La fondation d’un studium par l’archiduc Albrecht en 1448 prélude à celle de l’université proprement dite, en 1457 (l’autorisation a été donnée par une bulle de Calixte III en date de 1455). Cette «Université de l’Autriche antérieure» constitue un élément de la politique des Habsbourg, mais elle résulte aussi de la volonté de la ville de faire pièce à Bâle. Les privilèges octroyées par les différentes autorités témoignent de cet intérêt (l’université est une corporation bénéficiant d'une complète liberté). Le premier recteur est nommé, en la personne de Matthäus Hummel von Villingen.
À l'entrée de la chapelle de l'Université, dans la cathédrale de Fribourg: la leçon du loup. |
Les protocoles de la Facultés des Arts montrent que très tôt on s’est inquiété d’avoir une bibliothèque. Il faut que tous les étudiants disposent d’un exemplaire du texte faisant l’objet du cours, et des listes des lectures obligatoires sont publiées. Mais en 1461, les exemplaires sont en nombre bien trop insuffisant, de sorte qu'il faut mettre en place un système de prêts en commun permettant d'assurer la rotation des textes à partir des exemplaires possédés par les uns et par les autres.
Il ne peut s’agir là que d’un pis-aller, et il est très vite évident qu’il faut se procurer des exemplaires d'Aristote et d'un certain nombre d’autres auteurs mis au programme. En 1470, les collections commencent à se constituer, et on s’inquiète de leur donner de bonnes conditions de fonctionnement: un local spécifique leur est attribué, où l’on tiendra à disposition la bibliothèque enchaînée, les usuels, tandis que les autres volumes pourront être empruntés. Un bibliothécaire sera désormais désigné tous les ans parmi les magistri Artium: le premier titulaire est Nicolaus Matz, lequel s’emploie aussi à faire des achats (pour un montant total de 61 florins). Le bibliothécaire aura aussi à dresser les deux catalogues, celui de la bibliothèque enchaînée, et celui de la bibliothèque de prêt. Cette année 1470 est ainsi celle de la véritable fondation de la bibliothèque que nous connaissons aujourd'hui.
Les premiers enrichissements semblent surtout venir des dons et des legs: Johannes v. Westhausen lègue des livres en 1469, Johannes Graf l’imite l’année suivante, et les dons se poursuivent au XVe siècle, avec la bibliothèque juridique de Ulrich Rotpletz léguée en 1495. Wimpheling a quitté Fribourg dès 1469 pour passer sa maîtrise à Heidelberg deux ans plus tard, mais il revient à Fribourg en 1504 et promet alors de léguer à la bibliothèque des Arts son exemplaire des Œuvres d’Aristote. Le volume, toujours conservé (Ink. 261) porte la mention: Facultatis Artium Bybliotece Gymnasii Friburgn legavit Ja Wymphe de Slestadt. Les achats sont beaucoup rares, qui concernent surtout des titres publiés à Strasbourg ou à Mayence: le premier exemple connu concerne l’achat des Lettres de saint Jérôme et de la Cité de Dieu, en 1469.
La collection, ouverte aux membres des autres facultés, n’est pourtant pas accessible à tous, mais seulement aux titulaires du grade de magister. Pour autant, les personnalités en vue peuvent jouir de dérogations étonnantes: Jacob Locher, le futur traducteur du Narrenschiff, demande ainsi, en 1495, à emprunter un exemplaire de Pline qui fait partie des livres enchaînés. L’autorisation est accordée, mais la Faculté s’inquiète encore, quatre ans plus tard, de récupérer son volume, en écrivant à Locher, lequel est alors à Ingolstadt. Il l’a pourtant probablement rendu, en définitive, puisque Pline est à nouveau au programme en 1503. L’exemplaire est peut-être celui conservé aujourd’hui (Ink. 2925)…
Le travail de recherche conduit tout récemment par Franziska Schaudeck permet ainsi d’approcher de la manière la plus heureuse les origines d’une grande bibliothèque universitaire, à partir des sources d’archives (surtout les archives de l’Université), mais aussi des exemplaires éventuellement conservés. Il ne peut que faire regretter que l’on ne dispose pas de dossiers analogues constitués pour un certain nombre d’autres établissements de grande tradition historique.
Franziska Schaudeck, «Die Geschichte des Buchbestands der jungen Freiburger Universität (1460-1500)», dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 159 (2011), p. 285-353.
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