Ex oriente amicitia. Mélanges offerts à Frédéric Barbier à l’occasion de son 65e anniversaire,
éd. Claire Madl, István Monok,
Budapest, Magyar Tudományos Akadémia Könyvtár és Információs Központ, 2017,
420 p., ill.
(«L’Europe en réseaux. Contributions à l’histoire de la culture écrite, 1650-1918», VII).
ISBN, 978-963-7451-31-7
István Monok, «Frédéric Barbier, un historien du livre qui sait où se trouve l’Europe centrale»
Sándor Csernus, «Naissance d’un adage flexible et aujourd’hui de retour: ‘la Hongrie, rempart de la chrétienté’»
Attila Verók, «Der Bibliothekskatalog als historische Quelle für die Ideengeschichte? Realität, Schwirigkeiten, Perspektiven, an einem Beispiel aus Siebenbürgen»
Ágnes Dukkon, «Le cheminement dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles du Calendrier historial, un type de publication populaire»
Ildikó Sz. Kristóf, «Anthropologie dans le calendrier: la représentation des curiosités de la nature et des peuples exotiques dans les calendriers de Nagyszombat (Trnava), 1676-1773»
István Monok, «L’aristocratie de Hongrie et de Transylvanie aux XVIIe et XVIIIe siècles et le ‘livre pour tous’»
Martin Svatos, «La Bibliotheca bohemica et la Nova collectio scriptorum rerum Bohemicarum de Magnoald Ziegelbauer, OSB. Un regard extérieur sur l’histoire et l’historiographie du royaume de Bohème »
Marie-Élisabeth Ducreux, «Qu’est-ce qu’un propre des saints dans les « pays de l’empereur » après le concile de Trente? Une comparaison des livres d’offices liturgiques imprimés aux XVIIe et XVIIIe siècles»
Claire Madl, «Langue et édition scolaire en Bohême au temps de la réforme de Marie-Thérèse. Retour sur une grande question et de petits livres»
Olga Granasztói, «Éloge du roi de Prusse. Les connotations politiques d’un succès de librairie: la Hongrie et la Prusse entre 1787-1790»
Olga Penke, «La traduction hongroise de La Nouvelle Héloïse. Un transfert culturel manqué»
Doina Hendre Biró, «Le contexte politique et les conditions d’achat de l’ancienne imprimerie des jésuites par Ignace Batthyány, évêque de Transylvanie»
Andrea Seidler, «Aubruchstimmung. Die Gründung des preßburgischen Ungarischen Magazins (1781-1787). Versuch einer Dokumentation»
Norbert Bachleitner, «Die österreichische Zensur, 1751-1848»
Eva Mârza, Iacob Mârza, «Le catalogue de la bibliothèque des thélogiens roumains de Budapest, 1890-1891»
vendredi 27 octobre 2017
lundi 23 octobre 2017
Conférences d'histoire du livre
Samedi 4 novembre 2017, à 14h.
Soutenance de la thèse de doctorat de
Monsieur Yves Le Guillou, conservateur à la Bibliothèque nationale de France.
Sujet: Topographie d'une bibliothèque. Les livres de Julien Brodeau, avocat au Parlement de Paris (1583-1653) (résumé ici).
Jury: Mmes et MM Frédéric Barbier, directeur d’études à l’EPHE, directeur de recherche au CNRS, directeur de la thèse; Pierre Bonin, vice-président à la Recherche, professeur à l’Université de Paris I; Emmanuelle Chapron, professeur à l’Université d’Aix-Marseille; Marisa Midori Deaecto, professeur à l’Université de Sao Paulo, pré-rapporteur; Robert Descimon, directeur d’études à l’EHESS, pré-rapporteur; Jean-Claude Waquet, directeur d’études à l’EPHE.
Lieu: Bibliothèque nationale de France, quai François Mauriac, auditorium 70.
La soutenance est publique.
Lundi 6 novembre 2017, à 17h.
Conférence publique d’histoire du livre
Lire et traduire De la démocratie en France, de François Guizot» (détails ici),
par Madame Marisa Midori Deaecto, professeur d’Histoire du livre à l’Université de Sao Paulo, professeur invité à l’École nationale des chartes.
