Le château de Chantilly constitue un ensemble très remarquable depuis le XVIIe siècle, avec les travaux du Grand Condé, mais sa silhouette actuelle remonte en grande partie aux restaurations et reconstructions de Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), au XIXe siècle (cliquer ici). Passionné par l’époque de la Renaissance, celui-ci lègue, en 1886, son domaine, avec les collections muséales et la bibliothèque, à l’Institut de France. C’est l’origine d’un ensemble exceptionnel, facilement accessible à une quarantaine de kilomètres au nord de Paris.
Il suffira, pour situer l’importance de la collection dans le domaine des manuscrits, de mentionner les Très riches heures du duc de Berry. Mais cette richesse propre n’épuise pas le sujet, et les objets et livres aujourd’hui conservés au Musée Condé illustrent aussi certaines conceptions muséales et bibliophiliques qui étaient celles du XIXe siècle.
La visite du château donne toujours l’occasion de découvrir le «Cabinet des livres», au sein duquel est présentée, jusqu’au 30 mai 2019, une exposition consacrée à «Architecture et bibliophilie: trésors du Cabinet des livres du duc d’Aumale». De fait, le duc a su rassembler une collection très originale, dans laquelle s’affirme l’identité de l’art de bâtir «à la française» à partir des XVe et surtout XVIe siècles. Plus que dans aucun autre domaine, un modèle royal s’est imposé et adapté, sans se renier, aux modes baroque, rocaille ou néoclassique. À l’imitation de ministres comme Richelieu, ou des rois Louis XIV et Louis XV, grands connaisseurs, les élites aménagent de riches demeures et forment la clientèle fortunée qui sera, dans un deuxième temps, celle visée par les imprimeurs et les libraires.
Les livres d’architecture sont, à partir du XVIe siècle, un vecteur essentiel de la diffusion des formes dans toute l’Europe. Ils reflètent l’évolution des manières de vivre à travers la distribution changeante des pèces. Mêlant théorie et pratique, images et textes, art et histoire, ils favorisent l’émergence du métier nouveau d’architecte, avant d’être supplantés par une littérature plus technique.
De grande taille, abondamment illustrés et magnifiquement mis en page, les livres d’architecture nécessitent une grande maîtrise d’exécution et bénéficient de l’intervention des artistes les plus talentueux. Considérés d’emblée comme précieux et rares, ces ouvrages sont aussitôt appréciés et recherchés par les amateurs. Le Cabinet des livres du duc d’Aumale contient de spectaculaires exemplaires, tantôt acquis par le «prince des bibliophiles», tantôt à lui offerts, ou qui ont été postérieurement adjoints à l’ensemble par ses fidèles, comme l’architecte bibliophile Louis Bernier (1845-1919).
D’après un texte de Marie-Pierre Dion, Conservateur générale de la Bibliothèque du Musée Condé, commissaire de l’exposition.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire