La difficulté de l’étude de ces bibliothèques vient du fait qu’il s’agit évidemment de bibliothèques privées, qui n’ont donc pas toujours été conservées et qui n’ont pas fait l’objet de procédures de gestion (catalogage, etc.) ayant abouti à la constitution de fonds d’archives. Une seconde difficulté vient, dans notre pays, du fait que les bibliothèques de château ont généralement été confisquées par la Révolution, et qu’elles se sont donc trouvées dispersées, voire en partie détruites.
Le château de Meung: façade sur la ville |
À partir du moment où le statut de la noblesse impose d’assurer aux jeunes gens une formation intellectuelle de plus en plus poussée, aux XVIe et XVIIe siècles, les bibliothèques de château remplissent le cas échéant une fonction pédagogique, d’autant que l’éducation est d’abord donnée (avant l’envoi au collège) par un précepteur lui-même logé au château (ce qui est précisément le cas à Marolles). Elles développent aussi une forme de spécialisation: la bibliothèque noble du XVIIIe siècle sera une bibliothèque plus encyclopédique, tout en témoignant des intérêts spécifiques de son propriétaire (avec des thèmes aussi variés que ceux de la cartographie et des voyages de découverte, de l’Antiquité, de l’économie politique, etc., sans oublier… la bibliophilie). À une époque où l’idée de progrès est reçue de manière de plus en plus large, les plus riches de ces bibliothèques se caractérisent aussi par un souci d’actualisation, de sorte qu’on y trouvera toutes les nouveautés d’importance.
À Meung: la bibliothèque du château |
Autour de Choiseul, c’est tout un groupe qui tombe lui aussi en disgrâce. Parmi les grands personnages qui doivent eux aussi quitter la cour, voici l’évêque d’Orléans, Mgr Louis Sextius Jarente de La Bruyère (1706-1788). Cadet d’une famille de la noblesse provençale, Mgr de Jarente était, selon l’usage, destiné à une carrière ecclésiastique, et il devient évêque de Digne en 1742. Pourtant, notre prélat est d’abord un mondain, et un politique, qui s’inquiète de se rapprocher de Versailles: en 1758, il est évêque d’Orléans, où il réside d’autant moins qu’il est chargé, à partir de 1757, de l’administration de la «feuille des bénéfices», autrement dit de l’ordre des nominations aux principales charges de l’Église –une position stratégique s’il en fut.
Un meuble formant escalier? |
Située en étage, l’élégante salle de bibliothèque conserve aujourd’hui ses anciennes armoires «à jour», mais elle évoque plus une pièces «à vivre» qu’un espace de travail: le confort y est réel, avec la belle cheminée, les fauteuils et les guéridons, voire la petite table de jeu (même si ce mobilier a probablement été réuni postérieurement). Un oiseau empaillé rappelle que nous sommes tout proches du fleuve, et que les curiosités relevant de l’histoire naturelle sont souvent partie de l’habitus des nobles à la campagne. Enfin, nous remarquons deux éléments de mobilier spécialisé: une échelle de bibliothèque (en arrière-plan), et un meuble plus mystérieux, peut-être un de ces étonnants «meubles formant escalier de bibliothèque» dont Monsieur Cappe de Baillon a parlé lors d’une récente conférence de l’EPHE.
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