Le 54e colloque annuel du Centre d’études supérieures de la Renaissance est consacré aux passeurs de texte et, de manière en définitive prévisible, il a donné l’occasion de revenir sur la problématique du «livre machine»: comment le livre (entendons, l’écrit, ou de manière plus restrictive l’imprimé) fonctionne-t-il aussi comme une «prothèse» externalisée susceptible (ou non) de démultiplier les capacités de l’esprit humain? (cliché : une pause dans la cour du CESR).
Le colloque n’avait pas à s’arrêter sur la dimension proprement sémiologique qui est à la base de ce questionnement: le langage articulé est usuellement considéré comme le propre de l’hominisation, et il introduit à un système de représentations de plus en plus complexe. La discussion sur le statut des signifiants (des mots) et des signifiés (les concepts désignés par les mots) a occupé les penseurs au moins depuis l'Antiquité grecque et tout au long du Moyen Âge.
La transcription du mot oralisé sous une forme écrite introduit un autre niveau de codage, dont la typologie varie selon la nature de l’articulation entre l’oreille et l’œil: l’écriture par idéogrammes transcrit directement le signifié, sans tenir compte de la prononciation du signifiant. Par suite, comme cela se passe entre les Chinois et les Japonais, deux locuteurs de langues différentes peuvent lire un même texte, mais ils ne peuvent pas parler entre eux. L’écriture alphabétique au contraire transcrit non pas le signifié, mais le signifiant oralisé: du coup, il est possible à quelqu’un d’alphabétisé de lire tous les textes dans une écriture qu’il connaît, mais sans nécessairement les comprendre.
Le système alphabétique présente deux caractéristiques capitales: d’une part, il constitue un code particulièrement efficace, puisqu’un très petit nombre d’éléments (généralement vingt à trente lettres) permet de transcrire pratiquement tous les discours possibles. Plus facile à assimiler qu’une écriture idéographique mobilisant des milliers de signes spécifiques (par exemple les hiéroglyphes), il est plus propice à la diffusion de l’écriture dans la société, donc à une forme large de participation, voire à la démocratie.
Dans les civilisations anciennes (Égypte, Mésopotamie) ou en Extrême-Orient, l’écriture est comme confisquée par un groupe de professionnels, les scribes, alors que les promoteurs de l’alphabet occidental, les Grecs, sont précisément aussi les inventeurs de la démocratie. Précisons qu’il ne s’agit pas ici, pour l’historien, d’établir un lien de causalité, mais bien de repérer un champ de possibilité. On voit comment les caractéristiques propres de l’écriture débouchent nécessairement sur l’étude non seulement de ses supports et de ses usages, mais aussi sur une problématique de sociologie et de sociologie culturelle qui est précisément celle envisagée par le colloque sur les «passeurs» (ci-contre: l’apôtre au travail, ms grec conservé à la Palatina de Parme).
Le deuxième ordre de réflexions concerne la pensée philosophique. Nous avons montré (dans L’Europe de Gutenberg) comment la lecture oralisée dominante occultait largement, jusqu’au XIIe siècle, l’existence du «triangle sémiotique» (le concept, le signifié (la chose, res), le signifiant). Au contraire, la lecture silencieuse favorise une réflexion sur la théorie du signe, puis du discours, en introduisant un troisième, voire un quatrième terme: le concept, le signifié, le signifiant (le mot, vox) et sa transcription. Nous entrons dans le monde de la médiation et de la représentation, dans lequel la réflexion et la manipulation d’objets virtuels (les mots et les discours) non seulement constituent la connaissance, mais orientent ses applications pratiques.
Pour l’historien du livre, les rapports entre le média (le livre, puis la collection de livres), les pratiques de lecture et de travail intellectuel, et jusqu’à la réflexion la plus abstraite, se déploient dans une logique dialectique: d’une part, les besoins et les pratiques des lecteurs déterminent la structure des textes et des livres –c’est, toujours pour l’historien du livre, la double problématique de la mise en livre et de la mise en texte. Mais inversement, les caractéristiques du média encadrent nécessairement, à un certain moment de l’histoire, ses usages possibles, et donc, d’une certaine manière, le travail intellectuel (ci-contre: la «presse ascencienne» met en scène la nouvelle économie du média).
Envisager la trajectoire de ces processus à travers les changements profonds qui se produisent dans le «petit monde du livre», notamment au XVe siècle avec l’invention de la typographie en caractères mobiles, tel est l’un des enjeux de la recherche actuelle. Et, pour en revenir au colloque de Tours, le statut et le rôle des passeurs, voire leur sociologie, sont nécessairement déplacés par les transformations de l’«économie» de l’écrit et du livre entre les XIVe et XVIe siècles. L’actualité de cette problématique très large est évidente, à l’heure où s’impose la «troisième révolution du livre», celle des nouveaux médias, et où nous sortons de plus en plus de l’environnement gutenbergien tel qu’il a fonctionné durant des siècles dans les civilisations occidentales.
Note bibliogr:
Voir aussi sur ce blog la note sur «l’esprit et la lettre».
Frédéric Barbier, « Le texte et l’image : quelques observations sur le livre imprimé à l’aube de la période moderne », dans La Gravure et l’histoire. Les livres illustrés de la Renaissance et du baroque à la conquête du passé, dir. Sandra Costa, Grenoble, CRTHIPA, 2010, p. 9-33.
Frédéric Barbier, « L’imprimé et le virtuel », à paraître dans les Actes du colloque de Lyon/ Villeurbanne, 2008.
Frédéric Barbier, «Les codes, le texte et le lecteur », dans La Codification : perspectives transdisciplinaires, dir. Gernot Kamecke, Jacques Le Rider, diff. Genève, Librairie Droz, 2007, p. 43-71. (« Études et rencontres du Collège doctoral européen EPHE- TU Dresden », 3).
Frédéric Barbier, « Discours rapporté, citation, référence », dans Texte. Revue de critique et de théorie littéraire, 31/32, [Toronto], 2002, 57-87.
mercredi 29 juin 2011
samedi 25 juin 2011
Les prototypographes, ou les conditions du succès
Nous ne savons pratiquement rien de l’atelier de Gutenberg, le premier à avoir produit des imprimés à Mayence dans la décennie 1450, et nous savons en définitive assez peu de choses précises sur le second atelier mayençais, celui de Johann Fust et de son gendre Peter Schoeffer. Mais nous savons que ces ateliers fonctionnent en effet sur le principe du secret: la connaissance de la technique nouvelle assure la fortune des premiers maîtres-imprimeurs, et on peut bien penser que, dans les documents contractuels qu’ils sont amenés à passer avec les uns et les autres, la clause de la confidentialité figure en bonne place (comme c’est le cas dans les actes notariés concernant Waldvogel à Avignon).
Pourtant, à échéance d’une décennie, la conjoncture change et l’imprimerie commence à essaimer, d’abord en Allemagne, puis à Subiaco, Rome et Paris (1470). On a coutume de rapporter le fait à la chute de Mayence aux mains de l’archevêque Adolphe de Nassau, en 1462: la prise de la ville est suivie de son pillage, et les premiers compagnons formés dans les ateliers mayençais partent chercher du travail au loin.
Faute d’éléments concrets, nous restons dans l’ordre de l’hypothèse, mais la concordance des dates, et le cas échéant de rares indications fournies par les sources, ont fait admettre qu’un certain nombre d’imprimeurs commençant à travailler dans la décennie 1460 aurait été formé à Mayence. Les uns réussissent à s’établir durablement: c’est le cas d’Ulrich Zell (Zel), qui imprime à Cologne vers 1465, certainement en 1466, et pour lequel l’ISTC donne près de 200 références; de même pour Berthold Ruppel, à Bâle à compter de 1468 –mais on cite encore Bernhard Richel (Rihel), dans la même ville, en 1474. Ruppel vient de Hanau et apparaît dans le «dossier Gutenberg» sous le nom de Bechtolff von Hanauwe.
D’autres noms pourraient encore être cités, dont peut-être ceux de Nicolas Jenson et de Johann de Westphalie à Venise (cf. bibliographie infra).
Pour d’autres anciens compagnons, la réussite est plus problématique, l’exemple le plus célèbre étant celui Johann Neumeister. Né à Treysa (au nord de Marbourg), Neumeister est inscrit en 1454 à l’université Erfurt, où Gutenberg a lui aussi été formé, puis il travaille comme typographe à Mayence. Mais le voici, après 1462, sur les routes du sud, exerçant peut-être à Bâle et à Rome, mais surtout à Foligno en 1469 – prototypographe de la ville, il y donnera en 1472 la première édition de la Divine comédie de Dante.
Les difficultés financières s’accumulent pourtant, et Neumeister doit rentrer à Mayence, où il est connu comme maître imprimeur en 1479, à nouveau sans pouvoir s’y maintenir. En 1481, nous le retrouvons à Lyon, sans doute arrivé par la route de Bâle, avant qu’il ne soit appelé comme prototypographe à Albi, où il travaille à des commandes de l’évêque Lerico. Sa dernière étape le ramène à Lyon, peut-être à la demande de l’archevêque Charles de Bourbon (1482-1483): il y donne, en 1487, un magnifique Missel romain, et il imprime aussi le Bréviaire de Vienne.
