D'abord, deux remarquables interventions ont rappelé l’ancienneté de la mise par écrit du français, dont le premier texte «littéraire» connu date des années 880 (Marie-Pierre Dion-Turkovics) et qui s’impose comme langue écrite et langue de culture à la cour royale de Jean II (le Bon) et de Charles V, le fondateur de la Bibliothèque royale (Marie-Hélène Tesnière). Il y a là un modèle relativement spécifique en Europe, qui fait de la langue de la cour royale la langue écrite du royaume, puis la langue orale progressivement adoptée par les bourgeoisies des villes principales de celui-ci.
La Renaissance a été envisagée à travers une étude novatrice de la «langue des devises» au XVIe siècle (Monica Breazu), mais aussi à travers la problématique de la stratégie éditoriale des éditeurs vénitiens et lyonnais (Raphaële Mouren). Pourtant, le moment clé de la diffusion du livre français ou en français date bien sûr du XVIIIe siècle, et il s’étendra à bien des égards jusqu’à la première moitié du XXe. Otto Lankhorst et Sabine Juratic évoquaient tous deux la question de la «francophonie» aux Pays-Bas et plus généralement en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Claire Madl étudiait avec précision les catalogues «français» du libraire pragois Gerle, dont les connexions avec Neuchâtel sont les principales, tandis que Luisa López-Vidriero envisageait le rôle de la «francophonie» dans le cas des bibliothèques de cour en Espagne, au premier chef la Bibliothèque royale.
D’autres exemples ont aussi été envisagés, qui éclairent la problématique de l’histoire comparée, et la charge symbolique des écritures (voire le rôle plus complexe qu’on ne croit a priori dévolu à la «mise en livre»), et qui soulignent l’importance d’une contextualisation la plus précise possible: ainsi de l’écriture de Krk/Veglia, en Dalmatie (Daniel Baric). Marisa Midori Deaecto traitait des «liaisons transatlantiques» de la librairie française du XIXe siècle. Enfin, Andrea De Pasquale, le très actif directeur de la Bibliotheca Palatina de Parme, apportait l’exemple exceptionnel des éditions de Bodoni dans des caractères non latins (exoticis linguis). La problématique des "trois révolutions du livre" réapparaissaient avec la conférence consacrée par Catherine Lavenir au problème de la langue face aux nouveaux médias du début du XXIe siècle, et notamment à Internet.
Pour conclure un billet déjà trop long, revenons sur le cas presque idéaltypique des 1001 nuits et de leur traduction roumaine (Carmen Cocea). Peu d’exemples en effet illustrent de manière aussi pertinente la problématique des transferts culturels que celui du recueil de contes arabes, d’abord traduits en français, puis à Venise en italien et en néo-grec, et enfin en roumain -Venise, porte de la Méditerranée orientale s’agissant de la diffusion comme de l’élaboration des textes et des livres jusqu’au début du XXe siècle. Il nous reste à attendre l'édition aussi rapide que possible des Actes du symposium, édition qui contribuera à confirmer Bucarest comme l'un des pôles de la recherche actuelle en histoire du livre, mais qui donnera aussi, plus immédiatement, l'opportunité à chacun de prendre la mesure de la richesse du symposium de 2010.
Clichés: 1) séance d'ouverture; 2) la Faculté de droit, où s'est tenue la séance inaugurale; 3) au fil des séances (Monsieur Andrea De Pasquale, président de séance, présente Madame Lopez Vidriero).
Quelques photos prises au fil du symposium: Histoire du livre à Bucarest
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