Le château d'été des Liechstenstein à Lednice (Eisgrub) |
Le statut spécifique du Liechtenstein est évident si l’on considère que cet État a pour nom celui de sa famille régnante: le château de Liechtenstein, d’où vient le nom au XIIe siècle, est situé non pas dans la principauté, mais en Basse-Autriche, non loin de la Forêt Viennoise (Wienerwald).
Car l’histoire du Liechtenstein est d’abord l’histoire d’une famille, dont l’ascension décisive date des XVIIe et XVIIIe siècles. Lorsque la Diète de Bohème appelle sur le trône l’électeur palatin, calviniste, Frédéric V, c’est la rupture avec l’empereur. Les révoltés sont cependant écrasés à la bataille de la Montagne Blanche (1620): la reprise en main passe par la mise à l’écart des grandes familles compromises, remplacées par des fidèles de l’empereur, ainsi que par une reconquête catholique dès lors systématiquement conduite. Cette nouvelle haute noblesse est internationale, de sorte que ses bibliothèques aussi seront des bibliothèques, certes catholiques, mais surtout plus généralement européennes que bohémiennes ou moraves.
C'est un euphémisme que de dire que les Liechtenstein figurent parmi les principaux bénéficiaires du nouveau cours politique: Karl von Liechtenstein est nommé gouverneur de Bohème, il préside la commission chargée des confiscations après 1620 et c’est lui qui fait exécuter les meneurs de l’opposition à l’empereur. Rien d’étonnant si la famille est bientôt à la tête de domaines considérables, en Bohème, Moravie, Basse-Autriche, Styrie, etc. –au total, plusieurs milliers de kilomètres carrés, des dizaines de châteaux, de villes, de bourgs et de villages, sans compter les palais de Prague et de Vienne.
Palais Liechtenstein, Prague |
Bien évidemment, ces différentes résidences ont possédé et possèdent encore des collections d’art et des bibliothèques qui ont parfois été très riches: le catalogue des Liechtenstein a été publié par Johann Bohatta à Vienne en 1931, en trois volumes. À Vienne précisément, la bibliothèque remonte à Hartmann II von Liechtenstein († 1585), qui possédait quelque 230 titres à son décès. À Eisgrub, le prince Aloïs Joseph II († 1858) et son fils Johann II († 1929) réorganisent la bibliothèque: une partie sera déménagée en 1943, une partie détruite, et le reste confisqué, avec le domaine, par la Tchécoslovaquie en 1945. Ce qui est conservé aujourd’hui représente environ 6700 volumes, datant pour l’essentiel du XIXe siècle, avec comme points forts les beaux-arts, l’architecture, mais aussi les arts militaires et l’agronomie.
À Prague, le palais Liechtenstein abrite aujourd’hui le conservatoire national de musique. À Vienne enfin, la somptueuse bibliothèque est conservée, et toujours ouverte à la visite.
Au Palais Liechtenstein à Vienne: la bibliothèque (© palaisliechtenstein.com) |
Après l’épisode tragique de la guerre de Trente ans, les «bibliothèques de château» sont pour l’essentiel conservées, jusqu’aux confiscations tchécoslovaques des années 1945 et 1948 –encore certaines restent-elles alors sur place. C’est le service des «Bibliothèques de château», auprès du Musée national à Prague, qui le plus souvent sera chargé de leur gestion, puis de leur restitution après la chute du Mur de Berlin. Ces événements sont parfois toujours à l’origine de contestations juridiques, comme… entre la République tchèque et le Liechtenstein à propos des domaines de Moravie du sud. Bref, quand d’aventure on passe par le Liechtenstein, ou par la République tchèque, on visite effectivement une page de l’histoire européenne qui intéresse très directement l’historien du livre.
Outre les notices figurant dans le répertoire de Bernhard Fabian, voir : Evelin Oberhammer, « Die fürstlich Liechtensteinische Fideikommisbibliothek », dans Archives et bibliothèques de Belgique, LXIII, 1992, p. 181-189.
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