lundi 30 avril 2012

Histoire du livre à Barcelone

ART FUGITIU
ESTUDIS D’ART MEDIEVAL DESPLAÇAT

Trobada internacional
2-6 de maig del 2012

Direcció del simposi: Rosa Alcoy

Comité científic:
Francesco Aceto, Rosa Alcoy, Xavier Barral, Pere Beseran Gaspar Coll, Aleix Cort, Montserrat Macià, Alessio Monciatti, Montserrat Pagès, Olivier Poisson, Eduard Riu-Barrera, Pilar Vélez, Susanne Wittekind

Inscripció:
Vegeu els detalls al bloc: artfugitiu.wordpress.com/inscripcio/

 Cal presentar o enviar la butlleta d’inscripció amb totes les dades i el resguard del pagament de la matrícula a nom del Simposi “Art Fugitiu”, al Departament d’Història de l’Art, U.B., C/Montalegre n.6, 5a planta, Barcelona-08001

Drets d’inscripció: Estudiants i jubilats: 95 euros. Públic general: 125 euros

PRESENTACIÓ DE COMUNICACIONS

Lloc del simposi
Dies 2-3 i matí del 4: Aula Magna. Facultat de Geografia i Història, C/ Montalegre n.6, quarta planta, BARCELONA Tarda del dia 4: Museu Nacional d’Art de Catalunya
Dies 5-6: Sortides

Matrícula
Fins exhaurir les places disponibles (matrícula per ordre d’inscripció)
Per banc: ingrès a “La Caixa”: c/c 2100 3642 112200093938
[cal portar la butlleta d’inscripció i el resguard de pagament]
Secretaria del Simposi: Enrico Pusceddu i Alba, Barceló
El Simposi ofereix fins a 4 crèdits de lliure elecció per la Universitat de Barcelona previa assistència al 80% de les coferències i presentació d’un treball de síntesi
2,5 crèdits només assistència. Es lliurarà certificat

Patrocinadors:
Grup de recerca emac, romànic i gòtic
Departament d’Història de l’art
Facultat de Geografia i Història
Universitat de Barcelona
amb finançament del Ministeri de Ciència i Innovació i els fons FEDER
Editorial M. Moleiro
i la col·laboració especial del Museu Nacional d’Art de Catalunya

2 de maig
mati
8’30-9h Acollida
9.15-10h. Acte inaugural i presentacions (M. A. del Rincón, P. Serra, G. Coll)
R. ALCOY, L’art és una arma carregada de futur
10-11h. ALEIX CORT, El Fugitiu a l’Art
11-12h. EDUARD RIU-BARRERA I EVA TARRIDA, La reconfiguració de l’absis major de Sant Climent de Tauüll amb els vestigis d’art fugitiu
Pausa

12.30-13.30h
OLIVIER POISSON, El claustre de Cuixà traslladat o restaurat: funcions i significacions d’un monument fora context (s.19 i 20)
Debats

2 de maig
tarda
16.15-17.15h., GASPAR COLL, Protocols de cortal segle XIV: una visió compartida en la il!luminació de manuscrits catalano-aragonesos, mallorquins i francesos
17.15-18h., PERE BESERAN, Un nou fragment d'escultura gòtica castellonenca i algunes reflexions sobre el seu context
18-18.30h., LAURA PALUMBO, Una tabla misteriosa: el Juicio Final de Munich atribuido a Gherardo Starnina
Pausa

18.30-20h. Comunicacions i débats

3 de maig
matí
9.30-10.30h. GERARDO BOTO, “Lapides in itinere”. Instal!lació a Catalunya d’obres romàniques foranes
10.30-11.30h, ROSA ALCOY, Obres mestres de la pintura gòtica catalana a Amèrica: Del Políptic Morgan a la Mare de Déu de Filadelfia
Pausa

12-13h
ALESSANDRA BILOTTA, Viaggi di uomini, viaggi di manoscritti: la circolazione di codici giuridici miniati nel Midi della Francia fra il XIII e il XIV secolo

3 de maig
tarda
16.30-17h. ENRICO PUSCEDDU, El retablo de san Pedro mártir y san Marcos de Juan Figuera (1456-1477): un caso emblemático de la pintura catalana desplazada
17-18h. MANUEL MOLEIRO, El clon como medio para recuperar y difundir el patrimonio bibliográfico catalan perdido
Pausa
18.30-19.30 ALESSIO MONCIATTI, La pittura su tavola in Italia nel XII secolo: un caso di rimozione storiografica
Debats


4 de maig
matí
9-10h. MONTSERRAT PÀGES, Murals fugitius: la pintura romànica catalana i la seva història
10-11h. SUSANNE WITTEKIND, Las Ordinacions de Pere III (IV) en Paris: adaptación, transposición y reorganización artística
11-11.30h. ANNA GUDAYOL, El Repertori de Manuscrits Catalans de la Institució Patxot: les missions a Paris i Anglaterra de Pere Bohigas
Pausa

12-13 h.. XAVIER BARRAL, Catalunya a Nàpols sota Alfons el Magnànim: l'art exportat/importât al servei de la política i de la identitat
Comunicacions i débats