Mais Neumeister ne réussit pas à préserver son indépendance: en définitive, il devra à nouveau servir comme compagnon imprimeur à Lyon, d’abord chez son compatriote Gaspard Ortuin, peut-être chez Guillaume Balsarin, enfin chez un autre Allemand Michel Topié. Il mourra sans fortune, sans doute à Lyon, vers 1512.
On peut s’interroger sur la confrontation de destins aussi divergents. La réussite des premiers noms que nous avons cités est, pour nous, à rapporter à deux éléments: d’une part, l’engagement de moyens financiers significatifs, apportés par des investisseurs intéressés à exploiter la typographie en caractères mobiles. Le second élément concerne le marché: les ateliers qui s'imposent travaillent de manière moderne, pour un lectorat potentiel plus ou moins anonyme, auquel ils destinent leur production. L’opposition est fondamentale, entre les «gagne-petit», dépourvus de soutiens financiers et travaillant «à la commande», et les autres, qui bénéficient du soutien de puissants réseaux et qui travaillent pour le «marché». De la commande au marché, tel est l'enjeu de ces premières et spectaculaires réussites dans notre petit monde du livre. Ajoutons que l'étude des prototypographes montre aussi dans quelle mesure le concept de réseaux pourrait s'en trouver quelque peu réhabilité en histoire du livre.
Note bibliographique : on connaît le dossier de Nicolas Jenson, mais Johann de Wetsphalie aurait pu lui aussi séjourner à Mayence, selon l’hypothèse de Marino Zorzi (Aldo Manuzio e l’ambiente veneziano, 1494-1515, Venezia, 1994, p. 13). Sur Neumeister: Anatole Claudin, Les Origines de l’imprimerie à Albi en Languedoc (1480-1484): les pérégrinations de J. Neumeister, Paris, 1880. Cornelia Schneider, «Mainzer Drucker, Drucker in Mainz (II)», dans Gutenberg: Aventur und Kunst, Mainz, 2000, p. 226-229 et 379-384 (donne la bibliographie la plus récente). Incunables albigeois. Les ateliers d’imprimerie de l’Aeneas Sylvius (av. 1475- c. 1480) et de Jean Neumeister (1481-1483), dir. Mathieu Desachy, Rodez, Éd. du Rouergue, 2005.
Pourtant, à échéance d’une décennie, la conjoncture change et l’imprimerie commence à essaimer, d’abord en Allemagne, puis à Subiaco, Rome et Paris (1470). On a coutume de rapporter le fait à la chute de Mayence aux mains de l’archevêque Adolphe de Nassau, en 1462: la prise de la ville est suivie de son pillage, et les premiers compagnons formés dans les ateliers mayençais partent chercher du travail au loin.
Faute d’éléments concrets, nous restons dans l’ordre de l’hypothèse, mais la concordance des dates, et le cas échéant de rares indications fournies par les sources, ont fait admettre qu’un certain nombre d’imprimeurs commençant à travailler dans la décennie 1460 aurait été formé à Mayence. Les uns réussissent à s’établir durablement: c’est le cas d’Ulrich Zell (Zel), qui imprime à Cologne vers 1465, certainement en 1466, et pour lequel l’ISTC donne près de 200 références; de même pour Berthold Ruppel, à Bâle à compter de 1468 –mais on cite encore Bernhard Richel (Rihel), dans la même ville, en 1474. Ruppel vient de Hanau et apparaît dans le «dossier Gutenberg» sous le nom de Bechtolff von Hanauwe.
D’autres noms pourraient encore être cités, dont peut-être ceux de Nicolas Jenson et de Johann de Westphalie à Venise (cf. bibliographie infra).
Pour d’autres anciens compagnons, la réussite est plus problématique, l’exemple le plus célèbre étant celui Johann Neumeister. Né à Treysa (au nord de Marbourg), Neumeister est inscrit en 1454 à l’université Erfurt, où Gutenberg a lui aussi été formé, puis il travaille comme typographe à Mayence. Mais le voici, après 1462, sur les routes du sud, exerçant peut-être à Bâle et à Rome, mais surtout à Foligno en 1469 – prototypographe de la ville, il y donnera en 1472 la première édition de la Divine comédie de Dante.
Les difficultés financières s’accumulent pourtant, et Neumeister doit rentrer à Mayence, où il est connu comme maître imprimeur en 1479, à nouveau sans pouvoir s’y maintenir. En 1481, nous le retrouvons à Lyon, sans doute arrivé par la route de Bâle, avant qu’il ne soit appelé comme prototypographe à Albi, où il travaille à des commandes de l’évêque Lerico. Sa dernière étape le ramène à Lyon, peut-être à la demande de l’archevêque Charles de Bourbon (1482-1483): il y donne, en 1487, un magnifique Missel romain, et il imprime aussi le Bréviaire de Vienne.
Mais Neumeister ne réussit pas à préserver son indépendance: en définitive, il devra à nouveau servir comme compagnon imprimeur à Lyon, d’abord chez son compatriote Gaspard Ortuin, peut-être chez Guillaume Balsarin, enfin chez un autre Allemand Michel Topié. Il mourra sans fortune, sans doute à Lyon, vers 1512.
On peut s’interroger sur la confrontation de destins aussi divergents. La réussite des premiers noms que nous avons cités est, pour nous, à rapporter à deux éléments: d’une part, l’engagement de moyens financiers significatifs, apportés par des investisseurs intéressés à exploiter la typographie en caractères mobiles. Le second élément concerne le marché: les ateliers qui s'imposent travaillent de manière moderne, pour un lectorat potentiel plus ou moins anonyme, auquel ils destinent leur production. L’opposition est fondamentale, entre les «gagne-petit», dépourvus de soutiens financiers et travaillant «à la commande», et les autres, qui bénéficient du soutien de puissants réseaux et qui travaillent pour le «marché». De la commande au marché, tel est l'enjeu de ces premières et spectaculaires réussites dans notre petit monde du livre. Ajoutons que l'étude des prototypographes montre aussi dans quelle mesure le concept de réseaux pourrait s'en trouver quelque peu réhabilité en histoire du livre.
Note bibliographique : on connaît le dossier de Nicolas Jenson, mais Johann de Wetsphalie aurait pu lui aussi séjourner à Mayence, selon l’hypothèse de Marino Zorzi (Aldo Manuzio e l’ambiente veneziano, 1494-1515, Venezia, 1994, p. 13). Sur Neumeister: Anatole Claudin, Les Origines de l’imprimerie à Albi en Languedoc (1480-1484): les pérégrinations de J. Neumeister, Paris, 1880. Cornelia Schneider, «Mainzer Drucker, Drucker in Mainz (II)», dans Gutenberg: Aventur und Kunst, Mainz, 2000, p. 226-229 et 379-384 (donne la bibliographie la plus récente). Incunables albigeois. Les ateliers d’imprimerie de l’Aeneas Sylvius (av. 1475- c. 1480) et de Jean Neumeister (1481-1483), dir. Mathieu Desachy, Rodez, Éd. du Rouergue, 2005.
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mercredi 22 juin 2011
"Et maintenant ils pourront estancher leur soif à la fontaine de Dole": un imprimeur de la fin du XVIe siècle à propos de son installation
Dole est une ville d'importance relativement moyenne, mais qui réunit du XVe au XVIIe siècle un certain nombre d'institutions propres à une capitale, et donc susceptibles d'alimenter les activité de l'écriture et du livre. En tant que capitale de la Comté de Bourgogne (alias la Haute-Bourgogne, par-delà la Saône), Dole abrite en effet l'université, le Parlement et l'administration centrale de la Comté, la Monnaie, outre bien évidemment le Magistrat municipal, etc. Les maisons des Capucins et le Collège Saint-Jérôme, la présence de juristes et d'administrateurs, mais aussi d'une bourgeoisie négociante active, sont autant d'éléments qui expliquent la précocité et la profondeur de la civilisation livresque.
Cette richesse n'est pas nécessairement corrélée avec l'installation d'une ou de plusieurs imprimeries actives: comme dans le nord de la France actuelle, il est très facile de se procurer des imprimés en Suisse (Bâle...), en Allemagne du Sud et en Alsace (Strasbourg), à Lyon, voire à Paris, de sorte que Dole ne connaît au XVe siècle qu'un atelier épisodique: celui de Peter Metlinger, qui y donne une importante édition des Coutumes de Bourgogne en 1490.
L'imprimerie ne réapparaît ensuite que dans une tout autre conjoncture. Au XVIe siècle, la Comté jouxte des territoires passés à la Réforme luthérienne ou calviniste, de Montbéliard à la Suisse francophone, et devient elle-même un des pôles de la Contre-Réforme. Disciple d'Ignace de Loyola, Edmond Auger prêche le Carême à Dole en 1579, et la ville s’efforce dès lors de favoriser l’implantation d’un collège. Elle cède d’abord aux jésuites son propre Collège de grammaire, de sorte que ceux-ci peuvent ouvrir leur maison en 1582. Le succès est immédiat: au début du XVIIe siècle, le collège compte 13 classes et 800 élèves (1616), dans un complexe immobilier nouveau, caractérisé par son célèbre «arc». Une chapelle est érigée en 1601, et agrandie d’un porche en 1605 (cf. cliché).
