La célébrissime vue, depuis le bd des Pyrénées |
C’est en 1737 que l’Académie de Pau, pour la première fois, soumet aux Etats de Béarn un projet en vue de fonder une bibliothèque «publique», mais celui-ci n’est pas reçu. La première bibliothèque accessible au public date de 1744, quand l’abbé de Béségua, professeur de droit à l’Université, lègue à l’Académie sa propre bibliothèque, à condition de la rendre accessible. De manière plus classique, l’avenir de la bibliothèque de Pau s’inscrira dans la tradition de la Révolution: après nombre d’errements, les collections sont réunies d’abord à l’Ecole centrale (ancien collège jésuite), puis aux Cordeliers. Rappelons simplement ici que ces collections s’accroissent beaucoup au XIXe siècle, notamment par suite de la suppression de la bibliothèque du Palais de Pau, et de son reversement à la bibliothèque de la ville. Parmi les volumes, la magnifique collection André Manescau (1791-1875).
L’exposition offre ainsi l’opportunité de revenir sur la trajectoire d’une figure presque balzacienne. L’histoire de la famille Manescau est en effet très remarquable: l’activité traditionnelle est celle de maréchal-ferrand (comme l'indiquerait l’étymologie du nom), quand deux frères réussissent en 1769 à obtenir la charge de maîtres de poste à Pau lorsque celle-ci est créée. Le relais, établi à l’intersection des routes de Bordeaux et de Paris, de Toulouse, d’Espagne et des différentes vallées pyrénéennes, se développe rapidement. A la génération suivante, Jean Manescau prend la suite de l’affaire, puis son fils, André, lequel a d’abord fait, comme il se doit dans cette bourgeoisie en voie d'ascension rapide, des études de droit, avant de s'inscrire comme avocat à Pau en 1812. Publiant en 1838 des Souvenirs de voyages, Nisard s’étonne de rencontrer à Pau une pléiade de bons esprits, qu’ils soient avocat, médecin, commerçant… ou maître de poste:
Il y a dans Pau tel maître de poste qui, tout en soignant ses foins et ses avoines, tout en gouvernant des chevaux et des postillons, sait plus bibliographie que certains bibliographes attitrés et visant aux académies ; et ce qui est plus rare, qui a autant d’esprit que de littérature, autant d’intelligence que de vrai savoir ; homme d’un accueil charmant, qui honore sa ville natale par la manière dont il en fait les honneurs (passage repris du Dictionnaire de la conversation et de la lecture, vol. t. XLI, Paris, Belin-Mandar, 1837, p. 376-377).
L’ascension sociale atteint son apogée, en partie grâce à l’intégration géographique due à la révolution des transports (qui pourtant ruinera, à terme, les maîtres de poste), en partie aussi grâce à l’essor d’une forme de tourisme qui fait des Pyrénées, et de l’Espagne, une destination «exotique» à la mode. Manescau est une figure caractéristique de la bourgeoisie libérale triomphant sous la monarchie de Juillet: ce propriétaire agronome et organisateur de plusieurs sociétés savantes (dont l’Académie), est aussi un botaniste, un amateur de littérature et un administrateur, comme maire de Pau de 1843 à 1848, et comme député des Basses-Pyrénées (plus tard débaptisées en Pyrénées-Atlantiques) à l’Assemblée législative de 1849. Son habitation de la place de Gramont est l'un des pôles de la vie culturelle et artistique de la ville.
Médiathèque de Pau, où est présentée l'exposition |
La collection Manescau enrichit l’exposition en cours, tandis que le personnage et ses livres ont fait l’objet plus anciennement d’une autre exposition à la bibliothèque de Pau (1956).
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