4 de maig
tarda
16-16.30h, GUADAIRA MACIAS, Sant Martí de Riglos. Un mestre fugisser i un retaule fugitiu
16.30-17.15h. FRANCESCO ACETO, Dall'oggetto al contesto: il caso di due sculture trecentesche napoletane disperse attraverso il mercato antiquariale
Pausa

Taula Rodona: Art fugitiu, moderada per R. Alcoy, ponents: Francesco Aceto , Xavier Barral, Gerardo Boto, Aleix Cort, Montserrat Pagès, Eduard Riu-Barrera

5 de maig
10-11h. recorregut per la catedral de Barcelona
11-13h Visita al Museu Marès
PILAR VÉLEZ, Aventures i vicissituds d’algunes obres medievals destacades del Museu Marès
16-19h Visita al Museu Nacional d’Art de Catalunya i a l’exposició Catalunya 1400 (M. PAGES, R. ALCOY I G, MACÍÁS)

6 de maig
11-14h Visita a la Seu Vella de Lleida i al Museu de Lleida
MONTSERRAT MACIÀ, Del monument al Museu: circulació de peces medievals a Lleida
La programació pot patir lleus modificacions en cas necessari i en la seva versió final integrarà també les comunicacions admeses. (Communiqué par Edmondo Danti)

samedi 28 avril 2012

La bibliothèque de l'université de Leyde

Restons aujourd’hui encore à Leyde, dont nous avons évoqué la Bibliotheca Thysiana, mais où la bibliothèque de l’université est tout particulièrement célèbre. Nous sommes dans l’orbite de la Réforme calviniste, et de la lutte politique entre l’Espagne et ses provinces du Nord: Charles Quint abdique en 1555, et confie son empire à son frère Ferdinand (pour les territoires germanophones) et à son fils Philippe II pour l’Espagne, les «Pays-Bas» (y compris la Franche-Comté) et les possessions d’outre-mer.
Mais Philippe II est un prince espagnol, qui gouverne depuis Madrid et qui néglige le rôle de la noblesse locale. Dans le même temps, la Réforme se propage aux Pays-Bas, jusqu’à prendre la forme violente de l’iconoclasme (1566). Dès lors que Philippe II met au centre de ses préoccupations le rétablissement d’une orthodoxie sans failles, l’opposition à l’Espagne associe dimension politique et réforme religieuse. Tandis que les «Pays-Bas du Sud» resteront acquis au catholicisme, y compris Anvers, les provinces du Nord, confiée au stathouder Guillaume le Taciturne, prince d’Orange, entrent en rébellion ouverte en 1568: la «guerre de quatre-vingts ans» ne s’achèvera qu’avec les traités de Westphalie en 1648, ruinera en partie l’Espagne, et aboutira à la reconnaissance du nouvel État des Provinces Unies.
La violence de la répression (et la crise religieuse en France même) expliquent que les «Pays-Bas du Nord» deviennent alors déjà une terre du refuge: le fils de Jules César Scaliger († 1558), Joseph Juste, né à Agen en 1540, se réfugie aux Pays-Bas en 1590 et décédera à Leyde en 1609. On sait que Descartes rédige son Discours de la méthode aux Pays-Bas, et qu’il fait publier l’ouvrage à Leyde, chez Jean (Jan) Mairé, en 1637.
En 1575, les Espagnols ne peuvent réussir à prendre Leyde, et Guillaume le Taciturne décide d’y fonder une université, à laquelle est très vite adjointe une bibliothèque. Les premiers locaux sont ceux de l’ancien couvent dominicain, sur l’élégant canal du Rapenburg: la bibliothèque est accueillie dans une salle voûtée du rez-de-chaussée. Quelques années plus tard, l’université appelle Christophe Plantin, qui s’établit à Leyde comme imprimeur privilégié de 1583 à 1585, avant de rentrer à Anvers et de laisser l’établissement de Leyde à son gendre Rapheling.
L’essor de l’université impose d’ouvrir de nouveaux locaux dès 1593. C’est cette nouvelle bibliothèque qui est reproduite sur la célèbre gravure de Woudanus en 1610 (cliché 1): les rayonnages sont au centre, devant lesquels les lecteurs travaillent debout, en utilisant un pupitre (cliché 2). Les volumes sont enchaînés, le dos à l’extérieur et la tête en bas, de manière à ce qu’on les ouvre très facilement malgré leur chaîne. Le reste du mobilier comprend notamment quatre sphères, l’armoire contenant les livres de Scaliger (sur la droite), les portraits des princes d’Orange et un grand panorama de Constantinople. Le dispositif topographique est révélateur, dans la mesure où les classes les plus importantes sont au centre (théologie et classiques de l’Antiquité).
La bibliothèque universitaire [de Leyde] est d’une haute importance. Le catalogue en avait été dressé dès l’année 1636 et imprimé par les Elzevirs; il forme un volume in-4° de 216 pages, plus la partie des manuscrits arabes et orientaux, qui comprend 21 pages (Deschamps).
Dans ces années 1640, le fonds de la bibliothèque a été multiplié par six, grâce notamment au travail du bibliothécaire Daniel Heinsius, et le catalogue imprimé s’impose comme un usuel de bibliographie (six éditions en sortiront jusqu’au début du XVIIIe siècle). Treize ans plus tard, en 1653, on décide d’abandonner l’ancien aménagement au profit d’une bibliothèque murale. Les livres sont rangés systématiquement sur des rayonnages (selon l’ordre des facultés), les chaînes sont enlevées, les manuscrits et autres exemplaires très précieux sont sécurisés dans des armoires fermées. Tous portent désormais une cote. Nouveau bouleversement avec l’entrée de la bibliothèque d’Isaac Vossius en 1691. Cette fois, le modèle est pris à Nuremberg, où un double épi longitudinal avait été mis en place, ainsi que des balustrades, pour des raisons de sécurité: il faut donc désormais passer par l’intermédiaire du custos. On dispose d’une gravure donnant une vue de la salle en 1712 (cliché 3), tandis que le catalogue imprimé est à nouveau complété et réédité en 1716.

