Monsieur,
Mon compatriote et confrère en bibliophilie, M. Renard, a bien voulu vous demander si je ne vous serai [sic] pas importun en allant, vers le milieu de juin, étudier sous votre direction les précieux incunables de la Bibliothèque dont la surveillance vous est confiée. Vous avez eu l’obligeance de lui promettre pour moi le plus cordial accueil. Je ne veux pas attendre de l’avoir mis à l’épreuve pour vous en remercier. Il y avait au XVe siècle et au commencement du XVIe, entre nos deux villes, des relations bien plus intimes qu’elles ne le sont de nos jours. Je tiens pour certain que l’imprimerie nous est parvenue par l’intermédiaire de Bâle, et je tiens à examiner les monuments qui vous restent de ses débuts chez vous, pour les comparer avec les nôtres. Tel est le but principal du voyage dont, grâce à votre concours, j’espère revenir chargé de notes et de souvenirs précieux.
Je ne peux pas déterminer exactement l’époque de mon départ, étant obligé de faire coïncider mon absence avec les exigences de mes fonctions [Baudrier est président de la cour d'appel]. Je ne pense pas cependant me tromper de beaucoup en vous disant que j’aurai vraisemblablement le plaisir de vous voir dans quinze jours ou trois semaines.
Veuillez en attendant, Monsieur le Conservateur, agréer avec mes remerciements la bien vive expression de mes meilleurs sentiments (Archiv UB Basel, A-I 13a).
D’autres lettres suivront, en 1880, dans lesquelles Baudrier remercie le conservateur de son accueil… et lui demande de nouvelles précisions. Dans une lettre du 9 mars 1880, il le remercie de lui avoir déposé, lors de son passage à Lyon, un
délicieux plan de Bâle » : …Merci du Plan de Bâle. Il est parfait, et l’épreuve que vous me donnez est excellente. Je vois les cellules des anciens chartreux de la vallée de Sainte-Marguerite, et avec un peu d’imagination je pourrai me figurer que je distingue celle de Jean de la Pierre.
Lettre du président Baudrier, 1879 (Univ. Bibl. Basel, Archiv) |
En somme, dans les bibliothèques, on trouve des livres, certes, et «bien d’autres choses», comme on me l’a un jour finement fait remarquer. Mais on trouve aussi ce que l’on y cherche trop peu, des archives, qu’il conviendrait d’abord de préserver en les conservant dans de bonnes conditions, en les classant, et en les cataloguant, avant de pouvoir les étudier. Nul doute que leurs apports seraient considérables s’agissant des pratiques du travail intellectuel, mais aussi de l’organisation et du fonctionnement des champs littéraire et scientifique parfois depuis le XVIIIe siècle –sans parler de l'archivistique elle-même, et des développements de la rationalité bureaucratique dans l'institution bibliothécaire.
Autant de fonds richissimes qui attendent d’être repérés, et exploités.
Bibliogr.: Henri Baudrier, Une Visite à la Bibliothèque de l'Université de Bâle, par un bibliophile lyonnais, Lyon, À la Librairie ancienne d'Aug. Brun, 1880.