C’est en liaison avec le collège jésuite que le premier imprimeur permanent est appelé à Dole en 1587: le Lyonnais Antoine Dominique, né et formé à Lyon, obtient en effet le soutien financier de la ville pour s'établir. Il inaugure son travail par l'impression d'un Advis du Jappon des années MDLXXXII, LXXXIII et LXXXIV (relations des missionnaires jésuites en Extrême-Orient) publié en 1587. De manière très intéressante, l'ouvrage s'ouvre par deux pages adressées par l'imprimeur au lecteur (cf. cliché: exemplaire de la Médiathèque de Dole), dans lesquelles il rappelle les conditions de son installation et dévoile ses projets. Ce texte intéressant directement l'historien du livre, est imprimé dans une élégante italique que Dominique s'est procurée à Lyon: nous le publions ci-après, en conservant scrupuleusement l'orthographe et la ponctuation originales.
«L’imprimeur au Lecteur, Salut. /
PVisque il à pleu à Dieu & à la Court sou- / veraine, ami Lecteur, qu’en ce Conté de / Bourgogne, il y eut imprimerie pour ob- / vier à tant d’inconueniens qu’on experi- / mente de iour à autre touchant la fourniture des liuvres / nécessaires pour la ieunesse, qui est instruite en divers / quarties d’icelluy, nommement en la ville de Dole, ou / aborde si grand nombre d’escoliers mesme depuis la / venue des Peres Iesuistes, qu’on est en grand peine de / trouuer les liures qu’il y fault lire, & ceux qu’o [sic] y trouue / les acheter bien chereme[n]t : ie me suis resolu d’entrepren- / dre ce chef d’œuure peu de iours y-a : & pour cest effect / me suis transporté en la ville de Lyon, pour y faire pro- / uision de toutes choses nécessaires a y donner heureux / commenceme[n]t a l’honneur & gloire de Dieu : qui a cou- / stume de fauoriser ceux qui travaille[n]t de bon cœur pour / le bien public. Et d’autant plus ardemment m’a esté / accordée l’entreprise, qu’on à veu à l’œil & comme / touché au doigt l’honneur & le lustre que receura a tout ce / pays par le moyen de l’imprimerie : voire le profit, pour / le meilleur marché delà denrée, & la commodité qu’il / y aura de cueillir dans son propre pays, ce qu’il failloit aller mendier ailleurs. Et d’autant que i’espere que le / progrez en sera mellieur, si la premiere presse sera bien / tirée, ce qu’aduiendra si elle rencontre un subiect qui / touche de plus pres l’honneur de Dieu, qui ne peut fail- / lir d’estre aggreable à un peuple bien Catholique : il m’a semble bon d’employer ma premiere sueur à imp- / primer les nouuelles les plus fresches du Iappon, m’as / seurant qu’elles seront tresbien receuës par tout ce Con- //
té comme elles sont par toute la Chrestienté, mesmes de / ceux qui prennent plaisir a ouyr les choses qui tournent à / l’advancement de la foy Catholique, du salut des ames, & de l’honneur de Dieu, & qui pourront par ce moyen / s’echauffer à mieux seuir & honorer celuy qui les à / tant chéris, qu’il les à tousiours assisté par un Prince si / Catholique, & les à défendus & preserues des attain- / ctes des ennemis de Dieu & de l’Eglise. Ioinct aussi que / plusieurs ont-ia faict instance d’estre participant de / ces nouuelles à qui on n’a peu satisfaire pour n’en auoir le moyen : & maintenant ils pourront esta[n]cher leur soif / à la fontaine de Dole, qui ruisselera son eau par tout le / pays. Que si ie voy ami Lecteur que tu ayes prins plai- / sir à ce petit commencement : apres avoir mis la main à / d’aultres choses qui sont propres des escholes, ie tasche / rayn si ie puis de recouurer les aultres choses memora- / bles & lettres escrites des Indes & du Iappon, des le / temps que lesdicts Peres Iesuistes y ont mis le pied, pour / t’en faire part. Prens donc ceste entrée d’aussi bon / cueur que ie te la presente, & me donne courage, de fai- / re tousiours renommer ta patrie de sorte que le renom / en demeure éternellement.»
NB: présentation de la séance foraine de Dole, 24 juin 2011.
Cette richesse n'est pas nécessairement corrélée avec l'installation d'une ou de plusieurs imprimeries actives: comme dans le nord de la France actuelle, il est très facile de se procurer des imprimés en Suisse (Bâle...), en Allemagne du Sud et en Alsace (Strasbourg), à Lyon, voire à Paris, de sorte que Dole ne connaît au XVe siècle qu'un atelier épisodique: celui de Peter Metlinger, qui y donne une importante édition des Coutumes de Bourgogne en 1490.
L'imprimerie ne réapparaît ensuite que dans une tout autre conjoncture. Au XVIe siècle, la Comté jouxte des territoires passés à la Réforme luthérienne ou calviniste, de Montbéliard à la Suisse francophone, et devient elle-même un des pôles de la Contre-Réforme. Disciple d'Ignace de Loyola, Edmond Auger prêche le Carême à Dole en 1579, et la ville s’efforce dès lors de favoriser l’implantation d’un collège. Elle cède d’abord aux jésuites son propre Collège de grammaire, de sorte que ceux-ci peuvent ouvrir leur maison en 1582. Le succès est immédiat: au début du XVIIe siècle, le collège compte 13 classes et 800 élèves (1616), dans un complexe immobilier nouveau, caractérisé par son célèbre «arc». Une chapelle est érigée en 1601, et agrandie d’un porche en 1605 (cf. cliché).
C’est en liaison avec le collège jésuite que le premier imprimeur permanent est appelé à Dole en 1587: le Lyonnais Antoine Dominique, né et formé à Lyon, obtient en effet le soutien financier de la ville pour s'établir. Il inaugure son travail par l'impression d'un Advis du Jappon des années MDLXXXII, LXXXIII et LXXXIV (relations des missionnaires jésuites en Extrême-Orient) publié en 1587. De manière très intéressante, l'ouvrage s'ouvre par deux pages adressées par l'imprimeur au lecteur (cf. cliché: exemplaire de la Médiathèque de Dole), dans lesquelles il rappelle les conditions de son installation et dévoile ses projets. Ce texte intéressant directement l'historien du livre, est imprimé dans une élégante italique que Dominique s'est procurée à Lyon: nous le publions ci-après, en conservant scrupuleusement l'orthographe et la ponctuation originales.
«L’imprimeur au Lecteur, Salut. /
PVisque il à pleu à Dieu & à la Court sou- / veraine, ami Lecteur, qu’en ce Conté de / Bourgogne, il y eut imprimerie pour ob- / vier à tant d’inconueniens qu’on experi- / mente de iour à autre touchant la fourniture des liuvres / nécessaires pour la ieunesse, qui est instruite en divers / quarties d’icelluy, nommement en la ville de Dole, ou / aborde si grand nombre d’escoliers mesme depuis la / venue des Peres Iesuistes, qu’on est en grand peine de / trouuer les liures qu’il y fault lire, & ceux qu’o [sic] y trouue / les acheter bien chereme[n]t : ie me suis resolu d’entrepren- / dre ce chef d’œuure peu de iours y-a : & pour cest effect / me suis transporté en la ville de Lyon, pour y faire pro- / uision de toutes choses nécessaires a y donner heureux / commenceme[n]t a l’honneur & gloire de Dieu : qui a cou- / stume de fauoriser ceux qui travaille[n]t de bon cœur pour / le bien public. Et d’autant plus ardemment m’a esté / accordée l’entreprise, qu’on à veu à l’œil & comme / touché au doigt l’honneur & le lustre que receura a tout ce / pays par le moyen de l’imprimerie : voire le profit, pour / le meilleur marché delà denrée, & la commodité qu’il / y aura de cueillir dans son propre pays, ce qu’il failloit aller mendier ailleurs. Et d’autant que i’espere que le / progrez en sera mellieur, si la premiere presse sera bien / tirée, ce qu’aduiendra si elle rencontre un subiect qui / touche de plus pres l’honneur de Dieu, qui ne peut fail- / lir d’estre aggreable à un peuple bien Catholique : il m’a semble bon d’employer ma premiere sueur à imp- / primer les nouuelles les plus fresches du Iappon, m’as / seurant qu’elles seront tresbien receuës par tout ce Con- //
té comme elles sont par toute la Chrestienté, mesmes de / ceux qui prennent plaisir a ouyr les choses qui tournent à / l’advancement de la foy Catholique, du salut des ames, & de l’honneur de Dieu, & qui pourront par ce moyen / s’echauffer à mieux seuir & honorer celuy qui les à / tant chéris, qu’il les à tousiours assisté par un Prince si / Catholique, & les à défendus & preserues des attain- / ctes des ennemis de Dieu & de l’Eglise. Ioinct aussi que / plusieurs ont-ia faict instance d’estre participant de / ces nouuelles à qui on n’a peu satisfaire pour n’en auoir le moyen : & maintenant ils pourront esta[n]cher leur soif / à la fontaine de Dole, qui ruisselera son eau par tout le / pays. Que si ie voy ami Lecteur que tu ayes prins plai- / sir à ce petit commencement : apres avoir mis la main à / d’aultres choses qui sont propres des escholes, ie tasche / rayn si ie puis de recouurer les aultres choses memora- / bles & lettres escrites des Indes & du Iappon, des le / temps que lesdicts Peres Iesuistes y ont mis le pied, pour / t’en faire part. Prens donc ceste entrée d’aussi bon / cueur que ie te la presente, & me donne courage, de fai- / re tousiours renommer ta patrie de sorte que le renom / en demeure éternellement.»