mardi 24 avril 2012

Une bibliothèque "publique" au XVIIe siècle

Créée dans les dernières décennies du XVIe siècle, la bibliothèque de la nouvelle université de Leyde n’est accessible qu’aux professeurs, et dans une bien moindre mesure aux étudiants. C’est pour pallier à ce qu’il estime être une disponibilité insuffisante que Johannes Thysius (Jan Thijs, 1622-1653) fonde dans la ville une bibliothèque destinée à servir le «bien commun».
Nous sommes dans un milieu de négociants huguenots repliés d’Anvers à Amsterdam à la suite des crises religieuses: la fortune des Thijs est notamment investie dans la Compagnie des Indes orientales. Très tôt orphelin, le jeune Jan est accueilli en 1634 à Leyde par son grand-oncle, Constantin Lempereur, professeur de langues orientales à l’université. Il étudiera les lettres et le droit, avant de partir pour son «grand tour» (visitant notamment l’Angleterre et la France), et de passer, à son retour, son doctorat en droit.
Mais Thijs n’exercera jamais, préférant se livrer à ses activités favorites, l’étude et la collection de livres –collection à laquelle il consacre l’essentiel de ses revenus. Il décède de manière très prématurée, alors qu’il a à peine une trentaine d’années: par testament, il consacre sa fortune à fonder une bibliothèque publique à Leyde et, en quelques années à peine, la nouvelle institution peut effectivement ouvrir (1657). Il est possible que Thijs ait trouvé son modèle en visitant la bibliothèque bodléienne d’Oxford.
Un premier point remarquable doit être souligné: Thijs a prévu de faire élever un bâtiment autonome destiné à abriter la bibliothèque, et ce bâtiment constitue l’un des premiers exemples de ce type de construction en Europe (les bibliothèques nouvelles sont généralement établies dans des bâtiments anciens, et non spécifiques, comme des maisons religieuses, écoles et collèges, etc.). Proche de l’université, sur l’élégant canal du Rappenburg, la Bibliotheca Thysiana est une belle construction sur un étage et les combles (cliché 1). Le rez-de-chaussée est réservé au logement du bibliothécaire, qui dispose de deux pièces chauffées (le mobilier est pratiquement conservé aujourd’hui). Une double volée de marches conduit du hall d’entrée à l’étage, entièrement occupé par la salle de la bibliothèque (cliché 2). Le coût total de la construction s’élève à 14500 florins, ce qui constitue une somme importante, à laquelle s'ajoute la fondation destinée à financer le fonctionnement de la nouvelle structure.
La salle de la bibliothèque est éclairée par des croisées sur la façade et sur le côté (au nord et à l’ouest), et elle est comme tapissée par des rayonnages muraux sur sept niveaux. Comme ce sera le cas à l’université de Leyde au moins à partir de 1691, les volumes sont protégés par une balustrade, de sorte que le lecteur doit nécessairement s’adresser au bibliothécaire pour y avoir accès.
Le mobilier contemporain comprend, outre un placard central destiné à abriter les archives familiales, une table de consultation et un superbe meuble de bibliothèque tournante (cliché 3) –sans oublier un meuble destiné à accueillir un Atlas complet de Blaeu, et un petit portrait du fondateur. La décoration peinte se borne aux armoiries de ce dernier. Si le fonds a fait l’objet de plusieurs catalogues imprimés classés systématiquement et sous-classés par formats, il ne semble pas que les volumes aient jamais été classés de manière systématique. Les registres de prêts n’ont pas été conservés, ce qui interdit de préciser le niveau d’utilisation d’une institution en tout état de cause exceptionnelle, et qui nous est parvenue pratiquement dans son état d’origine.



vendredi 20 avril 2012

Histoire du livre aux Pays-Bas (XVe-XVIIe siècles)