Lieu: École nationale des chartes, 65 rue de Richelieu, 75002 Paris, salle Léopold Delisle (attention: l’inscription en ligne est obligatoire).
Mardi 7 novembre 2017, à 14h.
Conférence publique d’histoire du livre
Livres français, lecteurs hongrois : introduction à la problématique, aperçu sur les sources, mise en place de la chronologie,
par Monsieur István Monok, professeur à l’Université de Szeged, directeur général des Archives et Bibliothèques de l’Académie des sciences de Hongrie, professeur invité étranger à l’École normale supérieure (Labex TransferS).
Lieu : École normale supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris, salle de conférences de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine.
La conférence est publique, dans la limite des places disponibles. Elle inaugure une série de quatre conférences publiques présentées sur le thème
«Les transferts culturels à l’œuvre : culture française, librairie et pratiques de lecture en Hongrie royale de la fin du XVe siècle aux années 1680» par Monsieur Monok durant son séjour parisien.
Soutenance de la thèse de doctorat de
Monsieur Yves Le Guillou, conservateur à la Bibliothèque nationale de France.
Sujet: Topographie d'une bibliothèque. Les livres de Julien Brodeau, avocat au Parlement de Paris (1583-1653) (résumé ici).
Jury: Mmes et MM Frédéric Barbier, directeur d’études à l’EPHE, directeur de recherche au CNRS, directeur de la thèse; Pierre Bonin, vice-président à la Recherche, professeur à l’Université de Paris I; Emmanuelle Chapron, professeur à l’Université d’Aix-Marseille; Marisa Midori Deaecto, professeur à l’Université de Sao Paulo, pré-rapporteur; Robert Descimon, directeur d’études à l’EHESS, pré-rapporteur; Jean-Claude Waquet, directeur d’études à l’EPHE.
Lieu: Bibliothèque nationale de France, quai François Mauriac, auditorium 70.
La soutenance est publique.
Lundi 6 novembre 2017, à 17h.
Conférence publique d’histoire du livre
Lire et traduire De la démocratie en France, de François Guizot» (détails ici),
par Madame Marisa Midori Deaecto, professeur d’Histoire du livre à l’Université de Sao Paulo, professeur invité à l’École nationale des chartes.
Lieu: École nationale des chartes, 65 rue de Richelieu, 75002 Paris, salle Léopold Delisle (attention: l’inscription en ligne est obligatoire).
Mardi 7 novembre 2017, à 14h.
Conférence publique d’histoire du livre
Livres français, lecteurs hongrois : introduction à la problématique, aperçu sur les sources, mise en place de la chronologie,
par Monsieur István Monok, professeur à l’Université de Szeged, directeur général des Archives et Bibliothèques de l’Académie des sciences de Hongrie, professeur invité étranger à l’École normale supérieure (Labex TransferS).
Lieu : École normale supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris, salle de conférences de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine.
La conférence est publique, dans la limite des places disponibles. Elle inaugure une série de quatre conférences publiques présentées sur le thème
«Les transferts culturels à l’œuvre : culture française, librairie et pratiques de lecture en Hongrie royale de la fin du XVe siècle aux années 1680» par Monsieur Monok durant son séjour parisien.
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jeudi 19 octobre 2017
L'histoire du livre à l'honneur
L’histoire du livre est à l’honneur.
Le lundi 16 octobre 2017, l’Université Károly Esterházy de Eger décernait ses deux premiers doctorats honoris causa, et elle a choisi d’honorer à cette occasion deux spécialistes de l’histoire du livre «à la française».
Il s'agissait de Frédéric Barbier, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études, directeur de recherche au CNRS (IHMC / ENS Ulm), et de Marisa Midori Deaecto, professeur à l’Université de Sao Paulo.
Les nouveaux docteurs honoris causa ont été présentés respectivement par Messieurs István Monok et Attila Verók, professeurs à l’Université de Eger. Après que chacun ait prononcé une conférence d'histoire du livre, les toges leur ont été remises par Madame Ilona Tari-Pajtók, vice-rectrice de l’Université.
Les historiens du livre et des bibliothèques, et tout particulièrement les lecteurs de notre blog, connaissent l’ancienne Haute École fondée par l’évêque Károly Esterházy en 1774 et devenue récemment université, pour la richesse de ses fonds de livres et surtout pour la somptuosité du local de sa bibliothèque.
