vendredi 31 mai 2013

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 3 juin 2013
 
16h-18h
Introduction à la séance foraine

Auxerre: livres, imprimeurs, libraires, bibliothèques,
des origines au XVIIIe siècle
(à propos des Le Rouge de Chablis, de Jacques Amyot,
des Fournier, de Rétif de La Bretonne, du Père Laire et de quelques autres...)
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études

La séance foraine aura lieu à la Bibliothèque d'Auxerre le 6 juin 2013, selon l'horaire indiqué. Les manuscrits seront présentés par Madame Anne-Marie Turcan, directeur d'études à l'EPHE; les imprimés, par Madame Nicole Masson, présidente de la Société Rétif de La Bretonne, par Monsieur Dominique Varry, professeur à l'Enssib, et par Monsieur  Frédéric Barbier, directeur d'études à l'EPHE.

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2012-2013.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

jeudi 23 mai 2013

Séance foraine, 2013

Décrétales, Lyon, 1481 (Auxerre, Inc. E 44)
La séance foraine organisée à titre privé par la conférence d’Histoire et civilisation du livre de l’École pratique des Hautes Études, se déroulera le jeudi 6 juin 2013 à Auxerre. Nous aurons la possibilité de découvrir la bibliothèque de cette ville et ses collections, grâce à l’obligeance de sa directrice, Madame Carine Ruiz. Cette journée est organisée en collaboration avec la conférence de Langue et littérature latines du Moyen-Âge.
Ville essentiellement d’origines gallo-romaines, Auxerre est un port pour la navigation sur l’Yonne, et une étape de la grande voie romaine construite par Agrippa de Lyon et de Chalon vers le nord et la côte de la Manche. Elle est précocement christianisée au IIIe siècle, et devient siège épiscopal au milieu du IVe siècle (Valérien, 346). La figure principale est cependant ici celle de saint Germain, né dans une riche famille gallo-romaine de la région (Appoigny?), d’abord avocat, mais élu évêque en 418, et qui jouera un rôle majeur dans la lutte contre le pélagianisme. Il meurt à Ravenne en 448. L’oratoire abritant sa dépouille est remplacé par une basilique élevée par la reine Clotilde, puis par une puissante abbaye bénédictine, Saint-Germain d’Auxerre.
Malgré les destructions, à commencer par celles survenues pendant les Guerres de religion, un certain nombre de manuscrits de Saint-Germain sont toujours conservés à la Bibliothèque d’Auxerre. Celle-ci possède aussi une cinquantaine de manuscrits de Pontigny, fondée non loin, comme deuxième fille de Cîteaux, en 1114. Bien entendu, d'autres manuscrits proviennent des différentes institutions établies en ville, à commencer par le chapitre cathédral et sa bibliothèque. Ce n’est pas le lieu de présenter ici de manière détaillée les remarquables fonds d’imprimés conservés à la Bibliothèque, et notamment les incunables. Ils ont été soit confisqués à la Révolution, soit sont entrés plus tard: parmi les  collections d’érudits et de bibliophiles nous citerons pourtant celle du comte Léon de Bastard d’Estang († 1860), ancien élève de l’École des chartes et collectionneur avisé de documents intéressant la ville et sa région.
Trois noms importants, enfin, marquent l’histoire du livre et des bibliothèques à Auxerre à l’époque moderne: la dynastie des Fournier (parents des Fournier de Paris) a joué un rôle majeur dans le domaine de l’imprimerie et de la librairie; c’est chez Fournier que Rétif de la Bretonne, originaire d’un village proche, a fait son premier apprentissage de typographe, avant de venir à Paris; enfin, le Père Laire, bibliothécaire de Loménie de Brienne, est nommé bibliothécaire du district de Sens, puis de l’École centrale de l’Yonne à Auxerre. Il est l’un des savants les plus reconnus dans le domaine de la bibliographie et de l’histoire du livre dans les dernières décennies du XVIIIe siècle.
La séance foraine sera l’occasion de découvrir notamment un certain de pièces illustrant cette riche et ancienne tradition.