NB: présentation de la séance foraine de Dole, 24 juin 2011.
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lundi 20 juin 2011
Colloque d'histoire du livre à Tours
Le LIVe Colloque International d’Études Humanistes aura lieu à Tours (Centre d'études supérieures de l'humanisme et de la Renaissance) du 27 juin au 1er juillet prochain. Son thème se rattache directement à l'histoire du livre:
Un « passeur » a pour mission de faire franchir un obstacle, de transporter, de façon plus ou moins licite ou clandestine, quelqu’un ou quelque chose –en l’occurrence un texte, nécessairement incarné dans une matérialité, celle que lui donne en particulier le livre, manuscrit ou imprimé. Dans la mesure où, à la Renaissance, c’est par les textes que circulent et se transmettent les nouveaux savoirs, qu’ils soient issus de découvertes empiriques (Nouveau Monde notamment) ou de la redécouverte des textes antiques, il peut être fructueux de revenir sur les questions suivantes: comment et sous quelle forme ces textes ont-ils circulé? Comment ont-ils pu franchir les frontières géographiques, mais aussi les barrières linguistiques ou mentales? Quels itinéraires ont-ils empruntés, et quel a été leur impact sur le public européen? Quels ont été les acteurs, les transmetteurs, les passeurs de ces textes divers? Pourquoi et comment ont-ils joué ce rôle?
Dans le prolongement de la réflexion engagée, à l’occasion du colloque international intitulé Passeurs de textes: imprimeurs et libraires à l’âge de l’Humanisme (CESR / École des Chartes, avec la collaboration de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et du Musée de la maison d’Érasme, Paris, 30-31 mars 2009), sur les protagonistes de la transmission des savoirs à la Renaissance, ce nouveau volet se propose d’élargir l’enquête à un spectre plus large, qui engloberait non seulement les imprimeurs et les libraires, mais également les voyageurs et les colporteurs, les savants, les
philologues et les traducteurs. Il s’avère en effet que de multiples érudits, collectionneurs, artistes et artisans ont contribué, à l’intérieur comme à l’extérieur des ateliers des libraires, à la circulation des textes, façonnant
peu à peu le patrimoine commun de la culture de la Renaissance.
Tous ces acteurs du livre, en dépit de leurs différences, voire de leurs divergences, partagent le geste commun du «passeur», qui met à disposition du public, parfois à grands frais et à grands risques, un texte susceptible de participer à la culture renouvelée qui s’élabore alors.
Véritables médiateurs, ils apparaissent autant comme ceux qui construisent ou recueillent un héritage (textes nouveaux ou textes anciens remis en lumière, traduits, commentés) que comme ceux qui le transmettent. Passer le savoir, c’est produire ces objets par lesquels le savoir se donne ; c’est en permettre la circulation sociale, culturelle, géographique. Alors que le premier volet de la réflexion questionnait le rapport de ces passeurs à l’humanisme, ce colloque aurait l’ambition d’interroger, loin de toute tentation purement biographique, le statut de ces «passeurs de textes», acteurs souvent obscurs, dans le champ particulier de la République des lettres au XVIe siècle: ils se situent, pour reprendre des termes empruntés à Bourdieu, au carrefour d’une «logique culturelle et d’une logique économique». Les études de cas tenteront de mieux déterminer les lignes de partage ou les tensions qui peuvent naître entre ces deux logiques. Quel rôle ces passeurs jouent-ils par rapport aux textes antiques, par rapport aux auteurs contemporains, ou même les uns par rapport aux autres? Quels critères les guident-ils dans le choix des textes qu’ils mettent en lumière? Sollicitent-ils, provoquent-ils ou traduisent-ils les souhaits des autres? S’agit-il pour eux de servir un savoir acquis ou de conquérir de nouveaux publics?
On pourra également questionner le lieu de savoir singulier qu’ils construisent, que ce soit dans l’officine du libraire, lieu de production du savoir, voire de rencontres érudites, ou par le biais des réseaux, espaces de diffusion
de ce savoir -réseaux aussi bien commerciaux que politiques et institutionnels, culturels ou académiques. Il s’agira tout autant de dessiner des lieux matériels que de saisir un espace social et culturel, où des cercles d’acteurs
se déploient selon une géométrie variable, en contribuant chacun selon son rôle, son savoir et son savoir-faire ou sa technique, à la mise en commun et à la diffusion d’une nouvelle culture.
Une place particulière sera accordée à un «passeur de textes» singulier, dont 2011 voit la célébration nationale. Il s’agit de Claude Garamont, graveur et fondeur de caractères à l’origine des fameux «Grecs du Roi» et de la célèbre police «Garamond», qui a fait l’objet de nombreuses réinterprétations à l’époque contemporaine. Outre la postérité de Claude Garamont, il s’agira de procurer un état de la science le concernant, mais aussi d’étudier à nouveaux frais, à travers le vaste réseau qu’il a tissé, les figures plus ou moins explorées de Conrad Néobar,
Pierre Du Châtel, Ange Vergèce, Christophe Plantin, Antoine Augereau et bien d’autres encore. La journée spécifiquement dédiée à Garamont permettra en outre de réfléchir aux inventions et aux choix typographiques du temps, ainsi qu’à leur influence sur la transmission des textes: le caractère ne permet-il pas, lui aussi, à sa manière, de faire passer les textes?
Le colloque est organisé par Christine Bénévent (CESR, Université de Tours), Isabelle Diu (École nationale des Chartes) et Chiara Latraioli (CESR, Université de Tours). Le texte de présentation ci-dessus est tiré de l'Argumentaire du colloque.
Détails et programme du colloque à télécharger (PDF).
Et un billet récent consacré aux intermédiaires culturels (même si la problématique n'est pas exactement celle des passeurs de textes).
«Passeurs de textes: gens du livre et gens de lettres à la Renaissance».
Un « passeur » a pour mission de faire franchir un obstacle, de transporter, de façon plus ou moins licite ou clandestine, quelqu’un ou quelque chose –en l’occurrence un texte, nécessairement incarné dans une matérialité, celle que lui donne en particulier le livre, manuscrit ou imprimé. Dans la mesure où, à la Renaissance, c’est par les textes que circulent et se transmettent les nouveaux savoirs, qu’ils soient issus de découvertes empiriques (Nouveau Monde notamment) ou de la redécouverte des textes antiques, il peut être fructueux de revenir sur les questions suivantes: comment et sous quelle forme ces textes ont-ils circulé? Comment ont-ils pu franchir les frontières géographiques, mais aussi les barrières linguistiques ou mentales? Quels itinéraires ont-ils empruntés, et quel a été leur impact sur le public européen? Quels ont été les acteurs, les transmetteurs, les passeurs de ces textes divers? Pourquoi et comment ont-ils joué ce rôle?
Dans le prolongement de la réflexion engagée, à l’occasion du colloque international intitulé Passeurs de textes: imprimeurs et libraires à l’âge de l’Humanisme (CESR / École des Chartes, avec la collaboration de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et du Musée de la maison d’Érasme, Paris, 30-31 mars 2009), sur les protagonistes de la transmission des savoirs à la Renaissance, ce nouveau volet se propose d’élargir l’enquête à un spectre plus large, qui engloberait non seulement les imprimeurs et les libraires, mais également les voyageurs et les colporteurs, les savants, les
philologues et les traducteurs. Il s’avère en effet que de multiples érudits, collectionneurs, artistes et artisans ont contribué, à l’intérieur comme à l’extérieur des ateliers des libraires, à la circulation des textes, façonnant
peu à peu le patrimoine commun de la culture de la Renaissance.
Tous ces acteurs du livre, en dépit de leurs différences, voire de leurs divergences, partagent le geste commun du «passeur», qui met à disposition du public, parfois à grands frais et à grands risques, un texte susceptible de participer à la culture renouvelée qui s’élabore alors.
Véritables médiateurs, ils apparaissent autant comme ceux qui construisent ou recueillent un héritage (textes nouveaux ou textes anciens remis en lumière, traduits, commentés) que comme ceux qui le transmettent. Passer le savoir, c’est produire ces objets par lesquels le savoir se donne ; c’est en permettre la circulation sociale, culturelle, géographique. Alors que le premier volet de la réflexion questionnait le rapport de ces passeurs à l’humanisme, ce colloque aurait l’ambition d’interroger, loin de toute tentation purement biographique, le statut de ces «passeurs de textes», acteurs souvent obscurs, dans le champ particulier de la République des lettres au XVIe siècle: ils se situent, pour reprendre des termes empruntés à Bourdieu, au carrefour d’une «logique culturelle et d’une logique économique». Les études de cas tenteront de mieux déterminer les lignes de partage ou les tensions qui peuvent naître entre ces deux logiques. Quel rôle ces passeurs jouent-ils par rapport aux textes antiques, par rapport aux auteurs contemporains, ou même les uns par rapport aux autres? Quels critères les guident-ils dans le choix des textes qu’ils mettent en lumière? Sollicitent-ils, provoquent-ils ou traduisent-ils les souhaits des autres? S’agit-il pour eux de servir un savoir acquis ou de conquérir de nouveaux publics?
