dimanche 27 avril 2014

Conférence d'histoire du livre


École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre


Lundi 28 avril 2014
16h-18h
Vers une prosopographie des gens du livre en France :
l'exemple de la Basse-Normandie 1701-1789,
par

 Monsieur Ian Maxted,
 conservateur honoraire pour le fonds régional des bibliothèques du Devon,
chercheur indépendant,
animateur du site bookhistory.blogspot.co.uk

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

jeudi 24 avril 2014

Une superbe bibliothèque du XVIe siècle

Toujours en Bohême, la petite ville de Březnice (Bresnitz) possède un très intéressant château dont les origines remontent à l’époque gothique.
Georges de Lokšan, qui s'établit en Bohême en 1523 comme secrétaire de Louis de Jagellon, est le fondateur moderne de Březnice, alors réaménagé dans le style de la Renaissance. Mais le roi de Bohême et de Hongrie, successeur de Mathias Corvin, meurt à Mohács trois ans plus tard. La veuve de Georges, Catherine (Katharina) Adler, vient de Spire, et est apparentée aux richissimes Welser d’Augsbourg. C'est elle qui crée la bibliothèque du château, et qui poursuit la reconstruction de celui-ci en faisant venir des architectes italiens. Leur petit-fils obtiendra le titre de «seigneur» de Bohême en 1604.
Nous sommes dans un environnement protestant, ce qui explique que, au moment de la Montagne Blanche (1621), l'un des descendants quitte la Bohême avec l’électeur palatin Frédéric V, tandis que le deuxième se voit confisquer le château, et que le dernier se convertit au catholicisme… Le château est cédé au procureur royal alors requis dans le procès des nobles révoltés (1622) (Adaukt Genissek, baron von Augezd). Plus tard, château et domaine passeront aux Kolowrat-Krakowský: le comte Joseph Maria Kolowrat-Krakowský, baron von Újezd (1746-1824), donnera au Musée national de Prague un premier ensemble de 96 manuscrits de Breznitz, et il sera imité par son fils, Johann Nepomuk Karl. Ce dernier étant décédé sans enfants, la propriété passera enfin à la famille hongroise des Pálffy von Erdöd, et les 90 derniers manuscrits de Breznitz seront cédés par ceux-ci en 1893 au Musée national.
 Les livres ne sont plus là, mais le château de Březnice conserve aujourd'hui la plus ancienne bibliothèque existant en République tchèque: dans une belle salle du premier étage, aux poutres peintes et aux murs décorés de fresques, deux armoires fermées abritent la collection de livres –il y a de la place pour quelque cent cinquante volumes. En face, devant une étroite fenêtre, une table servant de bureau pouvait être utilisée par celui qui souhaitait travailler sur les volumes.
Voici donc un monument de l’histoire des bibliothèques, d’autant plus précieux que les aménagements mobiliers remontant aux premières décennies du XVIe siècle sont aujourd’hui devenus rarissimes, et qu’il s’agit d’une bibliothèque privée, dans un environnement politico-culturel à tous égards remarquable.
Bibliographie: Fabian Handbuch.
Merci à Mme Claire Madl pour ses éclaircissements sur une histoire… compliquée.