Elle se déroulera selon l’horaire prévisionnel suivant:
10h30 rendez-vous à la Bibliothèque municipale, rue d’Ardillière, 89000 Auxerre.
10h45 présentation de la Bibliothèque et de ses collections par Madame Carine Ruiz, directrice.
11h15 présentation de manuscrits, par Madame Anne-Marie Turcan Verkerk, directeur d’études
13h déjeuner. Comme à l’accoutumée, nous nous efforcerons de réserver une table à proximité de la bibliothèque.
14h15 suite de la présentation de manuscrits; puis présentation de livres imprimés, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, et Monsieur Dominique Varry, professeur d’histoire du livre à l’Enssib.
17h conclusion de la journée.
Mais un passage à Auxerre devrait être aussi l'occasion de découvrir la vieille ville et ses monuments (dont la cathédrale), ainsi que le Musée abrité dans l'ancienne abbaye Saint-Germain (avec la crypte et ses fresques)..,, pour ne rien dire des villages et petites villes des environs.

Les horaires ferroviaires les plus commodes (ici donnés sous toutes réserves):
Paris (Bercy) 7h38 - Laroche-Migenne (changement) 8h58 / 9h05 – Auxerre 9h18
Paris (Bercy) 8h38 – Auxerre 10h13
Auxerre 17h46- Paris (Bercy) 19h22
Auxerre 18h37- Laroche-Migennes (changement) 18h55 / 19h01 – Paris (Bercy) 20h22
Sur le trajet Paris-Auxerre, et une vingtaine de clichés de la ville.

Attention! La participation à la séance foraine est libre et gratuite, mais elle implique la participation au déjeuner. Le nombre de places étant strictement limité, on est prié de s’inscrire par téléphone auprès de:
Madame Martine Grelot, Institut d’histoire moderne et contemporaine, 01 44 32 31 52 (heures de bureau)
avant le jeudi 30 mai.

mercredi 22 mai 2013

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 27 mai 2013
 
16h-h-18h
L'apprentissage dans les métiers du livre
en France sous l'Ancien Régime,
par
Monsieur Jean-Dominique Mellot 

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2012-2013.
Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