Le lundi 16 octobre 2017, l’Université Károly Esterházy de Eger décernait ses deux premiers doctorats honoris causa, et elle a choisi d’honorer à cette occasion deux spécialistes de l’histoire du livre «à la française».
Il s'agissait de Frédéric Barbier, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études, directeur de recherche au CNRS (IHMC / ENS Ulm), et de Marisa Midori Deaecto, professeur à l’Université de Sao Paulo.
Les nouveaux docteurs honoris causa ont été présentés respectivement par Messieurs István Monok et Attila Verók, professeurs à l’Université de Eger. Après que chacun ait prononcé une conférence d'histoire du livre, les toges leur ont été remises par Madame Ilona Tari-Pajtók, vice-rectrice de l’Université.
Les historiens du livre et des bibliothèques, et tout particulièrement les lecteurs de notre blog, connaissent l’ancienne Haute École fondée par l’évêque Károly Esterházy en 1774 et devenue récemment université, pour la richesse de ses fonds de livres et surtout pour la somptuosité du local de sa bibliothèque.
lundi 9 octobre 2017
Calendrier des conférences
École pratique des hautes études
IVe Section (Sciences historiques et philologiques)
Conférence d’Histoire et civilisation du livre
Calendrier des conférences pour l’année universitaire 2017-2018
Monsieur István Monok, directeur général des archives et bibliothèques de l’Académie des sciences de Hongrie, professeur d’histoire du livre aux universités de Szeged et de Eger, professeur invité étranger à l’École normale supérieure (Labex TransferS)
Monsieur Jean-Dominique Mellot, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France
Attention:
La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des Hautes Études, de 16h à 18h. (sauf la séance du 7 novembre 2017).
Elle se déroule à la Maison des Sciences de l'homme, 54 boulevard Raspail, 75006 Paris, 1er sous-sol (Métro: Sèvres-Babylone, Rennes, Saint-Sulpice).
Les conférences sont tenues par Monsieur Frédéric Barbier, sauf indication contraire. Elles sont ouvertes à tous les étudiants ou auditeurs inscrits à l'École pratique des Hautes Études.
Le présent calendrier est donné à titre indicatif.
7 novembre 2017
14h-16h Ouverture de la conférence. Livres français, lecteurs hongrois : introduction à la problématique, aperçu sur les sources, mise en place de la chronologie, par Monsieur István Monok, directeur général des archives et bibliothèques de l’Académie des sciences de Hongrie, professeur d’histoire du livre aux universités de Szeged et de Eger, professeur invité étranger à l’École normale supérieure (Labex TransferS)
13 novembre, 16h-18h Humanisme et piété dans les lectures en Hongrie au début du XVIe siècle, par Monsieur István Monok
20 novembre, 16h-18h Étude de cas : Balthasar Batthyány, ou l’humanisme de la Réforme à travers les textes français, par Monsieur István Monok
27 novembre, 16h-18h « Transferts et modernité dans la théorie politique du XVIIe siècle : Miklós Pázmány et le jeune Miklós Zrínyi, par Monsieur István Monok
4 décembre, 16h-18h Sur les pas des Bénédictins : le Voyage littéraire de deux bénédictins (1), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
11 décembre, 16h-18h Sur les pas des Bénédictins : le Voyage littéraire de deux bénédictins (2), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
18 décembre, 16h-18h Sur les pas des Bénédictins : le Voyage littéraire de deux bénédictins (3), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
25 décembre Pas de conférence
1er janvier 2018 Pas de conférence
8 janvier, 16h-18h Sur les pas des Bénédictins: le Voyage littéraire de deux bénédictins (4), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
15 janvier, 16h-18h Sur les pas des Bénédictins: le Voyage littéraire de deux bénédictins (5), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
22 janvier,16h-18h La Congrégation de Saint-Maur et la «librairie» parisienne (1621-1733), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
29 janvier, 16h-18h Les professions du livre en France sous l'Ancien Régime (1), par Monsieur Jean-Dominique Mellot, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France
5 février, 16h-18h Le patrimoine livresque: les musées du livre dans les bibliothèques italiennes depuis le XIXe siècle, par Monsieur Andrea De Pasquale, directeur général de la Bibliothèque nationale centrale de Rome.