vendredi 18 avril 2014

Dans un château de Bohême

Les bibliothèques de château constituent un département de la bibliothèque du Musée national de la République tchèque, mais un bon nombre de ces collections est resté en place, dans les châteaux des familles nobles disséminés à travers la Bohême et la Moravie. Parmi celles-ci, la bibliothèque des Fürstenberg est aujourd’hui conservée dans l’un des anciens châteaux de cette famille, à Krivoklát (alld Pürglitz).
En arrivant à Krivoklát
Les Fürstenberg sont originaire de la Souabe (Forêt Noire), et leur résidence principale est traditionnellement établie à Donaueschingen, cette petite ville célèbre pour sa position aux sources du Danube. La principauté immédiate d’Empire représentait, vers 1770, quelque 2000km2, et environ 80 000 habitants. Elle sera intégrée dans le grand-duché de Bade, donc médiatisée, en 1806. En règle générale, les Fürstenberg, catholiques, sont au service des Habsbourg, et leur intérêt pour leurs domaines familiaux reste relativement limité.
Le fondateur de la bibliothèque est Joseph Wilhelm Ernst (1699-1762), ancien élève des Jésuites à Pont-à-Mousson, puis étudiant à Strasbourg. On rappellera au passage que le premier évêque de Strasbourg après la réunion à la France et le rétablissement de la religion catholique par Louis XIV, est le prince Guillaume Egon de Fürstenberg (1629-1704), qui sera nommé cardinal, qui tentera un temps de s’imposer au siège de Cologne et qui mourra à Paris comme abbé de Saint-Germain-des-Prés
Joseph Wilhelm Ernst réside quant à lui à Vienne: il épouse Maria Anna de Waldstein (Wallenstein), et serait le premier à avoir réuni au Palais Fürstenberg de Prague une bibliothèque d’une certaine importance. Son second fils, le landgrave Karl Egon (1729-1787), est le fondateur de la lignée des Fürstenberg en Bohême: représentant idéaltypique de la noblesse des secondes Lumières, il préside la Société des sciences de Bohême (Böhmische Ges. der Wissenschaften), et il réunit à Prague la plus grande bibliothèque noble de la ville, soit environ 20 000 volumes. Son fils cadet, Philipp Nerius (1755-1790), poursuit son œuvre, et d’autres collections sont successivement ajoutées au fonds primitif de la bibliothèque familiale.
Ex libris des Fürstenberg
Pourtant, le XIXe siècle est globalement moins favorable, jusqu’à ce que la bibliothèque soit transportée, en 1881, du palais de Prague au château de Krivoklát, à quelque soixante-dix kilomètres à l’ouest de la capitale. Ancienne forteresse royale, Krivoklát a été ravagé à plusieurs reprises par des incendies, avant d'être acheté par les Waldstein en 1685, puis de passer aux Fürstenberg en 1733. Ceux-ci, pourtant, n’y habitèrent pratiquement jamais, et le château servit surtout de siège à une entreprise très profitable de brasserie. En 1929, les princes, possiblement bien informés, vendent leurs domaines à la République de Tchécoslovaquie, en pleine phase d'application de la réforme agraire.
Pour parvenir à Krivoklát, nous remontons d’abord la belle rivière de la Berounka, et pouvons découvrir un instant au passage l’impressionnante fortification élevée par Charles IV à Karlstein. Après avoir changé à Beroun pour un petit autorail très champêtre, nous nous engageons sur une ligne secondaire qui poursuit en se glissant le long des méandres de la rivière, de gare en gare, jusqu’à Krivoklát. En face, sur la rive gauche, le château domine les quelques maisons du tout petit village. Un chemin piétonnier, puis un pont et une petite rampe nous y conduisent, tandis que l’autorail reprend son trajet au fil de la vallée printanière.
La visite du château permet de se faire une idée de ce que pouvait le centre d’un grand domaine d'Europe centrale: le château certes, remontant au Moyen Âge, mais aussi de très vastes communs, d’où sont administrés les biens de la famille. La bibliothèque, qui compte toujours plus de 50 000 volumes (dont 189 incunables!), est installée dans l’ancienne salle des chevaliers (Rittersaal), et elle est tout particulièrement riche pour tout ce qui concerne l’histoire du livre, de la bibliographie et des catalogues de bibliothèque.
Dans la "Biblia pauperum", une scène de prêche comme l'artiste pouvait en observer à son époque à Strasbourg même
Parmi les volumes que nous avons la possibilité d’examiner, plusieurs éditions strasbourgeoises du XVIe siècle: un Quinte Curce édité par Érasme,avec une très belle mise en livre humaniste et dans un exemplaire  couvert de notes  soigneusement prises par quelque étudiant contemporain (Mathias Schurer, 1518); la Chronique de Spangenberg (héritiers de B. Jobin, 1599), introduite par une épître de Paulus Crusius (1588-1629), professeur au Gymnase, puis à l’Université, et couronné poète impérial; et, surtout, une très remarquable Biblia pauperum (Nouveau Testament allemand) imprimée certes à Spire par Anastasius Nolt en 1533, mais avec les superbes bois gravés utilisés pour l’édition du Nouveau testament de Luther donnée à Strasbourg six années auparavant. Cet exemplaire, étudié par P. Mašek, serait très probablement un unica, et il constitue un exemple extraordinaire de «Bible des pauvres» d’inspiration réformée.
Bornons-nous à ajouter que les Fürstenberg possédaient deux autres bibliothèques, la première à Donaueschingen, la deuxième à Weitra, en Autriche. Nous aurons l'occasion de revenir à cette famille, en préparant l'histoire des bibliothèques de Strasbourg.