C’est faute de compétences linguistiques suffisantes que les historiens du livre négligent trop souvent le cas pourtant très important des «anciens Pays-Bas», et plus particulièrement de leur partie nord, qui correspond à la géographie politique des actuels Pays-Bas. Rappelons que nous sommes, au bas Moyen Âge, dans l’espace privilégiée de la piété nouvelle, la devotio moderna, dont tous les auteurs ont souligné le lien qu’elle entretient avec l’essor de l’alphabétisation, avec le passage à des pratiques individuelles de lecture et, in fine, avec les développements de l’économie du livre en général. Les Frères de la Vie commune, qui sont les initiateurs du mouvement, s’établissent d’abord à Deventer (où Gert Groote naît en 1340) et à Zwolle. Le recueil de l’Imitation de Jésus-Christ, le plus grand succès de la librairie occidentale après la Bible, naît dans leur obédience, et il sera très rapidement (et très longtemps) diffusé partout.
De manière pratiquement concomitante, la poussée de la demande en livres provoque l’apparition, dans cette même géographie, de techniques «proto-typographiques» permettant de reproduire les textes: il s’agit certainement de xylographies, peut-être de caractères et groupes de caractères gravés dans le bois et combinés entre eux, voire parfois de procédés mal aboutis faisant déjà appel au métal. Sur la place principale de Haarlem, la statue de Laurent Coster commémore toujours celui qui est proclamé le véritable inventeur de la typographie en caractères mobiles, une vingtaine d’années avant Gutenberg… (cliché 1).
On sait d’autre part que les Pays-Bas se caractérisent à la fois, dans la seconde moitié du XVe siècle, par la pénétration précoce de l’imprimé et par la place globalement tenue dans la production par les textes en langue vernaculaire, en l’occurrence le flamand. La ville hanséatique de Deventer prend rang parmi les dix premiers pôles d’impression dans l’Europe des incunables: son école latine accueille successivement Thomas a Kempis, le futur pape Adrien VI, Érasme, et beaucoup d’autres (cliché 2).
Le second XVIe siècle pourrait être qualifié de «siècle de fer» s’il n’était déjà pour partie le «siècle d’or»: les Pays-Bas sont intégrés à l’empire de Charles Quint, mais, après l’abdication de l’empereur (1555), ils passent sous l’obédience de Philippe II d’Espagne. Or, si Charles Quint, né à Gand, était attaché aux anciens territoires bourguignons, Philippe II résidera pratiquement toujours en Espagne et, surtout, sa politique vise avant tout à préserver l’orthodoxie catholique quand la pénétration de la Réforme se fait de plus en plus sensible dans la géographie des Pays-Bas.
Le pays confié en 1558 par le roi au stathouder (gouverneur) Guillaume d’Orange, dit le Taciturne (la Hollande, la Zélande et Utrecht), bascule progressivement dans la révolte, et la noblesse locale (les «Gueux») joue un rôle décisif dans l’essor du mouvement. Par ailleurs, les Pays-Bas, qui disposent d'États provinciaux, sont peu disposés à obéir à une monarchie absolutiste lointaine. La révolte ouverte est déclarée en 1568, et l’Union d’Utrecht scelle en 1579 l’alliance de cinq provinces (Hollande, Zélande, Utrecht, Groningue et Gueldre): la lutte contre l’Espagne ne prendra fin qu’au terme de la «Guerre de quatre-vingts ans», avec les traités de Westphalie (1648) par lesquels est définitivement reconnue l’indépendance des Provinces-Unies.
Or, la crise religieuse, la guerre et la conquête de l’indépendance sont des temps forts pour la publicistique, donc a posteriori pour l’histoire du livre. Nous ne ferons que mentionner ici la fondation de l’université de Leyde par Guillaume le Taciturne, en 1575, fondation qui fera bientôt de la ville un pôle éditorial de première importance –il n’est que de penser à la dynastie des Elsevier.
Arrêtons-nous plutôt aujourd’hui sur l’essor d’une production de pièces de circonstances, textes réglementaires, nouvelles et canards, attaques des uns et des autres, polémiques de toutes sortes, sans oublier les caricatures –le duc d’Albe figuré en hydre, mangeant un enfant et agitant, de ses multiples bras, les pantins de Guise, de Granvelle (un étranger...) et de plusieurs autres, tout en piétinant des cadavres. L’économie des pièces de polémique s’impose certes d’abord en Allemagne avec la Réforme luthérienne, mais les Pays-Bas de la Guerre de quatre-vingts ans constituent aussi une de leur géographie de prédilection: la présence de colporteurs et de marchands ambulants en porte éloquemment témoignage (cliché 3).
Légendes des clichés: 1) Statue de Laurent Coster, sur la grande place de Haarlem; 2) Production imprimée en vernaculaire dans les dix premiers centres éditoriaux d'Europe au XVe siècle (source: Philippe Niéto, dans Mélanges Aquilon; 3) Colporteurs des Pays-Bas au XVIIe siècle (Prinsenshof, Delft).

vendredi 13 avril 2012

Une devinette d'histoire du livre

Comment mieux commencer les vacances qu'avec une petite devinette que nous propose le site de la Bibliothèque du Musée Condé, au château de Chantilly?
"Quelle chose est au monde qui moins prouffite quand il est clos?"
"C'est ung livre"
Le site de la Bibliothèque explique que la devinette est tirée du manuscrit 654, manuscrit visiblement fort élégant, "écrit sur parchemin à Gand ou Bruges vers 1470, [et qui] est le plus ancien et le plus riche recueil de devinettes du Moyen Age", tout au moins s'agissant de l'espace francophone.