1913: le temps des commémorations

L’année 2013 est une année propice à certaines commémorations intéressant l’historien du livre et des cultures. Laissons de côté le fait, dont la signification ne se donne à lire qu’a posteriori, que1913 constitue la dernière année de l’ancien monde, avant la catastrophe de la Première Guerre mondiale. 1913 a aussi été une année commémorative, celle de la «bataille des Nations», alias la bataille de Leipzig (16-19 octobre 1813): les Français, opposés aux troupes très supérieures en nombre des alliés russes, prussiens, suédois et autrichiens, sont acculés à la retraite, et la bataille de trois jours scelle le sort de l’Allemagne napoléonienne et prélude à la première campagne de France (1814). Elle est en outre marquée par le retournement du royaume de Saxe qui, traditionnellement opposée à la Prusse, choisit, au troisième jour, d’abandonner le camp français.
L’expression de «Bataille des nations» correspond au mot composé allemand Völkerschlacht, que l’on peut traduire par «bataille des peuples». Nous n’avons pas à développer ici la problématique, pourtant fondamentale, relative au terme de «nation». Son acception se renverse complètement entre la fin du XVIIIe siècle et aujourd’hui: la «nation» est d’abord un concept politique, celui que l’on retrouve dans l’expression des «bibliothèques nationales» entendues comme les bibliothèques conservant les livres qui appartiennent à la collectivité, en l’occurrence, les «livres nationaux» saisis par la Révolution sur le clergé (biens de première origine), puis sur les émigrés (biens de seconde origine). Bien évidemment, le «peuple» (Volk) a un sens tout différent, dont la dimension première est d’ordre, non pas politique, mais linguistique et ethnographique. On mesure dès lors combien radicalement l’acception du terme français («nation») est aujourd’hui inversée, mais on comprend aussi l’importance de l’événement de 1813 pour un «peuple», le peuple allemand, dont l’unité politique était encore à construire –nous ne discutons pas ici de l’acception, au moins aussi problématique en français, de ce terme de «peuple».
Deutsche Bücherei, Leipzig (cliché nov. 2012)
Un siècle plus tard, c’est le «Temps des fondateurs»(Gründerzeit) et, pour la nouvelle Allemagne wilhelminienne (proclamée le 18 janvier 1871… dans la Galerie des glaces du château de Versailles), le temps du triomphe. L’Empire s’est hissé au second rang des puissances mondiales, derrière les États-Unis mais désormais devant la Grande-Bretagne. L’Allemagne est à certains égards une sorte d’Amérique européenne, elle fascine et elle inquiète, comme le montrent le titre –et le succès– du best seller de Victor Tissot, Le Pays des milliards. La réussite de son système d’enseignement et de recherche, appuyé entre autres sur un réseau exceptionnel de bibliothèques d’étude, se manifeste par le fait que l’Empire n’obtient pas moins de dix-sept Prix Nobel entre 1901 et 1913 –contre treize à la France… et encore seulement deux aux États-Unis. De plus, cette recherche de très haut niveau s’articule directement avec les applications industrielles, tout particulièrement dans le domaine de la chimie.
Deutsche Bücherei, Leipzig (cliché nov. 2012)
L’année 1913 sera partout en Allemagne marquée par des commémorations et des constructions nouvelles, parmi lesquels il faut mentionner, à Leipzig, sur le site de la bataille, le «Monument de la bataille des nations» (Völkerschlachtdenkmal), qui se visite encore aujourd’hui, mais qui est aussi regardé comme un modèle de ce style «colossal» que l’on n’est pas toujours obligé d’apprécier. Tout autre sera le bâtiment que l’on entreprendra de construire, dans ce même quartier, en 1914: il s’agit, sur la nouvelle «place d’Allemagne» (Deutscher Platz) elle-même à l’extrémité de l’avenue du 18 octobre, de la Bibliothèque nationale (Deutsche Bucherei), élevée par le jeune Oskar Pusch. Bien évidemment, la toponymie est particulièrement signifiante.
La Bibliothèque constitue un modèle sur les deux plans, architectural comme bibliothéconomique: un long bâtiment incurvé le long de la place, en style historiciste, mais où l’ampleur (120m de long) se combine à une réelle élégance. Deux tours rondes de part et d’autre assoient la perspective. L’ensemble est combiné de manière à se prêter à des extensions que l’on prévoit tous les vingt ans. Les travaux sont menés avec rapidité, malgré la Guerre, puisque la Bibliothèque sera inaugurée dès le 2 septembre 1916.
Affiche officielle de la BUGRA
Ajoutons que la pose de sa première pierre se fait en liaison avec l’ouverture, à proximité immédiate, de la plus grande exposition d’arts graphiques jamais organisée: la BUGRA (Internationale Ausstellung für Buchgewerbe und Graphik) doit faire de Leipzig la capitale mondiale du livre, elle est inaugurée le 28 juin 1914… pour fermer pratiquement quelques semaines plus tard, au déclenchement des hostilités.
Arrivés en 1914, il serait temps pour nous de rouvrir les Souvenirs d’un Européen rédigés par Stephan Zweig... au Brésil en 1941 (Le Monde d'hier): l’Europe disparue dans ces quatre années de guerre s’est reconstruite à plusieurs reprises, mais elle reste toujours en grande partie à construire. Ce projet humaniste suppose une forme de compréhension, et une connaissance un petit peu meilleure de l’histoire des uns et des autres, voire de sa propre histoire. C’est aussi ce à quoi ce modeste blog peut, à son petit niveau, s’efforcer de contribuer.
Terminons par une note plus personnelle, mais qui touche aussi aux commémorations, et d’une certaine manière aux transferts culturels entre l’Allemagne et la France. Une très remarquable représentation du Götterdämmerung («Le Crépuscule des dieux») à laquelle nous avons assisté hier soir en clôture du Ring parisien nous fait remarquer que ce 22 mai 2013 est aussi le jour d’un autre anniversaire: c’est en effet le 22 mai 1813 que Richard Wagner est né… à Leipzig. Mais c'est là un autre sujet.