12 février, 16h-18h Une ville du livre: Strasbourg face à la Réforme, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
19 février Pas de conférence : vacances d’hiver
26 février Pas de conférence : vacances d’hiver
5 mars, 16h-18h La Natio Germanica de l’université d’Orléans et sa bibliothèque, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
12 mars, 16h-18h La Natio Germanica de l’université d’Orléans et sa bibliothèque (suite), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
19 mars, 16h-18h La Natio Germanica de l’université d’Orléans et sa bibliothèque (fin), par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
26 mars, 16h-18h L'auteur et la première révolution du livre, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
2 avril, 16h-18h Pas de conférence (lundi de Pâques)
9 avril, 16h-18h L'auteur et la première révolution du livre, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études
16 avril, 16h-18h Pas de conférence (vacances de printemps)
23 avril, 16h-18h Pas de conférence (vacances de printemps)
30 avril, 16h-18h Pas de conférence (vacances de printemps)
7 mai, 16h-18h Les nouveaux abécédaires en français au XVIe siècle: ou le salut par la lecture, par Marianne Carbonnier, professeur émérite à la Faculté de théologie protestante de Paris
14 mai, 16h-18h Les livres de Julien Brodeau, avocat au parlement de Paris (1583-1653), par Monsieur Yves Le Guillou, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France, docteur de l'EPHE
21 mai Pas de conférence (lundi de Pentecôte)
28 mai, 16h-18h Les professions du livre en France sous l'Ancien Régime (2), par Monsieur Jean-Dominique Mellot, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France
7 juin Séance foraine: par suite des difficultés de transport, cette séance sera, si possible, organisée à la rentrée prochaine
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vendredi 6 octobre 2017
Une histoire de la "bibliophilie"
Le séminaire sur la bibliophilie et la collection de livres qui vient de se tenir à Madrid a permis de souligner plusieurs points fondamentaux. Mais nous saluons d’abord une entreprise qui réintroduit dans le champ de la recherche universitaire une pratique traditionnellement restée marginale, quand bien même la collection de livres et la bibliophilie ont joué un rôle notable dans l’économie du livre depuis la fin du Moyen Âge et le tournant de l’époque moderne jusqu'à aujourd'hui.
Par commodité, nous regrouperons certains des enseignements du séminaire autour d'un projet de typologie. La pratique de la collection, et la constitution de bibliothèques qui correspondent a priori à des collections privées (même si elles sont dites «publiques»), fonctionnent en effet comme des paradigmes variant d’un espace et d’une chronologie à l’autre. Essayons-nous à la repérer, et à les regrouper.
Un premier modèle serait celui de la bibliothèque humaniste, dont l'objet est encyclopédique, en Italie comme à Nuremberg –et à Séville. Dans un second temps, c’est le modèle de la bibliothèque baroque qui émerge et qui s’impose rapidement –entendons, de la bibliothèque comme attribut d’un pouvoir qui se constitue alors à la fois comme rationnel et comme absolu. Cette chronologie recouvre une partie importante de la période d’Ancien Régime, à savoir les XVe-XVIIe siècles.
La bibliophilie au sens moderne du terme constitue une catégorie nouvelle, qui s'appuie celle du rare, voire du «curieux», et elle apparaît surtout à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle: à côté de la bibliothèque, l’espace privilégié du livre rare est alors désigné comme celui du «cabinet choisi». Nous sommes devant une logique de distinction, dans l’acception sociologique du terme, logique qui s’articule avec les formes de la sociabilité du monde des Lumières, et notamment avec la conversation. La bibliophilie suppose par ailleurs l’élaboration d’un véritable «canon» de ce qu’il est légitime ou non de collectionner: ce canon est notamment donné par les publications des grands libraires parisiens, dont le plus importante est Debure, mais il est aussi défini par les principaux prescripteurs –les princes et leurs bibliothécaires, et les grands collectionneurs. Ceux-ci appartiennent très généralement à la noblesse, dans la France du XVIIIe siècle comme en Europe centrale, voire dans le Nouveau Monde.