mercredi 11 avril 2012

Histoire du livre et mondialisation

En matière de «librairie», la mondialisation est un phénomène très précoce. La typographie en caractères mobiles apparaît probablement en 1452, et le «premier grand livre européen», la Bible à 42 lignes, date de 1454-1455. Après une courte période (jusqu’en 1462) où la technique est tenue secrète pas ses promoteurs, la géographie de l'art nouveau explose: 250 villes sont des villes «roulantes» en Europe entre 1450 et 1501, et les presses apparaissent au XVIe siècle dans les colonies espagnoles d’Amérique, à Mexico d’abord, puis à Lima. Deux autres imprimeries sont ensuite établies à Puebla (1640) et Guatemala (1660).
Christophorus Columbus, De Insulis nuper in mari indico repertis,
Basel, Johann Bergmann, de Olpe, 1494, 36 f., 6 gravures.
Le retour de l’expédition a lieu en mars 1493,
mais le rapport (la Lettre) de l’amiral est écrit en mer
dès le 15 février.
Les colonies anglaises suivent l’Espagne avec retard, mais leur rattrapage est d’autant plus rapide: la première presse arrive en Amérique du Nord en décembre 1638, et le premier titre sort des presses de Newtown (Cambridge) en 1640 (le Bay Psalm Book). Une seconde presse est importée en 1659, et les programmes de bibliographie rétrospective recensent quelque soixante-huit titres publiés en Amérique du Nord au XVIIe siècle. Vers l’Est, une imprimerie jésuite est créée par les Portugais à Goa en 1557, et le collège jésuite d’Amakusa (Japon) possède des presses en 1591.
Si nous voulions tracer les très grands traits d’une conjoncture de la mondialisation dans le domaine de l'imprimé entre le XVe et le XVIIIe siècle, nous distinguerions donc deux moments où la dilatation géographique est plus sensible, les XVe et en partie XVIe siècles, et l’époque des Lumières. Ces deux temps forts sont séparés par un temps de latence, qui recouvre pour l’essentiel un «grand XVIIe siècle». Un second phénomène doit cependant être souligné: la concurrence qui se développe dès les années 1470-1480 conduit à une innovation de produit qui s’appuie notamment sur le recours aux langues vernaculaires. La librairie moderne sera une librairie compartimentée, dans laquelle le rôle du latin comme langue internationale devient très progressivement minoritaire.
L’abbé Raynal nous l’a appris, la mondialisation est un phénomène d’ordre géographique, mais l’économie y joue un rôle décisif, et fait que les équilibres géographiques se déplacent au cours des âges. Les presses ne «roulent» d’abord, dans nombre de villes d’Europe et dans les colonies, que pour l’Église et ses missions, ou pour les travaux d’intérêt local. L’essentiel des livres proprement dits continue à être produit dans quelques grands centres, et, pour l’outre-mer, importé d’Europe:
«L’apparition précoce de l’université et de l’imprimerie [dans les colonies hispano-américaines] était loin de signifier une position de tolérance. C’était, au contraire, un signe d’intransigeance culturelle, d’écrasement, de destruction, et de la nécessité impérieuse d’utiliser les moyens adéquats pour implanter la culture externe justificatrice de la domination, de l’occupation et de l’exploitation» (Nelson Werneck Sodré).
Au monastère de Belem, près de Lisbonne (cliché FB)
Le premier exemple d’une autonomie réelle de la production imprimée locale hors d’Europe est sans doute celui des Treize colonies anglaises d’Amérique, portées par un essor démographique qui les fait passer de 55000 en 1670 à 265 000 habitants en 1700 et à plus de deux millions vers 1770. La production conservée atteint 8000 titres pour le XVIIIe siècle, avec un développement particulièrement rapide des gazettes et des journaux après 1770-1780. Une génération après l’indépendance (1776), New York (qui n’avait qu’une «petite librairie» en 1700) est devenue la seconde ville de production de librairie en langue anglaise, après Londres, et la concurrence américaine se fait de plus en plus sensible au niveau international.
Mais la règle restera longtemps  celle de la dénivellation entre niveaux de développement et, même à la fin du XVIIIe siècle, lorsque des presses seront établies en Australie, cet auteur constate :
«Ce qui est sûr, c’est que les Anglais ont prévu une présence autonome de l’imprimé dans la Nouvelle-Galles-du-Sud dès le début, en 1788. Autonome, mais subalterne dans la mesure où la production locale devait être strictement officielle, ce qui supposait que tout le reste allait être importé d’Angleterre. On a donc envoyé une presse avec les navires de Philip, mais comme il n’y avait pas d’imprimeur, on a dû attendre 1795 et la présence d’un bagnard sachant se servir du matériel pour voir sortir les premières affiches et annonces…»
C’est que la «librairie» représente une activité hautement capitalistique et que, dès le XVe siècle, elle est structurée par les réseaux financiers. Autour de 1500, le marché est dominé par quatre villes, Venise, Paris, Leipzig et Lyon, dont la supériorité vient aussi de ce qu’elles assurent l’interface avec une périphérie moins développée: Venise pour la Méditerranée et l’Orient, Paris pour la France, Leipzig pour l’Europe centrale et orientale, Lyon pour le Sud-Ouest et la péninsule ibérique, bientôt aussi pour l’Amérique espagnole.
En 1539, le Sévillan Juan Cronberger obtient le privilège d’exclusivité pour l’exportation de livres en Nouvelle-Espagne. Mais, dans la seconde moitié du XVIe siècle, c’est la montée d’Anvers, avec Christophe Plantin: ce Tourangeau devenu archi-typographe du roi d’Espagne obtient à son tour le privilège du commerce du livre pour l’Empire espagnol. Les développements de la crise religieuse provoqueront bientôt le recul d’Anvers, au bénéfice des villes des Pays-Bas, notamment Amsterdam, et surtout, à terme, au bénéfice de Londres (XVIIe siècle).
Les pôles d’une librairie que l’on peut qualifier de mondiale se déplacent ainsi en fonction de la conjoncture, et leur position s’appuie sur le différentiel de développement d’une géographie à l’autre. À chaque époque, une ville ou un groupe de villes bénéficie de sa position par rapport aux géographies vers lesquelles se fera l’exportation des produits imprimés. Ajoutons que les réseaux professionnels ne sont pas tout: le rôle des réseaux informels des voyageurs, diplomates, étudiants, des militaires, des pèlerins et des commerçants de toutes sortes, est essentiel pour la diffusion des livres, comme le montre éloquemment, jusqu’au XVIIIe siècle, l’exemple de l’Europe centrale et orientale.