P. Mašek, «Unikátní tisk špýrského tiskaře Anastasia Nolta v křivoklátské knihovně», dans Knihy a dějiny, 20 (2013), p. 73-81 (avec résumé en anglais, et ill.).
© des clichés 2 et 3: bibliothèque de Krivoklát.

Merci à Mme Claire Madl pour son aide sur ces bibliothèques de château dont elle est l'une des spécialistes! 

lundi 14 avril 2014

Colloque d'histoire des bibliothèques à Prague

Bibliothèques, bibliothécaires, lecteurs 
Colloque international en commémoration
du 95e anniversaire de la loi
sur les Bibliothèques publiques
et en l’honneur de Jan Thon

17-18 avril 2014

Programme (programme détaillé en tchèque)
Jeudi, 17 Avril 2014 Lieu: Archives littéraires du Musée de la littérature nationale
 
9:00-9:30 Enregistrement des participants
9:30-9:45 Cérémonie d'ouverture
9:45-10:45 Bibliothèques et transferts culturels: l'exemple de Strasbourg, 1538-1918, par Monsieur Frédéric Barbier (EPHE/CNRS)
10:45-11:00 Discussion
11:00-11:15 Pause
 
11:15-12 :45 L’institution de la bibliothèque (I) (Président: T. Pavlicek). Interventions de J. Pokorny, C. Madl, M. Fapšo, V. Brožová, M. Ducháček
12:45-13:05 Discussion
13h05-14h15 Pause déjeuner

14:15-15:50 L’institution de la bibliothèque (II) (Modérateur: T. Rehak). Interventions de J. Hnilica, A. Míšková, P. Čáslavová, A. Petruželková
15:35-15:50 Discussion
15h50-16h05 Pause 

16h05-17h25 Les bibliothécaires et leurs destins (Modérateur M. Sekera). Interventions de Renata Ferklová, L. Nivnická, R. Jančar, Miloš Sládek
17:25-17:40 Discussion
17h45 Clôture

Vendredi 18 Avril 2014
Lieu: Bibliothèque municipale de Prague, petite salle 


8:30-9:00 Enregistrement des participants
9:00-9:20 Mot de bienvenue et d'ouverture (T. Rehak, M. Losíková)
9:25-10:15 Education et lecture (Modérateur: J. Štěrbová). Interventions de Jiří Trávníček, E. Mikulášek, Z. Houšková
10:15-10:30 Pause 

10:30-12:35 Bibliothèques et éducation: aujourd'hui et demain (Modérateur: J. Štěrbová). Interventions de I. Mikulášek, E. Měřínská, T. Rehak, Z. Houšková, M. Krčál, J. Skládaná, K. Rovná
12:20-12:35 Discussion
12:35-13:30 Pause déjeuner

13:30-14:50 Bibliothèques et bibliothécaires aujourd'hui et demain (Modérateur: J. Pokorny) . Interventions de V. Richter, P. Škyřík, V. Peslerová, M. Hache
14h50-15h00 Discussion
15h00 Clôture 

Faculté de pédagogie de l'Université Charles de Prague
Archives littéraires de la Littérature nationale
Bibliothèque municipale
Centre de recherche français en sciences sociales (CEFRES) 

lundi 7 avril 2014

Journée d'études d'histoire du livre


Séminaire « Strasbourg et ses bibliothèques »
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
Institut d'études avancées de l’Université de Strasbourg

 9 avril 2014
«La BNU et ses collections spécialisées»

Journée d’études, sous la présidence de
M. Frédéric Barbier,
directeur de recherche au CNRS,
directeur d’études à l’EPHE,
membre de l’Institut d’études avancées de l’Université de Strasbourg

