L’expression de «Bataille des nations» correspond au mot composé allemand Völkerschlacht, que l’on peut traduire par «bataille des peuples». Nous n’avons pas à développer ici la problématique, pourtant fondamentale, relative au terme de «nation». Son acception se renverse complètement entre la fin du XVIIIe siècle et aujourd’hui: la «nation» est d’abord un concept politique, celui que l’on retrouve dans l’expression des «bibliothèques nationales» entendues comme les bibliothèques conservant les livres qui appartiennent à la collectivité, en l’occurrence, les «livres nationaux» saisis par la Révolution sur le clergé (biens de première origine), puis sur les émigrés (biens de seconde origine). Bien évidemment, le «peuple» (Volk) a un sens tout différent, dont la dimension première est d’ordre, non pas politique, mais linguistique et ethnographique. On mesure dès lors combien radicalement l’acception du terme français («nation») est aujourd’hui inversée, mais on comprend aussi l’importance de l’événement de 1813 pour un «peuple», le peuple allemand, dont l’unité politique était encore à construire –nous ne discutons pas ici de l’acception, au moins aussi problématique en français, de ce terme de «peuple».
Deutsche Bücherei, Leipzig (cliché nov. 2012) |
Deutsche Bücherei, Leipzig (cliché nov. 2012) |
La Bibliothèque constitue un modèle sur les deux plans, architectural comme bibliothéconomique: un long bâtiment incurvé le long de la place, en style historiciste, mais où l’ampleur (120m de long) se combine à une réelle élégance. Deux tours rondes de part et d’autre assoient la perspective. L’ensemble est combiné de manière à se prêter à des extensions que l’on prévoit tous les vingt ans. Les travaux sont menés avec rapidité, malgré la Guerre, puisque la Bibliothèque sera inaugurée dès le 2 septembre 1916.
Affiche officielle de la BUGRA |
Arrivés en 1914, il serait temps pour nous de rouvrir les Souvenirs d’un Européen rédigés par Stephan Zweig... au Brésil en 1941 (Le Monde d'hier): l’Europe disparue dans ces quatre années de guerre s’est reconstruite à plusieurs reprises, mais elle reste toujours en grande partie à construire. Ce projet humaniste suppose une forme de compréhension, et une connaissance un petit peu meilleure de l’histoire des uns et des autres, voire de sa propre histoire. C’est aussi ce à quoi ce modeste blog peut, à son petit niveau, s’efforcer de contribuer.
Terminons par une note plus personnelle, mais qui touche aussi aux commémorations, et d’une certaine manière aux transferts culturels entre l’Allemagne et la France. Une très remarquable représentation du Götterdämmerung («Le Crépuscule des dieux») à laquelle nous avons assisté hier soir en clôture du Ring parisien nous fait remarquer que ce 22 mai 2013 est aussi le jour d’un autre anniversaire: c’est en effet le 22 mai 1813 que Richard Wagner est né… à Leipzig. Mais c'est là un autre sujet.
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