lundi 9 avril 2012

Histoire du livre et de la communication scientifique

Voici un titre trop modeste, et qui n'affiche pas tout l'intérêt du volume auquel il introduit:
Guylaine Beaudry,
La Communication scientifique et le numérique,
Paris, Lavoisier, 2011, 327 p., index, ill.
ISBN 978-2-7462-3133-7

Le livre que Madame Beaudry a tiré de son travail de thèse répond en effet à un désidérata permanent de la recherche, mais à un désidérata trop rarement concrétisé: il s'agit de l'interdisciplinarité, et en l'occurrence du souci d'inscrire dans une perspective pleinement historique un travail qui relève d'abord des sciences de l'information et de la documentation.
Chacun sait que les sciences dites "dures" sont particulièrement sensibles aux conditions de la publicité: il convient, d'une part, que les procédures de contrôle et de validation y soient le plus strictement respectées et, de l'autre, que les délais de publication soient réduits. Enfin, c'est peu de dire que ces conditions de fonctionnement peuvent avoir des implications financières extrêmement lourdes.
Le système des revues a des décennies durant prévalu dans le secteur des "sciences", avant que celui-ci ne bascule aujourd'hui dans la logique des nouveaux médias et du numérique.
Madame Beaudry est l'une de nos meilleures spécialistes de la problématique de l'information scientifique en nos débuts du IIIe millénaire, mais elle a précisément voulu inscrire son travail dans le long terme de l'histoire du livre et des médias: nous ne pouvons que lui en être reconnaissants, car la transdisciplinarité représente, toujours et partout, un véritable défi intellectuel, et d'abord pour celui qui s'y risque. Ayant par conséquent acquis une expertise très réelle dans un champ qui n'était pas a priori le sien, Madame Beaudry s'est donc attaché' à reprendre sa problématique en fonction de l'histoire même du domaine, recoupant histoire des idées, évolution des conditions de travail et de publication, et problématique de la lecture et de l'appropriation.
Le livre très convaincant de notre collègue canadienne reste un exemple trop rare, qui associe de la manière la plus heureuse la réflexion actuelle au soubassement historique, sans rien sacrifier des savoirs plus proprement bibliothéconomiques. En cela, l'auteur donne une leçon que l'on souhaiterait voir porter le plus largement possible.

Sommaire
Chapitre I- Regards historiques sur la révolution numérique
Chapitre II- Le livre savant au temps des premières universités
Chapitre III- Le livre savant imprimé
Chapitre IV- Le journal scientifique et la naissance d'un nouveau champ éditorial
Chapitre V- Historicité et contemporainéité des mutations de la communication scientifique
Chapitre VI- Production et évaluation du discours scientifique
Chapitre VII- Mutations sociales, économiques et organisationnelles des champs éditoriaux scientifiques du livre et de la revue

samedi 7 avril 2012

Histoire du livre dans une perspective transnationale

Séance du séminaire
Langues, livres, lecteurs: traductions et circulations



Mardi 10 avril 2012
14h-16h

Presse francophone et traduction dans l'espace culturel russe,
XVIIIe-début XIXe siècle

par
Vladislav Rjéoutski
(attaché de recherche à l'Université de Bristol)
et
Vladimir Somov
(enseignant et chercheur au Conservatoire national de Saint-Pétersbourg)