Le cabinet de curiosités dans la bibliothèque
Le syntagme de « bibliothèque » désigne d’abord une réalité physique, qu’il s’agisse du meuble, du local ou, par extension, de l’institution abritant, pour le sens commun, des livres, qui aujourd’hui sont en général des livres imprimés. On pourrait par conséquent penser qu’il est possible de définir la bibliothèque par ce qu’elle renferme.
Oui, certes, les bibliothèques conservent évidemment des collections de livres imprimés: mais elles existent bien avant l’imprimerie, tandis que, inveresement, les bibliothèques contemporaines conservent toujours des manuscrits plus ou moins anciens, qui font en général partie de leurs collections les plus précieuses. Les manuscrits sont le plus souvent classés par langues, et les fonds non-occidentaux occupent une place d’autant plus notable que les bibliothèques sont plus riches, comme le montre l’exemple de la BNU.
Mais on conservera aussi dans les bibliothèques toutes sortes d’objets qui ne sont pas des livres, ni même parfois des documents écrits, du document d’archives aux cartes géographiques, à l’objet de curiosités, aux peintures, bustes et sculptures, aux collections de numismatique, aux globes et autres instruments scientifiques, sans parler des nouveaux supports (DVD, etc.) et des nouveaux médias.
En fait, la bibliothèque a longtemps été considérée comme rassemblant une sorte d’inventaire du monde, dans la tradition du Musée ptolémaïque d’Alexandrie. Au XVIIe siècle, la Bibliothèque de l’abbaye de Sainte-Geneviève possède un cabinet de curiosités renommé, tandis que la Bibliothèque du roi devient, au XVIIIe siècle, un véritable centre de recherches, réunissant des savants aux compétences rares (hébraïsants, hellénistes, linguistes, historiens, numismates et autres «antiquaires»), accueillant des cours publics et étroitement liée aux Académies, notamment les Inscriptions et Belles Lettres.
C’est ce projet universaliste que le régime wilhelminien entreprend de mettre en œuvre à travers la reconstitution des collections de la nouvelle Bibliothèque de l’Université de Strasbourg après 1870. La journée d’études du 9 avril 2014 vise à explorer un certain nombre de ces fonds spéciaux, et des instruments de travail mis à la disposition des utilisateurs. 

14h-18h
Programme
14 h : Ouverture de la séance
14h15 : La collection papyrologique, par M. Paul Heilporn (professeur et directeur de l’Institut de payrologie, Université de Strasbourg)
14h45 : La collection de tablettes cunéiformes, par Mme Anne-Caroline Rendu-Loisel (chargée de cours, Université de Strasbourg ; collaboratrice de recherche FNS, Université de Genève)
15h15 : La collection orientaliste constituée par Julius Euting, par M. Daniel Bornemann (Direction de la conservation et du patrimoine, BNU)
15h45 : Discussion
16h : Pause
16h15 : Estampilles et poids musulmans en verre, par M. Claude Lorentz (Direction de la conservation et du patrimoine, BNU)
16h30 : Monnaies, médailles et sceaux, par M. Daniel Bornemann (Direction de la conservation et du patrimoine, BNU)
16h50 : Les collections iconographiques et cartographiques: Le fonds cartographique, par M. Gwenaël Citerin (Direction de la conservation et du patrimoine, BNU); Les affiches alsaciennes des 19e et 20e siècles, par M. Jérôme Schweitzer (Direction du développement des collections, BNU); Les affiches sur l’Europe, par M. Geoffrey Girost (Direction du développement des collections, BNU)
17h20 : Quelques autres fonds particuliers : Arthur de Gobineau, Marie Jaëll, Richard Wagner, Johann Wolfgang von Goethe, par M. Christophe Didier (adjoint de l’administrateur, BNU)
17h40 : Discussion et conclusion 

BNU, salle du conseil

Entrée libre dans la limite des places disponibles

dimanche 6 avril 2014

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 7 avril 2014
16h-18h
Histoire des bibliothèques de Strasbourg
(4: la période moderne)
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

jeudi 3 avril 2014

Le concile de Constance comme foire du livre (1414-1418)

Il est des anniversaires que l’on commémore (le début de la Première Guerre mondiale…) et d’autres qu’on néglige voire qu’on oublie, même si les événements dont il s'agit ont marqué leur époque. L’ouverture du concile de Constance, en 1414, prend certainement rang parmi ces derniers.
Le Konzilgebäude sur la rive du lac de Constance