On pourra également questionner le lieu de savoir singulier qu’ils construisent, que ce soit dans l’officine du libraire, lieu de production du savoir, voire de rencontres érudites, ou par le biais des réseaux, espaces de diffusion
de ce savoir -réseaux aussi bien commerciaux que politiques et institutionnels, culturels ou académiques. Il s’agira tout autant de dessiner des lieux matériels que de saisir un espace social et culturel, où des cercles d’acteurs
se déploient selon une géométrie variable, en contribuant chacun selon son rôle, son savoir et son savoir-faire ou sa technique, à la mise en commun et à la diffusion d’une nouvelle culture.
Une place particulière sera accordée à un «passeur de textes» singulier, dont 2011 voit la célébration nationale. Il s’agit de Claude Garamont, graveur et fondeur de caractères à l’origine des fameux «Grecs du Roi» et de la célèbre police «Garamond», qui a fait l’objet de nombreuses réinterprétations à l’époque contemporaine. Outre la postérité de Claude Garamont, il s’agira de procurer un état de la science le concernant, mais aussi d’étudier à nouveaux frais, à travers le vaste réseau qu’il a tissé, les figures plus ou moins explorées de Conrad Néobar,
Pierre Du Châtel, Ange Vergèce, Christophe Plantin, Antoine Augereau et bien d’autres encore. La journée spécifiquement dédiée à Garamont permettra en outre de réfléchir aux inventions et aux choix typographiques du temps, ainsi qu’à leur influence sur la transmission des textes: le caractère ne permet-il pas, lui aussi, à sa manière, de faire passer les textes?
Le colloque est organisé par Christine Bénévent (CESR, Université de Tours), Isabelle Diu (École nationale des Chartes) et Chiara Latraioli (CESR, Université de Tours). Le texte de présentation ci-dessus est tiré de l'Argumentaire du colloque.
Détails et programme du colloque à télécharger (PDF).
Et un billet récent consacré aux intermédiaires culturels (même si la problématique n'est pas exactement celle des passeurs de textes).
jeudi 16 juin 2011
Conférence d'histoire du livre
La ville de Dole, ancienne capitale de la « Comté de Bourgogne », accueillera la séance foraine de la conférence d’Histoire et civilisation du livre le 24 juin 2011 (quelques clichés de Dole).
La dernière conférence régulière de l'EPHE se tiendra le 20 juin dans les locaux de l’avenue de France, et sera l’occasion de proposer aux auditeurs une
Sur le plan historique, la Franche-Comté est une composante de l’ancien royaume de Lotharingie, royaume progressivement démembré et entré dans l’orbite de l’Empire allemand (Xe siècle). Nous sommes en Haute-Bourgogne, le pays au-delà de la Saône, longtemps disputé entre la France et l’Allemagne.
Dans un premier temps, la Comté entre dans les territoires rassemblés sous l'autorité des ducs Valois de Bourgogne, et sont donc tournés vers la France. Mais, après la mort tragique de Charles le Téméraire, le dernier «grand-duc d’Occident» (1477) et après le traité d’Arras (1483), la Comté revient dans les possessions des Habsbourg: le XVIe siècle est considéré comme l’«âge d’or» pour la province, qui s’administre de manière largement autonome, alors que les premières décennies du XVIIe siècle sont beaucoup plus difficiles.
Condé assiège en vain Dole en 1636 et les Français occupent Besançon en 1668, avant que le traité de Nimègue (1678) ne rattache définitivement la Franche-Comté à la France. Dole est alors puissamment fortifiée par Vauban.
La capitale historique de la Comté est en effet située à Dole, à peu près à mi-chemin de Dijon et de Besançon: mais Dijon est en Basse-Bourgogne, en-deçà de la Saône, tandis que Besançon a le statut de ville libre d’Empire et constitue donc une sorte de petite république autonome sous l’autorité lointaine de l’Empereur. Les ducs Valois de Bourgogne établissent à Dole les institutions en charge du pays, le Parlement et l’administration centrale, l’université (à partir de 1422), tandis qu'une Chambre des comptes y sera installée en 1494. L’université de Dole comprend quatre facultés (on sait qu’une seconde université bourguignonne est créée à Louvain pour les pays du Nord).
D’importantes maisons religieuses sont par ailleurs établies en ville (les Cisterciens et surtout les Franciscains): rien de surprenant à ce que la production et la circulation du manuscrit se développent dans les derniers siècles du Moyen Âge, ni à ce que la ville n’accueille un imprimeur itinérant d’origine allemande, Peter Metlinger, qui y donne en 1490 les Coutumes de Bourgogne).
La proximité des villes rhénanes, au premier rang desquelles il faut citer Bâle, explique que le livre soit largement présent à Dole au XVIe siècle, mais que la ville n’accueille un imprimeur à demeure que de manière relativement tardive: la problématique de la Contre-Réforme et la venue des jésuites (1582) jouent en l’occurrence un rôle décisif (cf. cliché). L’université est d’ailleurs réunie au collège jésuite en 1618.
Avec le rattachement de la Comté à la France, le Parlement, l’université, la Chambre des comptes et la Monnaie abandonnent Dole pour Besançon, où s'installe aussi le nouvel intendant: le temps de la capitale est révolu, et Dole suit, dans la dernière partie de l’Ancien Régime et au XIXe siècle, la conjoncture classique d’une petite ville du royaume: c’est la production imprimée parisienne qui s’impose, même si la relative proximité des frontières donne un rôle particulier au commerce et à la contrebande.
À partir de 16h, la conférence du 20 juin développera la conjoncture contrastée de la «librairie» doloise et comtoise; elle évoquera aussi le rôle important des papeteries établies dans le plat-pays, et abordera l’histoire de l’ancienne bibliothèque publique (aujourd’hui médiathèque) de Dole: la bibliothèque est voulue par Richardot de Choisey en 1786, mais les événements retardent sa fondation. Le conseil municipal en décide la création en janvier 1791, et elle ne sera effectivement ouverte qu’une vingtaine d’années plus tard. Outre les fonds provenant des confiscations révolutionnaires, la bibliothèque reçoit un certain nombre de dons ou fait des acquisitions importantes au XIXe siècle. D’abord installée dans l’ancien collège jésuite (Collège de l’Arc), elle est transportée en 2000 dans les magnifique locaux de l’hôtel-Dieu.
À partir de 17h environ aura lieu le traditionnel pot de fin d’année clôturant la conférence.
Toute personne intéressée sera la bienvenue.
La séance foraine se déroulera le vendredi 24 juin à Dole, selon le programme annoncé. La séance foraine est ouverte à toute personne intéressée, mais on est prié de s’inscrire auprès du secrétariat de l’IHMC par téléphone (01 44 32 31 52) ou par courriel (martine.grelot@ens.fr) avant le 21 juin prochain.
La dernière conférence régulière de l'EPHE se tiendra le 20 juin dans les locaux de l’avenue de France, et sera l’occasion de proposer aux auditeurs une
Introduction à l’histoire du livre et des bibliothèques en Franche-Comté
Sur le plan historique, la Franche-Comté est une composante de l’ancien royaume de Lotharingie, royaume progressivement démembré et entré dans l’orbite de l’Empire allemand (Xe siècle). Nous sommes en Haute-Bourgogne, le pays au-delà de la Saône, longtemps disputé entre la France et l’Allemagne.
Dans un premier temps, la Comté entre dans les territoires rassemblés sous l'autorité des ducs Valois de Bourgogne, et sont donc tournés vers la France. Mais, après la mort tragique de Charles le Téméraire, le dernier «grand-duc d’Occident» (1477) et après le traité d’Arras (1483), la Comté revient dans les possessions des Habsbourg: le XVIe siècle est considéré comme l’«âge d’or» pour la province, qui s’administre de manière largement autonome, alors que les premières décennies du XVIIe siècle sont beaucoup plus difficiles.
Condé assiège en vain Dole en 1636 et les Français occupent Besançon en 1668, avant que le traité de Nimègue (1678) ne rattache définitivement la Franche-Comté à la France. Dole est alors puissamment fortifiée par Vauban.
La capitale historique de la Comté est en effet située à Dole, à peu près à mi-chemin de Dijon et de Besançon: mais Dijon est en Basse-Bourgogne, en-deçà de la Saône, tandis que Besançon a le statut de ville libre d’Empire et constitue donc une sorte de petite république autonome sous l’autorité lointaine de l’Empereur. Les ducs Valois de Bourgogne établissent à Dole les institutions en charge du pays, le Parlement et l’administration centrale, l’université (à partir de 1422), tandis qu'une Chambre des comptes y sera installée en 1494. L’université de Dole comprend quatre facultés (on sait qu’une seconde université bourguignonne est créée à Louvain pour les pays du Nord).