La séance se tient à l'École normale supérieure, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris, salle de réunion de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine, Esc. D, 3e étage

Entrée libre dans la limite des places disponibles

mercredi 4 avril 2012

Histoire du livre à la Bibliothèque Mazarine

Un succès de librairie européen : l’Imitatio Christi, 1470-1850,
préf. Gabriel de Broglie, introduction Yann Sordet, 
Paris, Éditions des Cendres, Bibliothèque Mazarine, 2012,
195 p., ill. 35 euros. 
ISBN 979-10-90853-01-0 / 978-2-86742-194-5 

Il y a quelques semaines sortait le Catalogue des Imitatio Christi conservées dans les principales bibliothèques parisiennes. L’exposition inaugurée hier soir à la Bibliothèque Mazarine présente une série d'exemplaires remarquables de l'Imitatio, et elle est accompagnée d’un catalogue co-édité par la Bibliothèque Mazarine et par les Éditions des Cendres.
Le titre du catalogue peut surprendre, en ce qu’il met l’accent sur la perspective d’histoire économique du livre: l’Imitatio est d’abord envisagée comme «un succès de librairie européen», voire mondial. Elle a été constituée en tant que recueil de quatre textes vers 1427, et nous en conservons quelque 800 manuscrits. Mais la typographie en caractères mobiles fait passer sa diffusion à un autre niveau, à partir de la première édition, à Augsbourg probablement en 1470 (édition princeps, réalisée du vivant de l’auteur): nous sommes à 74 éditions connues pour le XVe siècle, mais à 329 pour le XVIe, à 810 pour le XVIIe et à 1084 pour le XVIIIe… 
Même si les chiffres de tirage moyen sont nécessairement de l’ordre de l’hypothèse et même si ceux retenus par Yann Sordet paraissent très (trop?) prudents, ce sont bien évidemment plusieurs millions (peut-être quatre à cinq millions) d’exemplaires du texte qui sont mis en circulation au cours de la période. Le tableau de la p. 107 donne des éléments tangibles sur lesquels appuyer les évaluations (tirage des Imitatio de Plantin entre 1598 et 1645).
Mais l’exposition ne se borne pas à souligner le rôle de l’Imitatio comme idéaltype du succès de librairie: l’essentiel réside bien évidemment ailleurs, dans l’histoire des sensibilités religieuses (à commencer par la devotio moderna), dans la réception du texte (largement diffusé dans les différentes langues vernaculaires), dans la problématique de son attribution (cf. p. 13 et suiv. du catalogue, mais aussi la notice 17, p. 101 et suiv.), dans l’étude de sa mise en livre, et notamment de son illustration. 
Imitatio Christi en breton, Quimper, 1743 (notice n° 30, exemplaire de l'Arsenal)
L’exposition présente 35 numéros, par ordre chronologique de publication: deux manuscrits, puis l’exemplaire de l’édition princeps conservé à Sainte-Geneviève (n° 3) et celui de la première édition en français (Toulouse, 1488 : n° 5, exemplaire de la collection Dutuit). Cette édition est en grande partie reprise dans celle de Jean Lambert à Paris en 1493 (n° 9)… Parmi les autres éditions présentées, nous remarquons celle de Plantin en 1599 (n° 14), celle des presses du Collège anglais de Saint-Omer en 1613 (n° 15), sans oublier celle donnée par l’Imprimerie royale à Paris en 1640 (n° 22). C'est peu de dire que nous sommes alors dans la conjoncture de la reconquête catholique...
La notice consacrée à l’adaptation de l’Imitatio par Pierre Corneille en 1656 (n° 24 a et b) effectue un rapprochement avec un remarquable manuscrit réalisé pour le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1462 et aujourd’hui conservé à Valenciennes. Mentionnons encore une édition en arabe sortie de presses de la Congrégation De Propaganda Fide en 1663 (n° 27), celle donnée par l’Imprimerie de Monsieur à Paris en 1788 (n° 32) et celle de Bodoni à Parme cinq ans plus tard (n° 33).
La série se referme avec la seconde Imitatio de Curmer (1856, n° 35), qui fonctionne comme une proclamation des capacités techniques des «arts du livre» sous le Second Empire. Ajoutons que les exemplaires présentés sont tous exceptionnels non seulement du point de vue de l'histoire éditoriale et de la trajectoire du texte, mais aussi par leurs particularités, notamment s’agissant des reliures. 
Le catalogue est à la fois un modèle d’érudition par ses notices savantes établies par les meilleurs spécialistes, et une belle démonstration de pédagogie, par les analyses plus générales et les tableaux d’ensemble permettant de contextualiser un certain nombre de phénomènes important. Il est enfin un livre parfaitement réussi sur le plan matériel, et remarquablement illustré. Il se referme sur la bibliographie et sur l’index.