Même si la bibliophilie fait l’objet de critiques sévères de la part du monde savant, parce qu’elle se traduit par une hausse des prix moyens du livre, la question reste posée: le déplacement du paradigme de la collection ne serait-il pas à mettre en parallèle avec le déplacement du pôle de pouvoir, et le passage de la «cour» à la «ville» et à ses salons?
Le dernier temps est celui d’un nouveau déplacement, dans lequel les catégories de l’identité et de la collectivité montent en puissance, avec l’élaboration d’une science de la langue et de ses productions (la philologie) qui attire l'attention sur des productions textuelles jusque là plus négligées. Il intervient aussi la définition d’identités collectives définies précisément par leur langue, par leur littérature… et par leur bibliothèque (cf réf. bibliographique: Les Bibliothèques centrales et la construction des identités collectives). On le sait, la catégorie elle-même de la nation est alors elle aussi en cours d’élaboration, tout particulièrement en France et dans l'espace germanique.
Un des points forts du programme de Madrid a porté sur sa dimension comparative. Certes, la construction d’une typologie est censée faciliter la compréhension, mais elle ne constitue jamais qu’une hypothèse: les modèle se superposent pour partie, parce que les chronologies changent selon la géographie (les structures politiques et sociales sont différentes, les appartenances religieuses varient, etc.). Le modèle débouche donc sur une simplification: celui que semble avoir privilégié le séminaire de Madrid est d'ordre fonctionnaliste, et s’appuie sur la catégorie centrale du pouvoir. D’autres approches seraient tout aussi légitimes, relatives aux différentes composantes permettant de décrire le système de la collection et de la bibliophilie: les pratiques, les représentations (les portraits de collectionneurs, les reliures, les ex libris), les contenus, les discours et les critiques (pensons à La Bruyère), les intermédiaires et leurs réseaux (experts et autres), etc.
Certaines collectivités correspondent plus précisément à ce modèle théorique, quand d’autres manifestent un décalage lui-même signifiant, parce que leur histoire n’est pas la même, parce que leurs traditions livresques diffèrent et parce que leurs possibilités d’accéder au marché des exemplaires disponibles sont elles aussi très différentes.
C’est pourtant le rôle de la typologie, que de mettre en lumière les éléments et les facteurs qu’elle ne prend pas directement en considération, mais qui n’en contribuent pas moins à sa détermination. Plusieurs très bonnes conférences présentées au cours du séminaire, notamment par des jeunes chercheurs, les ont envisagés plus précisément, par ex. sur la définition et sur le rôle des «intermédiaires» dans le monde des bibliophiles espagnols du XVIIIe siècle, sur la question du genre (les femmes apparaissent aussi parmi les collectionneurs), ou encore à travers des études de cas (entre autres, sur le marquis de Villagarcía),
Autant d’éléments, parmi d’autres, qui restent ouverts pour la recherche à venir.
Ouverture du séminaire dans un cadre éminemment symbolique, la Bibliothèque du Palais Royal de Madrid |
Un premier modèle serait celui de la bibliothèque humaniste, dont l'objet est encyclopédique, en Italie comme à Nuremberg –et à Séville. Dans un second temps, c’est le modèle de la bibliothèque baroque qui émerge et qui s’impose rapidement –entendons, de la bibliothèque comme attribut d’un pouvoir qui se constitue alors à la fois comme rationnel et comme absolu. Cette chronologie recouvre une partie importante de la période d’Ancien Régime, à savoir les XVe-XVIIe siècles.
La bibliophilie au sens moderne du terme constitue une catégorie nouvelle, qui s'appuie celle du rare, voire du «curieux», et elle apparaît surtout à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle: à côté de la bibliothèque, l’espace privilégié du livre rare est alors désigné comme celui du «cabinet choisi». Nous sommes devant une logique de distinction, dans l’acception sociologique du terme, logique qui s’articule avec les formes de la sociabilité du monde des Lumières, et notamment avec la conversation. La bibliophilie suppose par ailleurs l’élaboration d’un véritable «canon» de ce qu’il est légitime ou non de collectionner: ce canon est notamment donné par les publications des grands libraires parisiens, dont le plus importante est Debure, mais il est aussi défini par les principaux prescripteurs –les princes et leurs bibliothécaires, et les grands collectionneurs. Ceux-ci appartiennent très généralement à la noblesse, dans la France du XVIIIe siècle comme en Europe centrale, voire dans le Nouveau Monde.