D’importantes maisons religieuses sont par ailleurs établies en ville (les Cisterciens et surtout les Franciscains): rien de surprenant à ce que la production et la circulation du manuscrit se développent dans les derniers siècles du Moyen Âge, ni à ce que la ville n’accueille un imprimeur itinérant d’origine allemande, Peter Metlinger, qui y donne en 1490 les Coutumes de Bourgogne).
La proximité des villes rhénanes, au premier rang desquelles il faut citer Bâle, explique que le livre soit largement présent à Dole au XVIe siècle, mais que la ville n’accueille un imprimeur à demeure que de manière relativement tardive: la problématique de la Contre-Réforme et la venue des jésuites (1582) jouent en l’occurrence un rôle décisif (cf. cliché). L’université est d’ailleurs réunie au collège jésuite en 1618.
Avec le rattachement de la Comté à la France, le Parlement, l’université, la Chambre des comptes et la Monnaie abandonnent Dole pour Besançon, où s'installe aussi le nouvel intendant: le temps de la capitale est révolu, et Dole suit, dans la dernière partie de l’Ancien Régime et au XIXe siècle, la conjoncture classique d’une petite ville du royaume: c’est la production imprimée parisienne qui s’impose, même si la relative proximité des frontières donne un rôle particulier au commerce et à la contrebande.
À partir de 16h, la conférence du 20 juin développera la conjoncture contrastée de la «librairie» doloise et comtoise; elle évoquera aussi le rôle important des papeteries établies dans le plat-pays, et abordera l’histoire de l’ancienne bibliothèque publique (aujourd’hui médiathèque) de Dole: la bibliothèque est voulue par Richardot de Choisey en 1786, mais les événements retardent sa fondation. Le conseil municipal en décide la création en janvier 1791, et elle ne sera effectivement ouverte qu’une vingtaine d’années plus tard. Outre les fonds provenant des confiscations révolutionnaires, la bibliothèque reçoit un certain nombre de dons ou fait des acquisitions importantes au XIXe siècle. D’abord installée dans l’ancien collège jésuite (Collège de l’Arc), elle est transportée en 2000 dans les magnifique locaux de l’hôtel-Dieu.
À partir de 17h environ aura lieu le traditionnel pot de fin d’année clôturant la conférence.
Toute personne intéressée sera la bienvenue.
La séance foraine se déroulera le vendredi 24 juin à Dole, selon le programme annoncé. La séance foraine est ouverte à toute personne intéressée, mais on est prié de s’inscrire auprès du secrétariat de l’IHMC par téléphone (01 44 32 31 52) ou par courriel (martine.grelot@ens.fr) avant le 21 juin prochain.
Libellés :
Conférence EPHE,
Dole,
jésuites,
Topographie et voyages
dimanche 12 juin 2011
Histoire du livre à Lyon au XVIe siècle
Biblyon
Livre et littérature à Lyon au XVIe siècle
Présentations de travaux récents
Journée d'études proposée par
le Groupe Renaissance et Âge classique (U. Lyon 2, UMR 5037)
et le Centre Gabriel Naudé (enssib)
24 juin 2011
Livre et littérature à Lyon au XVIe siècle
Présentations de travaux récents
Journée d'études proposée par
le Groupe Renaissance et Âge classique (U. Lyon 2, UMR 5037)
et le Centre Gabriel Naudé (enssib)
24 juin 2011
9h30
Michèle Clément, Raphaële Mouren, Michel Jourde
Accueil, présentation du programme Biblyon
Jérôme Sirdey (Bibliothèque nationale de France)
Deux éditeurs lyonnais aux avant-postes du combat religieux: Michel Jouve et Jean Saugrain
Marion Chalvin (Master 2 cultures de l'écrit et de l'image, Université Lyon 2-enssib)
Un imprimeur-libraire, Jacques Sacon
Jean Duchamp (Université Lyon 2)
Une édition perdue récemment retrouvée: le premier livre des Psaumes publié par Du Bosc et Guéroult
Pause
Pascale Mounier (Université Lyon 2/ Grac)
Philandre, un nouveau roman de chevalerie lyonnais
Michel Jourde (École normale supérieure de Lyon/Cerphi)
Jean de Tournes messager de ses livres
Ilario Mosca (Scuola normale superiore, Pise/École pratique des hautes études, Paris)
Les marchands florentins à Lyon et le livre
Pause déjeuner
14h
Olivier Wagner (conservateur stagiaire, enssib)
Le livre juridique à Lyon au XVIe siècle
Michèle Clément (Université de Lyon 2/ Grac)
Juristes écrivains à Lyon
Raphaële Mouren (enssib/ Centre Guillaume Budé/ Centre Gabriel Naudé)
André Alciat et les imprimeurs lyonnais
Pause
Monique Hulvey (Bibliothèque municipale, Lyon/Centre Gabriel Naudé)
De Rome à Lyon, la bibliothèque de Sante Pagnini (1470-1536) revisitée
Isabelle de Conihout (Bibliothèque Mazarine, Paris)
Le Bassantin de Catherine de Médicis: une reliure de Jean de Tournes ?
Charlène Beziat (Master 2 Cultures de l'écrit et de l'image, Université Lyon 2-enssib)
Les papiers de Henri Baudrier à la Bibliothèque municipale de Lyon: nouvelles découvertes
Conclusion
Michèle Clément, Michel Jourde, Pascale Mounier, Raphaële Mouren
Biblyon, projets à venir
La journée a lieu à l'Université de Lyon 2, salle du Conseil de la Faculté des lettres
18 quai Claude Bernard (premier étage, au-dessus du secrétariat des Lettres)
Entrée libre
(Information communiquée par Raphaële Mouren)
mardi 7 juin 2011
Séance foraine de Dole
ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES
CONFERENCE D’HISTOIRE ET CIVILISATION DU LIVRE
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
Séance foraine, année 2010-2011
CONFERENCE D’HISTOIRE ET CIVILISATION DU LIVRE
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
Séance foraine, année 2010-2011
«La ville n’est pas fort grande, mais elle est riche & peuplée. Il y a une collégiale assez belle, qui étoit autrefois un prieuré de notre ordre; l’hôpital de l’hôtel Dieu est fort beau & bien bâti ; le collège des Jésuites est grand & nombreux ; leur bibliothèque est bien fournie de livres imprimez & peut passer pour une bonne bibliothèque. Devant la porte du collège, on voit une figure de saint Ignace de Loyola, avec cette inscription : Successori sancti Thomae» (Voyage littéraire de deux bénédictins…, I, p. 165).
La vieille ville de Dole se mire dans la rivière |
Dole est d’accès facile depuis Paris, par TGV direct ou avec changement à Dijon. La ligne à grande vitesse se débranche de la «ligne impériale» Paris-Marseille à hauteur de Villeneuve-St-Georges, mais elle la retrouve à Montbard, patrie de Buffon et où certains TGV s’arrêtent. Nous sommes désormais en Bourgogne, et traversons un agréable pays de collines: la forêt domine en hauteur, tandis que de petites localités s’abritent dans les creux. Les Laumes-Alésia nous fait ressouvenir d’un épisode historique célèbre, tandis que le point culminant de la ligne est atteint au tunnel de Blaisy-Bas… comme son nom l’indique. Au-delà, nous basculons du bassin de la Seine (et de la Manche) dans celui de la Saône, du Rhône… et de la Méditerranée. Après Dijon, c’est la traversée de la Saône, avant d’arriver à Dole.
«C’est une ville ancienne, située dans un pays agréable et fertile (…). Dole est une belle ville, ornée d’édifices magnifiques. Le principal est l’église Nostre Dame. Il y en a encore d’autres considérables ; diverses maisons religieuses & un collège de jésuites» (Moréri). Sur la vallée du Doubs, à l’orée de la forêt de Chaux, Dole, «ville d’art et d’histoire», est la porte de la Franche-Comté. Elle conserve aujourd’hui une très pittoresque ville ancienne développée autour de l’ancienne Place royale et de la collégiale Notre-Dame (cliché ci-contre).
Dole est la capitale historique de la Comté du XVe au XVIIe siècle (traité de Nimègue). Siège du Parlement, elle possédait une université fondée par le duc de Bourgogne en 1422, et un certain nombre de collèges (dont celui de Saint-Jérôme, pour des boursiers de Cluny, mais où descendront encore les «deux Bénédictins» en route pour leur Voyage littéraire). La vie intellectuelle y est fondamentalement marquée par la présence de l’université, où étudièrent notamment Granvelle, futur chancelier de Charles Quint, mais aussi André Alciat. Plusieurs maisons religieuses y sont aussi établies, notamment les Bénédictins, les Franciscains, les Cordeliers (depuis 1372) et les Minimes.
Ancien collège de l'Arc |
Les conférences de l’année 2010-2011 à l’EPHE ont été en grande partie consacrées à l’histoire des bibliothèques, et la bibliothèque de Dôle constitue une excellente illustration de ce thème, qu’il s’agisse du rôle de l’université ou des collèges, ou de la mise en place d’une bibliothèque publique. De fait, le projet de bibliothèque publique remonte au legs Richardot de Choisy en 1786, et il est repris par la ville en 1791. L’établissement n’ouvrira en définitive ses portes qu’en 1810, dans l’ancien collège de l'Arc, et les collections s’enrichissent de dons ou d’acquisitions tout au long du XIXe siècle, dont le précieux fonds Casimir de Persan. Le premier catalogue manuscrit date de 1813, et comprend 6500 titres correspondant aux saisies révolutionnaires.