samedi 18 mai 2013

Paris-Auxerre, ou l'historien en voyage

Comme annoncé précédemment, la séance foraine organisée à titre privé par la conférence d’Histoire et civilisation du livre de l’École pratique des Hautes Études, se déroulera le jeudi 6 juin prochain à Auxerre. Nous aurons la possibilité de découvrir la bibliothèque de cette ville et ses collections, grâce à l’obligeance de sa directrice, Madame Carine Ruiz. Cette journée est organisée en collaboration avec la conférence de Langue et littérature latines du Moyen-Âge.
La géographie, c’est de l’histoire, et l’excursion d’Auxerre nous en fera une fois de plus la démonstration. La capitale de la Basse-Bourgogne est accessible depuis Paris (gare de Bercy) par train direct, ou avec changement à Laroche-Migennes. Nous sommes sur l’ancienne «ligne impériale», qui reliait Paris à Lyon et à Marseille (Paris-Dijon dès 1851). Sous le Second Empire, la ligne impériale constitue un des maillons d'une mondialisation qui s'accélère, puisqu’elle donne à Marseille la correspondance des paquebots pour l’Afrique du Nord, la Méditerranée et le Proche-Orient, voire, après l’ouverture du canal de Suez (1869), pour Madagascar et pour l’Océan indien et ses au-delà, l’Asie du sud-est et l’Extrême-Orient.
Topographie de la région entre Seine et Rhône