Même si la bibliophilie fait l’objet de critiques sévères de la part du monde savant, parce qu’elle se traduit par une hausse des prix moyens du livre, la question reste posée: le déplacement du paradigme de la collection ne serait-il pas à mettre en parallèle avec le déplacement du pôle de pouvoir, et le passage de la «cour» à la «ville» et à ses salons?
Le dernier temps est celui d’un nouveau déplacement, dans lequel les catégories de l’identité et de la collectivité montent en puissance, avec l’élaboration d’une science de la langue et de ses productions (la philologie) qui attire l'attention sur des productions textuelles jusque là plus négligées. Il intervient aussi la définition d’identités collectives définies précisément par leur langue, par leur littérature… et par leur bibliothèque (cf réf. bibliographique: Les Bibliothèques centrales et la construction des identités collectives). On le sait, la catégorie elle-même de la nation est alors elle aussi en cours d’élaboration, tout particulièrement en France et dans l'espace germanique.
Un des points forts du programme de Madrid a porté sur sa dimension comparative. Certes, la construction d’une typologie est censée faciliter la compréhension, mais elle ne constitue jamais qu’une hypothèse: les modèle se superposent pour partie, parce que les chronologies changent selon la géographie (les structures politiques et sociales sont différentes, les appartenances religieuses varient, etc.). Le modèle débouche donc sur une simplification: celui que semble avoir privilégié le séminaire de Madrid est d'ordre fonctionnaliste, et s’appuie sur la catégorie centrale du pouvoir. D’autres approches seraient tout aussi légitimes, relatives aux différentes composantes permettant de décrire le système de la collection et de la bibliophilie: les pratiques, les représentations (les portraits de collectionneurs, les reliures, les ex libris), les contenus, les discours et les critiques (pensons à La Bruyère), les intermédiaires et leurs réseaux (experts et autres), etc.
Certaines collectivités correspondent plus précisément à ce modèle théorique, quand d’autres manifestent un décalage lui-même signifiant, parce que leur histoire n’est pas la même, parce que leurs traditions livresques diffèrent et parce que leurs possibilités d’accéder au marché des exemplaires disponibles sont elles aussi très différentes.
C’est pourtant le rôle de la typologie, que de mettre en lumière les éléments et les facteurs qu’elle ne prend pas directement en considération, mais qui n’en contribuent pas moins à sa détermination. Plusieurs très bonnes conférences présentées au cours du séminaire, notamment par des jeunes chercheurs, les ont envisagés plus précisément, par ex. sur la définition et sur le rôle des «intermédiaires» dans le monde des bibliophiles espagnols du XVIIIe siècle, sur la question du genre (les femmes apparaissent aussi parmi les collectionneurs), ou encore à travers des études de cas (entre autres, sur le marquis de Villagarcía),
Autant d’éléments, parmi d’autres, qui restent ouverts pour la recherche à venir.
dimanche 1 octobre 2017
Les Cahiers de science et vie, oct. 2017
Précisons d'entrée, avec un clin d'œil, que ce n’est pas seulement à cause des pages 84-86 (cf cliché ci-joint!) que nous ne pouvons que conseiller de se procurer la dernière livraison des Cahiers de science et vie (oct. 2017), mais bien parce que le dossier présenté porte sur l’écriture («L’écriture: comment elle a changé le monde»), et parce qu’il constitue une introduction à la fois informée et agréable à un domaine qui touche aussi à l’histoire des médias et du livre. À l'heure où il est de bon ton de vilipender les journalistes, c'est là un vrai travail de journalistes scientifiques.
L’écriture est d’abord envisagée comme «une pratique protéiforme» (p. 24 et suiv.): on transcrit très généralement le langage oralisé, mais «d’autres choses que des mots» peuvent aussi être notées (la musique, le mouvement, les mathématiques, etc.), tandis que la variabilité des écritures, c’est-à-dire des systèmes de codage, est infinie. Nous ajouterions volontiers que notre appétence pour la typologie n’est pas sans risques: l’écriture alphabétique n’est pas fondée sur la seule logique de l’alphabet, et la ligne d’évolution n’est pas systématiquement celle d'un travail d'analyse de plus en plus poussé, ni d’une abstraction croissante.
