samedi 18 mai 2013

Paris-Auxerre, ou l'historien en voyage

Comme annoncé précédemment, la séance foraine organisée à titre privé par la conférence d’Histoire et civilisation du livre de l’École pratique des Hautes Études, se déroulera le jeudi 6 juin prochain à Auxerre. Nous aurons la possibilité de découvrir la bibliothèque de cette ville et ses collections, grâce à l’obligeance de sa directrice, Madame Carine Ruiz. Cette journée est organisée en collaboration avec la conférence de Langue et littérature latines du Moyen-Âge.
La géographie, c’est de l’histoire, et l’excursion d’Auxerre nous en fera une fois de plus la démonstration. La capitale de la Basse-Bourgogne est accessible depuis Paris (gare de Bercy) par train direct, ou avec changement à Laroche-Migennes. Nous sommes sur l’ancienne «ligne impériale», qui reliait Paris à Lyon et à Marseille (Paris-Dijon dès 1851). Sous le Second Empire, la ligne impériale constitue un des maillons d'une mondialisation qui s'accélère, puisqu’elle donne à Marseille la correspondance des paquebots pour l’Afrique du Nord, la Méditerranée et le Proche-Orient, voire, après l’ouverture du canal de Suez (1869), pour Madagascar et pour l’Océan indien et ses au-delà, l’Asie du sud-est et l’Extrême-Orient.
Topographie de la région entre Seine et Rhône

Cette route, entre la Méditerranée et l’Europe du nord-ouest, est évidemment beaucoup plus ancienne: en remontant le Rhône, puis la Saône, et en traversant les contreforts des Monts Auxois, on bascule de la Méditerranée sur le bassin de la Seine, soit par la Seine elle-même (via Châtillon-s/Seine et Troyes), soit par ses affluents, l’Ozerain ou l’Armençon, puis l’Yonne. Rien de surprenant si les témoignages de l’ancienneté et de l'importance des échanges sont fréquents: la déesse Sequana, vénérée par les Celtes aux sources de la Seine, sera latinisée par les Romains avant d’être christianisée au VIe siècle sous le nom de l’ermite saint Seine. Un peu en aval, le célèbre «Trésor de Vix», à Châtillon-s/Seine, possède le plus grand vase métallique, en l’occurrence un cratère de bronze, qui nous soit parvenu de l’antiquité grecque...
Rien d’étonnant non plus si cette route est une route d'invasions. La Provence est romaine depuis la fin du IIe siècle avant notre ère, et elle sera la base arrière d’où César partira à la conquête de la «Gaule chevelue». Alors que le proconsul a été battu à Gergovie et qu’il cherche à se replier vers l’Italie, il rejoint son lieutenant Labienus à Sens, et entreprend de remonter la Seine, puis l’Armançon. Vercingétorix lui barre la route à hauteur d’Alésia (Alise-Ste-Reine), dont le siège décisif renverse le cours de la guerre et scelle le temps de la Gaule indépendante.
Rien d’étonnant enfin si cette géographie est celle de l’acculturation, avec d’abord les progrès de la civilisation gallo-romaine (dont l'écriture latine!). La construction de la route de Lyon, capitale des Gaules, à Boulogne, le grand port pour l’Angleterre, marque l’importance militaire, économique et politique d’un axe coupant l'un des isthmes majeurs de l’Europe. La ville de Sens (Agedincum) devient capitale d’une province romaine réellement stratégique, qui s’étend de Chartres et Orléans à Paris (Lutèce), Auxerre et Troyes. Dès les premiers siècles de notre ère, la nouvelle religion chrétienne, venu de la Méditerranée orientale, commence aussi à se diffuser sur le même axe –et Sens est bientôt siège d’un archevêché dont Paris dépendra jusqu’en 1622…
Saint-Germain d'Auxerre, sur la butte dominant la rivière.
Mais notre train est parti. Après la traversée de la banlieue, nous passons la Seine à hauteur de Melun (Metlosedum), et piquons à travers la superbe forêt de Fontainebleau (60km) –la ville elle-même est entrevue du haut d’un grand viaduc. Aujourd’hui, au petit matin (il est 8h, c’est-à-dire à peine 6h au soleil), des bancs de brume s’accrochent encore au haut des arbres. Un peu plus loin, c’est la bifurcation de la ligne du Bourbonnais (vers Nevers et Clermont-Ferrand), et la traversée de la charmante rivière du Loing. À hauteur de Montereau (78 km), nous abandonnons la Seine pour piquer au plus court par la rive gauche de l’Yonne, et entrer en Bourgogne. Le paysage devient différent, celui d’une large vallée cultivée égrenant ses petites villes (Champigny, Pont-s/Yonne) entre ses coteaux. Deux rideaux d’arbres longent la rivière, parfois visible depuis la voie. Une heure environ après le départ, le premier arrêt est à Sens (112km), dominée par la silhouette bien reconnaissable de sa cathédrale à tour unique. La ville mériterait évidemment une halte. Construite à partir de la décennie 1130, la cathédrale de Sens est la première des grandes cathédrales gothiques dont le modèle se diffuse bientôt dans toute la partie nord de la France.
Progressivement, la brume se fait plus dense, et masque une partie d’un paysage agreste et verdoyant: céréales, prairies, colza en fleurs, quelques cultures sous de grandes serres, sans oublier les jardins, ni la calme rivière, toujours sur la gauche –les lieux-dits, tel ce «Petit-Port», rappellent le rôle capital de la voie d’eau, longtemps préférée à la route pour les voyages et pour les échanges. Après une brève halte dans la petite ville historique de Joigny, c’est l’entrée très progressive dans la Bourgogne du vignoble, qui se développera surtout autour d’Auxerre (Irancy, Chablis), en Tonnerrois et encore plus le long de la Côte dijonnaise… Nous traversons l'Yonne, qui me paraît très haute (rien de surprenant en ce moment!), et entrons à Laroche-Migennes (154 km).
Entrée de la bibliothèque
L'appellation désigne en réalité deux communes différentes (Laroche-St-Cydroine et Migennes), mais il s'agit surtout d'une étape ferroviaire de première importance, alors que la grande ligne de Dijon abandonne l’Yonne pour son affluent l’Armançon –vers Dijon, les hauteurs sont modestes (quelque 500m), mais le passage du seuil de Bourgogne reste difficile.
La petite ligne du Morvan se détache à Laroche vers le sud: nous allons la suivre jusqu’à Auxerre, à travers une belle campagne variée. À une demi-douzaine de kilomètres du rail, Seignelay est le siège d’une baronnie importante, célèbre pour avoir été acquise par Colbert dès 1657. Nous voici dans la préfecture de l’Yonne, 1h45 environ après avoir quitté Paris. La gare étant sur la rive droite, le coup d'œil du pont sur la vieille ville est vraiment pittoresque: «À la vue d'Auxerre, qui s'élève en amphithéâtre sur une colline, moi qui n'avais jamais vu que de chétifs villages, je fus frappé d'admiration», écrit Rétif de La Bretonne dans Monsieur Nicolas.