Cette route, entre la Méditerranée et l’Europe du nord-ouest, est évidemment beaucoup plus ancienne: en remontant le Rhône, puis la Saône, et en traversant les contreforts des Monts Auxois, on bascule de la Méditerranée sur le bassin de la Seine, soit par la Seine elle-même (via Châtillon-s/Seine et Troyes), soit par ses affluents, l’Ozerain ou l’Armençon, puis l’Yonne. Rien de surprenant si les témoignages de l’ancienneté et de l'importance des échanges sont fréquents: la déesse Sequana, vénérée par les Celtes aux sources de la Seine, sera latinisée par les Romains avant d’être christianisée au VIe siècle sous le nom de l’ermite saint Seine. Un peu en aval, le célèbre «Trésor de Vix», à Châtillon-s/Seine, possède le plus grand vase métallique, en l’occurrence un cratère de bronze, qui nous soit parvenu de l’antiquité grecque...
Rien d’étonnant non plus si cette route est une route d'invasions. La Provence est romaine depuis la fin du IIe siècle avant notre ère, et elle sera la base arrière d’où César partira à la conquête de la «Gaule chevelue». Alors que le proconsul a été battu à Gergovie et qu’il cherche à se replier vers l’Italie, il rejoint son lieutenant Labienus à Sens, et entreprend de remonter la Seine, puis l’Armançon. Vercingétorix lui barre la route à hauteur d’Alésia (Alise-Ste-Reine), dont le siège décisif renverse le cours de la guerre et scelle le temps de la Gaule indépendante.
Rien d’étonnant enfin si cette géographie est celle de l’acculturation, avec d’abord les progrès de la civilisation gallo-romaine (dont l'écriture latine!). La construction de la route de Lyon, capitale des Gaules, à Boulogne, le grand port pour l’Angleterre, marque l’importance militaire, économique et politique d’un axe coupant l'un des isthmes majeurs de l’Europe. La ville de Sens (Agedincum) devient capitale d’une province romaine réellement stratégique, qui s’étend de Chartres et Orléans à Paris (Lutèce), Auxerre et Troyes. Dès les premiers siècles de notre ère, la nouvelle religion chrétienne, venu de la Méditerranée orientale, commence aussi à se diffuser sur le même axe –et Sens est bientôt siège d’un archevêché dont Paris dépendra jusqu’en 1622…
Saint-Germain d'Auxerre, sur la butte dominant la rivière.
Mais notre train est parti. Après la traversée de la banlieue, nous passons la Seine à hauteur de Melun (Metlosedum), et piquons à travers la superbe forêt de Fontainebleau (60km) –la ville elle-même est entrevue du haut d’un grand viaduc. Aujourd’hui, au petit matin (il est 8h, c’est-à-dire à peine 6h au soleil), des bancs de brume s’accrochent encore au haut des arbres. Un peu plus loin, c’est la bifurcation de la ligne du Bourbonnais (vers Nevers et Clermont-Ferrand), et la traversée de la charmante rivière du Loing. À hauteur de Montereau (78 km), nous abandonnons la Seine pour piquer au plus court par la rive gauche de l’Yonne, et entrer en Bourgogne. Le paysage devient différent, celui d’une large vallée cultivée égrenant ses petites villes (Champigny, Pont-s/Yonne) entre ses coteaux. Deux rideaux d’arbres longent la rivière, parfois visible depuis la voie. Une heure environ après le départ, le premier arrêt est à Sens (112km), dominée par la silhouette bien reconnaissable de sa cathédrale à tour unique. La ville mériterait évidemment une halte. Construite à partir de la décennie 1130, la cathédrale de Sens est la première des grandes cathédrales gothiques dont le modèle se diffuse bientôt dans toute la partie nord de la France.
Progressivement, la brume se fait plus dense, et masque une partie d’un paysage agreste et verdoyant: céréales, prairies, colza en fleurs, quelques cultures sous de grandes serres, sans oublier les jardins, ni la calme rivière, toujours sur la gauche –les lieux-dits, tel ce «Petit-Port», rappellent le rôle capital de la voie d’eau, longtemps préférée à la route pour les voyages et pour les échanges. Après une brève halte dans la petite ville historique de Joigny, c’est l’entrée très progressive dans la Bourgogne du vignoble, qui se développera surtout autour d’Auxerre (Irancy, Chablis), en Tonnerrois et encore plus le long de la Côte dijonnaise… Nous traversons l'Yonne, qui me paraît très haute (rien de surprenant en ce moment!), et entrons à Laroche-Migennes (154 km).
Entrée de la bibliothèque
L'appellation désigne en réalité deux communes différentes (Laroche-St-Cydroine et Migennes), mais il s'agit surtout d'une étape ferroviaire de première importance, alors que la grande ligne de Dijon abandonne l’Yonne pour son affluent l’Armançon –vers Dijon, les hauteurs sont modestes (quelque 500m), mais le passage du seuil de Bourgogne reste difficile.
La petite ligne du Morvan se détache à Laroche vers le sud: nous allons la suivre jusqu’à Auxerre, à travers une belle campagne variée. À une demi-douzaine de kilomètres du rail, Seignelay est le siège d’une baronnie importante, célèbre pour avoir été acquise par Colbert dès 1657. Nous voici dans la préfecture de l’Yonne, 1h45 environ après avoir quitté Paris. La gare étant sur la rive droite, le coup d'œil du pont sur la vieille ville est vraiment pittoresque: «À la vue d'Auxerre, qui s'élève en amphithéâtre sur une colline, moi qui n'avais jamais vu que de chétifs villages, je fus frappé d'admiration», écrit Rétif de La Bretonne dans Monsieur Nicolas.

Un second billet sera consacré à Auxerre et à sa très riche bibliothèque, mais nous diffusons dès aujourd’hui l’horaire de la journée:
10h30 rendez-vous à la Bibliothèque municipale, rue d’Ardillière, 89000 Auxerre.
10h45 présentation de la Bibliothèque et de ses collections par Madame Carine Ruiz, directrice.
11h15 présentation de manuscrits, par Madame Anne-Marie Turcan Verkerk, directeur d’études
13h déjeuner. Comme à l’accoutumée, nous nous efforcerons de réserver une table à proximité de la bibliothèque.
14h15 suite de la présentation de manuscrits; puis présentation de livres imprimés, par Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, et Monsieur Dominique Varry, professeur d’histoire du livre à l’Enssib.
17h conclusion de la journée

Les horaires ferroviaires les plus commodes (donnés sous toutes réserves):
Paris (Bercy) 7h38 - Laroche-Migenne (changement) 8h58 / 9h05 – Auxerre 9h18
Paris (Bercy) 8h38 – Auxerre 10h13
Auxerre 17h46- Paris (Bercy) 19h22
Auxerre 18h37- Laroche-Migennes (changement) 18h55 / 19h01 – Paris (Bercy) 20h22

