lundi 25 avril 2011

Pâques et le comput

À plusieurs reprises, nous avons évoqué dans ce blog les problèmes du comput, autrement dit de la détermination des dates (cf. notre billet sur le carême). Le comput, surtout le comput ecclésiastique, a en effet souvent à faire avec l’histoire, avec l’archivistique, avec la codicologie et –avec l’histoire du livre. La manière la plus répandue de mesurer le temps est de faire référence au mouvement des astres, particulièrement le soleil, qui est à l’origine de la succession des saisons –mais la lune peut aussi entrer en ligne de compte.
À la base du comput usuel, la mesure de l’année correspond au temps que la terre met à effectuer une rotation autour du soleil, soit un petit peu plus de 365 jours. Le calendrier julien (appellation choisie en l’honneur de Jules César) établit que l’année aura 365 jours un quart, et il intercale tous les quatre ans une année bissextile comptant 366 jours et permettant de rattraper le décalage.
La plus importante fête chrétienne de l’année est celle de Pâques, qui commémore la résurrection du Christ, trois jours après sa passion. Le premier concile de Nicée (325) a fixé sa date pour les chrétiens au dimanche suivant la première pleine lune après le 20 mars (équinoxe de printemps). À partir de la date de Pâques, on calcule facilement la date des autres fêtes mobiles, telle que la Pentecôte (49 jours après Pâques), etc. Or, dans un calendrier solaire, les dates des fêtes fixées par rapport au calendrier lunaire sont mobiles, de sorte qu’il convient de les calculer. La science du comput ecclésiastique a donné naissance à toute une littérature au Moyen Âge, parmi laquelle on citera notamment le De temporum ratione de Bède la Vénérable.
La fixation de la date de Pâques est d’autant plus importante que, du Ve siècle jusqu’en 1564, c’est en général le style de Pâques, dit «vieux style», qui est suivi –autrement dit, l’année commence à Pâques. Les historiens du livre sont bien au fait de ces difficultés, qui imposent de corriger la date de toutes les éditions, par exemple incunables, achevées dans les trois premiers mois de l’année (d'où, parfois, les indications «v. st.» portées dans certaines références).
À partir de 1563/1564, le style de la Circoncision est généralisé, et l’année commence, comme aujourd’hui, le 1er janvier (soit sept jours après Noël, dont la date est fixée au 25 décembre à partir du IVe siècle).
Enfin, le décalage du calendrier julien avec le mouvement réel du soleil s'accumule au fil des siècles: en 1582, la bulle Inter gravissimas instaure le calendrier grégorien, qui «gomme» le décalage accumulé en supprimant certains jours (les 10-19 décembre 1582 n’existent pas en France) et qui, dans le détail, permet une dérive moindre de la norme par rapport à la réalité.
À titre d’exemple, le Calendrier des bergers (édition de Guy Marchand, Paris, 18 VII 1493) donne tous les éléments utiles pour le comput, notamment un tableau permettant de calculer la date de Pâques (ill. 1), un tableau permettant de connaître les deux éléments nécessaires pour ce calcul, à savoir le nombre d’or et la lettre dominicale (ill. 2), et, bien entendu, le calendrier des mois, en l'occurrence pour une période de vingt ans (1493-1512). Un simple coup d’œil sur les tableaux en question permet de juger de la complication et de la qualité du travail du typographe (notamment le deuxième tableau, imprimé en rouge et noir), et permet aussi de comprendre que les titres comme le Calendrier des bergers ne sont absolument pas destinés à un quelconque lectorat supposé «populaire», mais bien à un lectorat peut-être constitué de clercs et en tous les cas familier des techniques de l’écrit –et des problèmes du comput.

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    attention, il faut rappeler que le style n'est pas le même partout : à Florence, l'année commence le 25 mars, à Pise, le 25 mars de l'année précédente, etc. Les non spécialistes ont du mal à s'en sortir, en particulier les littéraires (j'ai d'ailleurs eu un échange de mails récemment avec l'un d'entre eux). Il faut donc tenir compte des particularismes régionaux.
    Raphaële Mouren

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