Le dossier revient ensuite sur les «proto-écritures» (p. 30 et suiv.), autrement dit sur les signes probablement symboliques dont on observe l’existence dès la préhistoire (nous en avons mentionné quelques exemples sur ce blog): il existe en effet des systèmes graphiques antérieurs aux écritures proprement dites, mais nous ne disposons plus des éléments qui permettraient de les interpréter.
L’apparition de l’écriture proprement dite est traitée ensuite («Et l’homme se mit à écrire», p. 34 et suiv.), à partir bien évidemment des exemples de la Mésopotamie et de l’Égypte (peut-être aurait-il fallu développer un petit peu plus le cas de la Phénicie?) La contribution évoque, même très brièvement, un certain nombre de questions posées par l’articulation entre l’essor de l’écriture (nous devrions écrire: des écritures) et les catégories de la pensée que celle-ci contribue à structurer (par ex., «l’esprit critique ne serait véritablement né qu’avec l’écriture», p. 40). Ce thème fondamental sera repris à la fin du dossier.
La variété des supports d’écriture est envisagée ensuite, des tablettes d’argile (puis de cire) au papyrus, au parchemin, au papier et aux nouveaux supports: bien évidemment, la nature du support détermine dans une très large mesure la forme matérielle de l’objet, du volumen au codex, etc.(mais elle peut aussi déterminer la forme des signes, comme le montre l'exemple de l'épigraphie).
La suite de la livraison présente un certain nombre de problèmes connexes, mais qui restent fondamentaux: l’histoire et l’avenir des bibliothèques, celles-ci étant avant tout envisagées dans leur articulation avec les pouvoirs politiques (p. 48 et suiv.); puis, la question de l’original, de la copie, du faux, etc. La «Naissance d’une civilisation du texte» (p. 56 et suiv.) constitue une note particulièrement intéressante (p. 56 et suiv.): mais le problème reste posé, s'agissant de la Grèce classique, de la transition entre une civilisation de la parole, qui est encore celle de Socrate, et une civilisation de l’écrit, qui sera celle de Platon, puis d’Aristote, et dont le Musée d’Alexandrie constituera comme le symbole érigé au rang de mythe.
«Les livres qui ont changé le monde» présente d’abord des textes à connotation religieuse, puis des textes de littérature, de politique (de Platon à Karl Marx) et enfin des textes relevant du savoir scientifique: il ne sert de rien de discuter le choix des titres retenus, il suffit de profiter de la promenade suggestive qui nous est ainsi proposée, à travers un certain de très grands textes consacrés par la mémoire collective... et par l'histoire éditoriale. Puis, la presse périodique est brièvement envisagée par une contribution spécifique («L’information brise ses chaînes», p. 72 et suiv.), bien informée mais à laquelle on fera sans doute, plus qu’à d’autres, le reproche d’être surtout orientée sur le cas de la France.
L’évocation des «Index, autodafés», etc. («Quand les livres font peur») est tout particulièrement bien venue. Enfin, le dernier texte, avant l’interview, pose la question devenue fondatrice: à l’heure des nouveaux médias et de la généralisation des pratiques qui leur sont liées, quelles conséquences, même à plus long terme, pourrait avoir la mutation aujourd’hui engagée, sur les modes de pensée qui sont les nôtres, tout au moins en Occident, sur la permanence d’un certain nombre de catégories que nous aurions crues fondatrices (texte, auteur, littérature, langue…), voire plus profondément sur la structuration même de notre cerveau. Des remarques qui s’imposent, à l’heure où l’on discute toujours, dans notre pays, des réformes à mettre en œuvre pour l’apprentissage de la lecture.
Ajoutons qu’un des agréments, et non le moindre, de ce petit fascicule réside dans son illustration à la fois élégante et très généralement pertinente. Et concluons en recommandant une publication modeste, mais efficace et bien informée, et qui est réellement susceptible d’introduire le non-spécialiste à notre champ d’études.
L’écriture est d’abord envisagée comme «une pratique protéiforme» (p. 24 et suiv.): on transcrit très généralement le langage oralisé, mais «d’autres choses que des mots» peuvent aussi être notées (la musique, le mouvement, les mathématiques, etc.), tandis que la variabilité des écritures, c’est-à-dire des systèmes de codage, est infinie. Nous ajouterions volontiers que notre appétence pour la typologie n’est pas sans risques: l’écriture alphabétique n’est pas fondée sur la seule logique de l’alphabet, et la ligne d’évolution n’est pas systématiquement celle d'un travail d'analyse de plus en plus poussé, ni d’une abstraction croissante.