La participation est libre et gratuite, mais sur inscription nominative dont les modalités seront précisées sur notre prochain billet.

jeudi 9 mai 2013

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 13 mai 2013
 
16h-18h
La logistique des livres:
une histoire du catalogue de bibliothèque,
au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime(fin)

par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

Nous terminerons ce jour l'étude des catalogues de bibliothèques, et envisagerons notamment celui de Cîteaux (Bib. Dijon, ms 610).

La Bourgogne est très riche en fondations religieuses, avec des diocèses très anciens (nous sommes sur la route au nord de Lyon…) et des maisons régulières particulièrement puissantes. Guillaume d’Aquitaine, comte de Mâcon, fonde ainsi Cluny en 910, et l’abbaye, qui jouit d’une totale indépendance, connaîtra un développement spectaculaire jusqu’à l’apogée du XIIe siècle. Sa richesse même est à l’origine de la réforme impulsée par saint Bernard, lorsqu’il vient à Cîteaux en 1112, avant d'être élu abbé de Clairvaux trois ans plus tard. Parmi les autres «filles» de Cîteaux figure Pontigny.
Même si les rénovateurs successifs de l’ordre bénédictin étaient d'abord réservés à l’égard du travail intellectuel, celui-ci s’impose bientôt dans les nouvelles fondations, tant chez les Clunisiens que chez les Cisterciens. Nous sommes, à Cîteaux, dans le diocèse de Chalon (Chalon-s/Saône). La bibliothèque est établie dans un cloître proche des cellules des copistes, avant qu’on ne la déplace dans une grande salle au premier étage.
Nous avons déjà eu l’occasion de rencontrer l’abbé Jean de Cirey, personnalité exceptionnelle, intellectuel et enseignant, élu à Cîteaux en 1476, et qui jouera aussi un rôle politique non négligeable. C’est sur son ordre que, en 1480, est dressé le catalogue des livres possédés par l’abbaye. Ce catalogue est copié sur parchemin, sur deux colonnes, avec des incipit rubriqués et des initiales alternant le rouge et le bleu. Mais s'agit-il réellement d'un catalogue? Le volume, qui identifie quelque 1200 manuscrits et imprimés, correspond plutôt à un inventaire, dans la mesure où il donne le détail des livres déposés dans tous les locaux de l’abbaye, voire en-dehors de celle-ci...

Et encore: une date à ne pas oublier, celle du 6 juin prochain, jour de notre séance foraine à la bibliothèque d'Auxerre.

