Voici un an, nous évoquions ici même «La Forêt des livres», cette manifestation hors du commun organisée dans le tout petit village de Chanceaux, aux portes de Loches. Aujourd’hui, nous la visitons en quelque sorte «de l’intérieur», en venant à Loches par le train spécial Paris-Loches (le seul train direct Paris-Loches de l’année) et en participant à l’événement.
Paris, ce dernier dimanche d’août, gare d’Austerlitz, 7h30 du matin. On circule comme on veut, seules quelques silhouettes se hâtent sur les trottoirs déserts. Puis, pour ne pas avoir à chercher une place, c'est un parking (affreux, souterrain, pratiquement vide). Et voici la gare, où le train n’est pas encore annoncé, ce qui permet un arrêt dans un café, boulevard de l’Hôpital, où se sont fraîchement réfugiés quelques voyageurs (moins frais) débarqués d’un train de nuit.
Le train est somptueux: pullmans et anciens wagons- restaurants, superbement restaurés et dont certains sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques. L’organisation, précise et efficace, reste discrète, ce qui est bien agréable. Chacun a une voiture désignée (bien sûr, le choix dépend en partie de la qualité de l’hôte), mais les places sont libres (même si l’amitié est présente, ou la sympathie, on ne s’assied pas toujours non plus par hasard ici ou là).
Le wagon-restaurant «Riviera» se remplit lentement, de messieurs, parfois d’un certain âge, et de quelques plus rares (du moins dans notre wagon) représentantes du sexe féminin. Charme des élégantes lampes anciennes, des fenêtres à rideaux, des boiseries et du cuivre, des nappes et des couverts, à l’ère du jetable, du plastique et des serviettes en papier. Impression que tout le monde se connaît: des auteurs, certes, mais surtout certains auteurs, ceux qui passent à la radio ou à la télévision, surtout s'ils y tiennent une rubrique -sur la cuisine, sur les jardins et le jardinage, sur l'histoire, sur la littérature... À leurs côtés, des chanteurs qui viennent de publier leurs mémoires, des politiques (qui sont parfois des «locaux») ou anciens politiques (mais est-on jamais un ancien politique?) et même un (très distingué) prince consort. Les mécènes, ceux qui ont contribué à financer la journée, sont aussi là, ainsi que les communicants, et les photographes.
Hiérarchie des reconnaissances: on se fait un petit geste de salut, on s’arrête pour se serrer la main, on s’embrasse, on bavarde un instant, on s’assied pour une conversation plus longue. Pendant le petit déjeuner, on bavarde toujours, puis on lit la presse du week-end (Le Monde, Le Figaro, le JDD), certains s’endorment. L’organisateur passe, dans une superbe veste verte, un participant passera dans un pantalon rouge (il ferait presque penser aux soldats de 1914... si la pochette n’était pas assortie au pantalon).
Dehors, c’est la banlieue qui se déroule à vitesse réduite, avant que le train ne pique à travers la Beauce assiégée par les nuages d’un ciel omniprésent. Le plat-pays du blé, certes, mais où l’on cultive aussi en nombre toutes sortes de poteaux et de mats: poteaux électriques et téléphoniques, lignes à haute tension, éoliennes, sans oublier les vestiges de l’aérotrain, voire les châteaux d’eau et les énormes silos à blé.
Après Orléans, le paysage est plus agréable, puisque l’on domine la rive droite de la Loire –peu importe d’ailleurs, personne ne regarde. Dans le wagon, les téléphones commencent à apparaître, on fait connaissance (pour les «nouveaux», qui semblent de fait assez rares) et, sous couvert de bavarder, on échange des informations, on évoque des projets…
Le déjeuner arrive quand nous dépassons Tours pour nous engager sur la petite ligne de Loches. Encore une quarantaine de minutes, et nous serons devant la gare, avec la charmante vue sur l'Indre et sur le château et alors que le soleil annoncé commence à prendre enfin le dessus sur le temps jusqu’alors presque automnal.
Un court trajet en bus, et c’est Chanceaux, sa «forêt», ses livres et son allée d’écrivains dédicaçant sous les platanes. Dans le village, la foule est là. La «Forêt des livres», cette année encore, sera un succès, et le miracle se reproduit pour la seizième année consécutive: des milliers de visiteurs et de lecteurs, dans ce village isolé et qui, en temps normal, ne compte pas deux cents habitants.
Quant à l'historien, il a fait, certes, un petit peu d'ethnologie, mais il a surtout noué des connaissances, rencontré des lecteurs et passé, lui aussi, un dimanche de fin d'été des plus agréables... avec pour seul regret, celui de ne pouvoir pas cette fois-ci rester davantage en Lochois.
(Clichés FB. Voir d'autres clichés)
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