souhaite avec une qualité sans équivalent (par l’assemblage, nous dit-on, de 3000 clichés pris sur les lieux). Résultat: il est possible de lire individuellement les titres au dos de tous les volumes présent dans la salle (sauf si l’angle de vue ne convient pas). Une fois plus ou moins maîtrisée une manipulation qui peut devenir vertigineuse (les pilotes d’avions de chasse sont peut-être privilégiés à cet égard), on ne peut qu’admirer le résultat. On imagine aussi les possibilités que cette technique pourrait ouvrir à la recherche, par exemple en combinant les clichés des différents volumes avec les fiches catalographiques correspondantes, voire avec d’éventuels fichiers numériques. Et on imagine même la reconstitution possible de grandes bibliothèques disparues…
Bref, à vos claviers! Et signalons pour finir que la bibliothèque de Strahov fait l'objet d'une notice détaillée dans le Handbuch de Bernhard Fabian.
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