lundi 6 mai 2013

Excursion d'histoire du livre: séance foraine 2013

Une date à noter, celle du 6 juin 2013. En effet, la traditionnelle séance foraine organisée à titre privé par la conférence d’Histoire et civilisation du livre de l’École pratique des Hautes Études (IVe Section), aura lieu le 6 juin 2013 à Auxerre.
Auxerre est très facile d’accès. Depuis Paris, le chemin de fer suit d'abord la Seine, traversée à Melun, puis il passe en forêt de Fontainebleau avant de remonter l’Yonne. Le paysage verdoyant est agréablement vallonné, la seule ville d'importance étant alors celle de Sens, avec sa célèbre cathédrale. Le trajet Paris-Auxerre se fait en deux heures environ, et il y a un train par heure. Sur place, nous aurons l’occasion de découvrir la bibliothèque, et la très riche tradition historique de cette ville à la fois agréable et pittoresque.
Sur la grande route du sud, Auxerre se situe aux portes du Parc naturel régional du Morvan et à une quarantaine de kilomètres de Vézelay. Par-delà les «côtes», c’est Dijon, la vallée de la Saône, le sillon rhodanien... et la Méditerranée: la voie romaine de Lyon à Boulogne-s/Mer et à la Bretagne (l’Angleterre) passait déjà par Autessiodurum (la forteresse d’Auxerre). C’est peu de dire que nous sommes aussi, entre Autun (Augustodunum) et Sens (Agedincum, longtemps métropole de Paris), dans l’une des géographies les plus précocement atteintes par le christianisme en Occident.
Comme il est souvent de règle au sein des nouvelles élites de la religion chrétienne, saint Amâtre est un gallo-romain fortuné, qui sera élu évêque d’Auxerre en 386. L’apôtre de la basse Bourgogne est cependant son successeur, saint Germain, sur le tombeau duquel est bientôt élevé un oratoire, puis une abbaye bénédictine financée par Clotilde et qui deviendra particulièrement célèbre pour ses écoles –et pour sa bibliothèque. À côté des évêques, les comtes d’Auxerre sont les principaux personnages de la cité, jusqu’à la cession du comté à Charles V en 1370. La ville connaîtra une période particulièrement favorable à la fin du XVe et dans la première moitié du XVIe siècle: beaucoup de bâtiments anciens datant de cette époque sont conservés.
Auxerre intéresse à plusieurs titres les historiens du livre. La bibliothèque de la ville est constituée, comme c’est l’usage, à partir des confiscations révolutionnaires, au premier rang desquelles les livres des abbayes de Saint-Germain, mais aussi de Pontigny, «seconde fille de Cîteaux», à quelques dizaines de kilomètres au nord. Le chapitre de la cathédrale possédait également une bibliothèque, dont nous avons un certain nombre de volumes. Les fonds anciens représentent aujourd’hui environ 500 manuscrits, 150 incunables, et plusieurs milliers d’éditions du XVIe au XIXe siècle.
Parmi les personnalités les plus notables ayant marqué l’histoire de la ville, on ne peut manquer de citer le nom de Nicolas Edme Rétif de la Bretonne, né en 1734, qui exercera comme apprenti typographe à Auxerre (1751) et à Dijon, et qui évoque longuement cette période de sa vie dans son autobiographie de Monsieur Nicolas. Le maître de Rétif, François Fournier, est l’un des libraires imprimeurs les plus en vue de l’époque des Lumières. La seconde grande figure d’Auxerre qui ait à voir avec l’histoire du livre est celle du Père François Xavier Laire (1738-1801), bibliothécaire du prince de Salm, puis du cardinal Loménie de Brienne alors que celui-ci, archevêque de Toulouse, est précisément nommé à Sens.
Laire sera nommé bibliothécaire du district de Sens en 1791, puis bibliothécaire de l’École centrale de l’Yonne: comme tel, il est le véritable fondateur de la bibliothèque d’Auxerre, mais aussi un bibliographe célèbre, notamment spécialiste des éditions du XVe siècle (voir cliché). Nous visiterons la bibliothèque et découvrirons ses collections grâce à l’obligeance de sa directrice Madame Carine Ruiz. Madame Anne-Marie Turcan, directeur d’études, et Monsieur Dominique Varry, professeur d’histoire du livre, interviendront, avec Monsieur Frédéric Barbier, pour commenter les manuscrits et pour évoquer la figure du Père Laire, la librairie du XVIIIe siècle et l’histoire des bibliothèques à l’époque de la Révolution.
Une excursion à Auxerre doit aussi être l’occasion de découvrir la cathédrale Saint-Étienne; les vestiges de l’abbaye de Saint-Germain (avec les plus anciennes fresques de France, milieu du IXe siècle); la ville ancienne (avec des immeubles remontant au XIVe siècle); le quartier «de la Marine», autrement dit du port sur l’Yonne; sans oublier le Musée… et son portrait du Père Laire. Si l’on est en voiture, on peut aussi en profiter pour découvrir le charme des villages, et du vignoble, de l’Auxerrois (Coulanges-la-Vineuse, Irancy, etc.). Un peu après Auxerre, nous serions à Montbard, la patrie de Monsieur de Buffon.
Peut-être le printemps sera-t-il de la partie? Quoi qu'il en soit, selon l’habitude, la participation à la séance foraine est libre et gratuite, sur inscription (une quinzaine de participants au maximum). Les détails de l’horaire seront publiés prochainement sur ce blog, mais vous pouvez d'ores et déjà retenir la date.