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dimanche 21 juillet 2013

Mondialisation et histoire du livre (1)

L’exposition que la Bibliothèque Mazarine consacre en ce moment même à Raynal invite à revenir sur une thématique déjà abordée plusieurs fois dans ce blog, à savoir celle de la mondialisation et de la globalisation. C’est peu de dire que voilà deux concepts particulièrement à la mode aujourd’hui, et non pas seulement dans les domaines de la politique ou de l’économie. Histoire et civilisation du livre. Revue internationale aussi a sacrifié à la mode nouvelle, en publiant récemment un dossier dirigé par Jean-Yves Mollier et consacré à une «Histoire mondiale du livre». Pour autant, il ne peut pas s’agir simplement de «revisiter» une histoire du livre conçue traditionnellement selon la catégorie de la nation, et l’«histoire mondiale» du livre est nécessairement autre chose que la simple juxtaposition d’histoires nationales, même matinée d’un zeste de comparatisme.
Le principe de la mondialisation est bien sûr d’abord lié à l’espace. À ce titre, le phénomène est déjà ancien, puisque l’invention de l’imprimerie vers 1450 inaugure des processus d’ouverture dont l’un des effets est la véritable «conquête» du globe par le média nouveau: après l’Europe, l’Amérique espagnole s’inscrit en tête, avec les presses de Mexico et de Lima au XVIe siècle, tandis que le XVIIe siècle voit la première imprimerie en Amérique du nord (Harvard, 1640) . Le XVIIIe siècle marque, peut-être, le premier apogée d’un processus dont l’abbé Raynal se fait le théoricien dans son Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, publiée pour la première fois à l’adresse d’Amsterdam en 1770.
Articulé avec le concept de mondialisation, celui de globalisation renvoie plutôt à une logique de rapprochement et d’intégration de phénomènes complexes –et Raynal en est à nouveau le théoricien lorsqu’il ouvre son livre en montrant comment la dilatation d’un monde occidental étendu aux dimensions du globe s’accompagne d’une interdépendance nouvelle, notamment d’ordre économique (y compris l’économie de la consommation) entre les différents espaces et les différentes civilisations:
«C’est [avec le passage du cap de Bonne-Espérance] que les hommes des contrées plus éloignées se sont devenus nécessaires; les productions des climats placés sous l’équateur se consomment dans les climats voisins du pôle; l’industrie du nord s’est transportée au sud; les étoffes de l’Orient habillent l’Occident, et par-tout les hommes se sont communiqués leurs opinions, leurs lois, leurs usages, leurs remèdes, leurs maladies, leurs vertus et leurs vices».
À Irkoutsk, les "Débats" des décembristes
Le média du livre et de l’imprimé constitue à partir de la seconde moitié du XVe siècle un élément fondamental qui intervient dans ces différents phénomènes, qu’il s’agisse de circulation des nouvelles, mais aussi des connaissances, des contenus littéraires, voire des formes esthétiques ou autres. À la fin du XVIIIe siècle, le monde correspond déjà pour partie au modèle du «village global» cher à Marshall McLuhan, et l’on se souvient du vicomte de Chateaubriand voyageant dans la région des Grands Lacs sous la Révolution. C’est dans un bivouac complètement isolé qu’il apprend à l’improviste la nouvelle de la fuite et de l’arrestation du roi à la suite de l’affaire de Varennes:
«Tandis que les patates de mon souper ébouillaient sous ma garde, je m’amusai à lire à la lueur du feu, en baissant la tête, un journal anglais tombé à terre entre mes jambes: j’aperçus, écrits en grosses lettres, ces mots: Flight of the king (Fuite du Roi). C’était le récit de l’évasion de Louis XVI…» »Encore quelques décennies, et ces décembristes exilés à Irkoutsk seront abonnés au Journal des débats, qui constitue l’un de leurs liens privilégiés avec l’Europe».

Un second billet suivra.

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