Georges Bischoff a parfaitement raison de voir dans les grands conciles de la fin du Moyen Âge de véritables «foires du livre», à une époque où le commerce de librairie reste embryonnaire, où les communications sont difficiles et où les techniques de reproduction des textes n’existent pas: les deux conciles majeurs de Constance et de Bâle intéressent très puissamment, à ce titre, l’historien du livre.
Nous n’avons pas à aborder ici les objectifs du concile de Constance (1414-1418), avant tout mettre un terme au schisme de l’Église, et travailler à sa réforme. Ce qui nous intéresse, c’est le rôle du concile du point de vue de l’histoire des idées et de celle de l’écrit. Car ce sont non seulement des prélats qui se réunissent à Constance, mais aussi, derrière l’empereur, nombre de princes et de grands. Tous sont accompagnés d’une suite de proches, de fonctionnaires, de secrétaires et autres intellectuels et savants. D’autres personnalités se joignent à eux à titre privé, parce que le concile donne l’occasion d’approcher les grands, de travailler à faire avancer une certaine affaire, d’obtenir une certaine charge ou tout simplement de se faire connaître et de se «lancer». On y traite par exemple, entre autres, de l’arrestation de l’évêque de Strasbourg à la demande du chapitre cathédral et du Magistrat, et les différentes parties délèguent leurs avocats à Constance pour plaider leur cause.
Plusieurs années durant, la ville (qui compte alors quelque 8000 habitants) se peuple donc de clercs –entendons, de titulaires de tel ou tel grade universitaire, titulaires qui sont très généralement eux-mêmes des gens d’Église–, mais aussi de techniciens de l’écriture: il faut évidemment disposer des fournitures indispensables (parchemin, papier, matériel d’écriture), et il faut copier les correspondances, mémoires, décisions de toutes sortes que produit le travail du concile et de ceux qui y participent…
Certains des participants partent en outre à la recherche des manuscrits qui leur permettront d’étayer leur argumentation, ou d’enrichir leurs connaissances. Parmi ces derniers, les Italiens occupent tout naturellement la première place: on se rencontre, on discute, on travaille, on donne des cours publics, et on s'enquiert des manuscrits éventuellement inconnus. A Constance, devenue un temps une annexe de la Florence des humanistes, séjourneront entre autres Leonardo Bruni († 1444) et Poggio Braciolini († 1459), mais aussi un personnage comme le Grec Manuel Chrysoloras (décédé chez les Dominicains de Constance en 1415), ou encore les Français Pierre d’Ailly (1420), chancelier de l’Université de Paris et maître de Gerson, et Guillaume Fillastre († 1428), doyen du chapitre de Reims. Pratiquement, le concile constitue réellement une manière d’université.
Chronique de Richental: condamnation de Jean Huss
Une figure essentielle est celle de Poggio, qui profite de son séjour sur les rives du lac pour écumer les bibliothèques plus ou moins lointaines, et pour y redécouvrir les textes de l’Antiquité classique copiés à l’époque de la Renaissance carolingienne. Le voici successivement à Saint-Gall (à partir de 1416), puis à Einsiedeln, à Fulda et à Murbach, outre un certain nombre d’autres maisons non identifiées, et il aurait peut-être visité la bibliothèque de Cluny. Ses enquêtes les plus lointaines l’amèneront jusqu’à Langres et à Cologne.
Capitale de la chrétienté en même temps que, grâce au concile, capitale européenne du livre et de l’écrit, Constance se signale aussi par un texte exceptionnel: un bourgeois de la ville, Ulrich von Richental († 1437), rédige en effet à titre privé, vers 1420, une chronique du concile en vernaculaire. Le succès remarquable explique la diffusion déjà sous forme de manuscrits, mais aussi sous forme d’imprimés. Le texte de Richental donne la mesure de ce que l’événement a pu représenter aux différents niveaux, pour l’Europe et pour les principaux protagonistes, mais aussi pour la ville même de Constance.
L’année 2014 est ainsi l’occasion de revenir dans une perspective largement renouvelée sur l’histoire du concile, et de bientôt découvrir l’exposition qui lui est consacrée (du 27 avril au 21 septembre), dans l’ancien bâtiment même du concile (Konzilgebäude), directement sur le port. Ajoutons que le séjour à Constance, outre l’agrément d’un site exceptionnel et d'une ville très plaisante, permet d'explorer un paysage historique et culturel de premier intérêt, avec l’île de Reichenau et le souvenir du premier monastère bénédictin d'Allemagne, ou encore, à l'imitation de Poggio, Saint-Gall et sa célébrissime bibliothèque baroque

Das Konstanzer Konzil. Essays, éd. Karl Heinz Braun [et al.],
Darmstadt, Konrad Theiss, 2013,
247 p. ill.
ISBN 978 3 8062 2849 6.