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Cliché 1 |
Leipzig a d’abord été un pôle de négoce et de commerce de toute première importance, avec les célèbres foires, avant que la ville ne se tourne de plus en plus vers les activités industrielles à partir de 1830 et jusqu'à la Première Guerre mondiale. Les nouvelles usines sont surtout localisées dans les quartiers périphériques ou, s’agissant de la branche de la «librairie», dans le «quartier des arts graphiques» (graphisches Viertel). Mais la période la plus dynamique s’ouvre avec la fondation de l’Empire, en 1871, même si la montée en puissance de Berlin s’accompagne a contratio d’une concurrence de plus en plus forte de la capitale impériale dans un certain nombre de domaines –à commencer par celui des traditionnelles foires du livre...
Ce dynamisme de l’économie locale et régionale est illustré par les publicités incluses dans les annuaires spécialisés ou non, à commencer par le «Livre des adresses» de la ville (Adressbuch der Stadt Leipzig) que publie des décennies durant la librairie Edelmann, imprimeurs de l’Université.
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Cliché 2 |
Malgré les destructions catastrophiques de 1943, beaucoup d'immeubles (usines, mais aussi maisons d'habitation) représentatifs de la «distinction» des patrons de grandes maisons d’édition et d’imprimerie sont aujourd’hui toujours conservés– même si, en règle générale, ils ont changé de destination.
C. H. Peters est un éditeur de musique important: en 1874, l’architecte du Festspielhaus de Bayreuth, Otto Brückwald, achève un très bel hôtel particulier pour les propriétaires successifs de l’entreprise, Max Abraham et Henri Hinrichsen. La grille d’entrée, qui préfigure peut-être le style art nouveau (Jugendstil), est tout particulièrement élégante et spectaculaire (cliché 1). Non loin de là, la librairie Hirsemannn (Karl Wilhelm Hirsemann) occupe un grand bâtiment, à la réalisation très soignée et dans la décoration duquel les éléments symboliques ne manquent pas.
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Cliché 3 |
Mais nous nous arrêterons un peu plus longuement sur un troisième exemple, celui des imprimeurs et libraires éditeurs Ernst Theodor (1838-1910) et Constantin Georg Naumann (1842-1911): les deux frères, héritiers d'une maison fondée en 1802,
jettent leur dévolu sur un terrain de la
Stephanstrasse, non loin de l'observatoire (
Sternwarte). En 1882-1883, l’architecte Max Bösenberg (1847-1918) y fait élever un grand immeuble dans le style historiciste, à double façade principale, sur trois étages et combles, avec un retour d’angle sur la
Seeburgstraße. La décoration de la façade s’organise symétriquement de part et d’autre d’un grand oriel sur deux étages, lui-même surmonté d’un portrait de Peter Schöffer couronné par Mercure (cliché 2). Le coin donnant sur la
Seeburgstraße est quant à lui surmonté d’un «N» monumental, soit l’initiale des entrepreneurs (cliché 3).
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Cliché 4 |
L’une des caractéristiques de l’esthétique «Art moderne» (puis Jugendstil), réside dans le soin donné à l’association des éléments de la construction elle-même avec ceux de la décoration intérieur. Le porche par lequel on pénètre dans l’immeuble est décoré en style néo-classique, avec peintures et médaillons antiquisants, tandis que les étages sont desservis par deux beaux escaliers, dont celui de gauche exploite bien la localisation dans l’angle en adoptant, contrairement à l’autre, une disposition hélicoïdale. Le travail des boiseries est également très soigné, y compris pour les rampes, les portes des différents appartements, etc.(clichés 4 à 6).
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Cliché 5 |
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Cliché 6 |
Le choix des frères Naumann est celui d’une habitation particulière, dans laquelle un certain nombre d’appartements peut être loué. L’Annuaire (Adressbuch) de 1900 nous donne quelques précisions à cet égard. Au numéro 10, les propriétaires se sont bien évidemment réservé l’étage noble, soit le premier étage sur toute la longueur de l’immeuble (les numéros 10 et 12). Au-dessus, c’est l’appartement d’un rentier («Engelhardt, Privatmann»), tandis que le troisième niveau est occupé par Johann Heinrich August Leskien, philologue et professeur à l’Université. Au numéro 12, le rez-de-chaussée accueille le logement du concierge, également ouvrier-maçon (Maurer), puis la famille d'une institutrice (Lehrerin), qui sont des locataires «privés», et, enfin les bureaux de l’ancienne librairie Giegler (puis Otto Maier). Le premier étage est, comme nous l’avons vu, réservé aux Naumann, tandis que le second abrite l’appartement d’un conseiller au Tribunal de région (Landgerichtsrat), et le troisième, celui d’un autre professeur à l’Université, en la personne de l’historien Erich Marcks.
On le voit, une petite société relativement aisée (voire très aisée dans le cas des éditeurs), appartenant à la «bourgeoisie des talents», et très certainement en majorité (sinon en totalité) luthérienne. Il conviendrait bien sûr de lui joindre une domesticité dont nous ne savons rien. La topographie urbaine rejoint ici l’anthropologie historique, pour souligner l'importance de la mise en scène de cette distinction par le travail et par la tradition familiale (on pensera à Max Weber): l'idée d'élever un bâtiment aussi représentatif, mais d'en tirer dans le même temps un certain revenu locatif, relève de la même logique. En revanche, les localisations sont séparées: l’usine d’imprimerie ainsi que les bureaux et les magasins de la librairie Naumann sont quant à eux établis, certes à proximité immédiate, mais dans la rue transversale (55 et 57 Seeburgstraße).
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