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jeudi 23 janvier 2014

Nouvelle publication: catalogue d'incunables

Aujourd’hui, où la norme est celle du catalogue (et du catalogue collectif) en ligne, la publication d’un catalogue «classique» d’incunables (nous voulons dire, un catalogue imprimé) se justifie-t-elle? Le tout récent Catalogue des incunables de la Bibliothèque de l’Académie hongroise des sciences nous démontre que oui, et cela d’autant plus que, avec ses quelque 1200 unités, la collection de l’Académie est la seconde du pays après celle de la Bibliothèque nationale.
Le Catalogue s’ouvre par une importante préface (en anglais) sur l’histoire de la collection. On sait en effet le rôle fondateur de l’Académie des sciences dans la construction de la nation hongroise. L’entreprise de réforme et de modernisation impulsée par le corégent, puis empereur Joseph II visait à instituer un Etat centralisé sur le modèle français, Etat organisé autour de sa capitale de Vienne, et dans lequel la  langue officielle serait l’allemand. Mais, avec la mort de l’empereur (1790) et le déclenchement de la Révolution française, la conjoncture se renverse: alors que toutes les forces du pays devront bientôt être rassemblées contre un ennemi extérieur très décidé, il faut se montrer d’autant plus prudent que les réformes éclairées du joséphisme ont suscité des oppositions dans l’Église, au sein de la haute noblesse et auprès des représentants des différentes «nationalités».
A côté de la Bibliothèque nationale (Bibliotheca Regnicolaris) fondée en 1802, l’Académie hongroise des sciences (1825) constituera la seconde institution savante centrale de la nation en construction, et, comme pour la Bibliothèque, l’initiative est prise non pas par le souverain (l’empereur de Vienne est aussi roi de Hongrie), mais par les représentants de la plus haute noblesse: le comte Istvan Széchényi est la figure centrale, et le premier président de la nouvelle Académie sera le comte Jozsef Teleki (1790-1855) (cliquer ici pour s'informer sur les bibliothèques des Teleki). L’institution s’adjoint bientôt une bibliothèque, dont la caractéristique est d’avoir été principalement constituée par les dons des grands magnats, membres de l’Académie et qui, en l'absence d'une cour royale, s'attribuent le rôle de fondateurs et d'organisateurs de la nation
Comme nous le rappelle la précieuse introduction au catalogue (p. 7-17), il s’agit d’abord des Teleki, avec quelque quatre cents incunables. Les bibliothèques de György Rath (1828-1905) et des comtes Antal, Sandor et Ferenc Vigyazo sont également à la base de la collection, tandis que d’autres dons sont aussi à noter (parmi lesquels Imre Jancso, et un certain nombre d'autres). L’introduction résume les caractéristiques du fonds actuel des incunables, mais elle donne surtout de très précieuses informations sur les sources d’archives qui peuvent s’y rapporter (anciens catalogues, et quelques factures correspondant à des achats plus ou moins spectaculaires, comme le montre l’illustration 1b).
Il y a quelques temps déjà (!) que l’intérêt majeur des incunabulistes s’est en effet déplacé, de la simple identification bibliophilique des éditions vers les particularités des exemplaires, particularités bien trop rarement reprises par les fiches catalographiques, et donc la plupart du temps par les catalogues numérisés. Pourtant, ce sont précisément ces particularités qui nous apportent le plus d'informations sur l'histoire sociale des livres et des textes. Le Catalogue des incunables de la Bibliothèque de l’Académie hongroise des sciences répond de la manière la plus heureuse à cette insuffisance, en donnant toutes les précisions possibles sur la provenance, etc., des exemplaires conservés, en décrivant le cas échéant la reliure avec la plus grande exactitude, et en publiant in fine un certain nombre d'excellentes reproductions en couleurs.
Exemplaire de Guy de Chauliac, provenant de la bibliothèque de Hartmann Schedel
Nous voici par conséquent devant un volume qui correspond aux critères les plus récents de la recherche scientifique, et qui attire l’attention sur un fonds trop souvent ignoré, notamment en Occident. Alors, oui, les catalogues «sur papier» constituent encore des outils irremplaçables, quand ils ont cette qualité et quand ils complètent notre information pour des points sur lesquels les données des catalogues informatisés sont très largement insuffisantes –au passage, nous nous permettrons de rappeler que nous attendons toujours la conclusion de l’entreprise pleine de promesses des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques de France… 

Catalogue of Incunables of the Library and Information Centre of the Hungarian Academy of Sciences (…). INC-MTA,
éd. Marianne Rozsondai, Béla Rozsondai,
Budapest, Argumentum Publischinh House, 2013,
458 p., pl. en coul., rel.
ISBN 978-963-446-695-6

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