La séance foraine organisée en 2010 par la Conférence d'Histoire et civilisation du livre s'est déroulée dans les conditions les meilleures à Amiens le 15 juin dernier, grâce à l'obligeance de Madame Séverine Montigny, directrice des bibliothèques d'Amiens-Métropole, et du personnel de la Bibliothèque. Madame Montigny a d'abord présenté aux participants le bâtiment même de la Bibliothèque, l'un des très rares exemples de constructions nouvelles réalisées en France pour abriter une bibliothèque publique dans la première moitié du XIXe siècle.
Puis, Monsieur Jean Vezin, membre correspondant de l'Institut, a commenté entre autres le Psautier ms 18C, le magnifique De Laudibus sanctae Crucis (ms 223F) de Raban Maur, un évangéliaire de Corbie (ms 24C) et un Psautier du XIe siècle à l'usage de l'église d'Angers (ms Lesc. 2C). La Bible de Pampelune (ms 108C) est plus une Bible en images qu'une Bible historiée, et elle a été réalisée pour le roi de Navarre au début du XIIIe siècle.
Madame Montigny a notamment présenté pour sa part les magnifiques Heures à l'usage de Rome réalisées pour le roi Henri II et qui avaient figuré à l'exposition Le Livre (Paris, 1972, n°225). La reliure à la fanfare épouse les contours du manuscrit en forme de fleur de lys, et l'ouvrage est entré à la Bibliothèque avec la collection du comte de L'Escalopier.
En ce qui concerne les livres imprimés, la séance avait été centrée sur la problématique de la langue d'édition. Elle s'est ouverte avec un exemplaire du Rationale de Guillaume Durand provenant de Corbie et illustrant la continuité entre le manuscrit et l'imprimé, qu'il s'agisse de la "mise en livre", du support (le parchemin), du contenu ou de la langue (le latin) (Rés. 18F). La Cité de Dieu imprimée à Abbeville en 1486-1487 a donné l'occasion d'illustrer le passage à la langue vernaculaire, en même temps que la première implantation d'un atelier typographique dans le nord de la France actuelle (Rés. 31E). Le De Imitatione Christi (Paris, 1491) est le titre majeur de la devotio moderna: support de lectures pieuses individuelles, il est décliné dans l'original latin, mais aussi dans les traductions en différentes langues vernaculaires, et cela dès l'époque du manuscrit (Rés. 482A).
Avec la Mer des hystoires (Paris, 1488-1489), nous sommes devant un processus de transfert culturel caractéristique, en même temps que nous retrouvons la Picardie et le Beauvaisis: en effet, le texte latin est traduit par un chanoine de Mello (Oise) à partir du Fasciculus temporum de Werner Rolewinck. Madame Denise Hillard a consacré un article publié dans les Mélanges Pierre Aquilon à la monumentale initiale gravée "L" qui ouvre le volume (Rés. 174F).
Il était impossible de venir à Amiens sans voir le célébrissime Boccace conservé par la Bibliothèque (Rés. 188E). L'exemplaire porte une mention de provenance pratiquement contemporaine: "Charles de Wacoussains" à Amiens (on connaît un négociant de ce nom en 1484). Il entre plus tard à la bibliothèque des jésuites de la ville. On sait qu'il présente la suite des gravures en taille-douce collées au fil du texte. La figure du calligraphe, puis libraire et libraire-imprimeur Colard Mansion, à Bruges, illustre parfaitement le modèle des ateliers travaillant d'abord pour la cour (ici, la cour de Bourgogne) et donc privilégiant la langue vulgaire. La Peregrinatio in Terram Sanctam de Breydenbach est un succès européen, d'abord publié en latin (1486), puis successivement en allemand, en français et en flamand. La Bibliothèque d'Amiens conserve un exemplaire de l'édition en français donnée à Lyon dès 1488 (Rés. 165C).
Enfin, la Conférence a abordé, trop brièvement, le travail philologique sur le texte même de la Bible, avec le Quintuplex Psalterium de Lefèvre d'Étaples - autre personnalité originaire de Picardie (Rés. 410C); puis l'admirable Nouveau Testament donné par Érasme chez Froben en 1516 (Th. 211C: l'exemplaire vient de Saint-Pierre de Corbie); enfin, la première Bible polyglotte, en l'espèce de la Biblia sacra entreprise à l'initiative et sous l'impulsion du cardinal Ximénès à Alcalá (Th. 82).
Madame Lyse Schwarzfuchs avait eu l'obligeance de se joindre à la Conférence, et de commenter pour nous un certain nombre d'éditions hébraïques ou comportant des caractères hébraïques.
Note bibliographique sur la Bibliothèque d'Amiens et ses collections: Incunables et merveilles de la Bibliothèque d'Amiens, Amiens, Bibliothèque municipale, 1993 (catalogue d'exposition), et, bien sûr, le site Internet:
http://www.bm-amiens.fr/AMIENS/Accueil.asp
Sur la problématique des langues à la Renaissance, voir notamment: Frédéric Barbier, "L'invention de l'imprimerie et l'économie des langues en Europe au XVe siècle", dans Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, 4, 2008, p. 21-46.
NB- Les participants à la séance foraine auront sans doute plaisir à retrouver des clichés pris à cette occasion à l'adresse Internet suivante:
http://picasaweb.google.com/112490136752855584753/SeanceForaineDAmiens#
D'autres clichés sont éventuellement les bienvenus à ajouter à la série mise en ligne!
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