Ajoutons que la Médiathèque conserve un très bel ensemble de reliures précieuses (Dole est la ville natale de Bauzonnet, en 1820. Voir l’exposition virtuelle qui lui est consacrée).
Enfin, la Médiathèque de Dole est riche en exemplaires «de hasard», tout particulièrement dans le domaine du livre arabe.
NB- La dernière séance de la conférence d’«Histoire et civilisation du livre» se déroulera le lundi 20 juin à l’EPHE (bâtiment France), selon l’horaire habituel (16h-18h). Elle sera consacrée à une «Introduction à l’histoire du livre en Franche-Comté» (et notamment à Dole), introduction présentée par Monsieur Frédéric Barbier et qui constituera une préparation à la séance foraine du 24. Comme tous les ans, la conférence se clôturera par un pot amical de fin d’année, auquel chacun est convié.
L'ancien Hôtel-Dieu, qui abrite aujourd'hui la Médiathèque de Dole. |
De Paris à Dole, nous vous proposons les horaires suivants (lorsqu’il faut changer à Dijon, les horaires sont indiqués. Les horaires sont donnés sous toutes réserves) :
Aller: Paris Gare de Lyon 6.58 (Dole: 9h07); 7.58 (Dijon: 9h35/48. Dole: 10h20); 8h28 (Dole: 10h32).
Retour: Dole 16h05 (Dijon: 16h38/52. Paris: 18h37); Dole 17h31 (Paris: 19h38); Dole 18h26 (Paris: 20h37); Dole 19h11 (Dijon: 19h40/20h20. Paris: 21h59); Dole: 21h07 (Paris: 23h15).
Selon notre habitude, nous avons rendez-vous à 10h50 à la Médiathèque de Dole, 2 rue Bauzonnet, 39100 Dole. La séance du matin se déroulera de 11h à 13h environ, et sera animée par les conservateurs de la Médiathèque et par Monsieur Jean Vezin, correspondant de l’Institut, directeur d’études à l’EPHE (présentation de la Bibliothèque, manuscrits et reliures des collections de Dole). Nous nous efforcerons de réserver un certain nombre de places pour déjeuner ensemble à proximité de l’hôtel-Dieu. La séance de l’après-midi se déroulera de 14h30 à 17h. environ, et sera animée toujours par les conservateurs de la Médiathèque, ainsi que par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, et par Monsieur Dominique Varry, professeur d’histoire du livre (livres imprimés des collections de Dole).
La participation à la séance foraine est ouverte à toute personne intéressée, dans la limite des places disponibles. On est prié de s’inscrire auprès du secrétariat de l’IHMC par téléphone (01 44 32 31 52) ou par courriel (martine.grelot@ens.fr) avant le 21 juin prochain.
Quelques clichés de Dole. Et, pour les amateurs, d'autres clichés sur les séances foraines de 2009 (Le Mans) et de 2010 (Amiens).
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samedi 4 juin 2011
Les «intermédiaires culturels» et l'histoire du livre
Lorsque, en 1978, le Centre méridional des mentalités et des cultures de l'Université d'Aix-en-Pce organisait un colloque consacré aux «Intermédiaires culturels», il ouvrait un chantier de recherches promis jusqu'à aujourd'hui à de vastes développements. La publication des Actes du colloque, en 1981, prend la forme d'un volume de 682 pages ouvert par une riche introduction de Michel Vovelle, et auquel l'historien du livre aura toujours avantage à se reporter. Nous avouerons que, si quelques études mettent en jeu le monde du livre et de l'imprimé, ce thème reste en définitive assez marginal et il est exploré selon une perspective qui pourra aujourd'hui paraître quelque peu datée (il s'agit surtout de typologie des «cultures»).
Que les imprimeurs, libraires et autres professionnels du livre aient depuis l'époque des incunables joué le rôle d'intermédiaires culturels, le fait n'est pourtant pas douteux.
Les uns innovent en faisant compiler ou rédiger des textes nouveaux, qu'ils pensent susceptibles d'être appréciés par un public lui-même en partie nouveau -leurs motifs sont d'abord d'ordre financier. L'invention de la «Bibliothèque bleue», au début du XVIIe siècle, s'inscrit dans cette perspective: exploiter un fonds de textes et d'images qui ne correspond plus à la demande du lectorat le plus avancé, mais qui sera très largement diffusé dans des catégories moins favorisées, et dans le monde rural. L'objectif -faire de l'argent- entraîne une évolution des consommations culturelles et une forme d'ouverture qui n'étaient pas recherchées comme telles a priori.
Le second modèle est celui où le professionnel envisage en toute connaissance de cause de promouvoir un certain message: c'est, déjà, le principe des imprimeurs humanistes, lorsqu'ils s'emploient à mettre à la disposition des lecteurs de bonnes éditions des classiques de l'Antiquité, ou encore les Textes sacrés dans des versions canoniques et qui facilitent leur bonne compréhension. Bien sûr, de la diffusion à la propagande, le pas est dès le XVIe siècle vite franchi, surtout en matière religieuse, mais aussi en matière politique.
La conjoncture intervient évidemment dans la problématique des «intermédiaires culturels», même si le colloque d'Aix ne l'envisageait que sous l'angle assez banal des «intermédiaires d'ancien style». Or, les transformation du marché du livre entre le XVe et le XXe siècle ne peuvent qu'influer très directement sur la problématique de ces fameux «intermédiaires». Arrêtons-nous sur un seul exemple qui illustrera le fait.
Nous savons que, dans la seconde moitié du XVIIIe et au début du XIXe siècle, l'imprimé est théorisé comme le média par excellence, et comme le support de la connaissance et du progrès. Le modèle est celui des grandes villes d'Europe occidentale et, dans les régions moins avancées, certains «intermédiaires», qui ne sont ni des imprimeurs, ni des libraires, s'emploient à favoriser le transfert culturel en important des imprimés et des pratiques de lecture (et de sociabilité autour de l'imprimé) qui sont considérées comme «modernes».
Là aussi, deux modèles semblent grossièrement s'opposer, dont le premier privilégie la bourgeoisie, et notamment la bourgeoisie négociante. Voici l'exemple bien connu des Grecs de la diaspora. En 1762, le négociant Ioannis Pringos fait expédier d’Amsterdam 8000 volumes pour créer une bibliothèque à Zagora, son village d’origine (près de Volos), et il explique: «L’imprimerie est une belle chose. Elle a rendu les livres moins chers, de sorte que l’homme ordinaire peut lui aussi en acheter (…). La lecture ouvre les yeux du lecteur et fait de lui un homme conscient…»
De même, une circulaire des habitants de Chios appelle en 1802 leurs compatriotes émigrés à soutenir l'établissement du premier collège d'enseignement supérieur dans l’île:
«C'est de vous surtout, nos chers frères, que nous devons solliciter des secours. Établis dans les villes et au milieu des nations éclairées, vous êtes témoins oculaires de tous les avantages que procurent les sciences et les arts (…) des Européens (…). En formant cet Établissement, nous n'avons fait qu'obéir à la voix de la patrie, nous n'avons accompli que les vœux de tous les Grecs, mais principalement de vous, qui par votre position êtes mieux en état que personne de juger jusqu'à quel point les Lumières peuvent contribuer à regagner à notre nation, de la part des étrangers, la considération qu'elle n'aurait jamais dû perdre…»
Le second modèle se rencontrera plus vers le nord, dans les pays d'Europe centrale, et il privilégie le rôle des nobles -le royaume de Hongrie en offre un certain nombre d'exemples, mis en scène, par exemple, dans les romans de Miklós Bánfy:
«Véritables représentants de ces lignées proches de la cour qui, les guerres contre les Turcs terminées, ont joué pendant des siècles un si grand rôle dans les destinées de la Hongrie -qui portaient sur nos affaires un regard européen, qui introduisirent chez nous la culture occidentale tout en sachant rester hongrois: les Ferenc Széchényi, les Festetics, les Esterházy...» (Vous étiez trop légers, trad. fr., Paris, 2010, p. 214).
Mais nous nous arrêterons pour finir sur l'exemple que nous proposent François Rosset et Dominique Triaire et qui concerne la Pologne et Jean Potocki.
Les Potocki comptent parmi les premières familles de magnats, et leur rôle est décisif dans une période de relations complexes entre la Pologne et la Russie. Jean, quant à lui, né en 1761, est surtout connu comme l'auteur du Manuscrit trouvé à Saragosse. Il a déjà beaucoup voyagé, dans les États des Habsbourg, en Russie et dans l'Empire ottoman, mais aussi en Méditerranée (Malte, Égypte, Tunisie), enfin en Europe -et à Paris, quand, en 1788, il ouvre à Varsovie l'«Imprimerie libre» (Drukarnia wolna), d'où ne sortiront pas moins de 266 titres, dans leur grande majorité sur des sujets politiques et rédigés en polonais.
Cette même année, Potocki lance l'Hebdomadaire de la diète, feuille périodique en français (donc destinée à un lectorat différent, et pour partie international). En 1789, il complète cette manière d'institution en créant
«une chambre de lecture pour le public. Il loua trois grands appartements proches de son palais, les garnit de chaises, tables et de tout ce qui est nécessaire pour écrire, et de journaux et brochures en polonais et en langues étrangères (...). On pouvait à son gré venir passer son temps dans cette chambre...»
