Baudemond rédige la Vie de saint Amand |
Dans le même temps, les anciennes bibliothèques constituées de volumina disparaissent irrémédiablement, au profit de la nouvelle «bibliothèque» formée désormais par le «Livre des livres», la Bible. Bien entendu, nous changeons aussi d’ordre de grandeur (autrement dit, il y a infiniment moins de livres...).
S’agissant de la mise en livre, nous avons aussi souligné, sur ce blog même, la filiation significative entre la pagina du volumen et la «page» du livre en cahiers. Le rouleau apparaît souvent dans l’iconographie comme étant le support «naturel» de la prise de notes, quand l’auteur «inspiré» parle, ou démontre par l’exemple de sa vie: c’est le cas de l’abbé ou du moine rédigeant la vie du saint fondateur (cliché 1), comme ce sera le cas du scribe prenant au vol (... mais aussi du lecteur: cf cliché 2) la poésie de tel ou tel Minnesänger dans le Codex Manesse de Heidelberg (Giuseppe Frasso, Univ. cath. de Milan). Il ne paraîtrait pas déraisonnable de penser que, à l’heure où la forme du livre en cahiers s’est imposée de fait, le rouleau apparaisse comme chargé d’une signification spécifique, voire d’une certaine distinction (le rouleau ne peut pas être réduit à une simple «forme alternative», et plus ou moins transparente).
Le dispositif interne peut-être le plus fréquent s’agissant des rouleaux serait celui du volumen, sur lequel le texte se présente en colonnes successives copiées perpendiculairement à la longueur, quand le rotulus est privilégié pour les documents d’archives. Pensons, par ex., à l’inventaire de la bibliothèque réunie par Charles V dans la tour de la Fauconnerie de son château du Louvre (BNF, ms Baluze, 397). L’inventaire en rouleau a apparemment été préparé pour constituer l’instrument de référence, destiné à être intégré dans le trésor royal, quand les inventaires en codex devaient plutôt servir d’instruments de travail. Les fonds de manuscrits des grandes bibliothèques patrimoniales conservent souvent des pièces qui ont en effet la forme de semblables rouleaux.
Marilena Maniacci (Univ. de Cassino) conduit un travail systématique de recensement et d’analyse comparée des rouleaux aujourd’hui connus –intégrant notamment un certain nombre de rouleaux orientaux, les rouleaux de la Torah et surtout les exemples fournis par la chrétienté occidentale. Ces documents, qui en règle générale portent des textes à caractère religieux, sont en effet justiciables non seulement d’une analyse statistique, mais aussi d’une étude codicologique systématique. Nous découvrons alors que les textes en rouleau se rencontrent en nombre, et jusqu’à une époque très récente, même si l’apogée semble avoir été atteint au XVe siècle, et même s’il n’est pas toujours facile de faire le départ entre un document d’archives et un «livre» au sens large du terme.
Esthétisation de la lecture, dans le Codex Manesse |
Concluons simplement sur le fait que le support du rouleau ne peut que très rarement s’articuler avec la technique de la typographie en caractères mobiles. Même la Chronica chronicarum donnée à Paris pour Jean (II) Petit en 1521 serait plutôt destinée à l’affichage, comme le suggèrent les particularités d’exemplaire (cf cliché 3). Nous ne pouvons réellement que nous féliciter de voir un colloque international d’histoire du livre réserver d’entrée une place importante (la première des ses quatre sessions de travail) à une forme trop généralement négligée par les spécialistes. Le plaisir de la recherche et de l’échange est complet quand, de surcroît, ledit colloque se déroule dans le cadre somptueux du Palazzo Geremia, au cœur de la ville historique de Trente…
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Claire Clivaz