Un second billet sera consacré à Auxerre et à sa très riche bibliothèque, mais nous diffusons dès aujourd’hui l’horaire de la journée:
10h30 rendez-vous à la Bibliothèque municipale, rue d’Ardillière, 89000 Auxerre.
10h45 présentation de la Bibliothèque et de ses collections par Madame Carine Ruiz, directrice.
11h15 présentation de manuscrits, par Madame Anne-Marie Turcan Verkerk, directeur d’études
13h déjeuner. Comme à l’accoutumée, nous nous efforcerons de réserver une table à proximité de la bibliothèque.
14h15 suite de la présentation de manuscrits; puis présentation de livres imprimés, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, et Monsieur Dominique Varry, professeur d’histoire du livre à l’Enssib.
17h conclusion de la journée

Les horaires ferroviaires les plus commodes (donnés sous toutes réserves):
Paris (Bercy) 7h38 - Laroche-Migenne (changement) 8h58 / 9h05 – Auxerre 9h18
Paris (Bercy) 8h38 – Auxerre 10h13
Auxerre 17h46- Paris (Bercy) 19h22
Auxerre 18h37- Laroche-Migennes (changement) 18h55 / 19h01 – Paris (Bercy) 20h22

La participation est libre et gratuite, mais sur inscription nominative dont les modalités seront précisées sur notre prochain billet.

3 commentaires:

  1. Très belle journée ! Merci encore pour cette belle opportunité !

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    1. C'est nou, chère Nicole, qui vous remercions, avec le regret de ne pas vous avoir entendue plus parler davantage de Rétif dans des lieux rétifiens.
      Avec toutes nos amitiés.
      FB

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  2. Nou, sic pour "nous"
    des joies du clavier...

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