Enfin, c'est la fondation d'un club, destiné à débattre, mais entre soi (il y aura 150 fondateurs), des questions politiques à l'ordre du jour. Bien entendu, l'objectif de Potocki n'est pas d'ordre financier, mais bien de favoriser l'acculturation et la modernisation de certaines élites.
Cette opposition de la bourgeoisie des talents et du négoce, et de la noblesse éclairée supposerait d'être approfondie, mais elle nous paraît l'une des voies intéressantes permettant de développer une étude comparée des «intermédiaires culturels» en Europe à l'aube de l'époque contemporaine et au XIXe siècle.
Bibliogr.: Les Intermédiaires culturels. Actes du Colloque du Centre méridional d'histoire sociale, des mentalités et des cultures, 1978, Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence (diff. Honoré Champion), 1981.
François Rosset, Dominique Triaire, Jean Potocki. Biographie, Paris, Flammarion, 2004, notamment p. 154 et suiv.
Que les imprimeurs, libraires et autres professionnels du livre aient depuis l'époque des incunables joué le rôle d'intermédiaires culturels, le fait n'est pourtant pas douteux.
Les uns innovent en faisant compiler ou rédiger des textes nouveaux, qu'ils pensent susceptibles d'être appréciés par un public lui-même en partie nouveau -leurs motifs sont d'abord d'ordre financier. L'invention de la «Bibliothèque bleue», au début du XVIIe siècle, s'inscrit dans cette perspective: exploiter un fonds de textes et d'images qui ne correspond plus à la demande du lectorat le plus avancé, mais qui sera très largement diffusé dans des catégories moins favorisées, et dans le monde rural. L'objectif -faire de l'argent- entraîne une évolution des consommations culturelles et une forme d'ouverture qui n'étaient pas recherchées comme telles a priori.
Le second modèle est celui où le professionnel envisage en toute connaissance de cause de promouvoir un certain message: c'est, déjà, le principe des imprimeurs humanistes, lorsqu'ils s'emploient à mettre à la disposition des lecteurs de bonnes éditions des classiques de l'Antiquité, ou encore les Textes sacrés dans des versions canoniques et qui facilitent leur bonne compréhension. Bien sûr, de la diffusion à la propagande, le pas est dès le XVIe siècle vite franchi, surtout en matière religieuse, mais aussi en matière politique.
La conjoncture intervient évidemment dans la problématique des «intermédiaires culturels», même si le colloque d'Aix ne l'envisageait que sous l'angle assez banal des «intermédiaires d'ancien style». Or, les transformation du marché du livre entre le XVe et le XXe siècle ne peuvent qu'influer très directement sur la problématique de ces fameux «intermédiaires». Arrêtons-nous sur un seul exemple qui illustrera le fait.
Nous savons que, dans la seconde moitié du XVIIIe et au début du XIXe siècle, l'imprimé est théorisé comme le média par excellence, et comme le support de la connaissance et du progrès. Le modèle est celui des grandes villes d'Europe occidentale et, dans les régions moins avancées, certains «intermédiaires», qui ne sont ni des imprimeurs, ni des libraires, s'emploient à favoriser le transfert culturel en important des imprimés et des pratiques de lecture (et de sociabilité autour de l'imprimé) qui sont considérées comme «modernes».
Là aussi, deux modèles semblent grossièrement s'opposer, dont le premier privilégie la bourgeoisie, et notamment la bourgeoisie négociante. Voici l'exemple bien connu des Grecs de la diaspora. En 1762, le négociant Ioannis Pringos fait expédier d’Amsterdam 8000 volumes pour créer une bibliothèque à Zagora, son village d’origine (près de Volos), et il explique: «L’imprimerie est une belle chose. Elle a rendu les livres moins chers, de sorte que l’homme ordinaire peut lui aussi en acheter (…). La lecture ouvre les yeux du lecteur et fait de lui un homme conscient…»
De même, une circulaire des habitants de Chios appelle en 1802 leurs compatriotes émigrés à soutenir l'établissement du premier collège d'enseignement supérieur dans l’île:
«C'est de vous surtout, nos chers frères, que nous devons solliciter des secours. Établis dans les villes et au milieu des nations éclairées, vous êtes témoins oculaires de tous les avantages que procurent les sciences et les arts (…) des Européens (…). En formant cet Établissement, nous n'avons fait qu'obéir à la voix de la patrie, nous n'avons accompli que les vœux de tous les Grecs, mais principalement de vous, qui par votre position êtes mieux en état que personne de juger jusqu'à quel point les Lumières peuvent contribuer à regagner à notre nation, de la part des étrangers, la considération qu'elle n'aurait jamais dû perdre…»
Le second modèle se rencontrera plus vers le nord, dans les pays d'Europe centrale, et il privilégie le rôle des nobles -le royaume de Hongrie en offre un certain nombre d'exemples, mis en scène, par exemple, dans les romans de Miklós Bánfy:
«Véritables représentants de ces lignées proches de la cour qui, les guerres contre les Turcs terminées, ont joué pendant des siècles un si grand rôle dans les destinées de la Hongrie -qui portaient sur nos affaires un regard européen, qui introduisirent chez nous la culture occidentale tout en sachant rester hongrois: les Ferenc Széchényi, les Festetics, les Esterházy...» (Vous étiez trop légers, trad. fr., Paris, 2010, p. 214).
Mais nous nous arrêterons pour finir sur l'exemple que nous proposent François Rosset et Dominique Triaire et qui concerne la Pologne et Jean Potocki.
Les Potocki comptent parmi les premières familles de magnats, et leur rôle est décisif dans une période de relations complexes entre la Pologne et la Russie. Jean, quant à lui, né en 1761, est surtout connu comme l'auteur du Manuscrit trouvé à Saragosse. Il a déjà beaucoup voyagé, dans les États des Habsbourg, en Russie et dans l'Empire ottoman, mais aussi en Méditerranée (Malte, Égypte, Tunisie), enfin en Europe -et à Paris, quand, en 1788, il ouvre à Varsovie l'«Imprimerie libre» (Drukarnia wolna), d'où ne sortiront pas moins de 266 titres, dans leur grande majorité sur des sujets politiques et rédigés en polonais.
Cette même année, Potocki lance l'Hebdomadaire de la diète, feuille périodique en français (donc destinée à un lectorat différent, et pour partie international). En 1789, il complète cette manière d'institution en créant
«une chambre de lecture pour le public. Il loua trois grands appartements proches de son palais, les garnit de chaises, tables et de tout ce qui est nécessaire pour écrire, et de journaux et brochures en polonais et en langues étrangères (...). On pouvait à son gré venir passer son temps dans cette chambre...»
Enfin, c'est la fondation d'un club, destiné à débattre, mais entre soi (il y aura 150 fondateurs), des questions politiques à l'ordre du jour. Bien entendu, l'objectif de Potocki n'est pas d'ordre financier, mais bien de favoriser l'acculturation et la modernisation de certaines élites.
Cette opposition de la bourgeoisie des talents et du négoce, et de la noblesse éclairée supposerait d'être approfondie, mais elle nous paraît l'une des voies intéressantes permettant de développer une étude comparée des «intermédiaires culturels» en Europe à l'aube de l'époque contemporaine et au XIXe siècle.
Bibliogr.: Les Intermédiaires culturels. Actes du Colloque du Centre méridional d'histoire sociale, des mentalités et des cultures, 1978, Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence (diff. Honoré Champion), 1981.
François Rosset, Dominique Triaire, Jean Potocki. Biographie, Paris, Flammarion, 2004, notamment p. 154 et suiv.
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jeudi 2 juin 2011
Conférence d'histoire du livre
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 6 juin 2011
16h-18h
Les Idéologues (1795-1815) : langage, écriture, imprimerie, bibliothèques »,
par Monsieur Claude Jolly,
conservateur général des Bibliothèques
Conférence d'histoire et civilisation du livre
Lundi 6 juin 2011
16h-18h
Les Idéologues (1795-1815) : langage, écriture, imprimerie, bibliothèques »,
par Monsieur Claude Jolly,
conservateur général des Bibliothèques
Monsieur Claude Jolly, ancien directeur de la Bibliothèque de la Sorbonne, est un spécialiste de l’histoire des bibliothèques et de leur représentation. Il a notamment dirigé les tomes II («Les bibliothèques sous l’Ancien Régime»), III («Les bibliothèques de la Révolution et du XIXe siècle») et IV («Les bibliothèques du XXe siècle») de la monumentale Histoire des bibliothèques françaises, et il travaille à l’édition (en cours) des Œuvres complètes de Destutt de Tracy.
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).
Annonce: la séance foraine de la conférence d’Histoire et civilisation du livre aura lieu, cette année, le vendredi 24 juin, et sera consacrée à la très riche Bibliothèque de Dole (Jura). La ville de Dole est facilement atteinte depuis Paris en 2 heures par TGV direct. Tout participant intéressé sera le bienvenu. Un programme détaillé sera publié prochainement, mais la séance se déroulera de 11h à 17h environ à la Bibliothèque de Dole.
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