Le site de l’archipel de Santorin (Thera) est trop célèbre pour qu’il soit utile de s’y attarder: le cœur en est constitué par une île en forme de croissant de lune, écroulée sur son côté concave, et face à laquelle émergent d’autres îles moins importantes. L’histoire est connue, que l'on a voulu rapprocher du mythe de l'Atlantide: Santorin était originellement constituée par un volcan très important. Mais, comme une bonne partie de la Méditerranée, l’archipel est placé sur la zone de convergence où la plaque tectonique de l’Afrique se rencontre avec celle de l’Europe, laquelle la fait s’enfoncer de quelques centimètres par an. Il s’ensuit des tremblements de terre, eux-mêmes accompagnés d’éruptions volcaniques plus ou moins spectaculaires.
L’éruption qui s'est produite à Santorin au XVIIe siècle avant Jésus-Christ, est du type «plinien»: les magmas accumulés dans une chambre souterraine atteignent un niveau de compression tel qu’ils ne peuvent s’échapper que vers le haut. L’explosion rejetta quelque 60km3 de débris dans l’atmosphère. Les conséquences sont triples: d’une part, l’effondrement du volcan sur lui-même détruit l’île en créant la «caldera» aujourd’hui en son centre; d’autre part, les débris et les cendres retombent en quantités massives, et se retrouvent jusqu’en Égypte; enfin, l’irruption de la mer dans le vide ainsi créé provoque un tsunami dont on estime que la vague initiale a pu atteindre 100m de haut, et avait encore 30m lorsqu’elle touchait la côte nord de la Crète, à quelque 70km de distance. Depuis lors, le volcan est resté actif, et des îles nouvelles sont apparues, sur lesquelles des fumerolles continuent à surgir.
Inimaginable par sa violence, l’événement a eu des conséquences majeures: d’une manière ou d’une autre, il a provoqué ou précipité la chute de la civilisation minoenne de Crète. Mais il a aussi anéanti la civilisation raffinée qui s’était épanouie à Santorin, en partie sur le modèle crétois. Les retombées d’énormes quantités de cendres et autres scories (jusqu’à 20m d’épaisseur) ont assuré la conservation d’une ville du XVIIe siècle avant notre ère, établie à proximité immédiate de la côte, à Akrotiri. On ne peut qu’être profondément ému lorsque l’on découvre ce lacis de ruelles, ces immeubles, certains de deux ou trois étages, ces ouvertures pour les portes ou pour les fenêtre, ou encore ces jarres encore conservés in situ. Les habitants semblent avoir fui à l’approche de la catastrophe, et le mobilier quotidien a été abandonné sur place.
Ces pièces de mobilier sont présentées de manière très évocatrice au Musée préhistorique de Thera. Il faut souligner la qualité artistique de représentations qui nous sont parvenues à travers un espace de trente-sept siècles: des poteries portant de délicates silhouettes d’oiseaux en plein vol, ou encore des dauphins figurés dans les tons ocre-rouge, des grappes de raisin et des branches d’osier dont l’élégance et la simplicité font penser à l’art japonais. Mais ce qui est le plus impressionnant, ce sont les fresques, retrouvées sur place et déplacées dans le cadre du Musée: la fresque du jeune pêcheur présentant les poissons qu’il a pris, l’extraordinaire fresque des «singes bleus», ou encore les fresques avec des figures féminines –d’autres fresques ont été transportées au Musée national d’archéologie à Athènes.
Bien évidemment, une société aussi évoluée disposait d’un système d’écriture, et le Musée de Thera propose aussi quelques témoignages de son utilisation. Il s’agit d’une écriture importée de Crète, le Linéaire A, lequel combine un certain nombre d’idéogrammes (des dessins symbolisant leur signifié) et cinquante-sept signes syllabiques relativement simples. Cette écriture, qui n’est pas encore déchiffrée aujourd’hui, se rencontre sous la forme de tablettes portant des inventaires de biens, ou de sceaux «destinés à fermer des pots ou des coffres» (informations ici).
S’il ne s’agit pas là de documents «littéraires il n’en est pas moins particulièrement suggestif de voir les premiers vestiges d’une «ville» du continent européen présenter ainsi des témoignages quasiment archivistiques de l’utilisation du média de l’écrit (informations ici).
Santorin a disparu quand, au milieu du XVe siècle avant J.-C., la Crète est conquise par les Mycéniens, et que le Linéaire B s’y répand de plus en plus largement. Mais le Linéaire A crétois serait, de fait, la première écriture née en Europe puis utilisée dans les îles et jusqu'en Grèce continentale.
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