Mais Philippe II est un prince espagnol, qui gouverne depuis Madrid et qui néglige le rôle de la noblesse locale. Dans le même temps, la Réforme se propage aux Pays-Bas, jusqu’à prendre la forme violente de l’iconoclasme (1566). Dès lors que Philippe II met au centre de ses préoccupations le rétablissement d’une orthodoxie sans failles, l’opposition à l’Espagne associe dimension politique et réforme religieuse. Tandis que les «Pays-Bas du Sud» resteront acquis au catholicisme, y compris Anvers, les provinces du Nord, confiée au stathouder Guillaume le Taciturne, prince d’Orange, entrent en rébellion ouverte en 1568: la «guerre de quatre-vingts ans» ne s’achèvera qu’avec les traités de Westphalie en 1648, ruinera en partie l’Espagne, et aboutira à la reconnaissance du nouvel État des Provinces Unies.
La violence de la répression (et la crise religieuse en France même) expliquent que les «Pays-Bas du Nord» deviennent alors déjà une terre du refuge: le fils de Jules César Scaliger († 1558), Joseph Juste, né à Agen en 1540, se réfugie aux Pays-Bas en 1590 et décédera à Leyde en 1609. On sait que Descartes rédige son Discours de la méthode aux Pays-Bas, et qu’il fait publier l’ouvrage à Leyde, chez Jean (Jan) Mairé, en 1637.
En 1575, les Espagnols ne peuvent réussir à prendre Leyde, et Guillaume le Taciturne décide d’y fonder une université, à laquelle est très vite adjointe une bibliothèque. Les premiers locaux sont ceux de l’ancien couvent dominicain, sur l’élégant canal du Rapenburg: la bibliothèque est accueillie dans une salle voûtée du rez-de-chaussée. Quelques années plus tard, l’université appelle Christophe Plantin, qui s’établit à Leyde comme imprimeur privilégié de 1583 à 1585, avant de rentrer à Anvers et de laisser l’établissement de Leyde à son gendre Rapheling.


Dans ces années 1640, le fonds de la bibliothèque a été multiplié par six, grâce notamment au travail du bibliothécaire Daniel Heinsius, et le catalogue imprimé s’impose comme un usuel de bibliographie (six éditions en sortiront jusqu’au début du XVIIIe siècle). Treize ans plus tard, en 1653, on décide d’abandonner l’ancien aménagement au profit d’une bibliothèque murale. Les livres sont rangés systématiquement sur des rayonnages (selon l’ordre des facultés), les chaînes sont enlevées, les manuscrits et autres exemplaires très précieux sont sécurisés dans des armoires fermées. Tous portent désormais une cote. Nouveau bouleversement avec l’entrée de la bibliothèque d’Isaac Vossius en 1691. Cette fois, le modèle est pris à Nuremberg, où un double épi longitudinal avait été mis en place, ainsi que des balustrades, pour des raisons de sécurité: il faut donc désormais passer par l’intermédiaire du custos. On dispose d’une gravure donnant une vue de la salle en 1712 (cliché 3), tandis que le catalogue imprimé est à nouveau complété et réédité en 1716.
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