dimanche 1 avril 2012

Les origines de la Bibliothèque Vaticane

Au retour des papes d’Avignon à Rome (1420), la Ville a beaucoup perdu en importance, avec ses quelque 30000 habitants et son habitat réduit, souvent au milieu de champs de ruines. Le palais du Latran était l’ancienne résidence pontificale: il est tellement dégradé que les papes, à partir de Martin V, s’établissent au Vatican, qui se présente alors comme un palais forteresse près de la basilique de Saint-Pierre. Martin V (1420-1447) prend les premières mesures en vue de la renaissance de la Ville, mesures que Nicolas V (Tommaso Parentucelli da Sarzana, règne de 1447 à 1455) va s’efforcer de systématiser: le pape prépare un vaste plan d’urbanisme et rétablit l’Aqua Virgo, tandis que le Palazzo Bembbo (au pied du Capitole) sera achevé sous Paul II.
À sa mort, Nicolas V expliquera le rôle de l’urbanisme aux cardinaux qui l’entourent: Écoutez, vénérables frères, et pesez les raisons qui nous ont incité à donner tant d’importance aux constructions. (…) Nous savons bien que seuls ceux qui sont profondément versés dans les études peuvent comprendre quelle grande chose est l’Église romaine. Le vulgaire au contraire, privé de culture et sevré de toute étude, a beau avoir l’air de prêter attention aux enseignements autorisés des savants, en réalité, s’il n’est frappé par la grandeur de quelque œuvre matérielle qui s’impose à lui par sa magnificence, à mesure que le temps passe, il en vient peu à peu à perdre sa confiance (cité par Grimal, p. 156).
Melozzo da Forli, Fondation de la BIbliothèque Vaticane, 1475
Ce texte fondamental nous donne comme la théorie de la double fonction de la bibliothèque moderne, en tant qu'elle est une institution destinée d’une part aux savants, et de l’autre, en quelque sorte de l’extérieur, à l’homme du «commun».
Nicolas V est en effet un clerc de petite origine formé à Florence, où il a nombre d'amis intellectuels et artistes. Il a accom- pagné l’humaniste Giovanni Aurispa (1376-1459) dans son exploration des bibliothèques allemandes à la suite du concile de Bâle.
Élu pape en 1447, il donnera toute son attention à la Bibliothèque, établie dans une salle de l'ancien palais de Nicolas III où lui-même tient des discussions avec ses amis: il la réorganise et l’enrichit. Il est en outre l’auteur d’un nouveau cadre de classification des livres, appliqué par Cosme de Médicis dans la Libreria di S. Marco avant de se diffuser dans les principales bibliothèques du XVe siècle. Le bibliothécaire Giovanni Tortelli († 1466), médecin, helléniste et auteur d’un De Orthographia, l’applique déjà aux volumes de la bibliothèque pontificale, dont il est en charge à partir de 1449. 
La collection de Nicolas V est constituée de trois ensembles: d’abord, les livres des prédécesseurs du pape, notamment Eugène IV à l'époque du concile de Florence (340 volumes). Puis la bibliothèque humaniste rassemblée par Nicolas V (Enoch d’Ascoli recherche pour lui des manuscrits en Grèce, en Allemagne et jusqu'au Danemark). Le troisième groupe comprend les copies faites pour le pape, souvent aussi des traductions du grec (par Lorenzo Valla, George de Trébizonde, etc.).
Copistes et miniaturistes sont appelés de Bologne et de Florence pour poursuivre leur travail à Rome, où un petit groupe d’humanistes, traducteurs et éditeurs se rassemble autour de Théodore Gaza, l’un des hellénistes les plus actifs des décennies 1450-1470. Une partie de ces opérations a été financée par les revenus provenant de l’année jubilaire 1450. À la mort du pape, la bibliothèque compte déjà quelque 1200 manuscrits (dont 350 manuscrits grecs) dans douze armoires.
La Ville va s'imposer dès lors comme l’une des capitales de l’humanisme européen, où l’imprimerie est introduite dès 1466, et où la bibliothèque des papes se développe progressivement. Les successeurs de Nicolas V, Calixte III (Alphonse Borgia, 1455-1458), mais surtout Pie II (Æneas Silvius Piccolomini, 1458-1464) et Paul II (Pietro Barbo, 1464-1471), poursuivent la même politique d’enrichissement. Le rôle principal sera pourtant pris par un frère mineur de Savone, Francesco della Rovere (Sixte IV, pape de 1471 à 1484).
C’est Sixte IV en effet qui élève la bibliothèque pontificale au rang d’institution permanente, par la bulle Ad decorem militantis ecclesiae (15 juin 1475), et qui l’établit dans un local spécifique (la Bibliothèque Vaticane a donc pu commémorer son cinquième centenaire en 1975). La bulle ordonne de réunir les volumes appartenant à Sixte IV avec ceux qui viennent de ses prédécesseurs. Un premier inventaire des fonds ainsi réunis est réalisé de mars à mai 1475, et donne le détail des manuscrits. Comme on le sait, nous conservons aujourd'hui non seulement la grande fresque de Melozzo da Forli représentant la fondation de la bibliothèque et la nomination du premier bibliothécaire (cf. cliché), mais aussi une partie des fresque des frères Ghirlandaio et qui décoraient les deux premières salles de la «bibliothèque publique» à la fin du XVe siècle.