Le dossier revient ensuite sur les «proto-écritures» (p. 30 et suiv.), autrement dit sur les signes probablement symboliques dont on observe l’existence dès la préhistoire (nous en avons mentionné quelques exemples sur ce blog): il existe en effet des systèmes graphiques antérieurs aux écritures proprement dites, mais nous ne disposons plus des éléments qui permettraient de les interpréter.
L’apparition de l’écriture proprement dite est traitée ensuite («Et l’homme se mit à écrire», p. 34 et suiv.), à partir bien évidemment des exemples de la Mésopotamie et de l’Égypte (peut-être aurait-il fallu développer un petit peu plus le cas de la Phénicie?) La contribution évoque, même très brièvement, un certain nombre de questions posées par l’articulation entre l’essor de l’écriture (nous devrions écrire: des écritures) et les catégories de la pensée que celle-ci contribue à structurer (par ex., «l’esprit critique ne serait véritablement né qu’avec l’écriture», p. 40). Ce thème fondamental sera repris à la fin du dossier.
La variété des supports d’écriture est envisagée ensuite, des tablettes d’argile (puis de cire) au papyrus, au parchemin, au papier et aux nouveaux supports: bien évidemment, la nature du support détermine dans une très large mesure la forme matérielle de l’objet, du volumen au codex, etc.(mais elle peut aussi déterminer la forme des signes, comme le montre l'exemple de l'épigraphie).
La suite de la livraison présente un certain nombre de problèmes connexes, mais qui restent fondamentaux: l’histoire et l’avenir des bibliothèques, celles-ci étant avant tout envisagées dans leur articulation avec les pouvoirs politiques (p. 48 et suiv.); puis, la question de l’original, de la copie, du faux, etc. La «Naissance d’une civilisation du texte» (p. 56 et suiv.) constitue une note particulièrement intéressante (p. 56 et suiv.): mais le problème reste posé, s'agissant de la Grèce classique, de la transition entre une civilisation de la parole, qui est encore celle de Socrate, et une civilisation de l’écrit, qui sera celle de Platon, puis d’Aristote, et dont le Musée d’Alexandrie constituera comme le symbole érigé au rang de mythe.
«Les livres qui ont changé le monde» présente d’abord des textes à connotation religieuse, puis des textes de littérature, de politique (de Platon à Karl Marx) et enfin des textes relevant du savoir scientifique: il ne sert de rien de discuter le choix des titres retenus, il suffit de profiter de la promenade suggestive qui nous est ainsi proposée, à travers un certain de très grands textes consacrés par la mémoire collective... et par l'histoire éditoriale. Puis, la presse périodique est brièvement envisagée par une contribution spécifique («L’information brise ses chaînes», p. 72 et suiv.), bien informée mais à laquelle on fera sans doute, plus qu’à d’autres, le reproche d’être surtout orientée sur le cas de la France.
L’évocation des «Index, autodafés», etc. («Quand les livres font peur») est tout particulièrement bien venue. Enfin, le dernier texte, avant l’interview, pose la question devenue fondatrice: à l’heure des nouveaux médias et de la généralisation des pratiques qui leur sont liées, quelles conséquences, même à plus long terme, pourrait avoir la mutation aujourd’hui engagée, sur les modes de pensée qui sont les nôtres, tout au moins en Occident, sur la permanence d’un certain nombre de catégories que nous aurions crues fondatrices (texte, auteur, littérature, langue…), voire plus profondément sur la structuration même de notre cerveau. Des remarques qui s’imposent, à l’heure où l’on discute toujours, dans notre pays, des réformes à mettre en œuvre pour l’apprentissage de la lecture.
Ajoutons qu’un des agréments, et non le moindre, de ce petit fascicule réside dans son illustration à la fois élégante et très généralement pertinente. Et concluons en recommandant une publication modeste, mais efficace et bien informée, et qui est réellement susceptible d’introduire le non-spécialiste à notre champ d’études.
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